Team VG : la saison 4 de Black Mirror, digne suite de la série mythique de Charlie Brooker ?
Chez Vonguru, nous sommes des passionnés, aux goûts différents. Cependant, si nous avons bien une chose en commun, c’est notre amour pour l’univers Geek au sens très large du terme. Jeux vidéo, films, séries, romans, comics, mangas, la technologie et on en passe. C’est avec cette passion commune que nous avons décidé il y a quelques temps maintenant de vous proposer une série d’articles un peu particuliers, afin de partager avec vous nos avis sur certaines thématiques en les croisant.
Pour connaître nos débats précédents, découvrez sans plus tarder nos derniers Team VG, avec notre avis sur la saga Mass Effect, mais aussi nos configs PC, les meilleurs méchants à nos yeux et nos consoles préférées. Redécouvrez aussi notre vision des vacances connectées, nos héroïnes geek préférées, nos smartphones coup de cœur et les jeux qui nous ont fait craquer pendant les soldes Steam, ainsi que notre X-Men favori, nos théories sur la saison 7 de Game of Thrones, notre top et flop 2016 en ce qui concerne le cinéma et les séries ! Plus récemment, nous vous parlions des adaptations de zombies, des gadgets dont on ne peut plus se passer, du média qui domine à la maison, de Blade Runner 2049, de notre programme pour une fête d’Halloween parfaite, de la série Mindhunter, des saisons 1 et 2 de Stranger Things, du film A Beautiful Day, de notre style de jeu préféré, de la loi et de l’image des femmes dans le dixième art, de nos films et de nos séries préférées préférées de 2017.
Et aujourd’hui, place à notre avis sur la saison 4 de Black Mirror, disponible depuis le 29 décembre sur Netflix !
Épisode 1 : U.S.S. Callister
L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz :
Avec « U.S.S. Callister », la saison 4 de Black Mirror commence assez fort en rappelant qu’elle ne se laisse pas enfermer dans sa réputation mais continue de chercher d’autres moyens de raconter ses histoires, favorisant l’inattendu (la parodie de Star Trek et la dimension méta-vidéoludique) tout en restant fidèle à son ADN (une dystopie technologique, une personne copiée dans un univers virtuel…). Avec un génie timide, co-directeur d’une entreprise qui lui doit tout mais constamment écrasé, se vengeant en despote terrible dans une simulation où il a copié la personnalité de ceux qui lui ont marché sur les pieds et dont il a complètement le contrôle, on tenait quelque chose de formidable, principalement grâce à l’exploration de ce contraste psychologique : le personnage dont on a sincèrement pitié dans la vraie vie est celui que l’on abhorre dans le monde virtuel. Ce qui est une intéressante manière de penser notre propre rapport au jeu vidéo, où nous nous permettons régulièrement des actions dont nous serions tout à fait incapables dans la vraie vie sous prétexte de défouloir, de divertissement ou même d’expérience.
Sauf qu’à vouloir tenir dix discours à la fois l’épisode se perd complètement pour ne plus dire grand-chose finalement que de très bassement moralisateur, échouant à articuler ses idées avec une histoire, laquelle oublie assez vite le directeur au profit d’une héroïne-type et l’IRL au profit de l’IG, forcément plus manichéen et donc plus pauvre. Les personnages s’avèrent relativement unidimensionnels, la réflexion technologique assez nulle, l’intrigue téléscopée, cédant même aux sirènes du feel good là où le cynisme habituel aurait ouvert sur des perspectives plus satisfaisantes, pour le principe de donner le ton d’une saison plus légère que les précédentes… En somme, « U.S.S. Callister » est sympathique mais un peu quelconque, et fait davantage penser à un épisode moyen de La Quatrième dimension qu’à un épisode de Black Mirror, série connue pour en comporter très peu, et donc connue pour son efficacité et son ambition pour chacun.
