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Kemet : l’impitoyable guerre des dieux de l’Égypte antique

Kemet : l’impitoyable guerre des dieux de l’Égypte antique

 

Parmi les éditeurs importants dont je n’avais jamais parlé, Matagot est probablement celui dont je désirais le plus présenter les jeux. Matagot (Aeon’s EndCyclades, Xi’AnCharterstoneRoom 25…) est en effet connu pour ses productions semi-expertes (14 ans et plus), des gros et beaux jeux, aimant la stratégie et réduisant autant que possible la part du hasard, que leur forte thématisation rend d’autant plus séduisants. On ne s’étonne pas alors que ce soit cet éditeur qui s’était chargé des localisations de Scythe ou Charterstone.

Kemet, l’un des plus grands succès de Matagot, est un jeu conçu par Jacques Bariot (Néfertiti) et Guillaume Montiage (NéfertitiT.I.M.E. Stories – Sous le masque), illustré par Dimitri BielakÉmile Denis (Hit Z Road) et Nicolas Fructus (TakenokoZombicideTimeLine). Deux à cinq joueurs (idéalement deux ou quatre) incarnent des dieux rivalisant pour le pouvoir sur l’Égypte antique, dans une guerre sans pitié d’une à presque deux heures selon les configurations. Sans surprise étant donné l’ampleur du matériel, Kemet est disponible pour 49 à 59 euros.

 

Kemet plateau

 

War of the Nile

Pour conquérir spirituellement (mais manu militari) la Basse-Égypte, on commence naturellement par installer le champ de bataille, un plateau dont le rendu visuel est peut-être le seul point faible de Kemet, ce qui ne l’empêche pas de regorger de qualités, à commencer par la taille de ses zones.  Celles-ci sont peu nombreuses, les armées étant toujours très proches les unes des autres, mais il a été décidé de fournir malgré tout un plateau conséquent, très espacé, permettant d’y installer, déplacer et opposer confortablement ses armées sans les serrer. Par ailleurs, vous ne jouerez pas sur les mêmes terres selon que vous serez deux, trois, quatre ou cinq prétendants au pouvoir suprême. Le plateau est recto-verso, une face étant utilisée pour deux et quatre joueurs, l’autre pour trois et cinq, et si l’on joue à deux ou trois, la guerre ne fera rage que sur la rive gauche du Nill.

La Basse-Égypte est composée de cases, occupées par le désert, par les cités des joueurs, par les temples, par le Sanctuaire de tous les Dieux, par les obélisques et par les ports.

Le désert est assez logiquement vide, et a essentiellement pour fonction de séparer les lieux spéciaux, offrant un espace de déplacement et d’affrontement.

Les cités des joueurs sont divisées en trois zones, qui seront occupées par les troupes et par les pyramides (si les joueurs décident de les faire évoluer), en fait des dés pyramidaux rouge, blanc et bleu, indiquant par leur valeur le niveau de la pyramide (donc le niveau de votre puissance mystique).

 

« Vous êtes des Dieux »

Au début de la partie de Kemet, les joueurs choisissent le Dieu qu’ils vont incarner (un choix purement graphique, les pouvoirs étant les mêmes), le plateau individuel correspondant, puis une cité. Une détermination aléatoire peut être une bonne solution, étant donné que les territoires ne sont pas parfaitement égaux (malgré un relatif équilibre), notamment à trois et cinq joueurs, où une cité se trouve enserrée entre deux autres.

Puis chaque Dieu reçoit cinq jetons d’action et cinq points de prière, ceux-ci étant astucieusement matérialisés par onze emplacements sur le plateau individuel, où l’on couvre avec un marqueur l’emplacement qui correspond au nombre de points de prière que l’on possède. Il est agréable qu’un jeu « de figurines » se soucie de ne pas encombrer les joueurs de dizaines de jetons de ressources différents, la table de jeu restant ici bien occupée, mais sans donner l’impression d’une surabondance gratuite et chaotique.

Il existe plusieurs manières de récupérer ces précieux points de prière, dont le plus efficace est sans surprise le contrôle des temples (ce qui rapporte deux ou trois points à la fin du tour) ou mieux encore, du Temple du Delta, qui en échange du sacrifice d’une unité en rapporte cinq… Or le fait qu’il n’existe qu’une ressource implique d’une part qu’avec de grandes quantités de cette ressource, on peut faire énormément, d’autre part que tous les joueurs vont converger vers ses sources les plus productives. Les eaux du Delta ne manqueront pas de rougir…

Il est alors temps pour les Dieux de recevoir leurs troupes mythologiques. Les unités ont la même valeur, ce qui n’a pas empêché les éditeurs de varier leurs designs, d’un Dieu à l’autre, en plus de la prévisible variation chromatique, le genre d’investissement qui prouve une grande attention au plaisir de jeu. Choyez simplement vos figurines, si leur qualité est assez impeccable, elles n’en sont pas moins en plastique, et peuvent donc se plier sur leur socle en cas d’inattention du joueur.

