Une Ludum pour Noël ? Critique de la cinquième box de jeux de société !

 

Ludum, vous avez fini par en entendre parler un peu si vous suivez un tant soit peu les publications de Vonguru. Nous en avions en effet présenté le concept, la première box, la seconde, la troisième, la quatrième et nous apprêtons à dévoiler et à analyser le contenu de la cinquième, en revenant encore une fois sur le fonctionnement de cette boutique en ligne/blog/système d’abonnement trimestriel à une box de jeux de société surprise. C’est que vous n’avez peut-être jamais été plus curieux de Ludum que maintenant que l’entreprise a commencé à établir son sérieux (dont on pouvait encore douter quand elle ne faisait que se lancer, l’année dernière à la même période) et que Noël approche.

Or quel plus beau cadeau que la surprise de bons jeux sous le sapin ?

Encore faudrait-il pour cela s’assurer qu’ils sont bons, histoire de ne pas offrir n’importe quoi. On n’a en effet aucune visibilité sur ce que l’on va recevoir. Mais c’est à relativiser : d’une part, les jeux contenus dans les box sont tous de relatives nouveautés, donc aucun risque que le destinataire du cadeau reçoive un énième KingdominoAzulSplendor ou Dominion.

D’autre part, vous choisissez quel type de jeu vous allez recevoir : plutôt ambiance (Party Box), familial (Easy Box), tactique/stratégique/intermédiaire/familial + (Discovery Box), les trois (Total Box), enfants (Marmots Box) ? Chacune de ces box comporte deux à trois jeux (sauf la Total Box, qui comporte tous les jeux des Easy, Family et Discovery Box). Et tout cela pour un prix sensiblement inférieur au prix public recommandé, avec des goodies, un jeu à découper et une revue, le genre de bonus auxquels on ne prête ordinairement (et légitimement) aucune attention, mais qui a son intérêt ici…

Ludum 5

En outre, tout abonnement donne droit au Pass Ludovor, des réductions assez importantes sur l’ensemble de la boutique en ligne Ludum, certes moins fournie que l’invincible Philibert, mais proposant une quantité toujours plus impressionnante d’incontournables. Pour vous donner une idée de ces offres, on vous donnera à chaque fois le prix hors Ludovor et le prix Ludovor en parlant des différents jeux contenus dans les Box.

Enfin notez que le terme d’Abonnement, qui peut légitimement effrayer, est une simple commodité lexicale. Vous ne vous abonnez pas vraiment, vous commandez la box trimestrielle, avec la possibilité de résilier l’abonnement juste après. Cela n’entraîne aucun frais de résiliation, et vous pouvez même continuer de bénéficier du Pass Ludovor jusqu’à la fin du trimestre. Bref, vous pouvez vous abonner et vous désabonner à l’envi (et au gré de votre portefeuille) !

Ludum Easy Box

Easy Box

Une fois n’est pas coutume, j’ai ce trimestre opté pour la Easy Box, craignant (et à juste titre) de posséder déjà les jeux de la Discovery Box, généralement celle qui m’intéresse le plus, et donc précisément celle qui risque de me causer le plus de doublons parce que j’aurais déjà acquis de nombreux jeux de sa catégorie au dernier trimestre. Or je me suis moins intéressé dernièrement aux titres plus familiaux…

Paris Ville lumière

Vendue 34 euros 99, la Easy Box contenait d’abord Paris, Ville lumière (20 euros 90, ou 18 euros 18 avec le Pass Ludovor), conçu par Jose Antonio Abascal Acebo, illustré par Oriol Hernández, édité par Devir et localisé par iello.

Jeu de duel, il oppose deux promoteurs immobiliers profitant du déploiement de l’électricité à l’Exposition universelle de 1889 (oui, encore) pour ériger des quartiers plus modernes que jamais, dignes du centre artistique du monde.

Paris Ville lumière

L’un après l’autre, ils choisiront donc de placer l’une de leurs 8 tuiles pavées (constituées de 4 cases bleues et oranges, correspondant à chaque joueur, violettes, appartenant aux deux, et de lampadaires) sur le plateau central (utilisant judicieusement la boîte elle-même) ou de mettre de côté un bâtiment, polyominos ingénieusement conçus en double-épaisseur.

Puis, quand les 16 tuiles pavées auront été posées sur un plateau entièrement occupé, ils y poseront leurs bâtiments en s’assurant de ne pas recouvrir de lampadaires ni de carrés de la couleur de leur adversaire, ou activeront l’une des 8 cartes postales entourant le plateau avec un de leurs 4 pions Action, déclenchant un pouvoir unique.

