7 Wonders, merveille du jeu de société
Après avoir contribué à l’émergence du jeu vidéo en fondant une partie des réflexions sur le game design et la transformation d’univers narratifs en mécaniques ludiques, le jeu de société avait fini par constituer une catégorie à part, souvent cantonnée aux Monopoly et autres Cluedo. Son retour dans le domaine du « geek » n’était qu’une question de temps, surtout après son récent renouveau, qui s’est concrétisé dans des jeux plus variés, et laissant souvent plus de place au thème. Après Sherlock Holmes, Détective conseil, Mechs vs. Minions, Zombicide, Mr. Jack, Small World, Unlock ! et Unlock! : Mystery Adventures, Loony Quest, T.I.M.E. Stories, Château Aventure, Zombie Tsunami, Smash Up et Star Realms, Vikings Gone Wild, Les Montagnes hallucinées, Adrénaline, un Coffre des joueurs (comportant Clank!, Wendake, et Light Hunters), Imaginarium, puis Tokaido, Professeur Evil et la Citadelle du Temps, Caverna – caverne contre caverne, Pocket Ops, Not alone, Minuit, Meurtre en Mer, Taverna, Concept, Dice Throne, When I Dream, Ex Libris, Fruit Ninja : Combo Party, nous allons nous intéresser à 7 Wonders.
Cela fait quelques mois que 7 Wonders, le jeu culte développé par Antoine Bauza (Ghost Stories, Hanabi, Tokaido) et illustré par Miguel Coimbra (When I Dream, City of Horror, Cyclades, Small World) pour le passionnant éditeur Repos Production (Time’s Up, Concept, When I Dream, City of Horror…), connaît une application mobile, pour Android et iPhone, un beau prétexte pour présenter celui qui, depuis 2010, apparaît assez consensuellement comme l’une des merveilles du jeu de société moderne.
Si le CV des auteurs et de l’éditeur ne suffisait pas, ajoutons-y l’argument d’autorité : 7 Wonders avait obtenu le premier Kennerspiel des Jahres (Meilleur jeu de société Expert), le Golden Geek, le Prix du Jury aux As d’or, le TricTrac d’or, le Dice Tower Best Game of the Year (et Best Game Artwork)… pour ne citer que les plus prestigieuses des dizaines de récompenses amassées un peu partout. À ce stade, et si vous n’aviez jamais entendu parler de 7 Wonders, votre curiosité doit être aiguisée, mais vous attendez d’en savoir plus sur ce jeu, son univers, ses mécaniques… Sachez déjà qu’il est jouable de 2 à 7 joueurs, à partir de 10 ans, pour des parties d’une quarantaine de minutes, et qu’il est disponible pour environ 35 euros.
Partir de rien pour construire les plus belles des merveilles
Contrairement à ce que le titre 7 Wonders pourrait laisser penser, et contrairement à Age of Empires, construire une merveille, voire la protéger pendant un temps donné, n’assure pas la victoire. Plus étonnant, la construction des merveilles, évidemment possible, est relativement accessoire, et il n’est pas inenvisageable de gagner sans en construire une seule – bien que leur érection offre un coup de pouce bienvenu.
Dans 7 Wonders, les merveilles servent de métonymie et de métaphore pour la civilisation que vous représentez, et constituent surtout l’élément fédérateur du jeu, celui qui lie thème et mécaniques, confère une unité visuelle, participe à l’immersion, et guide la manière de jouer.
Une partie commence ainsi par le mélange des sept cartes Merveille, représentant (pour la révision) le Phare d’Alexandrie, les Pyramides de Gizeh, la statue de Zeus à Olympie, le Mausolée d’Halicarnasse, le Colosse de Rhodes, la statue d’Artémis à Éphèse et les Jardins suspendus de Babylone, puis leur attribution aux différents joueurs, de manière aléatoire ou selon une autre méthode préférée par les joueurs (j’aime personnellement attribuer deux merveilles à chaque joueur, quand leur nombre le permet, et le laisser choisir). De même, chaque plateau Merveille a deux côtés, une face A et une face B (plus technique), et s’il est plus recommandé de commencer par la face A, des joueurs plus habitués pourront décider s’ils préfèrent tous prendre la même, laisser le hasard décider, ou choisir celle qui a leur préférence.