Les Dieux répartissent ensuite trois points entre leurs Pyramides, soit en donnant un point à chacune, soit en donnant deux points à l’une, un point à une autre, et aucun à la troisième, qui n’apparaît donc pas encore dans sa Cité. Il répartit alors dix unités sur les zones où son pouvoir est le plus fort, c’est-à-dire où se trouvent des Pyramides, en respectant la règle d’un maximum de cinq unités par case, qui restera valable tout au long de la partie. Cela ne lui laissera que deux unités en réserve.

Enfin, les Dieux reçoivent les six mêmes cartes Combat et une carte Intervention Divine au hasard.

 

Egyptia by night

Les Dieux sont alors prêts au combat, prêts à affirmer leur puissance à la face de la Basse-Égypte. On commence par déterminer l’ordre dans lequel ils vont jouer le premier tour, selon des critères au choix, du jet de dés au classique « dernier joueur à être allé en Égypte ». Plus inventif, le « dernier joueur à avoir vu un film se déroulant en Égypte », ou mieux encore, on peut demander à chacun de lister en secret, pendant trente secondes, le maximum de Dieux égyptiens, puis comparer le nombre découvert par chacun (variante experte : le nom des Dieux et l’animal auquel ils sont associés). Bref.

C’est dans le secret de la Nuit que les Dieux font leurs préparatifs. Ils reçoivent deux points de prière, une carte Intervention Divine, résolvent leurs pouvoirs nocturnes (ils n’en ont pas en début de partie), puis à partir du deuxième tour, le joueur possédant le moins de points de victoire détermine tout l’ordre de tour, un avantage considérable.

 

 

Dès que brille la divine Aurore au doigts de rose…

C’est alors que naît le jour, et avec lui les rêves de gloire des Dieux d’Égypte.

Ceux-ci s’emparent alors de la Pyramide d’actions représentée sur leur plateau individuel. Le premier joueur pose un jeton d’action sur l’une des cases de la Pyramide et en applique l’effet immédiatement, puis le second joueur fait de même, et ainsi de suite jusqu’à épuisement des cinq points d’action de tous les joueurs, avec ces deux contraintes : une case ne peut être occupée que par un seul jeton d’action, et à la fin du jour (des cinq tours), il doit y avoir au moins un jeton d’action sur chacun des trois niveaux de la Pyramide.

Le niveau inférieur propose quatre actions : obtenir deux points de prière, acheter un pouvoir blanc, acheter un pouvoir rouge, acheter un pouvoir noir. En début de partie, on avait en effet disposé face visible l’ensemble des tuiles pouvoirs, les seize de chaque couleur, quatre par quatre. Pour acheter un pouvoir, il faut posséder la pyramide de la même couleur, et d’un niveau supérieur ou égal, et payer autant de points de prière que le niveau du pouvoir. Ainsi, pour acheter un pouvoir rouge de niveau 3 (au troisième niveau), il faut posséder une pyramide rouge de niveau 3 ou 4 et payer trois points de prière. On récupère alors la tuile pouvoir définitivement, ce qui signifie qu’au cours de la partie, les Dieux vont à la fois devenir plus puissants et se singulariser. Une habile manière de rendre la sensation d’être un Dieu progressant dans sa quête de pouvoir, et qui fonctionne admirablement du fait de l’unicité de la quasi-totalité des tuiles, de leur mode d’acquisition qui inspire un désir de les cumuler, et de leurs capacités, sur lesquelles on reviendra.

Le niveau intermédiaire propose trois actions : faire évoluer une Pyramide d’autant de niveaux qu’on le souhaite, tant qu’on a de quoi en payer le prix. Monter du niveau 1 au niveau 2 coûte deux points de prière, du niveau 2 au niveau 3 trois points. Pour monter plusieurs niveaux, on cumule les coûts, et monter du niveau 1 au niveau 4 coûte logiquement neuf points de prière (2+3+4). On peut également prier (recevoir deux points de prière), et enfin déplacer une troupe.

