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Le Coffre des joueurs n°11 : trois bonnes surprises pour deux joueurs !

Le Coffre des joueurs n°11 : trois bonnes surprises pour deux joueurs !

 

Depuis quelques années, tous les jeux de société se pratiquent à deux. Ce qui n’était qu’une exception, puis un effet de mode, est devenu si élémentaire aujourd’hui qu’un jeu accessible seulement à partir de trois participants paraît impensable, sauf dans les party games où il est encore admis qu’il faille être une party. S’il n’était pas possible pour deux joueurs de se lancer dans une partie de Monopoly, de Cluedo, de Catane, de Jamaica, ce n’est pas à cause d’une loi morale transcendante, seulement que le système ne se prêtait pas à cette configuration. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que de nombreuses œuvres la proposant de nos jours ne s’y prêtent en fait pas si bien, et se jouent bien plus agréablement à trois ou quatre, mais ne voulaient pas se fermer au considérable marché des couples.

Au lieu de se tourner vers des jeux accessibles de 2 à 5 joueurs, on se tournera ainsi avec plus de fruit vers les jeux vraiment taillés pour deux joueurs. On y sera au moins sûr que les auteurs ont voulu mettre en place une expérience satisfaisante, et pas seulement un mode gadget pour gonfler leurs ventes. Et c’est là qu’intervient la dernière trouvaille du Coffre des joueurs. On vous a déjà parlé deux fois sur Vonguru de leur idée formidable de box trimestrielle au contenu inconnu, toujours des jeux de société très récents dont la valeur totale était supérieure à la valeur de la boîte, avec la box Aventure et la box Prospérité. Or il s’agissait habituellement de choisir entre une box classique (vendue environ 60 euros pour une valeur totale d’environ 90 euros) et une box premium (90/135), auxquelles les concepteurs ont ajouté une édition deux joueurs à l’occasion de sa dixième puis de sa onzième box. Et c’est de cette onzième box, dans son édition deux joueurs, qu’il sera question ici pour vous présenter son concept et son contenu !

En l’occurrence, le Coffre des joueurs n°11 contenait Neta-TankaYokaiLa Cour des miracles et Space Explorers dans sa version Premium, mais on vous parlera de Little TownPassages secrets et Imhotep – Le Dueltrois jeux vendus entre 20 et 25 euros séparément, dans une box à 50 euros !

 

 

Little Town

Contrairement à Passages secrets et ImhotepLittle Town n’est pas jouable qu’à deux, et accueillera jusqu’à quatre constructeurs de dix ans et plus pour des parties d’une grosse demi-heure à trois quarts d’heure. Développé par Shun et Aya Taguchi, il avait été initialement édité par les Japonais de Studio GG sous le titre de Little Town Builders avant d’être complètement redesigné par Sabrina Miramon (PlanetPhotosynthesis) pour sa localisation par iello (AdrénalineLes Montagnes hallucinéesStar RealmsSmash UpExitChâteau Aventure). Et il faut dire que les couleurs chatoyantes et les dessins assez mignons de Little Town font beaucoup pour le charme du jeu, quand on pourrait craindre que le placement d’ouvriers s’accompagne d’un graphisme autrement plus froid !

On commence par poser le plateau au centre de la table, sur la face de son choix. Les deux présentent des plaines avec quelques éléments naturels (lacs, forêts, petites montagnes), simplement disposés autrement pour des sensations de jeu légèrement différentes. L’espace inférieur en est occupé par la piste de score, le compteur de manches (une partie en dure quatre) et les treize emplacements du marché aux bâtiments. Si l’une est systématiquement occupée par cinq champs de blé, les autres ne le sont que par un bâtiment, choisi à l’avance ou au hasard parmi les 29 de la boîte. Chaque joueur reçoit ensuite des objectifs secrets, des pions Ouvrier (particulièrement adorables), des pions Bâtiment et trois pièces, et on est déjà prêt à jouer.

LIttle Town partie

Un tour ne consiste qu’en une action. Soit on pose un ouvrier sur la plaine, ce qui permet de récolter les ressources des huit cases avoisinantes et d’en activer tous les bâtiments (gratuitement si ce sont les siens, en payant une pièce à leur propriétaire dans le cas contraire). Soit on pose l’ouvrier dans la zone chantier, on prend une tuile Bâtiment en payant son coût en ressources, et on la pose sur une case vierge du plateau avec un pion Bâtiment de sa couleur pour indiquer qu’on en est le propriétaire.

