JEUX DE SOCIÉTÉ GEEK, VOL.6 : Mr. Jack

 

Parce que de plus en plus de jeux de société adhèrent aux thématiques geek, voire s’inspirent de mécaniques de jeux vidéo (après en avoir favorisé l’émergence), et parce que plusieurs d’entre vous les pratiquez assurément avec autant de passion que nous, il semblait essentiel de vous en présenter enfin quelques-uns ! Après Sherlock Holmes, Détective conseil, Mechs vs. Minions, Zombicide, Unlock ! et Small World, voici la nouvelle curiosité que nous vous invitons à découvrir, Mr. Jack !

Alors que le jeu textuel Sherlock Holmes vous proposait, avec son extension, d’incarner un acolyte du célèbre détective pour résoudre les crimes de Whitechapel, le célèbre Bruno Cathala (Five TribesYamatai,…) s’est associé à Ludovic Maublanc (Le Donjon de NaheulbeukAttack on Titan,…) et à l’illustrateur Pierô La lune (Dixit) pour un jeu de plateau vous mettant au choix dans la peau de l’Éventreur ou d’un inspecteur cherchant à l’arrêter, chacun s’appuyant sur un certain nombre de personnages pour parvenir à ses fins.

Pour découvrir le fonctionnement du classique Mr. Jack développé en 2006 par Hurrican et disponible pour une trentaine d’euros, puis celui de sa version Pocket de 2010 (environ 15 euros), nous avons retrouvé des archives inédites témoignant de la lutte acharnée que se sont livrés l’Éventreur et le mystérieux Enquêteur, que nous vous laissons découvrir en exclusivité !

Précisons que Mr. Jack connaît d’autres itérations, dont une extension pour le jeu de base (environ 15 euros) et un autre jeu complet, un peu plus technique apparemment, Mr. Jack à New York, dont il ne sera pas question ici puisque nous n’y avons simplement pas joué.

 

L’Enquêteur et l’Éventreur à Londres

Rapport de police de l’inspecteur Abberline, daté du 9 octobre 1888 :

Au soir du 17 novembre, vers 19 heures 30, il n’y avait du fait du couvre-feu qu’une dizaine de personnes encore présentes dans Whitechapel, pour moitié des forces de police et des personnes mandatées par la police (le détective privé Sherlock Holmes et son assistant, le Dr. Watson), pour moitié des individus prétendant ignorer l’existence du couvre-feu ou assurant n’être sortis que pour une course exceptionnelle, plus Sir William Gull, le chirurgien émérite de la Reine, présent sur l’ordre de S. A. R. pour des raisons qu’il lui avait été demandé de garder secrètes. Or nous avions la certitude que l’individu connu sous le sobriquet de « Jack l’Éventreur » se trouvait parmi ces personnes, soit sous son identité civile, soit sous une fausse identité, ses capacités au déguisement n’excluant pas qu’il ait pu se faire passer pour un individu connu.

Nous avons donc cherché à bloquer le périmètre mais ne disposions que de deux barrières pour quatre passages, et le manque de luminosité ne nous permettait pas toujours de savoir quelle personne se trouvait près de nous, surtout avec l’extinction progressive des lampadaires au fur et à mesure que la nuit avançait. Or nous n’avions que huit heures avant la fin du couvre-feu et l’ouverture de la zone au public, huit heures au cours desquelles nous nous sommes appuyés avec prudence sur les facultés et capacités des personnes présentes pour dédouaner petit à petit les suspects.

Journal de l’Enquêteur (jamais publié, l’original est toujours sous scellés à Scotland Yard)

Parce que Mr. Jack était parmi les passants, je donnais mes instructions depuis l’extérieur du périmètre de sécurité, afin de ne pas compliquer la tâche aux agents de l’ordre en leur ajoutant une personne à contrôler sous l’apparence de laquelle Jack aurait pu se cacher. À chaque heure, je demandais à quelques personnes présentes d’arpenter les rues de Whitechapel afin de le débusquer en s’approchant des suspects. Comme à son habitude, le vieux Jack était joueur : à chaque heure il nous indiquait s’il était visible par une autre des personnes présentes (c’est-à-dire s’il était exposé à la lumière d’un réverbère ou directement à côté de quelqu’un d’autre) ou s’il était encore dans les ténèbres, ce qui me permettait d’innocenter une partie de ces pauvres suspects. Bien sûr il aurait pu mentir, mais je connais Jack, je sais qu’il trouve justement sa délectation dans le fait d’échapper à la police tout en l’aidant à le retrouver. C’est aussi pour cela qu’à travers [ce passage est biffé] c’est moi qui ai été choisi par [passage biffé] pour le ramener à [passage biffé], nul ne le connaît aussi bien que moi et ne soupçonne aussi bien l’étendue et les limites de ce dont il est capable.

