Team VG : quels sont les livres de SF qui vous ont le plus marqué ?
Chez Vonguru, nous sommes des passionnés, aux goûts différents. Cependant, si nous avons bien une chose en commun (parmi tant d’autres), c’est notre amour pour l’univers geek au sens très large du terme. Jeux vidéo, films, séries, romans, comics, mangas, la technologie et j’en passe. C’est avec cette passion commune que nous avons décidé il y a quelques temps maintenant de vous proposer une série d’articles un peu particuliers, afin de partager avec vous nos avis sur certaines thématiques.
Aujourd’hui, nous nous intéressons à la science fiction, et plus précisément aux livres du genre qui nous ont le plus marqués.
Pour connaître nos débats précédents, découvrez sans plus tarder nos derniers Team VG, avec nos configs PC, les meilleurs méchants à nos yeux et nos consoles préférées. Redécouvrez aussi notre vision des vacances connectées, de la saga Mass Effect, de nos héroïnes geek préférées, de notre Disney préféré du Second âge d’or, de nos smartphones coup de cœur et les jeux qui nous ont fait craquer pendant les soldes Steam, ainsi que notre X-Men favori, nos théories sur la saison 7 de Game of Thrones puis notre avis sur cette saison, notre top et flop 2016 en ce qui concerne le cinéma et les séries, des adaptations de zombies, des gadgets dont on ne peut plus se passer, du média qui domine à la maison, de Blade Runner 2049, de notre programme pour une fête d’Halloween parfaite, de la série Mindhunter, des saisons 1 et 2 de Stranger Things, du film A Beautiful Day, de notre style de jeu préféré, de la loi et de l’image des femmes dans le dixième art, de nos films, de nos séries préférées préférées de 2017, de la saison 4 de Black Mirror, de notre bilan de la Nintendo Switch, de nos YouTubeurs préférés, de la configuration de nos PC, de notre notre rapport aux crypto-monnaies, des casques utilisés au quotidien, de nos applis préférées, d’Infinity War sans oublier nos héros Marvel préférés ainsi que le Computex 2018. Dernièrement, nous vous parlions vacances et autres activités geeks, sans oublier la rentrée, mais aussi nos coup de cœur high-tech de l’année !
Reanoo
Difficile pour moi de définir de façon claire et absolue les contours du genre que serait la littérature SF, tant il y a de noms que je voudrais ou pourrais y rattacher. Si je suis friande de nouvelles diverses et variées, signés de noms d’auteurs plus ou moins obscurs allant de Lovecraft à Dmitri Glukhovski (Metro 2033) en passant par des auteurs regroupés dans une anthologie somme toute anonyme comme D’étranges visiteurs, où l’on retrouve ainsi pêle-mêle Théophile Gauthier, Julia Verlanger ou Robert Sheckley, ou qu’il s’agisse d’œuvres plus établies comme Le Meilleur des mondes ou 1984, je dois cependant reconnaître que je suis tout particulièrement sensible à l’œuvre SF d’Isaac Asimov.
Découvert sur le tard, le travail d’Asimov m’a cependant rapidement marquée. Hormis les fameuses trois lois de la robotique, qui sont désormais presque inscrites dans la conscience collective et qui permettent d’encadrer le simulacre de conscience accordé aux robots dans cet univers, c’est surtout les pistes de réflexion distillées par l’auteur qui ont su me convaincre, tout particulièrement dans le Cycle des robots. L’intégration aussi subtile que naturelle des questions liées au développement de la robotique, tant sur le plan technique qu’éthique, fait que l’on plonge sans même s’en rendre compte dans un monde technologiquement bien plus avancé que le nôtre, et pourtant potentiellement pas si distant.
Les thématiques abordées sont éminemment humaines, et tournent pourtant toujours autour des robots, nous poussant à nous interroger autant sur notre évolution technologique que sur notre propre vision du monde et de la technologie. La moralité des actions des robots est constamment mise en regard de la moralité de nos propres actes, de sorte que le robot semble parfois plus humain que l’Homme, dans un univers loin d’être manichéen, et que l’on s’attache plus facilement aux robots au centre de l’histoire qu’aux personnages humains, avec parmi les plus connus la robopsychologue Susan Calvin, femme à bien des égards acariâtre (du moins dans les livres, moins dans l’adaptation cinématographique libre qui en a été faite en la nature de I, Robot) faisant preuve d’une plus grande empathie envers les robots qu’envers l’Homme.
Moyocoyani
Dans des circonstances « normales », j’aurais probablement cité les romans de Philip K. Dick (Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques, Le Maître du haut château) comme les œuvres de science-fiction dont la lecture m’a le plus marqué. Et j’ai effectivement très hâte que l’excellente chaîne Extra Credits poursuive son exploration de la littérature de science-fiction pour en arriver enfin à K. Dick – cela ne saurait tarder, après Frankenstein, Verne, Wells, Lovecraft, Campbell, Gernsback, Asimov, Gibson et Heinlein, ses auteurs sont en train de conclure les vidéos consacrées à Arthur C. Clarke.
Mais depuis quelques mois – et pour encore quelques semaines – je suis coincé avec Transmetropolitan, le comics de Warren Ellis dessiné par Darick Robertson auquel j’ai consacré une conférence en juin lors d’un colloque sur l’homme futur, et dont je reparlerai en novembre pour en commenter l’héroïsme ambigu. Il m’est donc difficile de ne pas renvoyer toute discussion sur la science-fiction à cette œuvre culte, qui plonge le lecteur dans The City, une métropole états-unienne indéterminée dans un futur indéterminé, peut-être distant de plusieurs siècles, peut-être seulement d’une vingtaine d’années.
