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Aeon’s End – le renouvellement tactique du deckbuilding ?

Aeon’s End – le renouvellement tactique du deckbuilding ?

 

La semaine dernière, nous vous présentions Kemet, le jeu édité par Matagot opposant les armées des dieux antiques pour la conquête de la Basse-Égypte, et dont des tournois seront bientôt organisés en France. Or nous avons eu la chance de tester plusieurs fois un autre jeu de Matagot quelques semaines avant sa sortie en boutiques, prévue pour le 14 septembre, donc très bientôt : Aeon’s End.

Plus précisément, Aeon’s End est un jeu localisé par Matagot, et initialement édité en 2016 par Action Phase Games, qui s’était ensuite associé à Indie Boards and Cards pour créer une extension jouable indépendamment, Aeon’s End : War Eternal, puis pour lancer le KickStarter d’un Aeon’s End Legacy. Autant dire que le jeu de Kevin Riley, illustré par Gong Studios, fait déjà beaucoup parler de lui dans les pays anglo-saxons, et que la sortie française en était très attendue.

La principale raison de ce succès, un renouvellement intéressant des mécaniques de deckbuilding, ce type de jeu de société dans lequel les joueurs commencent avec un même deck de départ, qu’ils personnalisent au cours de la partie en acquérant de nouvelles cartes, et dont nous avions déjà traité quelques exemples (Vikings Gone WildStar Realms, Clank). En l’occurrence, Aeon’s End s’inscrit dans l’originale déclinaison des deckbuildings coopératifs, les joueurs incarnant des mages faisant face à d’imposants monstres dans un univers de fantasy post-apocalyptique. Disponible pour 42 euros 90, il permet l’alliance de deux à quatre mages mais se joue également très bien en solitaire, pour des parties d’une à deux heures.

 

Aeon's End boite

 

Un univers post-apocalyptique aux mains des Némésis

Dans Aeon’s End, il n’est pas question de protéger l’univers des forces démoniaques, celles-ci l’ont déjà anéanti, et elles s’attaquent désormais à l’ultime centre de résistance du Monde Qui Fut, la cité de Gravehold. Les mages doivent donc se liguer pour affronter la Némésis qui les menace, et donc défendre tout ce qu’il reste d’humanité en ce monde désolé.

L’histoire servie par Aeon’s End a plus d’âme que beaucoup de jeux de société, ne serait-ce que parce que la partie menée par les joueurs a un sens précis (défendre Gravehold/détruire la némésis), qui s’appuie fortement sur un contexte diégétique. À la manière de Magic, de nombreuses cartes portent d’ailleurs quelques lignes pour expliquer leur inscription dans ce monde, s’ajoutant aux illustrations pour lui donner plus de réalité et de consistance, jusqu’aux plateaux des mages et des Némésis, naturellement assez riches en informations.

Mais on reconnaît un bon jeu thématique à sa capacité à imbriquer son univers et ses mécaniques, et comme on le verra, les brèches qui permettent à la Némésis et aux Sans-Nom d’attaquer Gravehold sont habilement employées dans le gameplay d’Aeon’s End, qui fait ainsi beaucoup pour impliquer le joueur dans le conflit, le faire entrer dans son personnage et lui faire ressentir l’importance de sa quête.

 

Les mages de la brèche

Au début d’une partie d’Aeon’s End, on choisit son mage parmi les huit proposés. S’ils commencent tous avec dix points de vie, ils disposent non seulement d’une capacité spéciale qui leur est propre, mais aussi d’une main et d’une pioche de départ distinctes, ce qui accroît la nécessité de bien choisir son avatar, et par conséquent la variété des parties, aucun mage ne jouant comme un autre, et les mages ne jouant pas de la même manière selon leurs alliés.

Apprécions d’ailleurs le fait que cinq mages soient féminins, et trois seulement masculins . Même si ces deux derniers détiennent les pouvoirs les plus offensifs, c’est le genre de conscience sociale qu’il faut apprécier dans un monde ludique parfois assez lent à se défaire de certains clichés, particulièrement dans les univers flirtant avec l’heroic fantasy. Et à part Jian, dont la robe montre une importante portion des jambes, les femmes ne sont pas du tout sexualisées, aucune poitrine n’est soulignée. L’un des hommes est même relativement androgyne, et un effort évident a été fait sur la couleur des peaux. Certes cela ne fait pas acheter un jeu, mais cela dispose très agréablement en sa faveur !