L’avis de Lucile « Macky » Herman :
On commence assez fort cette nouvelle saison avec l’épisode « U.S.S. Callister ». Si au départ, je pensais ne pas visionner le bon épisode, ni même la bonne série au vu des premières images, j’ai vite compris là où les scénaristes voulaient en venir et j’ai nettement apprécié. Comme toujours, les Black Mirror ou BM pour les intimes (et/ou les flemmards) viennent à s’interroger sur les méfaits de notre société. On assiste ici à un questionnement sur le traitement des IA que nous faisons au quotidien, notamment au travers des jeux vidéo. Internet est d’ailleurs divisé sur la question, parlant d’un « happy end », mais est-ce vraiment le cas, au final ? Que faisons-nous, nous aussi, dans nos jeux vidéo ? Libre à vous de choisir votre interprétation.
Épisode 2 : Archange
L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz :
Terrorisée à l’idée de pouvoir perdre son enfant, une mère lui fait implanter un dispositif permettant de la localiser, de voir par ses yeux et même de brouiller sa perception, dont elle se persuade qu’elle ne l’use que pour la protéger des dangers de la vie. Une technologie que l’on a donc l’impression d’avoir déjà croisée d’innombrables fois dans Black Mirror, et dont Jodi Foster (bien plus connue devant la caméra que derrière) se sert pour questionner le rapport parent-enfant, les excès protecteurs du premier face aux excès libertaires du deuxième, et qui a l’avantage d’être pratiquement crédible.
Il n’y avait qu’un véritable danger à une telle intrigue, celui de la moralisation, et personne ne pourra nier qu’il s’y vautre allègrement, en ne se contentant pas d’analyser finement la manière dont le désir de protection finit par manifester une absence de confiance pourtant essentielle dans une pédagogie saine (aboutissant donc à des crises potentiellement plus graves encore chez l’enfant), et en préférant donner unilatéralement raison à l’enfant contre le parent. Cet éloge absolu du laisser-vivre a des airs de négation de tout rôle parental qui ne manque pas de laisser songeur, et qui vient largement pourrir un épisode déjà très moyen, recourant maladroitement à la technologie qui lui sert de prétexte et osant même des facilités (dans les coïncidences ou la violence des comportements) incompatibles avec la nuance exigée par un tel sujet.
L’avis de Lucile « Macky » Herman :
Dans ma lancée du premier épisode, et bien qu’ayant la ferme intention de ne pas engloutir toute la série d’une traite, j’ai donc lancé ce second épisode avec une certaine appréhension. En effet, voyant que tout tournerait ou presque autour d’une petite fille, je me suis dit que là encore, j’allais regretter d’avoir cliqué sur play. On connaît la série, avec le temps. Bien que certains épisodes marquent plus que d’autres, j’avais assez peur de ce que celui-ci allait me réserver. Presque, à regret, l’épisode s’achève me laissant un goût amer car honnêtement, vous nous aviez habitués à plus. Je ne sais pas si BM est devenu plus lisse (pour le moment en tout cas), ou si entre-temps ils m’ont transformée en psychopathe, mais il ne s’inscrit pas, pour moi en tout cas, dans la lignée des Black Mirror. En clair, il n’était pas assez profond, bien que la thématique soulevée vous donne la chair de poule.
L’avis de Laurianne « Caduce » Angeon :
On prend les bases habituelles de Black Mirror, et on recommence… en moins bien. Car s’il y avait résolument de l’idée dans ce traitement des thèmes de la sécurité, de l’enfance et de la parentalité, ce second épisode nous offre une intrigue fort prévisible et aux enjeux creux. Il y a quelques twists (enfin, un surtout), des pistes de réflexion intéressantes, mais pas l’âme des grands épisodes de BM qui nous marquent des jours durant. Le sujet méritait pourtant un soin et une intrigue bien plus fine, plus nuancée, pour en extraire toute la complexité. Il n’en ressort qu’une pâle tentative de rester dans l’esprit de la série, sans plus.