Dans Transmetropolitan, point de voitures volantes ou de pistolets laser. On évoque bien une rencontre avec des extra-terrestres, mais l’intrigue ne quittera jamais le monde connu, le personnage principal n’y sera jamais confronté, et pour le peu qu’on en sait, il pourrait très bien s’agir d’un mensonge du complexe politico-industriel.
Ce qui distingue avant tout techniquement cet univers du nôtre, c’est le développement des greffes. On peut désormais se greffer de l’ADN alien, ou emprunter temporairement des sensations animales « pour essayer », bref faire ce que l’on veut de son corps, bien au-delà du passage à un autre sexe ou à une autre couleur de peau, et l’État profite de l’individualisme forcené de la population à laquelle on fait croire qu’elle peut enfin affirmer son unicité, mettre parfaitement son corps en adéquation avec son esprit, quand on le plonge en fait dans le consumérisme le plus globalisant.
L’ultra-libéralisme commercial et moral, la capacité à modeler son corps sans réelles limites, induisent cependant une dévalorisation sociale du corps, perçu comme un matériau à transformer plutôt que comme un constituant de l’être. Rien n’empêche dès lors la ville du transhumanisme de se prêter au clonage humain, que ce soit afin de produire des personnes vierges de passé, et donc des politiciens vierges de casseroles, ou de l’alimentation à bas prix, la chair de personnes n’ayant jamais vécu n’étant plus finalement qu’une nourriture comme une autre.
Si les auteurs se moquent de certains excès et en dénoncent d’autres, le comics concède pourtant une certaine beauté à certaines innovations, comme ces êtres qui transfèrent leur esprit dans des nuages de nanoparticules. Le comics ne critique ainsi pas tant les individus que les mensonges auxquels ils adhèrent, et il préfère suspendre son jugement sur les technologies proprement dites que de les condamner. Transmetropolitan n’est ainsi pas seulement l’une des meilleures créations d’univers futuriste, en ce qu’il est étonnamment proche d’un avenir possible en plus de lier la variété des thèmes abordés par une histoire captivante, il est aussi un pamphlet profondément démocratique, particulièrement efficace et acéré. Une démarche que l’on espère retrouver dans le projet d’une adaptation sérielle qui redevient crédible après la concrétisation de Preacher et de The Boys, deux comics tout aussi provocateurs scénarisés par le grand ami d’Ellis Garth Ennis, le deuxième ayant été également dessiné par Robertson. Pourquoi alors ne pas chercher à briller en société en lisant Transmetropolitan avant que l’adaptation ne soit officielle ?
Macky : 1984
Publiée en 1949, l’oeuvre 1984 est toujours autant d’actualité, et tout aussi pertinente, même en 2018. C’est un livre de référence en matière de roman d’anticipation, qui a donné naissance à la notion de Big Brother, une métaphore des régimes totalitaires et policiers à la surveillance sans limite, ainsi que de la mort de la Liberté.
C’est un livre qui donne à réfléchir ; à réfléchir sérieusement. Si 1984 était un livre d’anticipation, dans quelle catégorie devons-nous le ranger de nos jours ? Lorsque nos villes sont toutes surveillées par des caméras ? Que nos faits et gestes sur internet sont tous renseignés quelque part ? Le succès de ce livre montre bien la résonance qu’ont ces thèmes avec nos préoccupations les plus contemporaines, 1984 ayant au moins autant de pertinence aujourd’hui qu’il en avait quand Orwell l’imagina. Après avoir lu ce livre il y a quelques temps déjà, j’ai eu la chance d’assister à une représentation de l’adaptation de Robert Icke et Duncan Macmillan à Londres en 2016, et je reste profondément marquée par cette expérience. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu, voici donc un petit résumé.
1984 se déroule à Londres, capitale de la première région aérienne de l’Océania, puissance mondiale se partageant la planète avec l’Eurasia et l’Estasia. Ces trois empires sont constamment en guerre. Océania a connu plusieurs révolutions depuis 30 ans dont un conflit atomique. Ce super-continent vit sous une dictature dirigée par Le Parti, qui est unique et commandé par un chef invisible dont les portraits sont partout : Big Brother. Ce dernier surveille cependant les moindres faits et gestes de chacun, d’où le slogan « Big Brother is watching you ! », un slogan qui a lui seul symbolise le régime. Trois autres slogans régissent cet univers : « La guerre c’est la paix », « La liberté c’est l’esclavage », « L’ignorance c’est la force ». Quatre ministères structurent ce gouvernement : Vérité, Paix, Amour, Abondance. De son côté, la population est répartie en trois classes : le Parti intérieur (les dirigeants), le Parti extérieur (les subalternes) et les prolétaires (les ouvriers et les travailleurs).
Winston Smith est le personnage principal de 1984. Il travaille au ministère de la Vérité et il a pour tâche de retoucher les journaux déjà parus pour corriger les erreurs du Parti ou de son leader, Big Brother. Sachez que le Parti ne se trompe jamais… Une fois l’Histoire réécrite, les erreurs ayant été gommées, on a donc la certitude qu’elles n’ont jamais existé. Le roman se déroule en trois temps : la lente marginalisation de Winston, qui devient progressivement « criminel par la pensée », puis « rebelle aux politiques du Parti », en osant une aventure amoureuse avec une jeune femme, Julia. Winston Smith et Julia tentent de s’aimer, mais cette forme de résistance se heurte à l’énigmatique O’Brien, l’un des espions du régime auquel Winston pense pourtant pouvoir se fier. Finalement, Winston est arrêté et torturé dans la troisième phase, avant d’être remis en liberté, totalement brisé.
Je ne peux QUE vous conseiller sa lecture, tant Orwell nous transporte dans un monde pas si éloigné du nôtre.