On déplace normalement le nombre d’unités que l’on souhaite (donc pas nécessairement toute une troupe) d’une case vers la case adjacente, mais la capacité de déplacement pourra être augmentée, de sorte qu’il sera également possible, en traversant des cases, de laisser des unités en chemin, ou au contraire de récupérer des unités rencontrées. Un point de déplacement peut également être dépensé pour traverser le Nil si la troupe se trouve sur un port (sans quoi le fleuve est infranchissable).

Enfin, l’action de déplacement autorise la téléportation (vous êtes quand même un Dieu !). Du moment que vous avez des unités sur la même case qu’une Pyramide (la vôtre ou celle d’une cité adverse), et en dépensant deux points de prière, vous pouvez téléporter ces unités sur une case où se trouve un obélisque (le livre de règles dit « une obélisque », mais ne faisons pas semblant de ne pas comprendre). Or se téléporter ne consomme pas de point de déplacement, ce qui signifie qu’un Dieu doit toujours surveiller les obélisques proches, un adversaire lointain pouvant très vite se retrouver sous ses murs, surtout s’il bénéficie de facilités de déplacement, le Dieu possédant trois points de déplacement pouvant déjà s’avérer imprévisible.

Pour pénétrer dans la cité d’un autre joueur, il est cependant indispensable de commencer son déplacement depuis une case adjacente. Si vos armées partent de plus loin, elles pourraient posséder dix points de déplacement et être malgré tout contraintes de s’arrêter sous les murailles adverses, lui donnant le temps de se préparer à votre assaut.

Le niveau supérieur de la Pyramide d’actions permet à nouveau de se déplacer, ou de recruter des unités, autant que de points de prière que l’on dépense à cet effet, et que l’on dispose sur les quartiers de sa cité. Des unités peuvent être recrutées même sur un quartier occupé par un adversaire, du moment que c’est dans la cité du joueur qui recrute, ce qui provoque immédiatement un combat.

 

« War, war never changes »

Comme vous vous en doutez, les armées adverses ne vous laisseront pas passer pacifiquement. La rencontre avec d’autres troupes interrompt ainsi votre mouvement et occasionne une bataille.

C’est là qu’interviennent les six cartes Combat. Les belligérants en choisissent deux, la première étant défaussée face cachée sans avoir servi, la deuxième définissant votre attitude. Ce n’est qu’alors que les Dieux révèlent leur carte, éventuellement assortie d’Interventions Divines. Après le combat, les Dieux défaussent la carte Combat utilisée, et seront donc plus limités à la bataille suivante, les enjoignant à économiser les plus puissantes pour les occasions les plus importantes. Ce n’est qu’une fois les six cartes défaussées (à la fin de la troisième bataille) qu’on les récupère toutes en main. S’il est impossible de savoir exactement quelles cartes Combat un adversaire défausse, prêter garde à celles qu’il a jouées peut s’avérer déterminant.

 

 

La puissance d’une troupe est définie par le nombre d’unités qu’elle comporte, par la valeur de force de la carte Combat, et par les bonus variés. Le joueur avec la valeur de combat la plus élevée remporte la victoire, le défenseur ayant l’avantage en cas d’égalité.

Le perdant peut battre en retraite, en déplaçant ses troupes sur une case libre adjacente. Si aucune case n’est libre, ou s’il préfère cette option à la retraite, il peut également renvoyer toute sa troupe dans la réserve, et ainsi gagner un point de prière par unité renvoyée.

L’attaquant (et jamais le défenseur) gagne un point de victoire définitif s’il remporte le combat en conservant au moins une unité, et il peut ensuite occuper la case conquise ou renvoyer sa troupe dans la réserve, remportant également un point de prière par unité renvoyée.

Il peut ainsi vaincre (en ayant une plus grande valeur de force) et pourtant perdre toutes ses unités, la force et les dégâts étant des valeurs distinctes. Chaque carte Combat porte en effet, en plus de la valeur de force, une valeur de dégâts et une valeur de protection. On retire ainsi autant d’unités à la troupe adverse qu’on lui inflige de dégâts, moins une par point de protection qu’il porte sur sa propre carte Combat (tous ces points pouvant naturellement être influencés par divers pouvoirs et bonus).

 

Théomachie

Un Dieu n’est pas un quelconque général d’armée, et les deux concepteurs de Kemet en tiennent compte bien au-delà du design des unités et des plateaux individuels, de l’importance des points de prière, ou même de la capacité à se téléporter.