Épisode 3 : Crocodile
L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz :
Netflix oblige, certains épisodes du Black Mirror post-Channel 4 sont confiés à des réalisateurs reconnus. Après Joe Wright et Dan Trachtenberg dans la saison 3, John Hillcoat est sans doute le grand nom de la saison 4, et malgré l’inégalité de son cinéma (son The Road appartient aux adaptations les plus décevantes de l’histoire du cinéma et Triple 9 était un comble d’all-star gratuit au profit d’une intrigue ne méritant pas une seconde d’intérêt), ce que sa filmographie contenait de bon (The Proposition et surtout le très recommandable Des Hommes sans loi) constituait un argument de poids pour cette nouvelle batterie d’épisodes.
Or j’ai du mal à parler de « Crocodile » parce que je ne trouve pas grand-chose à en dire. Le pitch n’en était pas assez prometteur pour décevoir vraiment, la mise en scène est juste assez jolie pour éviter les reproches sans susciter l’admiration, l’histoire est juste assez cynique et violente (avec une femme en personnage principal, fait assez rare dans une intrigue pareille et donc digne d’être mentionné) pour compenser le fait qu’elle n’aille nulle part, comme le recours à la technologie est subtil mais creux, donc appréciable dans un premier temps et carrément oubliable en fin de compte. « Crocodile » n’est ainsi pas une catastrophe, juste un épisode dont il n’est pas utile de dire quoi que ce soit, qu’on peut regarder sans honte ou ignorer sans lacune.
L’avis de Lucile « Macky » Herman :
« Crocodile » nous propose ici une échelle de la violence et une échelle de la peur assez surréalistes, tout en restant à la fois réalistes. Oui ce n’est pas clair, je sais. On se demande à chaque minute de cet épisode comment on peut en arriver à ces actes, à ces choix. Ce qui est perturbant ici, c’est la psychologie du personnage, qui, sans spoiler, tentera tout pour que sa vie ne change pas. Rongée par la culpabilité, elle commettra des actes hautement immoraux. Mais dans quelle perspective ? Si tant est qu’elle réussisse, comment vivre après tout ça ?
L’avis de Laurianne « Caduce » Angeon :
Le troisième épisode commençait à me faire sérieusement douter du bon déroulement de cette nouvelle saison : car « Crocodile » explore à nouveau une idée beaucoup trop récurrente pour nous surprendre. Le contexte et le déroulement de l’intrigue n’aident pas à donner à cette vision de la technologie toute la profondeur qu’elle mérite… et que dire de ce twist final, un peu grossier et révoltant,qui semble n’être là que pour rattraper le creux de l’épisode. Si tout avait été du même ton que cette fin, là, on aurait pu toucher quelque chose.
Épisode 4 : Pendez le DJ
L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz :
« Hang the DJ » est la pépite de la saison 4 de Black Mirror, ce dont Charlie Brooker devait avoir conscience puisqu’il lui a donné la place qui est notoirement la plus stratégique dans l’ordre des épisodes, celle qui doit relancer l’intérêt du spectateur après la première moitié, comme « San Junipero » était le quatrième épisode de la saison 3. À vrai dire, le seul obstacle à mon plein divertissement pendant l’épisode était la certitude que toutes les questions que je me posais sur la cohérence de l’univers seraient déçues, parce qu’elles débordaient trop la relation entre le couple central pour justifier des réponses. J’en avais assez vite déduit une relative incohérence de cet univers, ou un silence facile montrant les excès technologiques à défaut de savoir les justifier.
