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Sagrada, ses vitraux, ses dés, son extension Life et son portage digital !

Test de Sagrada et son extension Life : des dés et des vitraux

J’aime les dés depuis qu’ils sont honnis. Symboles de tout ce qu’il ne faut plus faire dans le jeu de société, ils n’ont en effet pas été tant supprimés qu’utilisés plus astucieusement, un beau défi créatif aboutissant à bien des très beaux jeux, du VG Award Roll Player à Coimbra, de The Artemis Project aux roll and write, jusqu’à ces curieuses auto-adaptations de jeux de placement de dés (Les Châteaux de BourgogneRajas of the Ganges devenu The Dice Charmers)… Or Sagrada est assurément l’un des jeux de dés les plus populaires – on parle tout de même du 11ème meilleur jeu abstrait et du 23ème meilleur jeu familial de tous les temps sur l’agrégateur de référence BGG, excusez du peu !

Il faut dire que s’il est mécaniquement très abstrait, il a su adopter un thème particulièrement séduisant, la fabrication des vitraux de la basilique de la Sagrada Familia de Barcelone. Exactement comme Azul, il adopte ainsi un univers consensuel, susceptible de plaire aux publics associant jeu de société et occupation de geeks immatures. Et comme vous le verrez, l’éditeur Floodgate Games (HoliBosk) s’est pleinement emparé de ce thème pour faire de Sagrada l’un de ces jeux qui magnétise le regard quand on passe à côté d’une table où il est pratiqué. Rien d’étonnant à ce que ce jeu conçu par le duo Adrian Adamescu/Daryl Andrews (Gangster’s DilemmaDice Theme Park) et illustré par Peter Wocken (qui a participé à Dinosaur Island et à Dead of Winter) ait tapé dans l’œil de Matagot, où il rejoint un catalogue passionnant de beaux jeux profonds (InisKemetRootL’Île au trésorParksIstanbulWingspan bientôt Rapa Nui et Everdell…).

Après y avoir joué des mois dans son superbe portage digital, j’ai donc eu grand plaisir de le tester dans sa version physique à l’occasion de la sortie de son extension Life, pour un article qui présentera donc le jeu de base, l’extension, et ledit portage digital.

Sagrada lui-même est vendu 35 euros 90 (31 euros 59 avec un abonnement Ludum), et s’adresse à 1 à 4 joueurs (idéalement 2 ou 3) de 10 ans et plus. Son extension Life est vendue 17 euros 90 (16 euros 56), toujours dans la même configuration, bien que l’on puisse voir annoncer 1 à 6 joueurs parce qu’elle est compatible avec l’extension séparée 5-6 Joueurs. Si vous ne possédez que la boîte de base et Life, impossible cependant de les pratiquer à plus de 4.

 

 

L’art du vitrail, entre puzzle et draft

Sagrada commence en faisant une chose que j’aime beaucoup : il implique le joueur dès la mise en place. En plus d’un objectif privé (une couleur à favoriser), chacun reçoit en effet deux cartes Motif de vitrail recto-verso, pour choisir parmi quatre motifs lequel il cherchera à compléter au cours de la partie. Une décision bien sûr assez arbitraire (impossible de savoir à l’avance quels dés on piochera et dans quel ordre), mais qui a le grand mérite de rendre le joueur plus responsable de sa victoire ou de sa défaite, d’autant qu’un motif ne représente pas que des contraintes de placement (des cases qui doivent être occupées par un dé de telle valeur ou de telle couleur), mais aussi un certain nombre de jetons Faveur qui octroieront des effets particuliers. Et plus le motif sera difficile, plus on sera récompensé en jetons Faveur, de quoi hésiter à prendre des risques ou à préférer la facilité…

Sagrada

On dévoile en effet ensuite 3 cartes Outil sur les 12 dans la boîte (les 9 autres étant rangées). En utiliser un coûte une faveur si l’on est le premier à y recourir, et deux faveurs sinon, y compris pour employer à nouveau un pouvoir dont on aurait déjà soi-même bénéficié. Notez que les règles demandent de placer les cartes Outil après le choix des motifs, mais que je préfère le faire avant. Le contenu des pouvoirs peut en effet plus ou moins inspirer les joueurs, et il peut être plus intéressant de choisir sa quantité de faveurs (son motif) en sachant à quel point on aura envie de les utiliser.