Quand les 8 cartes postales ont été activées et tous les bâtiments posés, on calcule son score en multipliant la taille de tous les bâtiments par le nombre de réverbères adjacents à au moins une des cases qu’ils occupent, plus 1 point par bâtiment du plus grand groupe de bâtiments adjacents possédé, moins 3 points par bâtiment non construit, plus les éventuels points octroyés par quelques cartes postales.

Paris Ville lumière

Avant tout très joliment et astucieusement édité, jusqu’aux cartes postales « d’époque », Paris, ville lumière est un jeu d’affrontement dont chaque aspect est très tendu : par la seule pose des tuiles pavées, vous pouvez commencer à dessiner un parcours où vous poserez ensuite vos bâtiments… ou bloquer un parcours trop évident de votre adversaire, ou prendre le bâtiment qu’il semblait convoiter, mais en s’assurant de pouvoir le poser soi-même. Puis il faudra choisir entre poser ses bâtiments, être donc certain qu’ils marqueront des points, ou se jeter sur les cartes postales qui optimiseront le mieux nos projets (lampadaire supplémentaire, extension d’un bâtiment, pose d’un bâtiment sur un réverbère, échange d’un bâtiment avec un autre de la réserve, recouvrement d’une case à la couleur de notre rival…), à condition qu’ils ne soient pas contrecarrés par l’adversaire.

Bref une somme de micro-dilemmes captivante, dans le but de frustrer notre rival autant que possible par les plus beaux blocages imaginables !

Knock Knock Dungeon

La Easy Box comportait également le Knock ! Knock ! Dungeon (9 euros 90) conçu par Anthony Perone (Dive), illustré par Pierre Waltch et édité par Blue Orange, un jeu frénétique pour 1 à 6 aventuriers cherchant à trouver puis terrasser le chevalier noir… en moins de 6 minutes.

Une fois le chronomètre enclenché, on pose l’une des cartes de sa main sur un angle d’une carte déjà en jeu (ou sur les angles de plusieurs cartes déjà en jeu), puis l’on s’assure que la somme des valeurs sur les angles des cartes en jeu n’est pas supérieure à 5. Si c’est le cas sur une salle vide, la partie est perdue. Si c’est le cas sur une créature, on poursuit la partie. Si l’on survit, on retire en tout cas de chaque carte Créature l’un des jetons Sablier avec lesquels elle est arrivée en jeu, la partie étant bien sûr perdue si une seule créature perd son dernier jeton. On gagne la partie en vainquant le chevalier noir, qui se trouve à la toute fin de la pile, c’est-à-dire en en recouvrant les angles de façon à ce que leur total soit égal ou inférieur à 5. D’autant moins évident que la communication est bien sûr limitée, certaines cartes demandant de retourner le jeton intimant à tous de se taire ou autorisant les discussions…

 

Un chouette mode Aventure propose d’enchaîner les parties en les rendant plus difficiles après chaque victoire, mais en débloquant des grimoires, puissants sorts à usage unique. Naturellement, on ne s’y osera pas sans maîtriser parfaitement le timing du jeu, les petits gestes qui font gagner du temps ou permettent de communiquer même non-verbalement avec ses alliés.

On s’assurera de posséder une grande table pour ce tout petit jeu vorace, assurément l’un des jeux d’ambiance de la fin de l’été/la rentrée grâce au délire coopératif dans lequel il fait rentrer les joueurs.

Marche du crabe

Enfin, l’Easy Box contenait l’incontournable La Marche du crabe (11 euros 90), d’après l’amusante bande dessinée d’Arthur de Pins qui illustre également le jeu de société conçu par Julien Prothière (Dream On, [Kosmopoli:t]Roméo et Juliette) et édité par les Jeux Opla.

Jeu de duo cette fois, il propose aux joueurs d’incarner… deux crabes montant alternativement l’un sur l’autre. On déplacera donc à tour de rôle un seul pion sur la plage générée par les cartes, mais un joueur pourra les faire se mouvoir à la verticale, et l’autre à l’horizontale – en crabe, quoi.

Il s’agira d’y libérer 8 crabes, enfermés sous des objets polluant la plage, en arrêtant son crabe sur lesdits objets. Mais les joueurs ont secrètement connaissance de deux objets à éviter absolument sous peine de perdre la partie, et sur lesquels ils n’ont pas le droit de communiquer… sauf en ne bougeant pas quand le mouvement de leur allié donnerait accès à un objet, une manière éloquente de signifier le danger qu’il représente.

