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TIME Stories – le jeu de société narratif

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TIME Stories – le jeu de société narratif

 

Parce que de plus en plus de jeux de société adhèrent aux thématiques geek, voire s’inspirent de mécaniques de jeux vidéo (après en avoir favorisé l’émergence), et parce que plusieurs d’entre vous les pratiquez assurément avec autant de passion que nous, il semblait essentiel de vous en présenter enfin quelques-uns ! Après Sherlock Holmes, Détective conseil, Mechs vs. Minions, Zombicide, Mr. Jack, Small WorldUnlock ! et Unlock! : Mystery Adventures, Loony Quest, nous vous présentons un autre jeu à la démarche intrigante, TIME Stories.

Nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises de la société ayant développé Time Stories, puisque c’est également à Space Cowboys que l’on devait Unlock! et la reprise de Sherlock Holmes, Détective conseil. S’il est vrai que tous ses jeux n’ont pas à voir avec l’expérience narrative, et que nous avons retenu ces trois-là par intérêt personnel pour cette perspective, il s’agit néanmoins d’un enjeu qui semble captiver l’éditeur. Le jeu de société peut en effet apparaître comme l’un des médias les moins propres à porter une narration. Une grande partie des jeux ne sont pas du tout scénarisés, quand d’autres le sont uniquement par souci d’enrobage, plutôt pour laisser les auteurs s’amuser dans un prétexte d’histoire qui occupera la première demi-page des règles que pour sérieusement faire croire à une consistance diégétique du jeu.

Ces trois jeux de Space Cowboys manifestent trois manières de concevoir l’alliance entre jeu de société et narration, entre l’aventure textuelle et la pure ludicité, et TIME Stories est sans doute sa tentative la plus jusqu’au-boutiste. Jusqu’au-boutisme qui peut d’ailleurs effrayer : il m’a fallu plus d’un mois pour convaincre des joueurs de le tester à cause de son apparente complexité. Une fois n’est pas coutume, afin de livrer une présentation et un avis assez complets, et afin d’évoquer les mécaniques sans trop révéler de l’histoire, il me faut renoncer pour cette fois au test scénarisé que je propose habituellement. Petite critique d’une entreprise passionnante.

 

Premières réticences

 

S’il a fallu du temps pour que les personnes auxquelles j’avais proposé de s’aventurer dans Time Stories avec moi y consentent, c’est que le format (la taille de la boîte) et la longueur (20 pages) du livre de règles, la complexité du plateau et la variété des jetons donnaient l’impression que la seule compréhension de ce qu’il fallait faire nous prendrait des heures, en plus de constituer une épreuve assez ardue. Il faut dire que ces règles ne sont pas toujours très claires ou très synthétiques, que la lecture des premières pages peut paraître sibylline si on ne fait pas l’effort de poursuivre, bref qu’il y a effectivement un obstacle à surmonter initialement. Quand vous achetez la boîte sobrement intitulée TIME Stories, vous ne disposez que d’un scénario, « Asylum », aventure complète servant également de tutoriel, puisque toutes les mécaniques présentées dans les règles, et tous les jetons, n’y servent pas. C’est normal : le livre de règles concerne tous les scénarios, y compris donc ceux que l’on est invités à acheter séparément. Mais c’est aussi fâcheux : la lecture un peu fastidieuse des règles ne peut qu’être alourdie par la volonté d’assimiler des points auxquels on ne sera simplement pas confrontés au cours du premier scénario. Il est donc difficile de se défaire de l’idée qu’une simplification aurait été bienvenue, même si elle n’était évidemment pas aisée à effectuer.

Une autre manière de compenser cette obscurité initiale aurait été de proposer un deuxième scénario dans la boîte de base, ce qui peut apparaître comme une évidence pour un jeu à 40-45 euros, et pas seulement pour que l’acheteur en ait pour son argent (j’imagine bien le coût représenté par les dessins et la qualité du matériel) : l’aventure d’ « Asylum » est nécessairement ternie par des incertitudes légèrement frustrantes et par un retour régulier aux règles. Je trouve à ce titre que Space Cowboys a pris un véritable risque en acceptant de n’être jugé que sur cette expérience peu représentative, là où l’intégration d’un deuxième scénario aurait permis aux joueurs de s’immerger complètement dans un nouvel univers, et d’apprécier pleinement le plaisir que peut offrir Time Stories. Évidemment le studio a dû y réfléchir, et je suppose que ce choix a été fait pour ne pas atteindre un prix simplement prohibitif, mais il y a là quelque chose de dommage.