Ce n’est que vers le milieu de l’épisode que j’ai commencé à en pressentir la fin, sans toutefois en être sûr puisque Brooker a le bon sens de détourner notre attention en plaçant nos hypothèses dans la bouche des personnages, et je peux dire qu’elle m’a grandement satisfait, apportant une dose conséquente de doux plaisir avec cette très légère pointe d’amertume qui en fait pleinement un épisode de Black Mirror. Et sur un point plus précis, j’ai regretté que ce soit l’homme qui commette « l’erreur » et non pas la femme, laquelle garde de bout en bout le « bon rôle », quand j’aurais aimé une plus grande égalité des qualités et des responsabilités…
L’idée au cœur de l’épisode est déjà étonnamment prometteuse, puisqu’elle ouvre sur de nombreuses perspectives interprétatives. Il semblerait qu’une technologie sélectionne des êtres humains pour les mettre en couple pendant un temps déterminé, de quelques heures à quelques années, prétendument pour collecter des données qu’elle pourra croiser afin de déterminer le compagnon idéal. Est-on donc dans un État fasciste/technologico-fasciste, manipulant les individus en leur promettant un bonheur toujours futur ? L’invitation de plusieurs couples au mariage de deux compagnons idéaux, avec discours sur l’efficacité de la technologie, serait ainsi une propagande joliment orchestrée. Ou est-on dans une espèce de lieu clos expérimental, ce qui expliquerait qu’on ne voie jamais aucun personnage gagner sa vie, et qu’ils semblent se trouver coupés du reste du monde par un mur ? Mais aucun ne parle jamais de l’ailleurs ou de politique…
Les contraintes de l’application semblent d’ailleurs mimer des contraintes sociales : les couples sont (presque ?) toujours hétérosexuels, leur rencontre se déroule toujours dans un restaurant (le même semblerait-il) avant qu’ils ne soient conduits dans une maison avec la liberté d’y faire ce qu’ils veulent, et l’obligation d’y vivre le temps imparti, belle métaphore de la ritualisation sociale des sentiments, en même temps que critique de la tendance contemporaine à vouloir toujours accélérer les choses. Les individus peuvent d’ailleurs se sentir très bien et se séparer malgré tout, avec maladresse et incompréhension, vivre longtemps des relations abusives ou décevantes sans oser en sortir, être si déçus qu’ils accumuleront avec lassitude les expériences courtes… ce qui n’est assurément pas le cas que dans ce monde fictif.
Alors même qu’on a vite envie de le percevoir comme une dystopie, on cherche la preuve que ce système ne fonctionne pas, et rien ne nous le confirme jamais. Peut-être que les individus sont si détruits par leurs échecs successifs qu’ils sont prêts à être liés avec la première personne venue que l’application désignera comme leur compagnon idéal. Peut-être qu’effectivement les individus doivent passer par différentes relations, plus ou moins décevantes, pendant plus ou moins longtemps, afin de trouver un partenaire idéal, et aussi dénuée de conscience qu’elle puisse paraître, l’application est peut-être la solution optimale, la plus efficace et la plus rapide pour parvenir à un bonheur durable.
La technologie est donc ici singulièrement amorale, et c’est un fascinant succès que de susciter autant d’incertitudes avec une technologie aussi clairement définie et aussi contraignante, pourtant aussi difficile à juger, en se contentant de raconter une histoire sans l’utiliser comme prétexte pour une banale leçon de vie. « Hang the DJ » n’est d’ailleurs pas que le titre d’une chanson de l’épisode, il s’agit surtout d’une injonction à supprimer ce qui cherche de l’extérieur à rythmer nos vies, à nous faire danser sur le mauvais pied, pour trouver notre propre musique – et dans un épisode qui n’est pas du tout musical, on peut dire que la métaphore fonctionne sans niaiserie et sans évidence.
Ce quatrième de la nouvelle saison de Black Mirror est donc dans la droite lignée de « Be right back » et « San Junipero », et il ajoute, à cette capacité à susciter des émotions par son humanité, un scénario intriguant, efficace sans être elliptique, exploitant la technologie à deux niveaux, mélangeant habilement de nombreux thèmes (le rapport addictif à la technologie, l’autoritarisme informatique, le culte moderne de l’efficacité au détriment du libre-arbitre et de l’épanouissement personnel, le monde comme simulation, le doute sur le sens de la vie, le contrôle sur les sentiments…), en somme très satisfaisant tout en préférant le mignon au sordide, paradoxalement original et tout à fait respectueux de « l’esprit Black Mirror ».