La marche du crabe

À chaque tour cependant, on dévoile un vilain, tourteau ou homard, qu’il faut poser sur une carte Plage sans objet et dont la ligne correspond à l’arrière-plan. Si on ne peut pas poser un nouveau vilain, la partie est perdue, et surtout… traverser des cases occupées par des vilains lors d’un déplacement coûte une crevette à chaque fois. Ne plus en avoir fait certes perdre la partie, mais cela reste finalement assez rare, et l’on jugera plutôt sa performance à la quantité de crevettes qu’il nous reste après avoir libéré tous les crabes. Essayez voir de ne perdre aucune crevette, qu’on rigole…

Et pour rendre l’expérience plus délicieuse encore, un mode Aventure en onze scénarios propose d’enchaîner les victoires avec des règles supplémentaires à chaque fois, et de rares occasions de regagner des crevettes en s’arrêtant sur les bonnes cartes. Vous trouverez pêle-mêle des cailloux sur lesquels il faudra s’arrêter pour les retirer, un objet dont seul votre allié pourra libérer le crabe parce que vous êtes phobique,… non je ne vous en dis pas plus, la surprise est aussi une grande partie du plaisir de La Marche du crabe.

Il est peu probable que vous restiez insensible au titre qui est peut-être (avec le Roméo et Juliette… du même auteur et un autre dont il sera question plus tard) le meilleur jeu de duel de 2020, à l’envie irrépressible de se refaire une plage après une partie, au charme fou qui se dégage de sa simplicité, de ses illustrations et de son humour.

Marche du crabe

Je pourrais m’arrêter là, mais je ne résiste pas à vous partager la conclusion de l’article de Ludivine (Ludidice) sur La Marche du crabe, puisqu’elle est probablement la plus fervente défenseuse du jeu sur les réseaux sociaux et que cela me donne l’occasion de renvoyer à l’un des rares blogs que j’aime consulter :

« Comme toujours avec les jeux de la collection BD, les règles sont tout simplement un plaisir à lire. Il y a de l’humour, la présentation est décalée et on nous tutoie. Je suis vraiment fan et je me suis encore marrée en les lisant alors que je connaissais le jeu. Si seulement toutes les règles de jeux pouvaient être comme ça, je pense qu’un peu plus de monde les lirait.

Aussi, on a toujours un message un peu éco-responsable derrière le jeu et ça, j’aime beaucoup car ça prouve qu’on peut créer un très bon jeu moderne tout en essayant de sensibiliser les joueurs à une cause. Ici, le message concerne les déchets qu’on peut salement abandonner dans la nature et qui sont une horreur pour la faune. Et puis, il ne faut pas oublier que tous les jeux Jeux Opla sont entièrement éco-fabriqués en France et ça aussi, c’est top !

Donc pour résumer, si vous cherchez un jeu de déduction pour 2 aux règles simples et accessibles, mais qui propose un challenge pour gagner, et que vous aimez les jeux coopératifs à communication limitée, il y a peu de chance que La marche du crabe ne vous plaise pas. Les parties sont rapides et heureusement car c’est addictif ! Un vrai régal ce petit jeu. »

Un jeu coopératif en solo et jusqu’à six, complètement frénétique, un jeu coopératif en duel et un jeu de duel compétitif : on voit que les concepteurs de Ludum ont pris grand soin de varier les plaisirs pour ne faire ressentir aucune redondance entre ces trois titres très différents dans leurs mécaniques, leurs configurations et les sensations qu’ils proposent. Ils remplissent d’ailleurs parfaitement leurs promesses, en étant tous trois très accessibles et pourtant tactiques, pour une très belle sélection.

Ludum Party Box

Party Box

Pour 27 euros 99, la Party Box contenait surtout l’apparemment fondamental Top Ten (17 euros 90 ; 16 euros 38), dont on m’a dit tant de bien que je finirai probablement par céder un jour malgré mes réticences pour le pur jeu d’ambiance.

Top Ten

Titre coopératif d’Aurélien Picolet, édité par Cocktail GamesTop Ten se distingue immédiatement des mille autres jeux comparables par son édition magnifique, entre son petit tapis en néoprène et ses jetons de Poker, aussi inutiles qu’ils contribuent à le faire ressortir sur un marché très concurrentiel – bien joué.

Je laisse ceux qui ont joué au jeu l’expliquer pour moi, en l’occurrence l’un des sites ludiques que je suis avec le plus de satisfaction, Ludovox, avec le Ludochrono en présentant les règles et un extrait des coups de cœur de l’année 2020 auxquels il appartient assez évidemment semblerait-il !