Le motif est glissé dans le cadre de vitrail, pour un résultat assez magique de joliesse, tandis que l’on dévoile trois objectifs publics (sur les dix de la boîte).

On perçoit déjà l’un des grands points forts de Sagrada, une rejouabilité assez impressionnante qui ne repose pas que sur le tirage des dés, mais aussi sur l’objectif secret, les objectifs publics, les outils et les motifs, autant d’éléments attribués/choisis en début de partie et ensuite permanents, qui imposent donc d’emblée beaucoup d’observation pour assimiler toutes les contraintes uniques de la partie à venir.

 

 

Au début d’un tour, le joueur actif pioche deux fois autant de dés que le nombre de joueurs plus un et les lance au centre de la table. Les 90 dés en plastique transparent (pour un aspect vitrifié) sont de cinq couleurs différentes, représentées équitablement. Il choisit ensuite un dé et le place sur son vitrail. Tout dé doit être adjacent à un dé déjà posé, orthogonalement ou diagonalement ; respecter les éventuelles contraintes de couleur ou valeur de la case ; et posséder une couleur et une valeur différentes des dés orthogonalement adjacents. Autrement dit, on ne pourra jamais poser de 4 ou de dé rouge au-dessus, en-dessous, à droite ou à gauche d’un 4 rouge.

Ce joueur actif peut également bénéficier d’un outil en dépensant ses jetons Faveur. Il pourra s’agir de déplacer un dé de son vitrail sans avoir à respecter les contraintes de valeur, d’augmenter ou diminuer la valeur d’un dé de son vitrail, de relancer les dés de la réserve, de déplacer deux dés…

Puis le joueur suivant dans le sens horaire réalise son tour, et ainsi de suite jusqu’à ce que chacun ait joué. Petite originalité, le dernier joueur du tour de table joue deux fois d’affilée, puis le tour reprend dans le sens antihoraire. C’est-à-dire que le premier joueur sera aussi le dernier joueur, tandis que le dernier joueur aura l’inconvénient de choisir son premier dé après les autres, mais l’avantage d’en prendre deux d’affilée, donc de ne pas craindre que le deuxième dé convoité soit pris par un rival. Un joli exercice d’équilibre. Vous noterez d’ailleurs que même le dernier joueur aura toujours le choix entre au moins deux dés, avec la liberté de n’en prendre aucun s’il le peut mais craint que cela le bloque.

Le dé non choisi rejoint la piste de manches. S’il y a plusieurs dés, ils sont malgré tout placés sur la seule manche que l’on vient d’effectuer. Une manière judicieuse de compter les manches… qui permet des pouvoirs originaux de certaines outils, l’un permettant par exemple d’échanger un dé choisi dans la réserve avec un dé du compteur de manches. Puis le sac est confié au joueur suivant dans le sens horaire avec la responsabilité du premier joueur, et une nouvelle manche commence. Simple.

Puisqu’on ne choisit que deux dés par manche, et que l’on épuise vite ses jetons Faveur, les dix manches que dure une partie s’achèvent vite, en moins d’une demi-heure à deux, en rarement plus de 45 minutes à quatre. On procède alors au décompte en observant pour chacun :

  • la complétion des objectifs publics (5 points par colonne avec des couleurs différentes, 2 points par paire de 3 et de 4 où que ce soit dans le vitrail, 5 points par ligne dont tous les dés ont une valeur différente…),
  • la complétion de l‘objectif privé (autant de points que la valeur de tous ses dés de la couleur indiquée, donc très puissant, mais aussi très visible par les adversaires, qui pourront éventuellement, même si rarement, choisir le dé nous arrangeant trop quand cela n’a pas d’incidence sur leur propre vitrail),
  • la quantité de jetons Faveur restants (rapportant chacun 1 Point de Victoire),
  • la quantité de cases inoccupées dans son vitrail (retirant chacune 1 PV).

 

 

Vous aurez noté que le seul point éventuellement délicat pour de parfaits néophytes, non seulement en Sagrada mais en jeux de société en général, est la gestion des faveurs pour les pouvoirs des outils. N’hésitez alors pas… à retirer simplement les outils de la partie, tout en conservant les faveurs en tant que matérialisation de points de victoire (afin de favoriser tout de même ceux qui prennent des motifs sensiblement plus difficiles).

 

Life, une extension vitale ?