Un jeu narratif

 

Avec la découverte de l’Insertion Tachyon, l’homme a acquis possibilité de voyager dans le temps et les réalités alternatives, ce qui n’est pas sans dangers pour le continuum espace-temps. C’est pourquoi l’ensemble des gouvernements s’est accordé sur la création de l’agence Tachyon Insertion in Major Events (donc T.I.M.E., et non pas T.I.M.E comme l’écrit étrangement le jeu), chargée d’enquêter sur les bouleversements et de les réparer. Les joueurs incarnent donc des agents du futur, envoyés dans d’autres époques ou dans d’autres réalités en y prenant possession du corps de personnes contemporaines.

Chaque enquête se présente sous la forme d’un deck de cartes que l’on dévoile dans l’ordre jusqu’à ce qu’il nous soit permis (ou qu’on nous ordonne) d’y chercher des cartes particulières. Après un récapitulatif des éléments connus par l’agence, les joueurs choisissent leur réceptacle (leur personnage), sachant que quelque soit le nombre de joueurs (de deux à quatre idéalement), quatre réceptacles seront nécessaires (s’il n’y a que deux ou trois joueurs, ceux-ci peuvent donc décider des actions des autres réceptacles ou se les répartir). Puis les agents obtiennent la carte des lieux qu’il leur sera demandé d’explorer et dévoilent les cartes correspondant à l’endroit où ils sont envoyés. Placées côte à côte, l’illustration au dos de ces cartes forme une pièce, généralement divisée en trois ou quatre, où les agents vont se répartir afin d’enquêter le plus efficacement. Plusieurs agents peuvent se rendre sur la même carte (par exemple s’ils prévoient une épreuve et estiment qu’il leur sera plus facile de la surmonter en s’épaulant), et une fois que chaque joueur a vu sa carte, il peut se déplacer vers une autre carte, poursuivre une épreuve qu’il n’a pas pu finir, ou décider de concert avec les autres joueurs qu’il est temps d’explorer un autre lieu. Il faut d’ailleurs souligner la qualité graphique de ces cartes, qui contribue beaucoup au plaisir que l’on peut prendre à découvrir les lieux et confère cohérence et obscurité (en l’occurrence) à l’univers qui nous est ouvert.

Afin de favoriser l’immersion, les règles stipulent clairement qu’un agent n’a pas le droit de montrer sa carte aux autres joueurs, et qu’il ne doit pas la leur lire, mais peut en décrire l’illustration et en paraphraser le texte. Il va de soi que cela exige un peu d’acting : si les joueurs ne se prennent pas au jeu, ne se mettent pas vraiment dans la peau de leurs personnages, cette exigence peut simplement paraître plus contraignante que de lire simplement la carte. Tout est ainsi fait pour nous plonger autant que possible dans l’univers du jeu.

Ainsi, au début d’« Asylum », les agents ne savent pas réellement quelle forme va prendre la perturbation qu’ils vont devoir résoudre, et ils possèdent pour seules informations le lieu (un asile en France) et l’époque (1921), ainsi que l’existence possible d’une vague société secrète, d’ailleurs liée ou non à l’ouverture de la faille qu’il s’agira d’empêcher. Cela fait songer au procédé de l’amnésie dans les œuvres de fiction : on accepte d’autant plus facilement de ne rien savoir sur l’univers diégétique que le personnage auquel on doit s’identifier n’en sait pas davantage.

L’immersion passe également par les réceptacles : étant donné que les agents s’infiltrent dans un asile psychiatrique, leur esprit prend la possession de personnes qui y sont internées, chacune souffrant d’une pathologie particulière qui ne va pas seulement influer sur sa représentation iconographique, mais que vous aurez constamment à l’esprit parce ses attributs en résulteront directement. Édith Jolibois est ainsi cannibale, et peut récupérer de la vie si elle achève un ennemi, Madeleine du Tilleul souffre de crises d’angoisses, et est donc moins performante si elle se trouve seule sur une case, tandis qu’elle est assez rassurée par la présence des trois autres joueurs pour bénéficier d’un bonus conséquent, Félix Bonnenfant est un géant paranoïaque, physiquement très fort et résistant, et assez instable mentalement pour pouvoir blesser ses alliés ou se faire du mal à lui-même. L’époque n’est d’ailleurs pas choisie au hasard, elle permet par exemple d’un vétéran traumatisé par la guerre, d’un cocaïnomane, d’une érotomane, et même d’une vieille acariâtre tout à fait saine d’esprit, donc on sent que sa famille l’a placée là pour s’en débarrasser.