Les tours s’enchaînent de la sorte jusqu’à ce que les joueurs aient posé tous leurs ouvriers. Il faut alors les nourrir en dépensant du blé ou du poisson pour chacun, pour ne pas perdre trois points de victoire par ouvrier non nourri. On peut enfin les récupérer et passer à la manche suivante. À la fin des quatre manches, le joueur possédant le score le plus élevé remporte la partie, ce score étant obtenu grâce à la construction des bâtiments, grâce aux objectifs secrets, grâce aux pouvoirs du Château et de la Tour de guet et grâce aux pièces restantes.

 

 

Il n’est pas étonnant de retrouver Little Town dans l’édition pour deux du Coffre des joueurs n°11. Une fois n’est pas coutume, c’est dans cette configuration qu’il révèle tout son potentiel extrêmement calculatoire, puisque chaque action est calculée par rapport aux décisions de son unique adversaire, que l’on prendra énormément plaisir à devancer soit en plaçant un ouvrier sur une case qu’il convoitait, soit en prenant le bâtiment qu’il souhaitait construire. À trois ou quatre, l’interaction est plus grande encore, et l’ambiance autour de la table d’autant plus excellente, mais le contrôle réduit, et on aura naturellement plutôt tendance à se focaliser sur ses propres progrès. Le travail d’édition de iello (avec les dessins de Sabrina Miramon) est pour beaucoup dans ce succès : peu de jeux de pose d’ouvriers savent être aussi variés (notamment grâce à la diversité des bâtiments), aussi tactiques, et pourtant aussi limpides et jolis, aussi agréables à manipuler.

Passages secrets

Passages secrets est un jeu conçu par J. Alex Kevern (Exposition Universelle Chicago 1893Sentient), illustré par Pedro Henrique Caroso et édité par Renegade (ClankMission pas possible, FlipshipsEx Libris). Il s’agira d’y creuses des tunnels sous les demeures luxueuses d’une riche ville endormie pour en dérober plus de trésors que son adversaire.

Comme d’habitude chez cet éditeur, le jeu présente une certaine originalité matérielle dès sa mise en place, où l’on assemble le plateau de contrôle (au centre duquel sont posés cinq marqueurs Quartier) avec six hexagones Quartier (tirés au hasard parmi les dix de la boîte), disposés en pyramide. Chacun de ces hexagones est divisé en trois quartiers, et leurs limites forment un total de 27 lignes intérieures sur chacune desquelles on place un jeton Objet sur une face au hasard (Pelle ou Butin). Quatre meeples Statue sont réparties au centre de la ville. Trois des quinze cartes Haut Fait sont dévoilées. Il ne reste plus alors qu’à prendre les treize passages secrets de sa couleur (verts ou roses), à déterminer le premier joueur au hasard et à permettre au second de rapprocher le marqueur Quartier de son côté du plateau de contrôle.

L’espace de jeu est ainsi surchargé, et on comprend la recommandation à partir de douze ans pour saisir les quelques subtilités liées à cette quantité de matériel, bien que le jeu s’avère très simple, à peine moins que Little Town. À son tour, on place ainsi un passage secret sur n’importe quel chemin du plateau encore recouvert par un objet, que l’on récupère. Ce chemin séparait deux quartiers, sur lesquels on gagne ainsi en influence : les marqueurs Quartier de la même couleur sont rapprochés d’un cran du joueur ayant réalisé l’action sur le plateau de contrôle. Si le jeton récupéré représentait deux pelles croisées, on pourrait à nouveau rapprocher les marqueurs Quartier. S’il représentait une pelle dorée, on pourrait rapprocher n’importe quel marqueur Quartier. Quand les trois chemins connectés à une statue sont couverts par des passages secrets, le joueur ayant posé le troisième vole la statue. Et si à un moment de la partie on accomplissait l’un des Hauts Faits, on récupérerait la carte, empêchant l’adversaire de la gagner lui-même.

Quand deux des quatre statues ont été volées, ou que les deux joueurs n’ont plus que cinq passages secrets dans la réserve, on réalise une première phase de décompte, et quand le second joueur a posé son dernier passage, on réalise la deuxième phase de décompte. Pendant chaque phase, les joueurs gagnent 2 Points de Richesse (PR) pour chaque passage secret composant son plus long tunnel, 1 PR par statue, un nombre de PR dépendant du nombre de butins identiques (deux butins identiques rapportent 3 PR, trois 6 PR, sept 28 PR), des PR en fonction des quartiers sur lesquels ils exercent de l’influence (par exemple 5 PR pour le quartier bancaire plus 1 PR part butin jaune, ou 1 PR par butin bleu et 2 PR par quartier contrôlé avec le Quartier politique…). Pendant la phase ultime seulement on y ajoute les PR indiqués sur les Hauts Faits (5 PR pour un quartier entièrement entouré, 3 PR pour le plus long tunnel au décompte de mi-partie…). Un bloc de score très clair permet d’en prendre note, et le joueur avec le plus de PR à l’issue du deuxième décompte remporte la partie. En cas d’égalité, il faut posséder le plus long tunnel, et en cas de nouvelle égalité, contrôler le plus de quartiers.