L’avis de Laurianne « Caduce » Angeon :
Et le miracle fut. Enfin un vrai épisode qui renoue avec l’ambiance, l’audace et l’aspect qualitatif que l’on est en droit d’attendre de Black Mirror. Sur un sujet d’apparence plus léger (à la manière d’un « San Junipero » et « Chute Libre »), le quatrième épisode de BM nous dévoile une nouvelle vision de l’amour, technologie au premier plan bien sûr. Cela donne une intrigue, des perspectives et réflexions intéressantes, sans parler de l’humour, du jeu d’acteur attachant. Si l’on pourrait aisément reprocher une certaine forme de « niaiserie » à l’épisode, « Hand the DJ » surprend sans tomber dans le grotesque, émeut par son humanité et l’aspect hautement nuancé de son propos. Enfin, BM is back !
Épisode 5 : Tête de métal
L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz :
Quand je lisais dans Les Inrocks que « Metalhead » « fait figure de trip narratif et formel », « capté dans un étonnant scope noir et blanc et quasiment muet », « croisement sauvage entre Terminator et Duel », je m’étais assez vite figuré que l’épisode serait mon préféré de cette saison de Black Mirror, et l’un de mes préférés de la série. D’autant qu’il est réalisé par David Slade, l’homme à qui on doit quand même les trois premiers épisodes (extraordinaires) d’American Gods, quelques contributions à Hannibal, les clips remarqués de plusieurs Muse, System of a down et du mythique Clubbed to Death de Rob Dougan, et quelques films parmi lesquels 30 Jours de nuit et surtout Hard Candy. Un individu bien capable donc d’expérimentation visuelle et de narration stylisée… quand il en a les moyens scénaristiques et financiers.
Or il faudrait déjà nuancer les assertions des Inrocks en faisant valoir que le noir et blanc, pour original qu’il soit, n’est pas non plus un parti-pris exceptionnel, et qu’il permet certes de faire le lien avec Le Dernier Combat de Besson ou l’édition Black & Chrome de Mad Max : Fury Road, mais aussi de servir de cache-misère – ce qu’il ne fait pas toujours assez bien d’ailleurs. La dimension « quasiment muette » de l’épisode est par ailleurs grandement exagérée – Le Dernier combat était quasiment muet oui, alors que dans « Metalhead » les personnages parlent quand même à chaque fois qu’ils en ont l’occasion. Ce qui est de surcroît peu impressionnant dans un épisode d’une quarantaine de minutes, le plus court de toute la série il me semble…
« Metalhead » n’est pas mauvais pour autant, il offre une divertissante course-poursuite avec quelques traits (le noir et blanc, le post-apo, la linéarité) effectivement inhabituels dans Black Mirror et changeant donc agréablement des épisodes plus convenus (Arkangel, Crocodile). Le titre même est assez appréciable dans son amusant double-sens, la tête de métal étant aussi bien celle du robot qu’elle peut qualifier le personnage principal et son obstination à survivre. Simplement on ne sent pas Slade tout à fait à l’aise, et il faut attendre l’épilogue, après un dénouement étrange pour le personnage, presque incohérent, et beaucoup trop plat, pour voir malgré tout poindre le début d’une idée, preuve s’il en fallait que l’épisode n’a pas été le bac à sable où l’esthète aurait pu s’en donner à cœur joie (ce que devrait être l’épisode d’une série anthologique), dommage.
L’avis de Laurianne « Caduce » Angeon :
C’était pourtant si prometteur, et ce dès les premières images et ce parti pris du noir et blanc, dans un décorum résolument post-apo. De quoi générer un petit mouvement de hype dès les premiers instants. « Metalhead » n’est pourtant pas totalement à jeter : plus action que réflexion, ce cinquième épisode de BM nous offre quelques beaux instants de course et d’adrénaline efficaces et bien orchestrés. On ne retrouve rien à redire sur cet aspect plus vivant à vrai dire, mais en imaginant que « Metalhead » aurait pu proposer quelque chose de plus fouillé, à commencer par le pourquoi, la raison d’être du « Mal » technologique (plutôt cute qu’effrayant à première vue, je ne parvenais pas à en être terrifiée en tout cas…), on se met bien vite à se dire que l’épisode aurait pu être meilleur encore. Et pourtant, il prend fin avant d’avoir pu nous apporter le moindre début de réponse : à la manière d’un The Road qui n’explicite jamais la raison du déclin d’une civilisation, « Metalhead » occulte toute réflexion pour se concentrer sur une sensation de course effrénée et de violence, aussi diaboliquement efficace que creuse dans son propos plus profond.
