Les box trimestrielles

Les box trimestrielles – Fonctionnement

À la base de Ludum, il y a donc un système d’acquisition de jeux de société surprise, malproprement intitulé « abonnement » (puisqu’en fait vous commandez seulement la prochaine box, sans reconduction automatique). Ainsi l’équipe sélectionne-t-elle chaque trimestre les nouveautés les plus marquantes pour les intégrer à divers formats de box propres à satisfaire autant de personnes que possible.

Ludum

Vous aurez mesuré que chaque mot ici est important : vous ne savez pas quels jeux vous allez recevoir mais avez seulement la garantie qu’ils sont récents et correspondent à une catégorie précise (ambiance, famille, initié, enfants). Comme vous l’avez lu, ne cherchez pas forcément à acquérir ainsi des jeux moins cher que leur prix officiel – vous ne les payerez pas plus cher, mais l’économie assez faible n’est pas le but recherché par Ludum, d’autant qu’économiser quelques cacahuètes sur un jeu que vous n’avez pas choisi est fatalement d’un intérêt modéré. Et comme vous vous en doutez, cette sélection doit pouvoir intégrer des box dont le prix est fixe (vous ne recevrez donc pas deux gros jeux par exemple) en plus d’être un peu subjective, Fabien et Vincent sélectionnant les jeux qui leur semblent les meilleurs au sens le plus large, du futur incontournable hyper-médiatique à la pépite que l’on pourrait manquer sans leur expertise.

Ils l’ont ainsi bien rappelé : une box Ludum n’a pas réellement d’intérêt si vous êtes déjà si expert.e que vous êtes au courant de tout et acquérez toutes les nouveautés dès leur sortie. Même s’ils ont une politique 0 doublon pour remplacer un jeu que vous recevriez alors que vous l’aviez déjà, quand le risque est grand de déjà posséder le jeu (ou de ne pas le posséder volontairement parce qu’il ne nous intéressait pas), et que la surprise sera dans tous les cas nulle parce qu’on connaîtra forcément les jeux par cœur à force de nous renseigner, on passe fatalement à côté du charme de la proposition Ludum.

Ludum

Pour être plus concret, la Party Box (2 jeux d’ambiance) coûte 37 euros 99 ; la Easy Box (2 jeux familiaux) 39 euros 99 ; la Marmots Box (2 jeux enfants) 39 euros 99 ; la Discovery Box (2 jeux initiés) 49 euros 99. Vous pouvez y ajouter un supplément de 20 euros pour bénéficier du Junior+ (1 jeu pour les 8-12 ans) ou de 35 euros pour le Discovery+ (formidable bonus stratégique).

Tout « abonnement » inclut gratuitement le Pass Ludovor (sur lequel je reviens dans la partie sur la boutique) et le magazine Ludum Mag (sur lequel je reviens dans la partie… Le magazine).

Ludum

Les box trimestrielles – Contenu

Jetons déjà un œil au contenu des dernières box avant d’en arriver à la dernière de cet été :

Comme vous le voyez, ces sélections témoignent tout de même d’un certain bon goût, avec quelques incontournables extrêmement médiatisés (AkropolisKitesTrioMindBugEarthSuper Mega Lucky BoxDodo), quelques autres jeux dont il a tout de même été pas mal question (After UsLes Tribus du ventClefs magiquesMaudit mot dit…), d’excellents titres qui auraient mérité un succès encore plus important (Brian BoruGalileo Project, même Dinosaur Island Rawr’n write voire le fort chouette Wonder Woods…). Que l’on soit en accord avec l’ensemble des sélections ou pas, je pense qu’il faudrait faire preuve de beaucoup de mauvaise foi pour les juger mauvaises, platement mercantiles – on pourrait a priori croire qu’une telle box servirait juste de passe-plat pour les mêmes distributeurs – ou trop subjectives, et ces sélections prouvent au contraire une très grande variété des partenaires et des types de jeux, avec beaucoup de très bonnes pioches.

Par exemple, à titre très subjectif, si je regarde chacun des jeux qui ont pu moins me convaincre (Disc Cover, Fun Facts, Dessino Presto, Écosystème, Tatsu), je dois bien reconnaître qu’ils correspondent simplement à des genres où je suis devenu très difficile parce que je possède déjà quantité de jeux similaires avec lesquels je les compare fatalement en leur défaveur (puisqu’en faveur des « originaux » que je connais et pratique déjà), mais qui ont tous leurs défenseu.se.r.s, de sorte que je ne peux décemment égratigner ces choix. Le hasard implique forcément qu’on peut tomber sur des jeux que l’on apprécie moins, le tout étant de constater que ces choix ne sont pas mauvais en soi (donc n’altèrent pas la confiance que l’on peut avoir en Ludum) et d’évaluer les risques pour déterminer si ces box sont pertinentes pour nous ou pas. Je constate par exemple que les Discovery+ appartiennent systématiquement à mes jeux préférés, que je trouve les jeux des Easy Box très satisfaisants et suis plus tiède sur la moitié des Party Box – eh bien je ne commanderai jamais de Party Box ou de Marmots Box, et les laisse volontiers aux personnes davantage ciblées que moi.