 

 

Contrairement à Little Town, dont on comprend très vite les principes même si on se perfectionne naturellement d’une partie à l’autre, il faut un peu tâtonner au début d’une partie de Passages secrets pour correctement prendre en compte tous ses paramètres et s’apercevoir enfin qu’ils convergent dans un tout assez élégant, bien que peu évident de premier abord. Si la thématisation du jeu ne fonctionne pas si bien, on retrouve le plaisir matériel et la mise en place originale d’une production Renegade, et on en accepte que mieux la proposition de ce jeu d’affrontement très agréablement abstrait, avec sa mécanique de possession très bien retranscrite par la pose des bâtonnets « Passage secret ». On aimera sentir sa légère courbe de progression, son agressivité tapie sous l’interactivité la plus polie, l’impression qu’il suscite de s’approprier un espace face à un adversaire aussi peu scrupuleux que soi, dans une guerre-éclair nerveuse d’une vingtaine de minutes à peine.

 

Imhotep : Le Duel

En 2016, Kosmos avait édité Imhotep, un gros jeu familial nominé au Spiel des Jahres (qu’il perd contre Karuba) et localisé par iello. Trois ans plus tard, les éditeurs et l’auteur Phil Walker-Harding (BärenparkGingerbread House) se figurent que la perversité nerveuse d’Imhotep se prêterait parfaitement à une adaptation pour deux joueurs de dix ans et plus, et ils livrent Imhotep – Le Duel, illustré par Claus Stefan. Le titre perd d’ailleurs son sens, puisqu’au lieu d’incarner deux architectes cherchant à succéder au légendaire Imhotep, on y est Néfertiti et Akhenaton, se taquinant amoureusement pour voir lequel des deux acquerra le plus de gloire.

On commence par placer les six tuiles Bateau sur les quais du plateau Port et par admirer le matériel absolument charmant du jeu. 18 jetons Cargaison sont aléatoirement tirés parmi les 60 pour être posés sur les trois emplacements des trois bateaux face visible, trois autres forment l’entrepôt du Port, tandis que les 39 autres formeront un tas face cachée. Les joueurs choisissent enfin une couleur (noir ou blanc), prennent leurs quatre pions et leurs quatre plateaux Lieu (l’obélisque, le temple, la pyramide et la chambre funéraire), sur la face A pour une première partie, sur la face de leur choix ensuite.

En commençant par le plus jeune, les souverains réalisent une seule action parmi trois à tour de rôle. Ils peuvent placer un pion de leur réserve sur l’une des neuf cases inoccupées du port. Ils peuvent décharger un bateau à condition que deux pions au moins (même adverses) se trouvent sur sa ligne, chaque pion récupérant un jeton Cargaison avant d’être récupéré par son propriétaire, tandis que les navires sont remplacés par de nouveaux vaisseaux couverts de richesses. Ces jetons peuvent être de cinq types : s’ils correspondent à l’un des quatre lieux, ils lui sont associés. Il peut sinon s’agir de jetons Action, que l’on peut jouer au lieu de placer un pion ou de décharger un bateau. Un jeton permet de placer deux ou trois pions, un autre de placer un pion et de décharger une ou deux fois, le troisième d’échanger l’emplacement de deux ressources sur un plateau et de le décharger, puisqu’on décharge ordinairement en attribuant au meeple le plus proche du bateau la ressource la plus éloignée.

Quand il ne reste plus assez de ressources pour réapprovisionner un bateau, celui-ci est retiré de la partie. Quand il n’en reste qu’un en jeu, on calcule immédiatement le score final, en suivant des règles qui varient selon que l’on a opté pour la face A ou la face B des bâtiments. Dans tous les cas, chaque jeton Action inutilisé et chaque meeple se trouvant encore au Port rapporte 1 point, mais sur sa face A, l’obélisque octroie par exemple 1 point par jeton Obélisque, plus 6 points à celui qui en possède le plus, tandis que sur sa face B, il octroie 12 points au premier joueur qui récupère son cinquième jeton Obélisque, plus 6 points s’il en possède dix. Sur leur face A, les deux pyramides (construites avec des jetons Pyramide) rapportent chacune 1/2/6/10/15/21 si elles sont constituées de 1/2/3/4/5 ou plus de jetons. Sur leur face B, seule la plus petite pyramide compte, et elle octroie -6/0/4/10/18/30/45 points pour 0/1/2/3/4/5/6 jetons… La face B accroît le risque de grand écart de points, c’est pourquoi elle est évidemment très déconseillée aux joueurs encore trop débutants pour connaître parfaitement les mécaniques d’Imhotep et savoir prioriser les lieux.