Chacun des mages a accès à quatre brèches, dont l’une est ouverte en début de partie, les trois autres fermées. Les brèches fermées ont quatre orientations différentes, dont la position initiale varie en fonction du mage (encore un élément de spécificité). En lançant un sort dans une brèche ouverte, le mage peut choisir à partir de son prochain tour s’il l’utilise ou s’il le conserve pour un tour suivant. Mais s’il le lance dans une brèche fermée, le sort s’activera inévitablement au prochain tour, même si les conditions ne sont plus favorables. Les mages ont donc tout intérêt au cours de la partie à ouvrir les brèches, d’autant qu’une brèche ouverte offrira un bonus aux dégâts, en en payant le coût en éther, ou en les faisant progressivement pivoter (en les « stabilisant ») jusqu’à l’orientation permettant leur ouverture.

Enfin, les mages (d’abord très faibles) ont la possibilité d’augmenter leur puissance grâce à la réserve (le « marché »), neuf piles de cartes révélées, qu’ils peuvent acheter pour les ajouter à leur deck. Or il existe de nombreuses combinaisons possibles d’objets du marché, la boîte d’Aeon’s End en contenant bien plus que neuf différents. Les règles suggèrent deux configurations, « Destruction de deck » et « Charges gratuites ! », mais il est possible de personnaliser le marché voire d’en réaliser un tirage aléatoire, en y posant toujours trois gemmes, deux reliques et quatre sorts.

Les gemmes fournissent de l’éther. Le jade fournit par exemple deux éthers, et en coûte deux pour être ajoutée à son deck, tandis que le cristal ne fournit qu’un éther, et n’en coûte aucun. Il y aura sept gemmes de chaque dans le marché, leur épuisement n’étant pas compensé par un réapprovisionnement ou un remplacement.

Les reliques, limitées à cinq cartes, offrent des effets immédiats et assez variés, de la destruction définitive de deux cartes de sa main (pour optimiser son deck) à la réduction du coût de stabilisation des brèches. Globalement, de nombreuses reliques imposent ou permettent la destruction de cartes, soit comme sacrifice en échange d’un effet intéressant, soit parce qu’en bon deckbuilding, Aeon’s End offre la possibilité de se débarrasser de cartes encombrantes (utiles en début de partie, mais empêchant la pioche de meilleures cartes par la suite).

Les sorts enfin, également limités à cinq exemplaires quel que soit le nombre de joueurs, servent à l’infliction des dégâts, à la condition d’être posés sur une brèche, comme on l’a vu.

Au mage de jouer

Le tour d’un mage commence par la phase d’incantation : il peut lancer les sorts posés sur ses brèches ouvertes, doit lancer ceux qui se trouvent sur les brèches fermées, puis les défausse.

Ensuite, la phase principale comporte huit actions, facultatives, jouables dans l’ordre de son choix et autant de fois que le mage le souhaite, tant qu’il le peut (notamment tant qu’il lui reste assez d’éther, celui-ci ne pouvant être cumulé d’un tour sur l’autre, comme le mana dans Magic). Il est alors possible de jouer une gemme ou une relique, d’acheter une carte de la réserve, de stabiliser et/ou d’ouvrir une brèche, de préparer un sort sur une brèche, de dépenser 2 éthers pour gagner une charge, celles-ci pouvant être dépensées pour lancer la capacité spéciale du mage. Enfin, il se peut que le mage résolve alors l’effet d’une carte portant la mention « lorsque préparé » ou « pour défausser », pour activer un effet ou annuler le pouvoir de la Némésis.

À la fin de la phase principale, toutes les gemmes et reliques jouées pendant le tour sont défaussées, mais dans l’ordre du choix du mage, qui pioche assez de cartes pour en avoir cinq en main. Une fois que sa pioche sera vide, il utilisera naturellement la défausse comme nouvelle pioche, mais en retournant simplement le paquet, sans le mélanger. Il est ainsi crucial dans Aeon’s End de se souvenir aussi bien que possible de l’ordre dans lequel on a acheté, joué et disposé ses cartes, afin de contrôler sa pioche. Il faut savoir que l’on ne peut pas défausser librement de cartes, ce qui signifie que la pioche d’une main ne comportant aucune gemme et aucune carte gratuite peut simplement vous bloquer, de sorte qu’il faut prendre garde à cette règle originale, qui peut devenir une véritable force quand le deck est correctement arrangé.

