Les Aventuriers du Rail : New York – version compacte pour les grands voyageurs
Parce que de plus en plus de jeux de société adhèrent aux thématiques geek, voire s’inspirent de mécaniques de jeux vidéo (après en avoir favorisé l’émergence), et parce que plusieurs d’entre vous les pratiquez assurément avec autant de passion que nous, il semblait essentiel de vous en présenter enfin quelques-uns ! Après Sherlock Holmes, Détective conseil, Mechs vs. Minions, Zombicide, Mr. Jack, Small World, Unlock ! et Unlock! : Mystery Adventures, Loony Quest, T.I.M.E. Stories, Château Aventure, Zombie Tsunami, Smash Up et Star Realms, Vikings Gone Wild, Les Montagnes hallucinées, Adrénaline, deux Coffres des joueurs (l’un comportant Clank!, Wendake, et Light Hunters, l’autre U.S. Telegraph, Ganymède, Montana et Exit : l’île oubliée), Imaginarium, puis Tokaido, Professeur Evil et la Citadelle du Temps, Caverna – caverne contre caverne, Pocket Ops, Not alone, Minuit, Meurtre en Mer, Taverna, Concept et When I Dream, nous allons nous intéresser aux Aventuriers du Rail : New York.
La première version des Aventuriers du Rail, sortie en 2004, avait pleinement participé à cette vague de jeux de société qui avait révolutionné le genre, et à laquelle on doit la richesse des propositions contemporaines. Ayant obtenu pas moins que l’As d’or et le Spiel des Jahres (les deux récompenses européennes les plus prestigieuses), le jeu avait assez logiquement connu beaucoup d’itérations, aux États-Unis, en Europe, en Scandinavie, en Inde, en Afrique, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Asie, aux Pays-Bas, en France, autour du monde, sans même compter les nombreuses versions de fans. Il avait même été adapté pour les enfants dans Les Aventuriers du Rail : Mon Premier voyage, avec une version États-Unis et une version Europe.
Certaines de ces versions pouvaient cependant occuper deux à cinq joueurs pendant trois quarts d’heure à une heure, sans compter une mise en place un peu longue étant donné le nombre d’éléments à placer, et à l’époque de l’accessibilité, il fallait s’attendre à ce que Days of Wonder (Small World) édite une version plus compacte et légèrement simplifiée, pratiquement une version de voyage, de son jeu culte. Toujours conçu par Alan R. Moon et illustré par Julien Delval (Citadelles, When I Dream), Les Aventuriers du Rail : New York est ainsi le premier jeu de la franchise à se dérouler dans une seule ville, troquant les habituels trains contre les fameux taxis jaunes de la Big Apple.
Pour deux à quatre joueurs, Les Aventuriers du Rail : New York est aussi de le seul des Aventuriers du Rail dont le prix se contente d’avoisiner les 20 euros, et dont la durée ne dépasse pas les quinze minutes, un exploit qui a de quoi surprendre les habitués de la série !
Un Empire du Taxi…
Le principe des Aventuriers du Rail : New York est le même que celui des versions classiques : chaque joueur doit bâtir son empire des transports pour relier le plus de lieux possibles et afficher la supériorité de son réseau.
Le plateau consiste ainsi en une carte de l’arrondissement de Manhattan, sur laquelle apparaissent des lieux et stations touristiques reliées par des routes colorées, jaunes, noires, rouges, vertes, bleues, roses ou grises.
Chaque joueur possède une compagnie de taxis d’une couleur bien distincte (jaunes, noirs, rouges, verts, bleus, roses), avec lesquels il devra investir New York. Il dispose pour cela en début de partie de deux cartes Transport dans sa main, et d’une pile publique des mêmes cartes dont cinq sont révélées.
Or ces cartes Transport sont jaunes, noires, rouges, vertes, bleues, roses ou multicolores. Vous voyez probablement où le jeu veut en venir : pour occuper une route d’une couleur, il faudra vous défausser d’autant de cartes de cette couleur que la route comporte de tronçons. La route entre Chelsea et Gramercy Park est par exemple jaune et divisée en deux tronçons, il faut donc vous défausser de deux cartes jaunes de votre main pour y poser vos taxis.
Comme vous vous en doutez, la carte multicolore peut remplacer n’importe quelle carte, et n’importe quelle couleur peut permettre d’occuper un tronçon de route gris. Et les routes mesurent toutes entre un et quatre tronçons, ce qui éloigne cet Aventuriers du Rail : New York des versions ferroviaires, au réseau naturellement beaucoup plus étendu, et contribue grandement à l’extrême concision de ce jeu pocket face à ses aînés.