La petite boîte de Sagrada : Life peut laisser craindre une extension gadget. Bien au contraire, on va voir qu’elle évite précisément le gadget pour approfondir le jeu légèrement et tout en finesse – l’approfondir superficiellement pourrait-on dire si cela n’avait pas une connotation négative.

Sagrada : Life se présente en deux modules combinables, plus de nouveaux objectifs publics dits ambitieux car plus techniques. Une petite addition bienvenue, dont je conseillerais d’inclure systématiquement au moins une carte parmi les trois de chaque partie, même sans recourir aux modules de Life.

 

 

Pour le module Apprenti, les joueurs prennent leur motif parmi ceux inclus dans la boîte, où certaines cases sont couvertes d’un dessin ornemental. Une fois par tour, en posant un dé sur l’une de ces cases Apprenti, on peut choisir soit de piocher deux cartes Apprenti, d’en conserver une et de défausser l’autre, soit de prendre la première carte Apprenti face visible de la défausse.

Ces cartes Apprenti sont conservées secrètement en main et peuvent être déployées (mais à usage unique) pour des effets aussi intéressants que la relance de tous les dés de la réserve, le gain de deux jetons Faveur, le gain de 20 PV pour chaque objectif privé ou public où l’on ne score aucun point (et à condition d’avoir complété son vitrail), la prise d’une carte Outil qui n’est pas présente en jeu et utilisable selon les règles habituelles (à la différence que les adversaires vous payeront vous pour l’utiliser)…

Toutes les cartes Apprenti ne sont pas aussi intéressantes, mais la relative liberté dans leur choix (que l’on peut toujours au pire étendre à la pioche de trois cartes si vous craignez que l’on subisse encore trop le choix entre deux cartes) et la puissance de la plupart en font des alliés de choix, et l’addition si simple d’informations cachées renouvelle agréablement la sensation de contrôle et la capacité de Sagrada à surprendre, sans altérer aucune des règles.

Notez d’ailleurs qu’il peut être tout à fait conseillé d’utiliser le module Apprenti avec des néophytes à la place des outils, puisqu’ils apportent des éléments plus progressifs que la nécessité de maîtriser d’emblée les trois cartes Outil dévoilées à la mise en place.

 

 

Le module Chef-d’œuvre apporte quant à lui une agréable dose de technicité supplémentaire, avec son plateau Chef-d’œuvre et les six dés Chef-d’œuvre que l’on y dispose, aléatoirement ou en respectant le motif représenté afin que chaque face apparaissent une fois.

Au-dessus de chacun de ces dés Chef-d’œuvre se trouvent deux cases, l’une représentant une valeur, l’autre représentant une couleur. Quand on pioche un dé, on peut le placer sur l’une de ces cases au lieu de le placer dans son vitrail, et ainsi récupérer le dé Chef-d’œuvre correspondant pour le placer dans le vitrail, en respectant les habituelles contraintes de placement à l’exception de la contrainte de valeur.

Certaines récupérations de dés octroient de surcroît des jetons Faveur – celles qui font renoncer aux dés de plus forte valeur. Puis, à 4, 5 ou 5 joueurs seulement, on remplace le dé Chef-d’œuvre pris par un dé de la réserve, que l’on ne récupérera donc qu’en remplissant la seule case restante.

Ces dés présentent des contraintes : quatre désignent par des flèches des cases adjacentes, qui doivent être occupées par des dés de la même couleur ou valeur. Un exige que les quatre dés alentour aient une valeur différente. Le dernier (pas assez distinct du précédent je trouve) que les quatre dés alentour aient une couleur différente. Chaque dé dont on remplit la condition octroie 5 PV, et nous fait perdre 2 PV sinon.

 

 

Ce que j’apprécie beaucoup avec ce module… c’est qu’on peut l’ignorer totalement, et continuer de jouer normalement comme s’il n’était pas là si cette addition nous effraie, et sans que cela nous pénalise forcément.

Mais le maîtriser finit par offrir des avantages certains, en se débarrassant de dés qui ne nous intéressent pas pour les objectifs des Chefs-d’œuvre (mais attention, vos adversaires pourraient se montrer taquins), en glanant de nouveaux jetons Faveur (particulièrement précieux avec le module Apprenti, où l’on en a moins qu’en partie traditionnelle), et bien sûr en faisant un petit pari qui peut s’avérer très rentable, sans être excessif (le dé Chef-d’œuvre remplit tout de même une case du vitrail au détriment d’un dé classique, s’accompagne d’une contrainte, peut faire perdre des points…).