« La belle surprise du dernier festival de Cannes, c’est sans aucun doute ce jeu d’ambiance signé Cocktail Games. On y a joué sur la route du retour, et on ne s’en est pas séparés depuis.
La force de ce party game est qu’il s’adapte complètement à son audience. Vous êtes plutôt introverti ? Vous pouvez faire le minimum tout en étant très efficace. Vous voulez jouer avec vos ados ? Aucun problème. Le jeu reste ouvert, et à aucun moment on est forcés d’aller dans telle ou telle direction. L’imagination reste la clef. […] Un énorme travail sur la recherche de thèmes loufoques a été fait et cela se ressent, le choix est vaste (et fun, surtout). L’éditeur et l’auteur ne sont pas tombés dans la facilité. Contrairement à beaucoup de jeux d’ambiance, si vous voulez allez dans le graveleux, c’est possible… Mais si vous préférez un autre ton, allez-y aussi. Plus que jamais, avec Top Ten, ce sont les joueur.euses qui font le jeu. »

Peco Peco

Le deuxième jeu de cette box était le Peco Peco (12 euros 90) de Frédéric Morard, illustré par Olivier Fagnère et édité par Bragelonne Games, qui… remplit son office mais m’a rappelé pourquoi je n’étais pas plus partisan que cela de la Party Box. Non qu’il soit mauvais d’ailleurs, simplement qu’il ne soit décidément pas fait pour moi parce que j’ai une grande lassitude des « jeux de cartes malins », contre lesquels je nourris l’injuste impression qu’ils se ressemblent trop dans leur simplicité – alors que je suis certain d’aimer beaucoup de titres dont un fan de Peco Peco jugerait tout aussi légitimement qu’ils se répètent hein, je ne nie pas du tout qu’il s’agisse d’un simple biais !

L’éditeur pouvait assurément faire bien pire pour mettre un peu de variété dans ses sorties (après l’ambitieux Culte, le formidable Vallée des Marchands  – VG Award, rien que cela -, et avant le passionnant For the Story, nouveau VG Award !) que ce jeu de pierre-feuille-ciseaux dont les règles changent à chaque manche, imposant de renouveler sa manière de bluffer et de repenser constamment la valeur de ses cartes. Promis, dès que je trouve un avis présentant mieux qu’avec mon ton désabusé les qualités du titre je le citerai ici, n’hésitez d’ailleurs pas à me signaler si vous en connaissez une bonne critique !

Ludum Discovery Box

Discovery Box

Venons-en au gros morceau, celui qui chaque trimestre attire le mieux mon regard, la Discovery Box (39 euros 99) et ses deux jeux familiaux +.

Call to Adventure

Le premier était le Call to Adventure (32 euros 90 ; 28 euros 79) des frères Chris et Johnny O’Neal, édité par leur maison Brotherwise Games et localisé par La Boite de jeu (It’s a Wonderful WorldCerbèreHunsDinogenics…). Un titre qui a reçu un accueil contrasté, parce qu’il promettait autre chose que ce qu’il offre, pas nécessairement plus d’ailleurs, mais une immersion trop absente finalement de ce jeu de combos pour ne pas manquer de décevoir ceux qui espéraient une grande aventure narrative. J’en avais rédigé une longue critique, expliquant ce à quoi il faut s’attendre pour l’apprécier, à laquelle je vous renvoie et dont je me permets de citer la conclusion :

« Call to Adventure est un jeu de combinaisons et de collection relativement abstrait, pas une grande aventure narrative, qu’il simule joliment plutôt qu’il ne prétend la faire vivre. À la manière d’un Roll Player, on y est encouragé à faire les choix rapportant le plus de points tout en s’amusant de la manière dont cela peut se traduire thématiquement. Imaginez-vous enfant trouvé de noble lignée, vous enrôlant dans l’armée royale, vous enfonçant toujours davantage dans l’obscurité et la vengeance, pourtant choisi par la Lumière et héritant du trône… Et ce n’est encore qu’un aperçu particulièrement cohérent des possibilités offertes, auxquelles vous ne prêterez généralement attention qu’à la toute fin, vous focalisant en cours de partie sur les symboles et les chiffres.