Épisode 6 : Black Museum
L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz :
Après les excellents White Bear et White Christmas, il était difficile d’apprécier pleinement Black Museum et son histoire-cadre prévisible, grossièrement ficelée et au fond malhonnête (pourquoi insister sur la panne de la voiture si la visite était volontaire, sinon pour tromper le spectateur ?). En enchâssant trois récits (en plus donc du récit-cadre) dans une durée normale d’épisode, Black Museum est naturellement (en fait artificiellement) efficace, mais aussi frustrant, parce que la deuxième histoire (étonnamment prenante) aurait par exemple mérité un épisode à part entière, la troisième éventuellement aussi, et qu’il est donc difficile de se satisfaire de leur traitement sommaire et par conséquent froid clinique pour être touchant. Bien sûr, l’épisode veut attirer l’attention par sa dimension méta-fictionnelle.
Son titre évoque Black Mirror, et le fameux Black Museum montre rapidement des reliques d’autres épisodes, juxtaposant les objets comme la série anthologique juxtapose les épisodes. Même le fait qu’un personnage raconte trois histoires, en fait liées entre elles, dans un seul épisode, veut montrer l’unité que la série trouve dans son thème et dans son auteur, Charlie Brooker, malgré la diversité des castings, espace-temps et technologies. La démarche est donc intéressante pour qui en comprend le sens profond derrière l’amusant rideau, et je n’ai pas trouvé ce sens profond, je n’ai pas compris ce que Black Museum disait de Black Mirror étant entendu que le personnage féminin est un avatar du spectateur confronté à l’étrangeté souvent sordide et tordue des technologies du musée (=des épisodes/=des technologies de notre monde et futures).
Plutôt qu’un sens profond j’ai cru y percevoir une insolence, une forme d’auto-dérision, comme si l’auteur faisait le sale gosse et s’amusait à détruire ou déconstruire tout ce que Black Mirror à façonné, au point d’évoquer avec une ironie mordante la commercialisation des produits dérivés autour d’une série plutôt anti-système dans le message de ses épisodes. Celui-ci veut faire croire qu’il se questionne lui-même mais n’en dit pas grand-chose, et met plutôt à jour ses ridicules, sa propre vacuité, dans une intrigue cynique, misanthrope, sadique, fun, grotesque et manichéenne, cherchant peut-être justement à susciter du divertissement par son manque de profondeur effective. C’est une démarche légitime à l’échelle d’un épisode, dont je ne regrette qu’une manière de procéder inférieure au résultat, dont on aurait par exemple imaginé qu’il explore plus d’artefacts, et accorde une plus grande importance à la dramaturgie dans son récit-cadre, quitte à atteindre l’heure et demie.
L’avis de Laurianne « Caduce » Angeon :
On pourrait croire que ce dernier épisode cherche à compenser le vide évident des premiers de la saison, en proposant ici un épisode un peu plus long dans lequel s’enchevêtrent trois histoires percutantes. Déjà, ces trois histoires auraient chacune mérité son propre épisode. Ensuite, ce dernier épisode semble vouloir, à l’instar d’une des clés du scénario, donner le clou du spectacle. On se retrouve dans ce musée atypique, bien conscient qu’ici, rien ne sera dû au hasard. Si les narrations sur plusieurs niveaux proposent chacune leur sombre miroir, on en devine facilement les penchants vertueux, et pernicieux : rien de très neuf à l’horizon. Le caractère très immoral de chaque histoire suffit cependant à nous tenir en haleine, dans une sorte de foire au sordide : si l’on pourrait donc reprocher à « Black Museum » de trop donner dans le grandiloquent et le glauque, j’ai justement trouvé ici que le côté cirque malsain, foire au monstre suffisait amplement à nous scotcher à notre siège. Ajoutez à cela la violence visuelle tant qu’émotionnelle de la série, une pincée de vengeance et de folie, et vous obtenez un cocktail détonnant pour finir cette saison sur une note plus jouissive qu’elle n’aura commencé. On regrette néanmoins que cette quatrième saison demeure à ce point inégale, là où la saison 3 offrait, à mon sens, quelques pépites, des épisodes impeccables devenus certains grands classiques de Black Mirror.