Enfin, l’immersion est permise par la gestion du temps. Au début de chaque scénario, on vous donne un certain nombre d’Unités de Temps (U.T.), 25 pour « Asylum », que vous dépenserez à chaque changement de lieu (en lançant un dé indiquant si le déplacement vous coûte 1, 2 ou 3 unités), à chaque nouveau tour dans le lieu dans lequel vous êtes (si des joueurs souhaitent se déplacer, ont besoin d’aide ou d’un tour de plus pour une épreuve), et dans certaines circonstances particulières (si on vous demande simplement d’attendre). Inutile de dire que le temps défile assez vite, et qu’à moins d’une chance incroyable, vous ne finirez sans doute pas le scénario… au cours de votre premier run. À la fin du temps imparti, vous êtes en effet renvoyés à la base, admonestés par un supérieur fâché de l’argent que vous faites perdre à l’agence, puis renvoyés en 1921, au tout début de votre aventure, sans aucun des objets que vous aurez trouvés lors du premier run (sauf rares exceptions). Normal, vous êtes revenus à votre point de départ, comment pourriez-vous posséder des éléments que vous n’avez pas encore récupérés ? Je ne suis cependant pas parvenu à trouver de réponse claire à une question assez cruciale : a-t-on le droit de prendre des notes au cours d’un run pour le run suivant, ou faut-il ne se fier qu’à sa mémoire ? L’interdiction des notes me paraissait plus logique, mais d’une part cela oblige les joueurs à faire leur deuxième run assez rapidement après le premier (alors qu’un run peut durer une heure à une heure trente), d’autre part des joueurs confirmés indiquent sur internet qu’ils se sont même servis de photos de certaines indices afin de ne pas perdre de temps à les retrouver… On peut penser qu’une note dans les règles aurait été bienvenue à ce sujet, ne serait-ce que pour tout permettre en déconseillant certains usages clairement abusifs.

« Asylum » ne propose pas une histoire complexe, et il surprendra trop peu les joueurs accoutumés aux histoires gothiques – on pense par exemple beaucoup au film A Cure for Life, postérieur à la sortie du scénario. C’est probablement aussi pour cela qu’il a été sélectionné par Space Cowboys pour être le premier scénario de TIME Stories : les joueurs ne pouvant de toute manière pas apprécier pleinement une intrigue alambiquée et particulièrement soignée pour une première expérience altérée par des interrogations constantes sur les règles, il est naturel que le tutoriel ne propose pas trop d’énigmes ou de surprises, et se contente de livrer une histoire satisfaisante avant tout là pour faire découvrir le potentiel de TIME Stories, principalement en ce qui concerne les mécaniques.

Vous devriez regarder aussi ça :
Test - Brothers: A Tale of Two Sons Remake

 TIME Stories réceptacles

Une narration ludifiée

 

Comme vous pouvez le voir, et contrairement à Unlock!TIME Stories est bien loin de se contenter d’un deck de cartes pour raconter son histoire. Dans les faits, son plateau assez imposant n’est véritablement utile que pour marquer le défilement du temps, les autres emplacements ne consistant qu’en des propositions de placement des cartes pour lesquels un support n’est pas indispensable en pratique. Le plateau a pourtant un autre grand mérite : son design sobre et moderne rappelle l’époque d’où viennent les agents, de sorte qu’il a la fonction paradoxale de favoriser l’identification avec les agents tout en créant une certaine distance avec le scénario. Il rappelle ainsi que, quel que soit le scénario, vous êtes les mêmes agents, travaillant selon les règles et l’organisation de la même entreprise. Malgré sa taille, le plateau ne permet pas qu’on y pose toutes ses cartes, il n’y a ainsi pas d’emplacement pour les jetons, les réceptacles et les éléments découverts, de sorte que j’aurais tendance à en recommander une appropriation personnelle. Le scénario « Asylum » n’utilise ainsi pas du tout les quatre emplacements Codex (ce qui aurait pu être mentionné quelque part ?), pourquoi ne pas y poser vos réceptacles ou les éléments nécessitant une attention particulière ? Dans le même scénario, aucune carte n’utilise l’emplacement de carte G, et donc la case se trouvant au-dessus dudit emplacement (normalement utilisée par le pion du joueur souhaitant découvrir ce lieu), pourquoi ne pas en faire une réserve ordonnée de jetons, plutôt que de les disposer aux quatre coins du plateau ? Il me semble prioritaire que les joueurs soient à l’aise physiquement (pour voir les cartes les plus importantes, se saisir des éléments et des jetons…) par rapport à une disposition du plateau qui oublie parfois que les quatre joueur ne peuvent pas toujours se mettre à côté les uns des autres, et qu’il faut une bien grande table (et de grands bras) pour disposer tous les jetons utiles tout autour de lui.