Chaque Merveille rapporte une ressource particulière, l’équivalent d’un Mana de Magic : cela réduit un coût de cette ressource à chaque tour, mais vous ne pouvez pas les garder de côté pour en utiliser plusieurs au même tour. Et leur construction peut généralement être réalisée au cours de la partie en trois étapes, la base, le milieu et le sommet, chacune coûtant un certain nombre de ressources et rapportant un avantage particulier, argent, points de victoire, ressources… Seules les faces B des Pyramides et du Colosse font exception, puisqu’elles se construisent respectivement en quatre et deux étapes.
Une Merveille pour une civilisation
Si les Merveilles n’étaient que de beaux lieux, des sites naturels auraient pu en parfaire la liste. Mais le choix des Merveilles était une preuve d’admiration pour le génie de leurs constructeurs, et pour la grandeur de la civilisation parvenue à un tel degré de perfection artistique. La Merveille qui vous est attribuée définit ainsi la civilisation que vous incarnez, et que vous devez développer afin d’éblouir le monde par cette preuve de votre supériorité.
Vous aurez ainsi trois âges, de la naissance de la civilisation à son zénith, pour la rendre aussi prospère que possible. À chaque âge, les joueurs piochent sept cartes correspondant à cet âge. Ces cartes correspondent aux bâtiments qu’ils peuvent construire : bâtiments de production de matières premières, c’est-à-dire de pierre, de bois, d’argile et de minerai (cartes brunes), de productions de produits manufacturés, papyrus, textile, verre (cartes grises), bâtiments militaires (cartes rouges), bâtiments d’agrément civils (cartes bleues), bâtiments scientifiques (cartes vertes), bâtiments commerciaux (cartes jaunes), et au troisième âge, bâtiments de guilde (cartes violettes).
Tandis que certains sont gratuits, notamment au premier âge, d’autres peuvent être très onéreux en argent ou en ressources, de sorte qu’il peut être judicieux de favoriser des chaînages, en construisant des bâtiments permettant plus tard dans le jeu la construction gratuite d’autres bâtiments, normalement chers.
Il va donc de soi qu’il vaut mieux au début privilégier les ressources et l’argent, dont vous ne possédez que trois pièces en début de partie. Si vous ne disposez pas des ressources nécessaires pour construire un bâtiment, il vous est possible de les acheter (au prix de 2 pièces par ressource) aux joueurs à votre droite et à votre gauche, à conditions qu’ils les produisent, et que vous soyez prêt à les payer… C’est là que les cartes jaunes trouvent tout leur sens : non seulement certaines rapportent des pièces, d’autres permettent d’acheter les ressources à une pièce seulement à un joueur. Et si vous manquez d’argent, vous pouvez renoncer à construire un bâtiment ou une étape de merveille ce tour-ci pour défausser une carte, et ainsi obtenir trois pièces…
Les cartes brunes et grises rapportent simplement des ressources non cumulables à chaque tour. Les cartes rouges rapportent des points militaires. Les cartes bleues rapportent des points de victoire. Les cartes violettes octroient des avantages de majorité divers (selon le nombre de ressources, d’étapes de merveille, de points de combat etc. que vous et/ou vos adversaires possédez). Les vertes portent trois icônes scientifiques. Les cartes jaunes ont des effets divers en lien avec le commerce.
À vous de décider si vous préférez spécialiser votre ville ou offrir de tout à vos citoyens, sachant que vous ne disposez que de trois âges pour cela, donc 18 cartes en tout (on jette toujours la septième carte de sa main à la fin d’un âge)… et surtout qu’après chaque tour, vous donnez votre main au joueur à votre gauche pour récupérer celle du joueur à votre droite ! Vous n’êtes donc jamais sûrs des bâtiments que vous serez en mesure de construire, et vos adversaires pourront choisir de vous gêner en jouant précisément les cartes qui auraient convenu à votre stratégie.