C’est que, tantôt avant les déplacements de mes agents, tantôt après, passants comme policiers se déplaçaient à leur tour, ce qui ne me facilitait pas la tâche. L’objectif de Jack était évident : mettre tous les présents dans le même panier, soit en les mettant tous en pleine lumière soit en nous laissant tous dans l’ombre, de sorte que je n’étais pas avancé quand il nous affirmait, narquois, être ou non visible… Même les facultés de chacun pouvaient se retourner contre nous, Watson était par exemple le seul à porter une lanterne de sa fabrication, assez puissante pour illuminer toute une ligne droite jusqu’au premier obstacle, mais il arrivait souvent qu’un bruit, qu’un appel, l’oriente dans une direction qui  ne faisait pas avancer mon enquête. Sherlock Holmes pouvait grâce à son flair incomparable trouver régulièrement un alibi à l’un des suspects, mais imaginons seulement que Mr. Jack l’ait manipulé voire se soit fait passer pour lui, afin d’obtenir les alibis sans les partager avec moi, me privant d’une source précieuse d’informations sûres pour le retrouver… La partie est égale, je finirai par le débusquer et faire cesser ce cycle de ces horreurs. Mon vieux Jack, tu n’as pas choisi la bonne voie, même si tu ne le reconnaîtras jamais…

 

 

extrait des Souvenirs de l’Ange de Whitechapel, signés « Mr. Jack », réputés apocryphes (mais sans doute authentiques, d’après les dernières expertises)

Les imbéciles croyaient pouvoir me leurrer, ils ne connaissaient pas l’étendue de mes pouvoirs au Chaos. Parfois je me déplaçais conformément au bon vouloir de l’Enquêteur, parfois je semais des faux indices ou payais certains des Innocents pour qu’ils se déplacent dans les pires directions imaginables ou utilisent leurs capacités à mon bon vouloir. Ce fou d’Abberline croyait disposer de huit heures, il ne savait pas qu’en étant invisible à la fin de ses déplacements, j’étais en mesure pendant l’heure suivante de chercher à quitter Whitechapel, en m’arrangeant pour que mes sbires me donnent accès à un tunnel ou déplacent un barrage, tout en restant évidemment discret.

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Me diriger seul vers un passage dont j’aurais opportunément déplacé un obstacle à l’instant et tous les possibles spectateurs m’auraient immédiatement dénoncé à la hargne générale, et si je n’étais pas capable de me déplacer suffisamment, il aurait été facile pour un agent de l’Ordre de mettre fin à mon sentier de Sang. Tout le monde ne peut pas être Moi, c’est évident, il faut bien plus d’expérience et d’aisance avec les Règles du monde pour être le Démon de Whitechapel que pour œuvrer pour le prétendu Bien, puisque dans mon cas aucune erreur n’est permise, et mon Intelligence Cosmique seule me maintient en sécurité et me permet de poursuivre tranquillement mon Œuvre que les Médiocres ne comprendront jamais.

Mr. Jack Pocket : dans l’urgence et le confinement, la tension est à son comble

The Illustrated London News,18 novembre 1888 :

L’ÉVENTREUR PRESQUE CAPTURÉ !

Course-poursuite fulgurante hier dans un pâté de maisons de Whitechapel : Jack se serait dissimulé parmi des passants, semant le trouble chez les enquêteurs qui le pistaient et qui avaient pourtant réussi à l’enfermer dans une zone étroitement quadrillée composée de neuf carrefours ! Un bel exploit après leur échec dans le trop grand quartier de Whitechapel, mais qui s’est avéré insuffisant. Alors que la police se rapprochait de la vérité, il a suffi d’une vingtaine de minutes à l’Éventreur pour la fuir. Si ce n’est pas la première fois que le diable de Whitechapel se joue de Frederick Abberline, celui-ci assure que cet échec est exceptionnel : « À chaque fois que nous avons pu le coincer dans une zone confinée », a confié l’inspecteur en chef de la police londonienne, « nous sommes parvenus à déterminer sous quelle identité il se cachait.