Ce plateau indique immédiatement la nature ludique de l’expérience : ouvert à plusieurs types de cartes et de jetons, il paraît d’emblée plus familier aux habitués de jeux de société, et plus inquiétant aux moins expérimentés dans ce domaine. Les boucliers indiquant la difficulté des épreuves sont ainsi de cinq types différents, de petits jetons circulaires portent quatre couleurs, et il faut y ajouter les points de vie et les carrés montrant des formes géométriques variées peuvent être de six couleurs, et sont au nombre de 24. Il n’y a en fait pas matière à s’en formaliser, même si cela peut d’emblée donner l’impression d’un jeu réservé aux pratiquants les plus aguerris de ce genre de loisirs. Il n’y a en fait pas même à lire les règles les concernant, au moins pas dans un premier temps : les cartes faisant appel à ces jetons stipulent assez clairement à quoi ils servent, à la seule exception des boucliers dont vous retiendrez d’autant plus vite l’utilité que vous les verrez beaucoup, et que certains peuvent ne jamais être utilisés au cours d’un scénario. Les règles doivent ainsi servir d’aide-mémoire (et en cela, elles sont assez claires) plutôt que de livret à assimiler entièrement avant de jouer. Dès que vous avez compris comment disposer les cartes et comment fonctionnent les unités de temps, vous pouvez commencer à vous laisser porter, peut-être après la visualisation d’un court tutoriel vidéo si vraiment vous craignez d’être perdus.

Même dans un scénario assez linéaire comme « Asylum », le joueur est régulièrement confronté à des choix, allant du lieu à visiter à la confiance à accorder à un personnage non joueur, de l’acceptation d’un défi à l’aide à apporter ou non à un allié. Certains choix sont donc collectifs et d’autres individuels, certains seront entièrement libres et d’autres dépendront des réceptacles de chacun. Si une illustration semble figurer un monstre, vous n’irez probablement pas à sa rencontre seul ou en n’ayant aucune aptitude au combat ; si vous vous lancez dans une épreuve exigeant probablement plus d’une unité de temps, la concertation avec le groupe est de mise, surtout quand on sait que le résultat peut être décevant. Le temps et les réceptacles sont en effet les deux mécaniques au cœur de ce qui fait de TIME Stories un véritable jeu à choix.

Chaque réceptacle possède ainsi des compétences (bénéfiques ou maléfiques) et des attributs, avec un certain nombre de points d’habileté/agilité, de combat et de bagou (charisme, éloquence), correspondant au nombre de dés que vous pourrez lancer dans une épreuve correspondant à cet attribut – bien sûr, vous ne pourrez lancer aucun dé dans une épreuve de bagou si vous n’avez aucun point de bagou, même si vous avez trois points de combat et d’agilité. Par ailleurs, ils possèdent un certain nombre de points de résistance et de points de vie. Quelques épreuves offrent en effet à vos adversaires la possibilité de riposter. Concrètement, si sur au moins l’un de vos dés donne un crâne rouge, et que l’adversaire possède un bouclier crâne, vous devrez additionner les crânes sur les boucliers et sur les dés, et les comparer à vos points de résistance. Si ce total est supérieur à votre résistance, vous perdez un point de vie. La plupart des épreuves vous feront au pire perdre des unités de temps, soit parce que votre résistance sera trop forte, soit parce qu’elles ne représenteront aucun danger. Si cependant un réceptacle mourait, il ne pourrait ressusciter (avec tous ses points de vie) que sept unités de temps après sa mort (le temps que l’agent se remette et retourne dans la machine), ce qui est un renoncement très bienvenu à la logique diégétique, en tout cas nettement préférable à son expulsion pure et simple, désagréable pour lui et handicapante pour les joueurs. Si les quatre réceptacles meurent, la mission est naturellement ratée, et il faut tenter un nouveau run en perdant tous ses gains.