Marquer des points pour établir sa supériorité
Les Merveilles ne sont donc pas l’objectif du jeu, mais un moyen important de vous aider à parvenir à cet objectif, l’obtention de points de victoire. Pour commencer, à la fin de chaque âge, chaque joueur compare son nombre de points de combat avec ses deux voisins, et remporte 1 point de victoire au premier âge, 3 au deuxième âge et 5 au troisième pour chaque cité qu’il vainc, tandis qu’il prend un jeton – 1 pour chaque défaite.
À la fin des trois âges, les joueurs comptent leurs points, en commençant par les points de victoire octroyés par le combat. Puis ils marquent un point de victoire par lot de trois pièces. Ils y additionnent les points de victoire figurant sur les étapes construites de la Merveilles, ainsi que sur les Bâtiments civils, les Bâtiments commerciaux et les Guildes. Enfin, ils observent leurs bâtiments scientifiques. Ceux-ci peuvent porter trois symboles différents. Un symbole possédé une seule fois rapporte 1 point, deux fois 4 points, trois fois 9 points, quatre fois 16 points, tandis que chaque groupe de trois symboles différents rapporte 7 points supplémentaires.
L’intérêt, vous l’aurez compris, est donc qu’il existe de nombreuses voies possibles pour la victoire. Un peu à la Civilisation, vous pouvez établir votre supériorité par l’éclat scientifique de votre cité, par sa richesse commerciale, par sa puissance militaire, par l’agrément de ses citoyens, par la construction des plus impressionnants bâtiments, ou par une combinaison de ces cinq qualités. Mais établir la plus brillante des civilisations passe aussi par une adaptabilité aux circonstances, matérialisée par le passage des cartes d’une main à l’autre. Ce que vous pouvez faire une année ne sera pas toujours possible l’année suivante, et il faut parvenir à penser à court-terme tout en préparant le long-terme.
Il arrive ainsi souvent qu’une cité très ouvrière au premier âge, donc négligeable en comparaison des autres capitales militaire et commerciale, dévoile soudain au troisième toute sa supériorité, l’accent mis sur les ressources offrant soudain d’immenses facilités en comparaison avec des rivaux trop pressés et trop vite dépensiers.
J’avais à vrai dire quelques difficultés avec cette idée de passer sa main à chaque tour, qui ne me paraissait thématiquement pas très cohérente – il faut dire que j’avais d’abord joué et adoré 7 Wonders – Duel, qui propose une solution très élégante à cette question, et sur lequel j’espère revenir prochainement. Mais on ne peut nier son intérêt pour casser l’autarcie possible des civilisations. Vous pouvez très bien vous développer dans votre coin, sans tracasser vos rivaux, mais il est évident que plusieurs règles ont été mises en place pour vous rappeler constamment de surveiller à droite et à gauche, à la fois par le passage de main, l’affrontement à la fin de chaque âge et le commerce. Enfin ce n’est pas pour rien que 7 Wonders est « le jeu le plus primé au monde », il n’est pas seulement superbe, il est également et surtout très fin. Au point de proposer une véritable variante pour deux joueurs.
Duel au sommet
Avant de concevoir 7 Wonders – Duel, une version deux joueurs de 7 Wonders trop différente et complète pour que j’en parle ici, Antoine Bauza avait déjà imaginé que l’on pourrait jouer à 7 Wonders à deux, comme il avait compris que les règles classiques ne se prêtaient pas très bien à cette configuration. Celle-ci était loin d’être impossible, mais l’auteur préférait proposer une variante vraiment satisfaisante, au contraire des nombreux jeux se targuant d’être praticables à deux alors qu’ils sont clairement conçus pour plus (ou l’inverse d’ailleurs), ce qui est tout à son honneur.
Première particularité, cette variante comporte trois cités, celles des deux joueurs et une « cité franche ». Elle se joue donc avec les cartes prévues pour trois joueurs, et chaque cité se voit octroyer une merveille et trois pièces.
Comme vous vous en doutez, les joueurs vont donc jouer à tour de rôle avec la Cité franche. Celle-ci ne possède pas de main spécifique : le joueur ajoute à sa main une carte aléatoire d’une pioche, puis joue deux cartes, une pour lui, et une pour la cité franche, en respectant quelques règles : il ne peut défausser de carte pour la cité franche que si celle-ci ne peut rien construire ; et si un chaînage est possible dans la cité franche, il doit être réalisé. En dehors de cela, la cité franche peut commercer (et le joueur qui la contrôle peut donc se servir de cette possibilité pour gagner des pièces), participe aux combats, comme n’importe quelle cité.