Call to Adventure

Si cela vous paraît un peu dommage de choisir des cartes pour ce qu’elles offrent plutôt que pour ce qu’elles signifient, au moins ont-elles le mérite de bâtir en fin de compte un semblant d’histoire. À partir du moment où l’on sait à quoi on joue et où l’on ne place pas d’attentes démesurées et déplacées dans son potentiel narratif, on peut enfin en apprécier sincèrement les petites touches thématiques, la cohérence qu’il y a à développer certaines capacités pour surmonter des épreuves les requérant, ou à se spécialiser dans certaines voies plutôt qu’à se généraliser au détriment du sens et des points, la division assez méta de notre histoire en trois actes, une échelle morale où il est toujours possible de remonter ou de redescendre tout en étant récompensé par l’optimisation d’un sentier plutôt qu’un autre…

Vous devriez regarder aussi ça :
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La variété des histoires possibles se traduit dans une impeccable rejouabilité, la plupart des cartes ne sortant pas à chaque partie, et l’ordre dans lequel elles apparaissent, ainsi que le tirage des trois cartes Personnage de départ définissant d’emblée nos orientations, renouvellent même l’intérêt d’une même carte selon le moment ou la partie où elle sort. En outre, Call to Adventure propose une variante coopérative/solitaire bien plus solide que ce que l’intitulé de « variante » et la concision des règles à son sujet peuvent laisser supposer. Notamment parce que le manque d’interaction du mode compétitif (surtout à 3 et plus) n’a bien entendu plus d’importance quand on le pratique seul, ou ne produit plus aucune frustration à plusieurs joueurs puisque l’on converge vers le même objectif et qu’on le compense par la communication.

Loin du Gloomhaven ou du Roll Player Adventures auquel son principe pourrait faire croire, Call to Adventure est un jeu misant sur la rapidité de ses parties, une certaine légèreté mécanique soupoudrée d’un hasard que l’on peut tâcher de contrôler et dont on appréciera la manifestation par un lancer de runes, et sur le soin apporté à son matériel et à ses illustrations pour susciter notre admiration et stimuler notre imagination. »

Stellar

L’autre jeu de cette box, évidemment plus modeste matériellement, est l’un de mes coups de cœur de 2020, le Stellar (14 euros 90 ; 13 euros 34) conçu par Matt Riddle et Ben Pinchback, fort joliment illustré par Tim Barton et Janos Orban, édité par Renegade Game Studios et évidemment localisé par Renegade France et Origames – qui ont décidément eu le nez creux en localisant parallèlement Spy Club, l’un des meilleures surprises de l’année, quelques mois avant un Clank Legacy qui s’annonce fabuleux…

Ce fabuleux jeu de collection pour deux joueurs avait également eu droit à une critique qui tient en fait plutôt de la louange tant j’en ai apprécié l’expérience. Je vous renvoie de même à l’article pour plus de détails, et me permets d’en citer à nouveau la conclusion :

« Dans sa petite boîte, Stellar ne comporte même pas 100 cartes, et dans ce format, pour un jeu de duel en 20 minutes, on s’attendrait à une proposition assez légère, tant en termes de mécaniques que d’ambiance. S’il ne faut en effet pas plus de quelques minutes pour l’expliquer, elles suffisent à laisser entrevoir la richesse tactique de ce mélange entre collection et combinaison, couplée à un effort éditorial inattendu dans la fidélité thématique aux objets célestes (jusqu’aux petits textes présents sur chaque carte) et dans l’idée gratuite mais vraiment appréciable d’un étalement de 12 cartes devant soi, formant un paysage, une trame narrative et un plateau.

Avec cette base très simple, Stellar brille par la multiplication de micro-dilemmes qu’il impose aux joueurs tout au long de ses 11 tours, chaque choix de poser une carte devant prendre en compte plusieurs paramètres, la carte que cela imposera de piocher et poser juste après, l’emplacement (télescope ou carnet) où on la posera, enrichis par une intéressante interactivité indirecte, le jeu nous encourageant à taquiner notre adversaire tout en limitant judicieusement notre agressivité afin de ne pas générer trop de frustration.

Si le calcul final des scores peut apparaître comme une salade de points, c’est déjà une surprise agréable parce que l’on s’attendrait à quelque chose de presque trop direct, et l’on s’apercevra vite que l’on aura au cours de la partie une assez bonne idée de notre progression et de celle de notre adversaire pour savoir quelle stratégie favoriser. Bien loin d’une sophistication inutile, cette salade de points renforce la tension qui accompagne nos poses en intégrant chaque carte à trois calculs successifs, un objet céleste très favorable à un calcul ne l’étant évidemment pas pour les autres, impliquant ainsi une logique d’équilibre… assez passionnante. »