Puissance de la Némésis

La Némésis et les joueurs ne jouent pas alternativement. On forme en début de partie un paquet d’ordre de tour, formé de quatre cartes correspondant aux numéros des joueurs (même si ceux-ci sont moins de quatre) et de deux cartes de la Némésis. À deux on y place deux cartes pour chaque joueur, à trois une carte pour chaque joueur, plus une carte joker, autorisant les joueurs à décider ensemble de celui qui pourra réaliser un tour supplémentaire. Ce paquet étant mélangé, les joueurs ne savent jamais qui va jouer et dans quel ordre, et ils ne doivent jamais exclure la possibilité que la Némésis puisse jouer deux fois d’affilée… voire quatre fois d’affilée (deux à la fin du paquet, deux au début du suivant) ! Une injustice qui n’en est pas tout à fait une, puisque cela signifie que les joueurs ont l’occasion d’enchaîner tous leurs tours, mais qui peut s’avérer assez dévastatrice.

La boîte d’Aeon’s End comporte quatre Némésis, mais il est très probable que d’autres arrivent via des extensions quand le jeu de base aura atteint une quantité satisfaisante de joueurs, étant donné qu’elles existent déjà dans le monde anglophone, multipliant les mages, Némésis, et cartes spécifiques à l’une ou l’autre faction, pour rendre le jeu incroyablement rejouable (alors qu’il l’est déjà sans cela, rassurez-vous). Les quatre ne représentent pas la même difficulté : la Rage Incarnée et la Reine Carapace sont ainsi plus « faciles » que le Masque Tordu ou le très lovecraftien Prince des Gloutons.

Ce qui les distingue dépasse le dessin, le nom et le nombre de points de vie (toujours de 60 ou 70). À l’instar des mages, elles sont fortement personnalisées, de par le texte de présentation présent au verso de leur carte, et de par leurs pouvoirs, qui touchent jusqu’aux mécaniques du jeu, par exemple avec la dévoration par le Prince des Gloutons des cartes de la réserve. Chaque Némésis dispose en outre d’un deck propre, mélangé aux cartes de base communes à toutes les Némésis, la taille du deck dépendant du nombre de joueurs. Ces decks sont organisés en trois paliers de difficulté, l’achèvement d’un palier amenant à piocher dans le suivant, où les cartes sont plus redoutables encore. Deux Némésis possèdent même un second deck, l’une requiert des jetons Furie, une autre invoque des bogues : comme on le voit, chaque Némésis arrive avec son lot de règles supplémentaires, modifiant considérablement l’expérience de jeu.

Le tour de la Némésis commence par une phase principale, où l’on applique les effets de tous les serviteurs invoqués, et de toutes les cartes pouvoir en jeu, en commençant par la carte la plus ancienne. Les cartes pouvoir perdent ensuite un jeton puissance, l’épuisement de ces jetons les défaussant. Puis on pioche et joue une carte du deck « normal » de la Némésis. Une carte attaque a un effet immédiat avant d’être défaussée, un serviteur ou un pouvoir est mis en jeu et n’aura d’effet qu’à partir de la phase principale suivante (sauf effet immédiat), le premier arrivant en jeu avec un certain nombre de points de vie, le deuxième avec des points de puissance.

De nombreuses cartes portent la mention Déchaîné, c’est-à-dire que la Némésis réalise son action particulière (dévorer la réserve, invoquer des bogues, devenir furieuse, corrompre la pioche des joueurs), la Némésis se déchaînant également trois fois quand elle doit piocher et que son deck est vide… Inutile de dire qu’il est plus que bienvenu de vaincre la Némésis avant qu’elle ne se déchaîne trois fois par tour ; et qu’une carte de la Némésis annonçant qu’elle va le déchaîner à moins qu’un joueur ne remplisse une condition « pour défausser » mérite toujours réflexion, quoi que cela coûte.