Cette proposition est assez différente des saboteurs d’Imaginarium ou du troisième voyageur de Tokaido. Si dans ces deux jeux le contrôle des « joueurs » supplémentaires servait également à gêner l’adversaire, ces bots n’avaient pas d’autre fonction, n’étaient jamais considérés comme de véritables joueurs, et ne pouvaient gagner de ressources, d’argent, et a fortiori remporter la partie, contrairement à la cité franche. Et c’est un détail assez délicieux : on aurait spontanément tendance à se figurer qu’une cité contrôlée par deux joueurs n’a aucune chance de gagner contre ces deux joueurs, qui ne font normalement que l’instrumentaliser pour leur propre compte, mais les moyens de victoire sont si divers qu’à moins de prêter attention aux scores régulièrement, on peut très bien se retrouver dépassé par la cité franche sans aucune intention de la faire gagner !
J’ai naturellement tendance à préférer Seven Wonders – Duel, ne serait-ce que parce que l’échange constant des mains avec un seul autre joueur a quelque chose de mécanique que j’ai du mal à apprécier. Ce n’est pas pour rien qu’avec l’aide de Bruno Cathala Antoine Bauza est allé jusqu’à construire un nouveau jeu. Mais cette variante a plus que le mérite d’exister, elle fonctionne assez bien et manifeste un louable soin d’apporter au joueur une expérience satisfaisante.
7 Wonders… and more
7 Wonders a assez vite connu trois extensions, Leaders, Cities et Babel, auxquelles devraient bientôt (on espère) s’ajouter la prometteuse Armada. Babel est la seule que je ne possède pas, j’y ai donc trop peu joué, et elle est trop massive pour que j’en parle ici (peut-être un article Babel et Armada à l’avenir ?), mais présentons déjà les deux autres qui, comme vous le verrez, sont déjà d’une grande richesse.
Leaders ajoute déjà le Colisée de Rome aux sept Merveilles du canon, ainsi que quatre nouvelles cartes Guilde. Surtout l’extension contient 37 cartes Leader, dont l’une, Sémiramis, est vierge, afin que vous puissiez personnaliser son pouvoir.
Au début d’une partie de 7 Wonders avec l’extension Leaders, les joueurs reçoivent six pièces au lieu de trois. Puis ils reçoivent aléatoirement quatre cartes Leader. Chacun en choisit secrètement une, puis donne les trois autres à son voisin de droite, recevant de même trois cartes de son voisin de gauche. Puis en choisit une autre, et donne les deux restantes au même voisin, etc., jusqu’à ce que chaque joueur ait quatre Leaders en main.
Au début d’un âge, les joueurs joueront alors l’une de leurs cartes de Leader, soit pour la défausser (et récupérer trois pièces), soit pour construire une étape d’une Merveille (toujours en en payant le coût), soit pour le recruter, et le placer à côté de sa Merveille. Comme il n’y a dans 7 Wonders que trois âges, un joueur pourra normalement disposer au maximum de trois Leaders en fin de partie, et il s’agira de bien décider dans quel ordre les recruter, tous n’ayant pas le même intérêt à chaque âge. Ramsès permet par exemple de jouer toutes ses cartes Guilde gratuitement… Sauf que le recruter coûte cinq pièces, ce qui est assez ruineux en début de partie, et que les Guildes ne sont présentes dans le jeu qu’à partir du troisième âge. De même, une carte comme Alexandre (qui rapporte un point de victoire supplémentaire par jeton Victoire) ou comme Platon (qui rapporte sept points supplémentaires par série de sept cartes de couleur différente possédées) n’a aucun sens en début de partie, tandis qu’elles créeront une redoutable montée de tension pour vos rivaux en fin de jeu.