Stellar

Vous l’aurez compris, cette Discovery Box m’a tout à fait convaincu, avec le sublime bien qu’abstrait Call to Adventure, dont je ne cesserai de vanter l’immersion du mode coopératif afin d’en profiter pleinement, et surtout grâce à la mise en avant d’un jeu de duel qui ne doit surtout pas passer inaperçu, l’excellent Stellar, qu’il est tout à l’honneur de Ludum d’avoir repéré malgré la quantité de jeux qui aurait pu compléter paresseusement la box et malgré l’injuste silence qui a entouré cette sortie si j’en crois l’absence de retours constatés de mon côté…

Ludum Total Box

Total Box

Pour 89 euros 99la Total Box contient les 7 jeux des Party, Easy et Discovery Box. Une réduction d’une quinzaine d’euros par rapport au prix combiné desdites box, bien plus importante si on prend en compte le prix séparé de chaque jeu, et surtout la garantie d’une sélection très variée en mécaniques, configurations, difficulté, ambiance…

Ludum Marmots Box

Marmots Box, une Ludum pour les enfants ?

Ludum poursuit sa collaboration avec Plateau Marmots, le blog de référence en ce qui concerne les jeux de société pour enfants, avec pas moins de trois jeux dans une box à 34 euros 99, qui n’est donc pas incluse dans la Total Box – qu’il faudrait probablement renommer, même si cette exclusion est bien entendu parfaitement justifiée.

Pour une Poignée de marguerites

On a particulièrement parlé du Pour une Poignée de marguerites (17 euros 90) conçu par Grégoire Largey et François Crittin, illustré par Rémy Tornior, essentiellement parce qu’il est édité par les Space Cow, la branche des excellents Space Cowboys destinée aux enfants, et à qui on devait déjà le très sympathique Yum Yum Island et surtout le superbe Attrape Rêves, un des meilleurs titres pour enfants que je connaisse et mon favori évident aux derniers As d’or (qu’il a heureusement obtenu).

 

Je n’ai pas eu de coup de cœur pour le jeu, qui ajoute des règles agréablement sophistiquées (prouvant qu’on ne prend pas les enfants pour des idiots, et qu’on tente de les éduquer en douceur à une réflexion plus ample) à un système de duel adorable (on pousse des vaches-dés l’une contre l’autre, et la face sur laquelle elles atterrissent indique le vainqueur) mais un peu répétitif et bien sûr très aléatoire, prenant finalement trop de place pour que l’on continue de l’apprécier sans se lasser un peu. Heureusement, l’édition reste aussi soignée qu’on en a l’habitude avec l’éditeur (les vaches, le champ de duel, les plateaux double-layer pour accueillir les marguerites glanées en chemin), et une variante avancée avec des pouvoirs lui offre un agréable renouveau quand on pourrait commencer à le trouver trop enfantin. Laissons d’ailleurs parler les experts plutôt que moi, qui n’ai après tout pas testé Pour une Poignée de marguerites avec des enfants :

« Pour une poignée de marguerites est donc un jeu que l’on apprécie dans un premier temps pour sa simplicité, avant de réaliser (après quelques parties) qu’il introduit de nombreuses notions plus complexes (draft, optimisation, gestion de progression) de manière subtile et intuitive. Loin d’être un « petit jeu », il se découvre donc au fil des tours, alors que l’on voit des enfants évoluer à son contact, passant du classique « je veux gagner la course » à « je prends ce dé qui ne me sert à rien pour que tu ne puisses pas l’avoir ». Une belle courbe de progression donc. On déplorera tout de même que les duels soient obligatoires (et donc très répétitifs) alors qu’il aurait été plus fun de les rendre optionnels. Au final, Pour une poignée de marguerites pourra évidemment sembler trop simple et répétitif pour les marmots qui sont déjà de gros joueurs, mais pour tous les autres il permet d’appréhender des mécaniques très malignes dans une édition particulièrement soignée. Du tout bon, donc, pour ces vaches faussement paisibles, qui permettent des parties souvent très disputées, et toujours accrocheuses. Un p’tit coup de coeur, donc, pour ce jeu ultra accessible mais au final plein de surprises ! » (Olivier, sur Plateau Marmots).