Ludum Sélection

Ces constats se confirment-ils avec la box 13, du moins pour les jeux que je connais (c’est-à-dire pas Gang of DiceMind Up, la Marmots Box et le Junior plus) ?

Si je n’ai pas d’affection particulière pour Vers l’infini mais pas au-delà, je dois dire que je ne suis de toute manière pas particulièrement porté sur les jeux d’ambiance, et que dans sa catégorie (celle des TTMC ou Top Ten), il n’est peut-être pas tout à fait à la hauteur de ses modèles mais se défend bien, avec une vraie originalité éditoriale pour un prix honnête (22 euros 50 sur Ludum hors Pass Ludovor), et tombe plutôt bien puisque malgré la déferlante de jeux exploitant des mécaniques proches, il n’est redondant avec aucune des box des derniers trimestres.

Sur les traces de Darwin

Pour Sur les traces de Darwin, je me permets de citer la conclusion de mon propre article (en vous invitant à vous y reporter pour un avis plus complet et l’interview très intéressante des deux concepteurs) : « Sur les traces de Darwin est d’abord une association de talents étonnante, puisque le jeu est conçu par l’auteur d’un jeu lexical d’ambiance, un auteur de jeux experts et un éditeur de jeux plutôt experts dont il est de très loin le titre le plus familial. Ils semblent avoir redoublé d’attention afin de réussir cette incursion vers un nouveau public sans céder à la tentation d’une trop grande complexité ou aux sirènes de la sur-simplification, livrant en effet un produit matériel, marketing et ludique abouti et mûr.

Il se signale déjà par son matériel soigné, puis par sa volonté didactique extrêmement poussée, bien loin de ce que l’on attend ordinairement d’un jeu de draft 8+ au thème ordinairement plaqué. Il marque ensuite par son équilibre judicieux entre choix et liberté, esquivant la triple frustration d’un trop grand aléa, de stratégies trop orientées ou de trop nombreuses possibilités tactiques – écueils dans lequel sombrent plus allègrement d’autres titres visant un marché comparable.

Ces qualités en font un parangon du jeu-passerelle, accessible aisément à un public jeune/néophyte qui saura en saisir progressivement mais rapidement les astuces pour s’initier au « jeu de société moderne », tout en continuant d’offrir une expérience légère mais courte et satisfaisante une fois cette transition vers des titres toujours un peu plus complets effectuée (quand d’autres deviennent vite – et presque par vocation – obsolètes), notamment parce que la variété de son scoring estompe à merveille la trop habituelle sensation de répétition, et prolonge le plaisir qu’il y a à manipuler et observer un jeu aussi bien édité et potentiellement pédagogique. »

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Sur les traces de Darwin

Bon, « plutôt » très très bonne pioche alors…

D’orge et de blé est l’un des meilleurs jeux de duel des derniers mois, un challenger dans une catégorie fourmillant décidément de merveilles – j’ai décidément hâte de voir la coupe des duellistes 2023 et où il se placera dans cette compétition acharnée !

On y retrouve toutes les qualités d’un jeu à l’allemande sous une forme condensée, pour vivre en une trentaine de minutes à peine une expérience mêlant différents types de draft, gestion de ressources, des cartes pouvant être utilisées de trois manières différentes… et tout cela avec une ergonomie impeccable et toute la tension que l’on peut espérer d’un véritable jeu de duel dans une interaction plus ou moins indirecte extrêmement prégnante et des choix relativement punitifs. Par exemple toute ressource collectée en excès… est donnée à votre adversaire ; ou lors des années fructueuses vous donnerez votre main de cartes à votre adversaire après chaque carte jouée, tandis que lors des années de sécheresse, vous récupérerez en main les cartes posées pour leur action de récolte lors de l’année fructueuse précédente, de sorte qu’une carte utilisée sans une bonne anticipation peut s’avérer un encombrement voire bénéfique à votre adversaire. Ainsi, sous des allures tristement vieillottes se dissimule un jeu très malin, surprenant régulièrement par ses twists modernes.

D'Orge et de blé

Judicieusement, Ludum nous explique que le jeu a été choisi pour compléter Le Clan des loups – économiquement bien sûr, mais surtout parce que Le Clan des loups serait meilleur à partir de 3 personnes, et qu’il fallait donc éviter de trop frustrer les duellistes. Une démarche d’autant plus louable que le jeu est tout à fait jouable à 2, sans aucun alourdissement mécanique.