Au premier âge, jouer Mécène (qui ne coûte qu’une pièce et rend les autres Leaders gratuits) ou Xénophon (qui octroie deux pièces à chaque bâtiment de commerce construit) sera donc bien plus judicieux. Bref, ces 37 Leaders augmentent considérablement la rejouabilité de 7 Wonders et le plaisir pris à l’asymétrie du jeu… et à son univers. Aucun n’a en effet le nom ou le pouvoir d’un autre, et vous retrouverez même une courte biographie de chacun à la fin du livret de règles. La meilleure preuve de ce plaisir ? Vous aurez parfois envie de jouer un Leader par appréciation pour le personnage plutôt que pour le pouvoir !
Leaders rééquilibre par ailleurs les parties à deux joueurs : la cité franche ne possède évidemment pas de Leaders, et ne reçois donc en début de partie que trois pièces (puisque la question de les dépenser pour obtenir un Leader ne se pose pas). Cela la défavorise légèrement par rapport aux joueurs physiques, qui pourront davantage l’utiliser comme un saboteur que la jouer en craignant qu’elle ne les vainque.
L’extension Cities commence quant à elle par ajouter deux Merveilles, la Khazneh de Petra et la basilique Sainte-Sophie de Byzance, et six Leaders (Bérénice, Darius, Aspasie, Caligula, Sémiramis, Dioclétien). Parmi les nouveautés plus inédites, les joueurs commencent chaque âge avec huit cartes en main, et peuvent désormais perdre de l’argent et contracter des dettes (soit parce qu’ils ne peuvent pas payer une somme due, soit pour garder leur argent), qui leur ôteront autant de points de victoire en fin de partie ; et on peut récupérer des jetons Diplomatie, qui permettent de ne pas participer à un conflit (donc de ne pas perdre ni gagner de points de combat). Les deux voisins du joueur « diplomate » s’affrontent alors comme s’il n’était pas là, une addition assez formidable dans l’idée, puisqu’elle permet de faire le choix délibéré de ne pas combattre, sans subir de handicap.
Enfin, Cities ajoute les cartes Cities, de couleur noire, dont on ajoute au paquet de cartes de chaque âge autant d’exemplaires que de joueurs. Ces 27 nouvelles cartes ont des effets variés, faisant perdre des pièces à vos adversaires si vous construisez une planque, un repaire ou une confrérie, octroyant un jeton Diplomatie si vous construisez une résidence, un consulat ou une ambassade, le pigeonnier ou la chambre des confessions permettant de copier un symbole scientifique d’une cité voisine…
Naturellement, dans une partie à deux joueurs, si la cité franche fait perdre des pièces à tous les autres joueurs, cela inclut celui qui la contrôle ce tour-ci. La seule altération de règles un peu notable concerne la défausse de pièces de la cité franche, le joueur la contrôlant pouvant choisir si elle perd des pièces ou si elle contracte des dettes.
Surtout, Cities permet désormais de jouer à huit, chaque joueur ne piochant que sept cartes par âge, et en équipes de deux ! Les coéquipiers s’assoient côte à côte et peuvent se montrer leurs mains, mais il va de soi que les cartes et ressources restent la propriété de chacun, que les effets négatifs affectant tous les joueurs affectent l’allié, qu’il est interdit de commercer pour lui donner de l’argent si le chaînage ou ses propres ressources permettent la construction. Cela affecte surtout le combat : chaque joueur affronte l’adversaire à côté duquel il se trouve, et tous les jetons de combat, en cas de victoire comme de défaite, sont doublés. Enfin, le jeton Diplomatie ne permet plus d’échapper au combat, mais seulement de ne perdre ou ne faire gagner qu’un jeton de combat.
Ce que j’admire surtout avec Cities, c’est qu’Antoine Bauza est parvenu à créer une extension raisonnablement substantielle, nettement assez pour justifier qu’on l’acquière pour varier et renouveler ses parties, mais pas au point de rendre 7 Wonders imbuvable à force de règles et de nouvelles phases. De même, elle ajoute juste assez pour inviter les joueurs à panacher leurs cartes et leurs Merveilles (entre le jeu de base et les deux extensions) selon leurs préférences, sans que cette étape exige un trop grand degré d’abstraction et un temps infini.