Colorus

Je n’avais pas du tout entendu parler de Colorus (13 euros 90 ; 12 euros 09) mais me réjouis de la présence dans cette Marmots Box d’un jeu pour les petits, puisque ce roll & write de Lena Burkhardt, Günter Burkhardt, Sandra Kretzmann et HABA est accessible dès 4 ans ! Et évidemment l’idée est formidable, proposer un jeu de coloriage, dont les parties n’excèdent pas les 10 minutes et peuvent occuper une quantité illimitée d’enfants…

Colorus

Olivier de Plateau Marmots en parle encore très bien, et de façon très convaincante :

« Colorus est une très jolie surprise ! Simple et très accessible (dès 4 ans), il permet de découvrir la mécanique de Roll & Write par le biais du coloriage, ce qui est fort malin. Très ouvert et permettant des parties toujours serrées, il évite le plus souvent la frustration d’avoir à passer son tour au vu des multiples combinaisons possibles. Les faces jokers des dés sont à ce titre très utiles et permettent souvent de contrôler la durée des parties, excédant très rarement les 10 minutes. Immédiatement adopté par les marmots, il rejoint naturellement la liste des indispensables. Son atout majeur : être jouable par un très grand nombre d’enfants simultanément (dans une classe, ou lors d’un anniversaire par exemple), si vous avez suffisamment de crayons pour qu’il y en ait un pour deux, afin d’éviter les temps d’attente trop longs. Autre atout incontournable, les enfants y jouent en autonomie et dans un calme presque angoissant, tout occupés qu’ils sont à colorier leurs cases sans dépasser, langue en coin. Rien que pour cet exploit, Colorus DOIT faire partie de la ludothèque de tout parent qui se respecte. C’est dit. »

Gold Atalia

Enfin, la Marmots Box contenait le Gold (6 euros 90) de Reiner Knizia et Game Factory. Ce minuscule jeu de Memory très interactif a connu son petit succès, notamment lié à sa simplicité, sa portabilité et à l’atmosphère électrique qu’il génère, un chouette tout petit titre fédérant différentes générations. Deux rédacteurs de VonGuru avaient donné leur avis dans une double-critique parue il y a quelques mois, Hlelistique puis moi :

« Les parties sont courtes, interactives, toujours différentes, et on peut vite s’approprier le jeu et l’adapter à son mood du moment : êtes-vous taquins, concentrés, rancuniers ?

Bien entendu, il faut savoir reconnaître la force du hasard car ce dernier a sa place dans ce jeu. Pour autant, c’est un jeu sans prise de tête, très rapide à mettre en place, qui ne demande pas grand chose d’autre qu’une table et des amis ou sa famille pour y jouer !

On n’en demande pas vraiment davantage pour s’amuser et passer un bon moment avec ses amis ! »

« Gold atteint son objectif d’être un parfait jeu de vacances, tenant dans la moitié d’une poche, expliqué en une minute, assez léger, hasardeux et pourtant agressif pour provoquer ce qu’il faut de fous rires autour de la table, et devenant même de plus en plus malin et amusant tandis que l’on assimile les cartes sur la table et que l’on tâche d’établir volontairement des connexions profitables – ou nuisibles aux autres. Quel plaisir d’essayer d’expulser les chasseurs d’or adverses en les confrontant à nos chasseurs d’or plus forts ! ».

Ludum revue

Revue, goodies, jeu original… des à-côtés généreux

Généralement, les à-côtés d’une box de jeux de société sont assez peu notables. On se souvient par exemple qu’avec le Coffre des joueurs, on recevait une poignée de goodies légers mais sympathiques à condition de posséder le jeu correspondant, pas toujours si connu, et un descriptif des jeux. On n’en attendait d’ailleurs pas plus. Ludum tente au contraire d’en faire une réelle valeur ajoutée à sa proposition.

D’abord dans une grande revue de 25 pages sur papier glacé, qui consacre une page entière à chaque jeu contenu dans les box, avec conseils et QR code renvoyant vers la règle audio concoctée par Ludum, et contient aussi des « mentions d’honneur » pour des jeux qui ont vraiment marqué l’équipe ces derniers mois (le VG Award Mystic Vale, Phare AndoleAtlantesParks et 50 Missions), deux pages très intéressantes expliquant la construction de moteur (que l’on retrouve sur le site de Ludum dans la section Blog, toujours très fournie), avec la recommandation de Splendor, Dominion, Charlatans de Belcastel, Res Arcana et Wingspan notamment, un « Panthéon » racontant Dixit, ses mécaniques et son succès sur deux pages avant de s’achever sur quelques Dixit-likes (ObscurioMuseShadows Amsterdam), et enfin une sélection de trois jeux pour les « grands marmots », Via MagicaKraken Attack et Détective Charlie.

Ludum Okiya

Enfin ? Pas tout à fait. L’un des arguments de Ludum est le jeu en print & play que contient chaque revue, et après les jeux originaux de Léandre Proust ou la version de démonstration de Magic Rabbit, ce numéro comporte pas moins… que l’Okiya de Bruno Cathala, Cyril Bouquet et Blue Orange, en noir et blanc pour les colorier soi-même, un très chouette jeu de duel qui sort très souvent à la maison et que j’avais jadis chroniqué ici !