Le Clan des loups

Le Clan des loups est régulièrement présenté comme du meute-building, une appellation fantaisiste plutôt prometteuse dont il ne faudrait néanmoins pas exagérer le poids puisque l’on améliore le déploiement (nombre de loups déplacés par action), la vitesse et la portée du hurlement des loups au fur et à mesure de la partie en construisant des tanières sur le carte centrale, tanières qui libèrent les emplacements du plateau où elles recouvraient les valeurs supérieures de déploiement, vitesse et hurlement. On est ainsi bien plus proche d’un arbre d’actions améliorable à la Evergreen ou mieux encore Scythe et Brasil: Imperial que d’un deckbuilding, et globalement cette amélioration sera assez peu asymétrique, puisque même si l’on n’améliore pas tout à fait la même chose au même moment que les autres, ces variations restent assez minimes, contrairement donc aux jeux comparables que je viens de citer. Je ne fais pas cette précision comme critique du Clan des loups, seulement pour éviter qu’on nourrisse une fausse idée du jeu en entendant parler de meute-building parce que je m’étais moi-même créé des attentes assez différentes.

L’autre mécanique originale du Clan des loups est la gestion des tuiles Terrain, puisque vous disposez toustes de cinq tuiles face à vous que vous retournez pour vous rendre sur le lieu indiqué, le verso étant différent du recto. En en retournant deux identiques, vous posez des tanières, transformez une tanière en antre ou hurlez sur un loup solitaire pour le remplacer par un nouveau loup de votre meute, tandis qu’en en retournant trois identiques, vous dominez un loup ou une tanière adverse pour la ou le remplacer par l’un de vos pions. Ce qui est donc l’action la plus agressive d’un jeu de contrôle de territoires déjà très interactif, mais une possibilité d’agression intéressante précisément parce qu’elle est très coûteuse en plus d’être visible : en regardant les terrains de l’adversaire avant son tour, vous pourrez vous demander s’il a les moyens de vous dominer et s’il en a l’intention.

Le Clan des loups

Alors que la plupart des jeux de société initiés paraissant de nos jours prônent une interaction très indirecte (ce qui n’est pas du tout un reproche), Le Clan des loups a donc l’originalité de revenir à du contrôle de territoire, très interactif voire agressif, avec un système très lisible (grâce aux illustrations mais aussi aux meeples et aux indications sur les plateaux), et même si la mécanique des tuiles Terrain ne m’a pas bouleversé par son élégance, elle porte efficacement un ensemble fonctionnel, parfois même très agréable quand on sent qu’on effectue une action intéressante méritée, parce qu’on l’a bien planifiée et que l’on parvient à exploiter ses actions bonus et les améliorations de sa meute au mieux.

Darwin's Journey

 

Le jeu de la Discovery+ était Darwin’s Journey, un jeu qui m’attirait singulièrement parce que conçu par Simone Luciani lui-même (Tzolk’inMarco PoloGrand Austria HotelNewton… excusez du peu !) avec son complice régulier Nestore Mangone, parce qu’édité par Thundergryph (connu au moins pour sa qualité d’édition, par exemple avec Tang Garden) et pour son thème – même si, Luciani oblige, on s’attend bien à son abstraction, au moins rehaussée par l’édition. Sur l’édition justement… c’est plutôt une déception, le souci d’ergonomie ayant supplanté tout souci de joliesse. Au moins ce Darwin’s Journey ne cherche-t-il pas à séduire trompeusement une cible qui ne serait pas la sienne, c’est un eurogame expert, et même matériellement il ne peut décidément parler qu’à des eurogamers – assurément déjà séduits à l’idée d’avoir un jeu aussi lourd (aux deux sens du terme) pour 45 euros.

Darwin’s Journey, c’est de la pose d’ouvriers (évidemment), assez classique dans sa forme (on place à son tour des ouvriers dans de nombreuses zones fonctionnant très diversement) et dont évidemment je n’aurai pas la lourdeur fastidieuse de détailler tout le potentiel, mais multipliant les idées malines : sur la spécialisation des ouvriers, les spécificités des zones, leur intrication avec le thème (découverte de spécimens et livraison au musée, piste maritime autour des trois îles/pistes terrestres…), la majorité des enveloppes, le draft des cartes Équipage, les objectifs du Beagle différents à chaque phase (et mis en place aléatoirement au début de la partie), la modification de l’ordre de tour (une mécanique que j’apprécie toujours énormément), les nombreux combos…

Je n’en ai joué que deux parties, et pour un jeu aussi foisonnant, c’est peu : même au début de la seconde j’étais encore un peu perdu entre toutes les actions possibles puisque Darwin’s Journey a le mérite de ne pas du tout être scripté (même si bien sûr quelques voies s’avèreront plus inévitables que d’autres). Mais ce désir d’y revenir pour tenter d’autres départs et d’autres midgames, et plus généralement pour sentir que je progresse dans la compréhension de ses finesses, sont quelques très bons signes établissant le jeu comme l’un des experts auxquels j’ai vraiment aimé jouer dernièrement – et confirmant que décidément, les Discovery+ de Ludum sont toujours systématiquement excellents, même si celui-ci peut surprendre par une difficulté à laquelle les choix précédents n’avaient pas tout à fait préparé, donc prudence, tout en imaginant bien que l’on n’ira jamais plus loin.

Darwin's Journey

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