Tout d’abord, les Interventions Divines, assez rares pour être précieuses, puisqu’outre la carte initiale, on n’en reçoit qu’une par phase de nuit. Ce sont des cartes que l’on conserve secrètement en main, pour modifier soudainement le cours de la partie. Certaines ne peuvent être jouées que pendant sa phase de jour, hors combat, d’autres que pendant le tour d’un adversaire, toujours hors combat, et les dernières pendant les combats où l’on est impliqué.

Elles permettent par exemple de bénéficier d’un bonus de deux dégâts en combat, de gagner des points de prière, d’ignorer les effets des murailles pour assaillir une cité même en partant d’une case qui ne serait pas adjacente, d’ajouter deux unités à une troupe…

Les tuiles Pouvoir se déclinent en trois spécialités, prières pour les blanches, attaque et déplacement pour les rouges, défense et contrôle pour les bleues. Conservées définitivement, elles altèrent les règles en faveur du joueur qui les détient, devenant intrinsèquement liées au Dieu dont elles sont un nouvel attribut. Leur disponibilité initiale pour tous les joueurs les rend comparables à un upgrade shop dans un jeu vidéo multijoueur, un magasin où tout le monde a le même accès au début pour se spécialiser, et en fonction de ses préférences (et performances) un accès de plus en plus personnel, à la différence que choisir une tuile dans Kemet la retire de la sélection, et que les tuiles en double se comptent sur les doigts d’une main.

Les pouvoirs des trois couleurs permettent l’invocation d’une créature ou de jouer un jeton d’action supplémentaire à chaque tour (donc de bénéficier de six actions au lieu de cinq sur les neuf possibles). Les tuiles blanches permettent par exemple de gagner deux points de prière par unité détruite en combat, de réduire les coûts en points de prière ; les rouges d’obtenir immédiatement un point de victoire définitif, de donner un point de force supplémentaire à toutes les unités, de détruire deux unités ennemies d’un troupe attaquée ; les bleues d’ajouter quatre unités à chaque phase de nuit sur une troupe ou une cité, d’obliger un adversaire à montrer la carte Combat qu’il souhaite jouer, de gagner des points de victoire en remportant une victoire comme défenseur.

 

 

Restent enfin les sept créatures uniques, Scarabée royal, Scorpion géant, Phénix, Éléphant ancestral, Guivre du désert, Sphinx, Momie, acquises grâce à des tuiles Pouvoir, et qui accompagnent vos armées sans compter dans les cinq unités maximales d’une troupe. Si toutes les unités de la troupe accompagnée meurent, elle réapparaît sur une zone de la Cité de son propriétaire à condition qu’elle soit occupée par au moins une unité. Sinon, elle reste dans sa réserve, et réapparaîtra sans conditions et sans coût à la prochaine action de recrutement. Les créatures de Kemet augmentent généralement la force et la capacité de déplacement d’une troupe, en plus d’éventuels bonus divers. La sensation qu’elles procurent est également assez vidéoludique, puisqu’elle fait immanquablement penser au plaisir d’être accompagné d’une invocation sur-puissante dans un jeu de type MMORPG, avec le même statut facultatif (on peut très bien triompher sans créatures) et pourtant jouissif.

Les capacités des tuiles Pouvoir, des créatures et des Interventions divines sont précisées sur une fiche récapitulative, qu’il est conseillé de photocopier pour chacun des joueurs, puisque la boîte n’en contient qu’une. Au début indispensable, étant donné l’absence de texte sur les cartes, les joueurs pourront assez vite s’en passer grâce à la clarté des symboles représentés, de surcroît assez peu nombreux. Même si l’on regrette que les cartes ne portent de nom que sur la fiche, ce qui leur ôte un peu de personnalité et empêche les joueurs de s’y référer facilement avec les mêmes mots, il est évident que cela permet à Matagot de ne pas les imprimer dans chaque langue, et il faut admettre que cela favorise une prise en main plus intuitive.

 

Pour une poignée de points

L’objectif du jeu est d’atteindre un nombre de points de victoire fixé en début de partie. Les règles de Kemet recommandent des parties en huit ou dix points, même si rien n’empêche d’en exiger moins pour des parties plus simples et courtes, ou plus pour des parties plus longues, où l’on ressentira plus intensément encore le plaisir de rendre son Dieu redoutable. Les 8-10 points sont néanmoins la limite dans laquelle on profite le plus normalement des mécaniques de jeu, pour avoir le temps de se développer tout en restant dans une optique de course, et donc d’attaques permanentes.