 

 

Le vitrailliste solitaire

Le jeu de base Sagrada propose un mode solo assez élégant, où l’on dévoile deux cartes Objectif privé et deux cartes Objectif public, ainsi qu’un nombre d’outils dépendant de la difficulté désirée (d’un seul pour une partie très difficile à cinq pour une partie nettement plus facile).

À chaque tour, on pioche et lance 4 dés, et on en place jusqu’à 2 dans son vitrail, mais on peut aussi en assigner aux outils s’ils sont de la bonne couleur. Le dé et l’outil sont alors défaussés. Les dés non utilisés (entre 0 et 2 à chaque manche) rejoignent comme à l’ordinaire la piste de manches.

Après dix tours, on choisit lequel des deux objectifs privés on souhaite scorer, et on retire 3 points par case inoccupée, mais le reste du décompte se fait normalement. Puis on additionne la valeur des dés sur la piste de manches, qu’il faut dépasser.

Vous comprenez mieux pourquoi la difficulté dépend du nombre d’outils : non seulement ils octroient une plus grande latitude grâce à leurs pouvoirs, mais ils permettent aussi de défausser des dés qui auraient sinon rejoint la piste de manches. Et cela sans apparaître pour autant comme une solution trop facile, étant donné qu’il faudra tout de même défausser le bon dé pour le bon outil au bon moment. Bien pensé encore une fois pour être simple et pourtant malin.

 

Sagrada Life aurait dû proposer un autre mode solo… mais on nous annonce dans la règle qu’il faut le retrouver sur le site de Matagot (sans lien ou QR Code), sachant que l’extension Life n’y est simplement pas référencée encore au moment où j’écris ces lignes, et que ledit site est plus ou moins à l’abandon (Dungeon AcademyClaim, La Couronne d’Emara ou… la boîte de base de Sagrada y sont encore présentés comme des nouveautés). En fait, la traduction officielle de la nouvelle variante solo de Sagrada se trouve sur un feuillet séparé, donc belle attention, même si je ne suis pas sûr de percevoir l’intérêt de renvoyer vers un site alors qu’on en propose une version imprimée, et vers un site ne comportant pas ce qu’on y promet bien sûr.

On y place le plateau Chef-d’œuvre, et on choisit son motif parmi les motifs du module Apprenti, en retirant de la partie les cartes Outil.

Et… c’est tout. On utilise le plateau Chef-d’œuvre comme à l’accoutumée (mais sans remplacer les dés récupérés), et on gagne des cartes Apprenti comme à l’accoutumée (mais en repiochant celles qui mentionnent des jetons Faveur).

Au moment du décompte, chaque dé Chef-d’œuvre dont on remplit les conditions rapporte 5 PV, et fait perdre 2 PV si ce n’est pas le cas.

Un mode solo sachant proposer une alternative au précédent afin d’utiliser les éléments de Sagrada : Life, sans prétendre le corriger ou l’alourdir, et toujours avec ce talent à intégrer très naturellement les règles du jeu pour que la différence entre les parties « normales » et solo soit aussi peu perceptible et fastidieuse que possible.

 

Portage numérique de la Sagrada Familia

Pour moi, Dire Wolf Digital fait simplement les meilleurs portages digitaux de jeux de société, et j’aimerais qu’ils en fassent bien plus : RootPillards de la Mer du NordYellow & Yangtze sont simplement des modèles tant ils sont beaux et fluides, au point que l’on en oublierait presque que ce sont des portages, quand certaines des adaptations très réussies d’Asmodee Digital par exemple trahissent tout de même clairement leur nature – ce n’est pas un mal, juste une explication de mon admiration pour le travail de Dire Wolf, d’ailleurs éditeur lui-même de jeux physiques aussi fluides et fins que Clank ou Dune Imperium.

Disponible sur Steam, Android, iPhone et Nintendo SwitchSagrada a d’abord toutes les qualités évidentes d’un tel portage : aucune mise en place, aucun risque de se tromper dans le placement d’un dé, la réalisation d’un pouvoir ou le décompte, des parties nettement plus rapides grâce à l’absence de manipulations physiques, la possibilité de jouer même seul contre des intelligences artificielles compétentes et des adversaires à distance.