Or recommencer la mission n’est pas toujours amusant : certes cela encourage à tenter le run le plus efficace possible, mais il suffit que vous ayez oublié où se trouvait tel élément très important, ou que vous ratiez tous vos lancers de dés, et les U.T. fondraient trop vite pour vous permettre de finir… Heureusement, si TIME Stories s’amuse parfois au détriment de ses joueurs, il n’est jamais bêtement punitif et est assez bien fait pour ne pas engendrer la frustration d’une défaite à 1 UT de la fin au cours du quinzième run. On ne va pas trop en dire, mais si vous échouez trop, le temps ne représentera plus un véritable obstacle au succès de la mission… tout en représentant un obstacle à votre carrière. C’est un détail très bien vu de la part des concepteurs du jeu : afin que les joueurs accordent toujours de l’importance au temps, et ne soient pas négligents au point de retourner sans raison dans des lieux déjà visités, la mission s’achève sur un calcul de score, découlant sur votre « rang d’agent », de même que dans Unlock!, accumuler les pénalités et dépasser le temps empêchait l’obtention d’étoiles. Une solution à mon avis très satisfaisante et bien plus équilibrée que dans Sherlock Holmes, où le hasard avait à mon avis trop d’importance pour des joueurs novices.

Si Loony Quest semblait transposer un gameplay évoquant les jeux vidéo de plate-formes, il me semble qu’avec Unlock! puis TIME Stories, Space Cowboys décline les mécaniques du point-and-click. Le premier invitait en effet (surtout dans ses six premiers decks d’ailleurs) à chercher des objets cachés dans des lieux et à les combiner, tandis que le jeu qui nous intéresse donne de la place à la découverte de lieux segmentés, composés d’objets à voir de plus près et de personnages à qui parler, lieux où l’on est invités à retourner quand on pense avoir de quoi en débloquer les secrets. Ce retour est évidement au fondement du point-and-click, non seulement pour la résolution d’énigmes de lieux antérieurs grâce à des objets et indices découverts plus tard, mais aussi et d’abord parce que c’est par le retour que se déploie le scénario : plus on y revient, mieux on maîtrise les lieux, et plus ils nous racontent une histoire, comme des personnages parlant toujours plus au fur et à mesure qu’on leur apporte les indices propres à stimuler leur mémoire (ou à prouver qu’ils nous cachent quelque chose). Le fait que l’espace soit resserré autour d’un seul asile nous donne l’impression d’en arpenter continuellement les mêmes couloirs afin de comprendre les paroles de chaque fou et les motivations de chaque garde ou médecin, de décrypter progressivement les mystères toujours plus profonds d’un lieu qui n’est pas qu’un prétexte à une histoire, mais un terrain de jeux.

 

TIME Stories plateau

Devez-vous dépenser vos U.T. pour TIME Stories ?

 

Après une partie d’« Asylum », il est sans doute difficile de ne pas être convaincu par ce que Space Cowboys a à nous offrir avec son TIME Stories. L’inventivité qu’il déploie à ludifier ses scénarios, la fraîcheur qu’il propose par son approche mêlant jeu de cartes, jeu de dés, jeu de plateau au service d’une histoire intrigante, compensent une relative linéarité et des énigmes pas pleinement satisfaisantes, et font que ce jeu mérite largement votre temps.

Ma seule véritable réticence face à TIME Stories concerne en fait son prix. Exactement comme je le disais pour la Switch, c’est un jeu que je ne peux pas conseiller aux bourses légères : à 45 euros pour la boîte de base et un seul scénario, et 25 euros le scénario supplémentaire, il peut paraître simplement inabordable, indépendamment de sa qualité matérielle indéniable. Cependant, j’en recommande sincèrement l’acquisition à toute personne aimant les jeux de société ou s’intéressant à la ludification narrative (ce qui peut concerner amateurs de jeux de rôle, de jeux vidéo…), et si cela ne représente pas pour elle une dépense conséquente, TIME Stories est simplement un indispensable en tant qu’il cherche à explorer de nouvelles manières de faire des jeux et de raconter des histoires.

Et quand on voit que les scénaristes exploitent l’idée du voyage dans le temps pour nous faire vivre des aventures dans l’Égypte antique, dans un univers d’héroic fantasy, parmi les inquisiteurs comme en des temps plus contemporains, et que certaines critiques louent une maturation du concept, avec des mécaniques plus dynamiques et des histoires plus adultes, le jeu n’en paraît que plus prometteur. De sorte que si je parviens à mettre la main sur l’un de ces scénarios, je partagerai mon expérience sur VonGuru avec d’autant plus de plaisir que je suis certain d’y trouver plus d’intérêt encore que sur « Asylum » !

TIME Stories extensions

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