En plus de ces extensions, Repos Production a publié l’Art Pack, c’est-à-dire les mêmes Merveilles avec de nouveaux dessins exécutés par la fine fleur de l’illustration de jeux de société (Naïade, Vincent Dutrait, Pierô la Lune, Djib, Ani, Dimitri Chappuis, et à nouveau Miguel Coimbra), et le Wonder Pack, contenant cette fois Abu Simbel, Stonehenge, la Grande Muraille… et le Mannenken Pis (ils sont Belges, que voulez-vous !). Bref, 7 Wonders est un jeu extrêmement riche sans être pléthorique au point de s’en rendre inaccessible, et encore en mutation puisque, comme on l’a dit, une extension navale est en préparation depuis un certain temps…
Le monumental 7 Wonders sur portable et tablette ?
En attendant, Repos Production a développé une application, disponible pour 5 euros 49 sur Google Play et l’App Store, et contenant les extensions Leaders et Cities pour 2 euros 29 chacune. Des prix qui peuvent paraître élevés si vous n’avez pas l’habitude d’acheter de jeux mobile, mais relativement dans la moyenne quand on les compare à d’autres productions comparables, surtout en sachant que ce 7 Wonders n’est développé que par deux personnes et encore en constante amélioration, et évidemment très faibles si on regarde le prix des jeux physiques.
Quelques photos en parleront mieux que mille mots. Pour s’adapter à la petite taille des écrans de téléphone portable, vous verrez que les informations ont été condensées de sorte qu’on peut avoir l’impression d’une trop grande densité. Il faut en fait appuyer sur une cité pour en faire apparaître les différentes caractéristiques, tandis qu’un appui long sur le nom d’une carte l’affiche entièrement, avec illustration et détails.
Il est assez difficile de recommander cette application si vous n’avez jamais joué à 7 Wonders. Ce n’est pas une question de difficulté (le tutoriel, pour le jeu de base comme pour les extensions, est vraiment très bien fait), mais d’adhésion. 7 Wonders est un jeu qui profite tellement du pouvoir immersif de son matériel, de ses illustrations, qu’on imagine difficilement quelqu’un être convaincu d’acheter le jeu de société après avoir essayé le jeu mobile (sauf justement pour passer à l’étape supérieure). D’autant que le jeu est si fluide que vous pourrez finir les trois âges en cinq minutes, sans vous rendre compte assez bien de la passionnante tacticité de 7 Wonders. Peut-être aurais-je préféré qu’à la manière du portage d’Isle of Skye, l’écran de jeu prenne l’espace nécessaire pour déployer notre Cité, nous laissant regarder les cartes de nos adversaires seulement en cliquant sur le nom de leur Cité ? Difficile à dire bien sûr sans avoir eu cette proposition sous les yeux, et il est évident que l’on aurait risqué de perdre cette fois en tacticité (avec la capacité à embrasser toutes les Cités d’un seul regard) pour gagner en immersion…
Je suis pourtant très loin de la condamner : il me semble qu’elle représente un formidable plus pour les joueurs habitués au jeu physique, et pouvant donc profiter pleinement de ce que l’application leur apporte, malgré son abstraction relative. Ceux-là seront ravis de pouvoir jouer même en l’absence de leurs habituels compagnons, soit contre eux en ligne, soit contre des joueurs inconnus, soit hors ligne contre des intelligences artificielles, de trois à sept joueurs, et verront assurément la concision des parties comme un véritable plus pour les enchaîner, poursuivre leur appropriation du jeu et parfaire leur stratégie.
7 Wonders : une des merveilles du jeu de société
Malgré sa publication en 2010, donc relativement récente, il y a longtemps que 7 Wonders est considéré comme un jeu de société culte et comme un classique. Si on peut ne pas apprécier sa part d’aléa, son système de score varié, le partage des mains (pour essayer de deviner les reproches qu’un joueur avec des goûts très pointus pourrait lui adresser), il est impossible d’être insensible à sa force de proposition, graphique et mécanique. 7 Wonders est en effet un jeu superbe, accessible et riche, qui a le luxe de se renouveler régulièrement, ce qui en fait sans aucun doute une de ces merveilles du jeu de société qu’il est simplement impensable de ne pas au moins essayer.