Certes, il est toujours parvenu à nous échapper malgré tout, mais ces victoires peuvent nous rendre confiants, le criminel aura bientôt droit au gibet ». Une version des faits confirmée par les agents interrogés, qui ne partagent pourtant pas tous le même optimisme : il semblerait que Jack ait déjà imité à la perfection le chirurgien de la reine, Sir William Gull et l’inspecteur Abberline lui-même ! Il lui faut bien ces ruses pour combler l’avantage évident qu’ont le détective Sherlock Holmes et ses acolytes sous le conduite du mystérieux Enquêteur (voir la p.5 et notre article « Diable ou Démon : Mais qui est l’Enquêteur ?») Espérons que malgré ces ruses démoniaques, le cycle infernal prendra bientôt fin.

Brouillon d’un roman inachevé du Dr. Watson, titre provisoire Le Diable de Whitechapel (inédit)

Il y a définitivement quelque chose de diabolique chez Jack l’Éventreur, je ne peux comprendre comment il parvient à semer le trouble parmi nous. Pourtant cette fois, ni Sherlock Holmes, ni notre chien Toby, ni moi-même ne pouvions être sur la liste de suspects, puisque nous nous tenions à l’extérieur du pâté de maisons, tentant de nous positionner au bout d’une rue de manière à apercevoir toutes les personnes qui s’y trouvent. Chaque carrefour était occupé par un suspect, et le pâté comprenant neuf carrefours, il leur était impossible de se déplacer ou d’utiliser des capacités particulières. Nous aurions donc dû très facilement pouvoir éliminer à chaque heure assez de suspects pour trouver l’assassin bien avec la fin du couvre-feu. L’Enquêteur nous était d’une aide plus que précieuse, bien que mon rationalisme ne me suffise pas à mettre des mots sur ses méthodes. En tournant les rues ou en échangeant l’emplacement de deux carrefours, il parvenait ainsi à nous exposer davantage de suspects ou à nous permettre de surmonter l’obstacle d’un mur. J’ignore par quelles hallucinations cela lui était possible, assurément Sherlock, malheureusement coutumier de l’opium, comprenait mieux ses pouvoirs, mais Mr. Jack n’en était pas moins effrayant : alors même que nous étions parfaitement disposés pour l’identifier, il nous arrivait d’être mus contre notre gré, ou qu’un mur nous fasse soudain face, comme si nous n’étions qu’un Jeu que se livreraient des puissances bien supérieures à notre pourtant si son humaine…

Lettre anonyme (attribuée à Mr. Jack) dite « DE PROFUNDIS », arrivée le 19 novembre 1888 à Scotland Yard

Des profondeurs je me ris de vous, fragiles pantins de nos volontés. Sans cesse vous croyez me prendre, et souvent vous me capturez un instant avant que je ne reprenne ma liberté, vous n’avez pas compris que j’aime vous laisser plus de chances de remporter notre petite partie. J’aime qu’à chaque défaite vous choisissiez de mettre en œuvre une stratégie différente, et j’aime que vous aimiez vous dépasser pour attraper l’ombre. Bien sûr quand nous jouions dans Whitechapel, j’avais le léger avantage de la grandeur du labyrinthe et de la confusion des facultés particulières, mais dans ce petit pâté de maisons je vous sens à chaque instant me frôler sans certitude, incapables de m’accuser tant que vous ne pourrez pas prouver ma culpabilité, et j’aime ça. Je n’ai pratiquement aucune chance de vous échapper, et vous croyez que je l’ignore, alors que j’aime être la souris qui toujours se fait manger, et toujours renaît pour manger le fromage et taquiner le chat, et qui si rarement mais si précieusement vous échappe, soit sous votre barbe et vous rie au nez avant de s’envoler vers d’autres crimes. Des profondeurs je me ris de vos victoires que j’aime autant que vos défaites.