Sur l’ensemble de la saison 4
L’avis de Paul-Antoine « Orla » Colombani :
La saison 4 de Black Mirror me laisse un goût amer. Grande et puissante par moments. Un peu en déclin dans d’autres, peut-être la faute à un concept qui surchauffe ou qui commence à se regarder (un peu trop) le nombril. L’épisode 2 intitulé « Archange » est assez révélateur des problèmes qui peuvent parcourir la série : le sujet, largement défloré supra, est finalement assez banal et la construction même de l’épisode, sa forme donc, ne rend pas hommage à la thématique abordée. Enchainement de situations cliché, de stéréotypes, et une fin rapide et bâclée. Tout n’est pas à jeter mais rien n’est à garder.
Après une troisième saison qui donnait vraiment de l’ampleur à Black Mirror, précédée d’un épisode spécial Noël que je trouvais tout à fait dans l’esprit malsain de la série, Charlie Brooker semble avoir du mal à passer la quatrième (mon meilleur jeu de mots ever), certainement parce que le concept s’essouffle. Certainement parce que la série commence à adopter un ton moralisateur qui ne lui sied pas.
Reste que certains épisodes sortent du lot, notamment dans leur esthétique: « U.S.S. Callister », amusant pastiche de Star Trek mais dont le propos reste finalement peu dérangeant, le spectateur ayant du mal à s’attacher à une situation cette fois-ci trop éloignée du réel. Trop science-fictionnelle. Finalement, c’est le dernier épisode, « Black Museum », qui m’aura particulièrement plu, j’ai apprécié ses histoires enchevêtrées et son twist du plus bel effet. Le conteur, incarné par Douglas Hodge, raconte l’histoire des gadgets qu’il a lui-même conçus, peut-être une manière pour Charlie Brooker de se mettre en scène et de revenir sur le succès de la série, au moins critique, une manière de réfléchir sur cette mythologie du miroir noir, ce qui donnerait un sens au titre même de l’épisode : un musée abritant les souvenirs, les histoires vraies (et c’est la définition que l’on doit donner au mot mythe), de cette quatrième saison.
L’avis de Juliette « Artichèvre » Déprez :
Black Mirror est parmi mes séries préférées mais je suis bien obligée d’admettre qu’elle perd son essence du début. Même si j’ai préféré certains épisodes de la saison 4 à d’autres épisodes des saisons précédentes, cette saison dans sa globalité ne m’a pas réellement marquée.
Et pour cause, malgré des moments forts sympathiques j’ai trouvé que de nouveaux concepts avaient du mal à émerger. On commence à ressasser des thèmes, reprendre des technologies qui avaient déjà été abordées dans d’autres épisodes, etc. Par exemple la problématique posée par « U.S.S. Callister » est finalement la même que dans « White Christmas » (une copie de conscience humaine est réduite à l’esclavage). Pas de grandes nouveautés donc au niveau des technologies exploitées dans ces six épisodes de la saison 4.
Un autre point qui ne grave pas la série dans ma mémoire : la plupart des épisodes finissent « bien » ou de manière juste en tout cas. Fait plutôt rare dans Black Mirror voire quasi inexistant, et c’était un des éléments qui ancrait les épisodes profondément dans ma tête (« White Bear », « White Christmas »).
Mon avis sur le dernier épisode est finalement assez nuancé car j’ai beaucoup aimé la deuxième histoire du musée (qui pour le coup m’a marquée par sa fin) cependant l’épisode dans sa globalité n’est pas assez exploité à mon goût (et comme je le disais au-dessus, justice est finalement faite, l’épisode se termine sur une note positive et est donc moins marquant).
Black Mirror reste une excellente série à laquelle j’ai pris grand plaisir à regarder mais n’est plus aussi surprenante qu’auparavant.