Sous l’apparence d’un placide jeu de confrontation où il est impossible de nuire directement à son adversaire, Imhotep – Le Duel dévoile tour après tour une agressivité pernicieuse, comme un Morpion où chaque coup aurait des conséquences à moyen terme, et donnerait l’impression de la plus parfaite légèreté quand il serait longuement mûri. C’est que, contrairement à Little Town et moins encore que pour Passages secrets, on ne prendra pas de plaisir à Imhotep si l’on ne saisit pas la valeur de toutes ses actions et leur inéluctabilité sans laquelle il ne peut y avoir de victoire. Il suffit cependant d’une partie pour en percevoir l’extrême finesse et apprendre à méditer le placement de chaque ouvrier, la récupération de chaque ressource, pour tenter d’alimenter ses lieux en empêchant son royal rival d’enrichir les siens.

Les goodies

Comme dans chaque box, le Coffre des joueurs n°11 recèle quelques goodies.

En l’occurrence, un tapis de jeu/poster pour le Last Hero de Ludonaute.

Une mini-extension de trois cartes pour L’Expédition perdue de Nuts ! Publishing (l’un des jeux contenu dans l’édition deux joueurs du coffre n°11).

Une carte pour le One Key de Libellud.

Comme dans chaque box, on pourrait être sceptique devant des additions qui n’intéresseront que les heureux possesseurs de ces jeux, ce qui ne sera souvent le cas que des plus fanatiques récipiendaires du coffre.

Pour autant, il serait difficile de s’en plaindre : il est évident que les concepteurs du système ne peuvent pas toujours collecter des goodies appartenant aux jeux présents dans la boîte, et l’objectif est aussi de susciter notre curiosité pour d’autres créations. Par ailleurs, ce sont de purs bonus sans valeur marchande, que l’on n’a donc pas payés, et qui sont susceptibles de faire très plaisir à un joueur possédant l’une des œuvres concernées.  Enfin, tous trois appartiennent à des jeux ayant beaucoup fait parler d’eux récemment, au point que j’avais personnellement même hésité à me procurer L’Expédition perdue et One Key par confiance en leurs éditeurs (Nuts! a fait 1066La Traque de l’AnneauAuZtraliaSub TerraOne Deck Dungeon ; Libellud DixitDice ForgeShadows – AmsterdamLoony Quest) et dans les nombreux retours enthousiastes de joueurs.

 

 

L’édition deux joueurs du coffre des joueurs n°11 : un concept stimulant ?

Peut-être est-ce parce que je possède déjà l’excellent La Cour des miracles, en test bientôt, toujours est-il que le contenu de ce coffre des joueurs n°11 version deux joueurs me satisfait mieux que ne m’aurait plu le coffre des joueurs n°11 plus standard. Je ne dis d’ailleurs pas du tout cela pour dénigrer le travail de la Boîte de jeu (Montana) ou celui de Blam ! (NemetonNoriaTime ArenaCelestia), probablement aussi remarquable que leurs productions habituelles, mais parce que j’ai été singulièrement convaincu par la sélection de Little TownPassages secrets et Imhotep : Le Duel. Tous trois ont beaucoup en commun, et précisément beaucoup de qualités me touchant particulièrement : un format moyen (au lieu d’une grosse boîte et de deux petites comme dans certaines box), des règles parfaitement bien écrites et illustrées, et de surcroît extrêmement simples, tout en offrant une tacticité assez profonde, le choix de l’affrontement indirect malgré une très forte interactivité, une étonnante rigueur, un matériel soigné, coloré, amusant.

Si vous pouvez évidemment acquérir ces trois jeux, vous ne pourrez plus le faire en commandant cette box, puisqu’une fois le coffre des joueurs n°11 livré, le secret sur son contenu est divulgué, et le site propose déjà de commander la douzième. Cette fois, pas de box deux joueurs, pour la meilleure raison du monde : les concepteurs n’ont pas trouvé trois titres correspondant à leurs critères de format et de qualité, et préfèrent reporter les joueurs sur leurs box classique et premium que de mettre des œuvres qui ne les convaincraient pas dans un carton n’existant que pour le principe d’exister.

Cette douzième box adoptera le thème très excitant du positionnement. Sa livraison est prévue en septembre, et elle peut déjà être commandée ici pour 65 ou 90 euros (auxquels il faut ajouter 8 à 10 euros de frais de port), selon que vous souhaitiez un contenu d’une valeur totale de 90 ou 135 euros. Un beau cadeau à (se) faire !

 

 

 

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