L’agressivité est en effet la meilleure manière de gagner les points : gagner un point par victoire, jusqu’à deux fois par phase de jour (si l’on choisit deux fois l’action de déplacement), permet de faire grimper son score incomparablement vite, et le joueur strictement attentiste n’a pratiquement aucune chance de remporter la victoire, Kemet étant clairement orienté affrontement plutôt que gestion ou diplomatie (on n’est pas dans 7 Wonders).

Si à la fin d’un déplacement ou d’un combat un joueur contrôle un Temple, il reçoit le point de victoire temporaire relatif à ce Temple, et valable uniquement tant qu’il le contrôle. L’abandonner à un adversaire, ou vider le Temple de toute présence, oblige à renoncer au point de victoire, qui attendra la prochaine divinité pieuse. Et posséder une Pyramide de niveau 4 octroie un point de victoire temporaire, également possédé par le joueur contrôlant la zone où elle se trouve. Si conquérir une cité adverse est généralement plus dangereux qu’utile, la Pyramide de niveau 4 a de quoi attiser soudain les convoitises…

Par ailleurs, à la fin de chaque phase de jour, le Dieu contrôlant le Sanctuaire de tous les Dieux peut sacrifier deux unités en échange d’un point de victoire définitif, et tout joueur contrôlant au moins deux temples (ce qui n’inclut pas le Sanctuaire) reçoit un point définitif. L’idée n’est encore une fois pas de valoriser une stratégie de possessions religieuses plutôt que de victoires militaires. Les Temples ont au contraire pour finalité de représenter des points d’intérêt pour les joueurs (plus que les Cités, inutilement dangereuses à moins de désirer profiter d’une Pyramide), pour le contrôle desquels les joueurs vont converger et se battre à mort.

C’est alors que l’on compare les scores de tous les joueurs, et que l’on met éventuellement fin à la partie si l’un d’entre eux a atteint le nombre de points fixé. En cas d’égalité, le joueur avec le plus de points triomphe ; en cas de nouvelle égalité, il faut posséder plus de points de victoire militaires ; sinon, et pour parer à toute égalité, le vainqueur est celui qui a joué le premier lors de la précédente phase d’action. Autrement dit, celui qui parmi les joueurs ayant le plus de points de victoire avait été désigné par le joueur possédant le moins de points de victoire pour jouer avant ses rivaux (donc probablement celui qui, à ce stade, représentait le moins une menace).

Une bonne raison de tenter de conserver les faveurs du joueur le plus « faible », aussi bien pour qu’il nous permette de jouer avant les autres, que pour éventuellement nous aider en cas d’égalité ! Or on conserve ses faveurs en ne le persécutant pas, voire en ne l’attaquant pas, ce qui contraint à une intéressante gymnastique mentale quand le dernier joueur s’avère (et c’est souvent le cas) la cible la plus tentante pour des points faciles ! La classique idée de catch-up (le fait d’avantager le joueur à la traîne) devient une mécanique redoutable…

 

Kemet, jeu très tactique et très bourrin

À une époque où, KickStarter oblige, pullulent les jeux à figurines matériellement attractifs, et tentant de dissimuler leur pauvreté derrière un foisonnement de mécaniques et un fort appel à l’aléa, Kemet se distingue par sa solidité tactique, favorisée par l’accès initial aux mêmes pouvoirs disposés face révélée. À tous les niveaux, le jeu est extrêmement bien conçu pour ne procurer aucune frustration (sauf peut-être aux débutants contre lesquels pourraient se liguer les aguerris), condition indispensable pour profiter pleinement du sentiment de puissance procuré par le jeu, par son matériel, son thème et un gameplay aussi simple que varié.

J’ai ainsi beaucoup pensé au formidable Adrénaline en jouant à Kemet, dans l’alliance subtile entre une finalité bourrine et des moyens très tactiques, renforcés par de fines mécaniques de récompenses et de compensations, avec l’accès à différentes stratégies pour triompher. Tout y est pensé pour que la partie se déroule sans temps mort (sans risque d’enlisement à la Risk), avec ce qu’il faut d’amitiés (très) temporaires et de bluff pour assurer une bonne ambiance autour de la table. Kemet ayant en plus pour lui la qualité de son matériel (même si le toilage des cartes en ternit malheureusement les belles couleurs), en particulier des figurines de créatures, une plus grande accessibilité initiale (même s’il faut ensuite une certaine expertise pour le maîtriser), et la possibilité de le pratiquer à deux, configuration dans laquelle il n’a besoin d’aucun aménagement pour être très efficace !

Tout cela vous paraît bien prometteur ? Sachez que Matagot organisera prochainement des tournois dans toute la France, donc n’hésitez pas à consulter leur site pour plus de renseignements !

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