Ludum Goodies

Et même en matière de goodies, on n’a pas l’habitude d’en trouver de si intéressants : on parle quand même de 12 nouvelles cartes pour le chouette jeu de pichenettes À la Conquête des catacombes, de quoi le renouveler très bien, et d’une version de démonstration du Ricochet de Cyril Blondel, Mathieu Clauss et Flip Flap éditions. Ce jeu de déduction très malin demande de retrouver un rébus auditif à partir de mots codés. Par association d’idées, on connecte chaque mot à un autre dans une grille, les deux nouveaux mots devant être alignés. Puis ces nouveaux mots sont associés à deux nouveaux mots, et ainsi de suite, par ricochets, jusqu’à obtenir une séquence de mots produisant un rébus auditif, supposé correspondre à la phrase recherchée. Si aucun sens n’en ressort, c’est que l’énigme n’a pas été bien résolue. Une excellente petite surprise, facile à prendre en main et très maline !

Ludum 5

Ludum, une évidence sous le sapin ?

La question de savoir si la cinquième vague de box Ludum était intéressante n’a pas de réel intérêt en soi, puisque vous ne la recevrez plus, mais son analyse et celle des précédentes peut donner une bonne idée de la confiance que l’on peut placer dans un abonnement à un colis de jeux de société surprise, à la fois une excellente idée et un risque pour Noël…

Notez bien que la box d’hiver sera expédiée à partir du 4 janvier, et ne pourra donc pas se trouver sous le sapin. Enfin voyons le bon côté des choses, le destinataire ne risque pas d’être spoilé sur son contenu avant les fêtes, et Ludum a heureusement bien fait les choses en proposant sur la page dédiée à chaque box un bon cadeau à imprimer, remplaçant temporairement et au moins proprement la box espérée par la belle promesse d’une surprise ludique très prochaine.

Chacun se fera son avis bien sûr, mais je suis pour ma part très convaincu par les différentes sélections des véritables œnologues du jeu que sont Vincent et Fabien. Il est évident qu’ils n’ont pas seulement écoulé les invendus d’un éditeur, mais ont réalisé une récolte variée afin d’éviter toute redondance dans les thèmes, les mécaniques ou les configurations, évidemment entre les box (puisque vous choisissez de commander une box ambiance, familiale, tactique, les trois ensemble, ou enfants) mais même au sein de la même box, dans le souci très louable de ne pas vous enfermer dans un style (le duel, la compétition…) auquel vous pourriez ne pas être sensible.

J’ai par exemple été très heureux ce trimestre-ci de les voir mettre en avant les excellents Stellar et La Marche du crabe, ou de découvrir Colorus et Ricochet, quatre titres que j’ai à peine vu passer (pas du tout pour Colorus, forcément) alors qu’ils mériteraient d’être de véritables hits de la fin d’année, tandis qu’avec Top Ten ou Pour une Poignée de marguerites, ils rappelaient que trouver des perles, c’est bien, mais proposer des évidences, c’est très bien aussi.

J’ai de même à nouveau été surpris par le jeu en cut & play (Okiya, tout de même !) et l’intérêt des goodies. Bref, seule la toute première boîte, où les créateurs de Ludum se cherchaient encore, m’avait laissé mitigé, tandis que chacune des suivantes me convainc d’avantage de l’intérêt de cette proposition – et il se murmure que d’autres améliorations seraient encore à venir…

Que pensez-vous de cette démarche et de ces box ? Vous conviennent-elles ? Restez-vous effrayé à l’idée de recevoir des jeux que vous n’avez pas choisis ou êtes-vous au contraire stimulés par cette surprise ?

Ludum 5

2 Commentaires

  1. Très heureux de voir un système comme celui se développer, en particulier pour découvrir de nouvelles pépites ! La seule chose qui me rebute : devoir choisir entre des petits jeux d’apéro, et des jeux plus complexes. Une formule permettant de varier de box (un trimestre formule discovery, un trimestre formule party box) aurait été géant.

    • En fait, le terme d’abonnement est fallacieux : on commande simplement une box par trimestre, et rien n’empêche de prendre une fois la party box, et la discovery box la fois suivante. Il y a bien un système de prélèvement automatique, mais il n’est pas obligatoire, et il n’y a pas de tarif régressif selon que l’on prend une box en one shot ou en renouvellement automatique 🙂