 

Gravehold contre Némésis

Certaines attaques de la Némésis sont portées contre la cité de Gravehold, qui commence avec 30 points de vie et dont la chute signifie la défaite des mages, d’autres contre les mages eux-mêmes.

Un mage en revanche peut perdre tous ses points de vie sans disparaître entièrement – ce qui est heureux, dix dégâts sont très vite arrivés, surtout quand on inflige blessure après blessure à une créature qui possède 60 à 70 points de vie. Mieux vaut cependant tenter de se maintenir en forme, l’épuisement étant extrêmement punitif.

En effet, à chaque mage épuisé, la Némésis se déchaîne deux fois, et détruit l’une de ses brèches, même si un sort y était préparé. Il perd l’éventuel bonus qui y était attaché, et donc la possibilité d’avoir quatre sorts préparés. Et évidemment, le mage perd toutes ses charges – il eût été contradictoire qu’il s’épuise et reste pourtant plein d’énergie pour utiliser sa capacité spéciale.

Le joueur épuisé ne pourra pas trouver de repos pendant le combat ultime pour la survie de Gravehold. Il n’a donc plus de points de vie, et ne pourra plus en gagner, chaque blessure qui devrait lui être infligée endommageant immédiatement Gravehold du double des dégâts. Une immortalité coûteuse, qui n’est possible que parce que d’autres poursuivent la lutte. L’épuisement de tous les joueurs signifie logiquement la défaite de l’équipe.

Les joueurs peuvent donc perdre la partie de deux manières, la destruction de Gravehold et l’épuisement général, tandis qu’ils remportent la victoire en triomphant de la Némésis, ou en anéantissant ses troupes : une Némésis sans serviteur, sans pouvoir et sans deck est en effet immédiatement renvoyée dans sa dimension pour ne jamais revenir… en théorie.

 

Un jeu difficile ?

Kevin Riley adopte dans Aeon’s End une philosophie propre à plaire aux gamers. Le jeu est technique, mais est d’autant plus facile à prendre en main que sa boîte contient une feuille « mise en place pour la première partie », et que ses cartes sont organisées de manière à permettre d’y jouer directement, sans être triées ni mélangées, dans un excellent tutoriel où le joueur est guidé dans tout ce qui sera plus tard laissé à sa convenance (choix de la Némésis et de la réserve) ou à celle d’un hasard limité.

Après cette initiation, l’appropriation correcte des règles est assez rapide, et le joueur sera donc plus libre de modeler son expérience, tout en étant conscient qu’il sera confronté à un jeu exigeant, même si modérément permissif.  Juste assez abordable pour autoriser une sérieuse courbe de progression sans décourager, et assez difficile pour qu’une victoire, ou au moins une série de belles actions, suscite le sentiment de satisfaction qu’un jeu trop facile ne pourrait pas procurer.

Et Aeon’s End pousse l’analogie avec le jeu vidéo jusqu’à proposer plusieurs modes de difficulté.

Mille autres manières de défendre Gravenhold

Dans une partie normale (y compris dans la partie d’initiation), les mages commencent avec dix points de vie, Gravehold avec 30, la Némésis avec 60 ou 70.

Or Aeon’s End propose un mode débutant, où les mages commencent avec 12 points de vie, Gravehold avec 35 et la Némésis avec dix de moins.

Mais comme pour un Doom ou un Wolfenstein, les guerriers s’entraînent en mode expert pour le mode extinction. Le mode expert consiste à appliquer la « règle pour plus de difficulté » qui apparaît sur chaque Némésis, et qui la rend beaucoup (beaucoup) plus puissante. Et comme vous pouvez l’imaginer, le mode extinction applique cette règle supplémentaire, tout en diminuant les points de vie des mages à 8 et ceux de Gravehold à 25, tandis que la Némésis, prête à en découdre, arrive avec 10 points de vie en plus. Sachant qu’en plus les Némésis n’ont pas toutes la même difficulté, il y de quoi varier les parties et créer du challenge, la défaite presque certaine dans les premières partie en Extinction étant aussi jouissive qu’une mort dans Doom en Ultra-Cauchemar : on sait qu’on se frotte à quelque chose de démesuré, et une fois mort, on a juste envie de retourner dans l’arène pour faire un peu mieux à chaque fois.