En outre, on y a accès aux règles écrites ainsi qu’à un tutoriel vraiment bien fait, à cinq langues différentes (dont le français), à la possibilité de ne pas voir les actions des adversaires afin de jouer encore plus vite, à un mode daltonien

En local, vous pourrez jouer contre l’IA, en pass-and-play (c’est-à-dire à plusieurs joueurs sur le même écran, jouant l’un après l’autre, moins pratique avec un ordinateur que sur un autre support bien sûr), réaliser le mode solo… et effectuer une campagne, c’est-à-dire une succession de parties contre l’IA sous contraintes de motif, objectifs et outils, chaque mission rapportant des étoiles qui débloquent les suivantes. Une jolie motivation, bien que pas foncièrement difficile, à varier du solo.

En ligne, vous pourrez rejoindre des salons ou en créer, pour des parties jusqu’à quatre, humains et intelligences artificielles confondus. Un mot de passe peut être assigné à un salon pour le réserver à vos amis, et vous aurez l’option de jouer en temps réel ou en mode relax, c’est-à-dire en jouant un tour à chaque connexion, puis en déconnectant et en laissant le temps à vos adversaires de poursuivre, et ainsi de suite. Pas forcément une manière très agréable de pratiquer un jeu aussi rapide que Sagrada, mais on appréciera l’intention, d’autant que vous pouvez ainsi avoir plusieurs parties en cours.

Notez que le portage de Sagrada n’inclut aucune des extensions, même pas dans un semblant de boutique, et ne peut donc entre autres pas être pratiqué à plus de quatre joueurs humains ou non. À ma connaissance, aucune addition n’est prévue, ce qui limitera malheureusement la variété des parties, mais n’en rend pas moins le portage particulièrement beau, dynamique, intuitif et (ce qui n’enlève rien à ses qualités)… cross-platform, des joueurs pouvant s’affronter alors même que l’un est sur Steam, un autre sur Switch et un dernier sur Android ! Pour le coup, le genre de petites touches franchement sympathiques que tout portage devrait proposer (et ne propose pas systématiquement – quand je pense que des portages de Spirit Island ou d’Aeon’s End… ne proposent même pas de multi en ligne !).

 

 

Sagrada, œuvre sacrée du jeu de société ?

Sagrada est de ces jeux qui attirent le regard : l’idée de construire les vitraux de la Sagrada Familia à l’aide de dés qui en représenteraient les différents verres colorés sert de splendide prétexte abstrait à une splendeur éditoriale, des dés eux-mêmes aux plateaux/vitraux dans lesquels on insère les motifs et sur lesquels on dispose les verres, produisant une très jolie composition chromatique.

Un thème assez universel pour un jeu assez consensuel, au bon sens du terme, misant beaucoup sur un étonnant calibrage entre accessibilité et cérébralité. Un peu comme Azul ou CalicoSagrada sait continuellement investir les joueurs dans chaque moment de la partie, dès la mise en place, puis imposer juste ce qu’il faut de réflexion pour que l’on se sente libre et responsable de ses choix (d’autant que la gestion des outils/faveurs permet de contourner en partie le hasard) sans risquer une analysis-paralysis qui serait contraire à sa philosophie.

Sagrada ajoute à son élégance une volonté assez forte de rejouabilité : loin de se contenter de varier les parties grâce au seul tirage des dés, il les renouvelles avec le changement à chaque partie des motifs, outils, objectifs privés et publics. Il atteint ainsi parfaitement ses objectifs : offrir à un public familial un jeu malin, fluide, très beau et varié – et d’ailleurs reconnu comme 11ème meilleur jeu abstrait et 23ème meilleur jeu familial de tous les temps sur BGG.

La conception d’extensions n’en est que plus difficile, puisqu’elles ne doivent pas ternir l’intuitivité et le dynamisme de Sagrada, en même temps qu’elles ne peuvent pas se contenter de fournir paresseusement de nouvelles cartes pour accroître seulement l’impossibilité de rejouer dans la même configuration.

Or Life sait très judicieusement se glisser dans les règles de Sagrada pour les enrichir sans les altérer profondément, le jeu avec extension pouvant très bien être pratiqué comme si elles n’étaient pas là, mais la maîtrise de chacun des deux modules (combinables) ajoutant ce qu’il faut de liberté ou de technicité fructueuse aux parties.

Sagrada

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