Peanut Club : le party game qui vaut son pesant de cacahuètes, de chameaux et de dollars
Avec Montana, avec Five Tribes et surtout avec Amun-Re, le jeu de cartes, nous avions montré comment le jeu de société pouvait s’emparer d’un système d’enchères, en le thématisant plus ou moins, soit en le plaçant au cœur de ses mécaniques, soit pour en faire l’aspect interactif de son gameplay. Et si on faisait des enchères le thème-même du jeu ?
C’est ce que propose Peanut Club, le party-game déjanté et malin développé par Henri Kermarrec (Freak Shop, Ekö, Siggil) et illustré par Kevin de Castro et Gray Shuko pour les bûcherons de Lumberjacks Studio (Karmaka, Gob’z’heroes). S’adressant à trois à six joueurs de huit ans et plus pour des parties d’une vingtaine de minutes, il est disponible pour environ vingt euros (quelques poignées de cacahuètes).
Un jeu qui n’est pas passé par les enchères
Au commencement, il y avait une salle de ventes désireuse de donner une image plus jeun’s, plus ancrée dans la modernité, de ces lieux barbants où de vieux riches acquièrent des antiquités poussiéreuses, et passant donc commande d’un jeu de société promotionnel.
Henri Kermarrec en entend parler, et développe Qui dit mieux, un jeu d’enchères minimaliste consistant en une cinquantaine de cartes achetables avec une monnaie, et dont l’intérêt était surtout l’imitation d’une véritable salle d’enchères à la criée, en temps réel, tranchant par son amusant chaos avec le tour-par-tour trop propret de la plupart des autres jeux à enchères.
Évidemment, une fois le développement terminé et le jeu illustré, pas de nouvelles de la salle de ventes, et Qui dit mieux finit dans un purgatoire d’idées à abandonner ou à mûrir. Pour notre plus grand bonheur, puisque suite à une révélation, Kermarrec a la judicieuse intuition qu’avec trois monnaies, voire quelques pouvoirs pour renverser leur cours, il tient quelque chose de très prometteur, de dynamique et de complètement barré, que traduirait mieux le titre Peanut Club. Une impression confirmée aussitôt qu’il montre le prototype à Lumberjacks Studio, dont le coup de cœur aboutit à un contrat immédiat.
(Vous pouvez lire ici le détail de ce parcours peu mouvementé, néanmoins toujours intéressé)
Les enchères, c’est rigolo
Pour commencer à enchérir, il faut de l’argent. Tous les joueurs piochent deux par deux des cartes « Monnaie » jusqu’à dépasser un total de 35, cacahuètes, chameaux et millions de dollars confondus. Chacun n’aura ainsi pas le même nombre de cartes total, ni le même nombre de cartes de chaque devise, malgré une relative égalité générale.
Puis, pour enchérir, il faut des objets sur lesquels enchérir. On commence par regarder le dos de la première carte de la pioche, indiquant un chiffre entre 1 et 3, qui correspond au nombre d’objets appartenant au prochain lot. Une fois celui-ci révélé, les joueurs peuvent dans le désordre le plus absolu annoncer le prix de leur choix, à la double-condition de pouvoir l’honorer, et qu’elles est supérieure à la précédente. Quand enfin le silence se fait, le lot est logiquement attribué au dernier enchérisseur.
Les drôles d’objets de la foire d’empoigne
Vous trouvez le gameplay trop sage ? Vous n’avez rien vu, regardez bien ce qu’on vous propose d’acheter. Le David Bowie de Michel-Ange, le réfigérateur Han Solo, le Sarcophage maudit de Michael Jackson… les objets de Peanut Club jouent sur les références les plus geek, les associations fantaisistes à la When I Dream, ou simplement sur le décalage (pourquoi acheter un vélo à réacteur quand on peut acquérir un canard en plastique ?), un atout bienvenu pour rendre le jeu irrésistible.
Chacun de ces objets appartient à deux collections parmi huit. En fin de partie, vous obtiendrez trois points de victoire pour chaque lot de trois objets de la même collection, plus un point de victoire par objet de luxe ou antique. Chaque joueur possède de surcroît une spécialité secrète, qui lui rapporte un point supplémentaire par objet relevant de cette spécialité. Un système qui peut évoquer une simplification de celui d’Ex Libris.