La présence de cette modularité dès les règles doit être prise pour une invitation à s’approprier le jeu pour que chaque profil de joueur puisse profiter pleinement d’Aeon’s End, avec la possibilité de triompher sans tricher, y compris ceux qui cherchent une expérience tactique, mais abordable. Le choix du mage, de la Némésis, de la réserve, du nombre de points de vie, voire du nombre de cartes Joueur dans le paquet d’ordre de tour, sont autant d’options avec lesquelles les règles permettent de jouer pour bâtir les parties les plus satisfaisantes possibles.

Alors que l’une des nombreuses particularités d’Aeon’s End vient des sorts que l’on ne lance que pour les tours suivants, et donc de l’importance de la coordination entre les différents mages, le jeu propose également un mode solo singulièrement bon.

Contrairement à Ex Libris ou Age of Towers, il est cependant assez difficile d’entrer dans Aeon’s End par le mode solo.  Celui-ci consiste en effet en une partie normale, où un même joueur contrôle plusieurs mages (idéalement pas plus de deux, sans quoi il devient fastidieux de passer d’une main à l’autre). Or quand on sait à peine en contrôler un, et encore, seulement dans la théorie, cela peut sembler rude, sans être insurmontable. On trouve assurément plus de plaisir au mode solo une fois qu’on maîtrise un peu le jeu, ne serait-ce que parce qu’en choisissant les mages, on est conscient de leurs spécificités.

À moins de pratiquer le mode solo avec un seul mage, une expérience moins complète dans le sens où vous ne pourrez pas réfléchir à la combinaison de leurs pouvoirs, en choisissant par exemple un mage offensif et un mage de soutien, et envisager une aussi grande variété de stratégies, mais plus authentique. L’altération des règles est minime : toutes les cartes de votre mage visant un allié le visent lui-même, quitte à s’appliquer deux fois si elles visaient le lanceur et un allié ; l’épuisement du mage ne met plus fin à la partie (même s’il est très difficile de défendre Gravehold sans faire barrière de son corps) ; et le deck de la Némésis est plus petit qu’à deux joueurs, et a fortiori qu’à trois ou quatre. Pour une première partie en solo, il peut d’ailleurs être intéressant de s’autoriser 12 ou 15 points de vie (ce sont même les règles qui le suggèrent). Ce n’est pas parce que vous jouerez quatre fois par tour que cela remplace le soutien efficace d’un allié véritable, ce petit bonus ni vu ni connu se révélera assurément bienvenu, s’il est seulement suffisant.

 

Aeon’s End, une sortie à ne pas manquer

Aeon’s End rappelle qu’un jeu n’a pas besoin de centaines de figurines et de jetons, pas même d’un plateau ou de dessins aguicheurs, pour être une expérience immersive, seulement d’être pensé de manière à impliquer intelligemment le joueur dans son histoire. Si l’intrigue et les mécaniques s’imbriquent aussi bien, c’est qu’on éprouve au début d’une partie un profond sentiment d’impuissance face à la redoutable Némésis qui subit nos pitoyables sorts, et qu’il y a un immense plaisir à accroître sa force et à l’associer à celle d’autres joueurs désemparés, mais débordant d’énergie, pour sauver le monde. Même la répartition entre contrôle et aléa participe à cette cohérence diégétique, la réserve des mages leur étant évidemment connue, ainsi que l’ordre dans lequel ils y recourent, tandis qu’il leur est impossible de connaître la stratégie de la Némésis, capable de les surprendre aussi bien dans sa prochaine intervention que dans la fréquence de ses attaques.

Ce n’est pas pour rien que ses éditeurs originaux ont récemment lancé un Aeon’s End Legacy sur KickStarter, c’est-à-dire une version où l’on incarnerait le même héros sur de nombreuses parties en le personnalisant au fur et à mesure des scénarios, preuve de l’exceptionnel succès de ce qui ne se présente après tout que comme un jeu de cartes ! Cette version Legacy devrait d’ailleurs arriver aux backers en octobre (même si cela fait deux mois qu’ils sont sans nouvelles), quelques semaines seulement après que la boîte de base d’Aeon’s End parviendra enfin dans nos magasins, nous permettant de participer à l’euphorie qui entoure déjà outre-Atlantique le nouveau héraut du deckbuilding en coop, et l’un des jeux les mieux accueillis de ces dernière années.

 

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