… à bâtir kilomètre après kilomètre
À chaque tour, vous aurez ainsi le choix entre prendre deux cartes Transport (l’une des cinq visibles ou la première de la pioche), prendre possession d’une route, et reprendre des cartes Destination.
Ces cartes Destination montrent deux Lieux et un certain nombre de points. Si vous reliez ces Lieux d’une manière ou d’une autre, vous remportez les points correspondants… sinon, vous les perdez. Ces cartes peuvent donc être votre plus grand atout comme votre plus grande malédiction. C’est pourquoi, quand vous en piochez deux (que ce soit au début du jeu ou en guise d’action), vous pouvez les conserver toutes deux ou en défausser une. Rien ne vous garantit après tout contre les appétits de vos rivaux, qui risquent de vous boucher le passage pour remplir leurs propres objectifs…
Il faut dire que peu de routes sont des deux voies, et peuvent donc être partagées avec un rival – et quand on joue à deux, les deux voies n’en comptent plus qu’une. En bon capitaliste, il faut donc penser efficacité, chaque action réalisée à la va-vite, chaque route détournée, pouvant vous éloigner fatalement du monopole désiré.
Le jeu s’achève quand un joueur ne possède plus que zéro à deux taxis dans sa réserve. On réalise alors un tour complet avant de comparer les réussites de chacun. Chaque route à un tronçon rapporte un point à son propriétaire, deux tronçons rapportent deux points, trois tronçons quatre points, quatre tronçons sept points. On y ajoute les points des cartes Destination que l’on révèle alors, puis on gagne un point par Attraction touristique reliée à l’une de ses routes. Le joueur avec le plus de points devient le Roi des Taxis new-yorkais.
Tourisme et capitalisme
Les Aventuriers du Rail est un jeu presque abstrait, dans la plus pure tradition de l’« eurogame» . On a beau se dire qu’on y pose des rails pour relier des villes, il s’agit essentiellement d’occuper des portions d’espace avec des pions correspondant à ces portions, le thème restant globalement en retrait (vous n’avez pas à approvisionner vos locomotives, vous ne pouvez pas faire dérailler vos adversaires…).
Cela participe à sa force auprès d’un public averti, mais une plus grande accessibilité devait assurément passer par une meilleure thématisation. La réduction d’échelle, non seulement à une ville (New York) mais à un quartier mythique (Manhattan), permet un plateau plus vivant, aux couleurs d’une Big Apple fantasmée, et couvert de sites touristiques globalement connus.
Sites touristiques qui ne sont pas qu’un habillage, puisqu’ils correspondent à des stations rapportant des points supplémentaires : ce n’est donc pas tout que de faire des routes, encore faut-il songer à faire les bonnes. Même si ce point est relativement dérisoire, il permet d’attacher une importance plus grandes aux illustrations et stations correspondantes, et contribue à établir une géographie mentale de New York pour ceux qui n’ont jamais visité la ville.
Malgré le minimalisme de cet Aventuriers du rail (presque) pocket, sa légèreté et l’admirable simplification de ses règles, l’habillage a fait l’objet d’un soin indéniable, pour les petits taxis en plastique qui servent de jetons aux joueurs, pour le plateau, et surtout pour les très jolies cartes Destination et… pour le livret de règles, qui prend l’allure d’une brochure touristique !
Des taxis au lieu des trains
Encore une version des Aventuriers du rail ? Oui, mais l’une des mieux justifiées : il ne s’agit pas seulement cette fois de changer de lieu, mais de revoir l’habillage, le poids et les règles, d’adapter le jeu original dans un autre format, plus accessible. Frustrant pour les joueurs experts peut-être, qui pourront protester contre la simplification extrême d’un jeu connu pour le sens de la stratégie auquel il faisait appel, mais ceux-ci aussi trouveront du plaisir à cette version flash, sans prise de tête, immédiatement assimilable, qui leur servira à introduire leur jeu préféré auprès d’un public jeune et/ou inexpérimenté, et à en profiter quand ils n’auront que quinze minutes devant eux (quand il arrivait que la version classique de prendre la poussière tant sa longueur pouvait la rendre difficile à sortir) ! Pour seulement 20 euros et en seulement 20 minutes, Les Aventuriers du Rail : New York a ainsi enfin de quoi satisfaire des joueurs habituellement laissés pour compte (y compris les aficionados du 2 joueurs) et se tailler une place dans toutes les ludothèques !