Le cours du chameau et de la cacahuète
A priori, les millions de dollars valent davantage que les chameaux ou les cacahuètes, vous en conviendrez. Avant de lire les règles, vous supposiez dont peut-être, et avec bon sens, qu’il valait mieux avoir des millions de dollars, et que les deux autres « monnaies » ne servaient qu’en ultime recours, un peu comme quand les capsules de coca deviennent l’ultime devise d’un monde où l’argent n’a plus que la valeur du papier sur lequel il est imprimé.
Mais raisonner avec bon sens dans Peanut Club, vous devez l’avoir compris, est absurde. Si les trois monnaies ont bien une valeur différente, celle-ci fluctue quand les joueurs utilisent leurs jetons. Vous croyez remporter une enchère haut la main avec vos millions de dollars, et voilà qu’un krach boursier orchestré par l’un de vos rivaux leur accorde soudain moins de valeur qu’aux cacahuètes ! Règle d’or du bon échérisseur : toujours avoir l’oeil à la fois sur le cours actuel des monnaies et sur les jetons de vos adversaires, afin de prévoir le pire…
Ainsi, les joueurs ne sont jamais laissés pour compte, contrairement aux jeux d’enchères avec une seule monnaie, où celui qui détient le moins sait qu’il possède le plus bas pouvoir d’achat…
Chaque collectionneur du Peanut Club possède cinq jetons à usage unique, Niet, Abracadabra, Crash, À la carte et Convert, qui ont respectivement pour effet d’interdire une devise, de multiplier par deux une de ses cartes, de changer le cours de la monnaie, de remettre une enchère à zéro, de transformer l’une de ses devises en une autre, la plus profitable du moment. Inutile de dire qu’ils vont rajouter au chaos ambiant, et régulièrement désespérer le joueur qui, certain de remporter la mise, se rendra compte que ses toutes-puissantes cacahuètes ont soudain été supplantées par les insipides et si vulgaires millions de dollars…
Un party game exemplaire
On mesure le succès de ce genre de jeux au fait que les joueurs se sentent encouragés à faire des acquisitions non tactiques, pour leur simple agrément. Et de fait, les fans de Dragon Ball, de Retour vers le futur ou de musique pop se sentiront souvent irrésistiblement attirés vers des objets ne collant peut-être pas du tout à leur collection, et pourraient même, dans la fébrilité du moment, y consacrer une fortune ! C’est aussi ce qui fait regretter la présence de trente objets à peine, quand leur diversité aurait davantage pimenté les parties en y ajoutant une part de surprise.
Peanut Club est sans doute le plus party game des party games testés à ce jour sur VonGuru, celui sur lequel on aime le plus s’écharper, qui suscite le plus facilement cris et fous rires. S’il ne paraît pas très fin, vous vous rendrez compte qu’il est très loin d’être bête, et que la victoire ira souvent au perfide qui, donnant l’illusion de jouer n’importe comment, a tout calculé, tout prévu, sans s’interdire quelques amusantes folies. Un jeu chaotique et jubilatoire récompensant pourtant la stratégie, que demande le peuple des ludophiles ?
Pour consulter nos précédents articles consacrés au jeu de société : Sherlock Holmes, Détective conseil, Mechs vs. Minions, Zombicide, Mr. Jack, Small World, Unlock ! et Unlock! : Mystery Adventures, Loony Quest, T.I.M.E. Stories, Château Aventure, Zombie Tsunami, Smash Up et Star Realms, Vikings Gone Wild, Les Montagnes hallucinées, Adrénaline, deux Coffres des joueurs (le premier comportant comportant Clank!, Wendake, et Light Hunters, le deuxième Exit, Montana, Ganymède et U.S. Telegraph), Imaginarium, puis Professeur Evil et la Citadelle du Temps, Caverna – caverne contre caverne, Pocket Ops, Not alone, Minuit, Meurtre en Mer, Taverna, Concept, Dice Throne, When I Dream, Ex Libris, Fruit Ninja : Combo Party, 7 Wonders, Les Aventuriers du rail : New York, Tokaido et ses extensions, Deckscape, Kingdomino, Queendomino, Okiya, Age of Towers, Amun Re, l’escape box Dinosaures, les escape books La Marque de Cthulhu et Le Piège de Moriarty, Five Tribes.