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Rajas of the Ganges et The Dice Charmers – jeux i-dé-aux ?

Rajas of the Ganges et The Dice Charmers – jeux i-dé-aux

J’ai déjà dit et répété à longueur d’articles à quel point j’aimais les dés. C’est que leur utilisation par le jeu de société moderne constitue un défi créatif stimulant afin de fuir tout ce qui les associe au pire du jeu de société traditionnel, le chaos et l’injustice. Deux caractéristiques pourtant au cœur du concept même de dé – je vous donne la planche de Blacktown plutôt que de la recopier en m’en attribuant l’esprit (et en profite pour recommander on ne peut plus chaleureusement toute la série des formidables Formidables Aventures de Lapinotopus magnum du franco-belge contemporain).

Blacktown Lapinot

Il semblait alors logique à plusieurs joueurs autour de moi de me recommander le Rajas of the Ganges d’Inka et Markus Brand (VillageExitOrléans InvasionRise of Queensdale), édité par HUCH! et localisé par Atalia, avec une traduction par Sylvain Gourgeon. Curieusement, et alors même que j’en trouvais le thème indien et les illustrations de Dennis Lohausen (Charlatans de BelcastelTerra MysticaHansa Teutonica, Gaia ProjectMarco Polo, Dominion); il a fallu que j’attende de découvrir sa version roll & writeRajas of the Ganges – The Dice Charmers, et que j’y joue et joue encore avec un enthousiasme toujours intact, pour que je me penche enfin sur le jeu de plateau… pour l’apprécier tout autant.

La relation entre Rajas of the Ganges et The Dice Charmers est à vrai dire complexe, tant le second est une adaptation fidèle du premier sans prétendre en être le remake light (à la Bruxelles 1897Amun-Re ou autres versions Cities des Aventuriers du rail). C’est pourquoi il me paraît plus pertinent de les présenter tous deux ensemble dans cet article… et de tricher (à peine) en leur attribuant communément mon sixième VG Award à peine en plus d’un an.

Les Rajas of the Ganges n’ont en effet été précédés que par Roll PlayerMystic ValeLa Vallée des Marchands CollectionMargraves de Valeria et Le Dilemme du Roi – mais j’hésite encore à l’attribuer rétroactivement à Demeter et Cryptide, bref. Comme je l’expliquais ici, le VG Award est mon prix coup de cœur, décerné exceptionnellement (environ 5 fois sur les plus de cent articles composés depuis sa création en avril 2020) à des jeux que je juge… exceptionnels, pas seulement vraiment bons.

Qu’est-ce qui m’a donc tant conquis dans les deux jeux de dés Rajas of the Ganges ? Petite présentation et explication.

Rajas of the Ganges (le jeu de plateau)

Rajas of the Ganges est un jeu de plateau publié en 2017 pour 2 à 4 ranis et rajas de 12 ans et plus, vendu 41 euros (35 euros 58 avec l’abonnement Ludum).

Un tour de jeu y consiste simplement à placer l’un de ses trois ouvriers dans l’une des quatre zones du grand plateau central afin d’accomplir une seule action.

Si certaines actions sont gratuites, la plupart exigent de défausser l’un des dés que l’on possède sur son plateau Kali (la case indique alors la couleur ou la valeur du dé à défausser) ou de dépenser de l’argent (on recule alors son marqueur d’argent sur la piste correspondante, qui entoure le plateau).

L’action principale est l’action de construction, à la carrière, dont les cases ont un prix croissant, de sorte que l’on fera tout pour s’y précipiter dès le début d’une manche. Cela permet de prendre l’une des 12 tuiles face visible au sommet de l’une des 12 piles Province (assurément l’étape la plus fastidieuse au moment de l’installation du jeu, chaque tuile ayant sa place attitrée) pour la placer sur son plateau Province.

Celui-ci représente notre palais, entouré de forêts vierges. Toute nouvelle tuile doit être placée de façon à ce que l’une de ses routes soit connectée directement ou indirectement (par le truchement d’autres tuiles) au palais. Si les routes permettent en plus d’accéder aux bonus se trouvant sur le pourtour du plateau, on en bénéficie immédiatement, pour un gain de pièces, de dés, de points de gloire ou d’amélioration de bâtiments.

C’est que certaines tuiles Province portent des bâtiments, dont on score immédiatement la valeur en avançant son marqueur de gloire autour du plateau. Valeur qui n’est en début de partie fixée qu’à 2 pour chaque type de bâtiment, mais que l’on pourra monter jusqu’à 4, pour remporter 4 points de gloire à chaque fois que l’on construira le bon bâtiment ! Inutile de dire qu’un adversaire aura tout intérêt à observer de près les tuiles Province disponibles et à savoir vous priver de celles qui vous seraient trop fructueuses.

Certaines tuiles portent également des marchandises, soie, thé ou épices, importantes pour la deuxième zone du plateau, le marché. Selon la case où l’on placera son pion au marché, on pourra en effet valoriser certaines des marchandises de sa province, par exemple tous ses commerces de soie, en remportant la quantité de pièces indiquée sur chaque tuile Province représentant de la soie.

La troisième zone est le fleuve, où l’on ne peut se placer qu’avec des dés de valeur 1, 2 et 3, pour faire progresser son navire d’autant de cases maximum que la valeur dudit dé, sans compter les cases déjà occupées – avec ce système de saute-mouton, des joueurs plus avancés vous permettront donc d’un peu mieux les dépasser.

La case d’arrivée du navire indique un gain immédiat d’amélioration de bâtiment, argent, gloire, dés, valorisation des marchés, karma (celui-ci peut être dépensé pour retourner un dé sur sa face opposée)… Plus on avance, et plus les gains sont importants, même si la différence n’est pas systématiquement significative, mais une fois arrivé au bout du fleuve, l’action fleuve n’est plus disponible, ce qui demandera aussi un peu de retenue à ceux qui voudront bien rentabiliser leurs dés faibles.

Notez que les ranis et rajas ne commencent une partie de Rajas of the Ganges qu’avec un dé de chaque couleur, sur une valeur aléatoire. De sorte qu’ils n’auront souvent pas d’autre choix que d’opter pour une action au palais, la zone permettant précisément de gagner gratuitement un dé d’une couleur indiquée, ou deux contre un ouvrier d’une autre couleur. Un pouvoir très utile quand on commence à manquer cruellement de dés ou que l’on vise une action qui en requiert d’une couleur particulière (au risque de la trahir auprès de nos adversaires), mais auquel on ne fera appel qu’en dernier recours, en essayant tant que l’on peut de gagner des dés en bonus d’autres actions.

Mais ce même palais permet également de faire appel à l’une des personnalités des chambres, chacune associée à une valeur de dé précise (là où les terrasses et balcons ne concernaient que les couleurs, comme vous l’avez sans doute noté). Le Grand Moghol (1) offre le joli jeton tridimensionnel Éléphant (qui permettra d’être premier joueur au tour suivant) avec 2 Points de Gloire (PG) ; la Danseuse (2) octroie 2 dés de son choix et une tuile Revenu blanche face cachée (qui rapporte immédiatement l’un des gains habituels) ; le Yogi (3) rapporte 2 niveaux de karma et 1 dé ; le Rajah Man Singh (4) – célèbre général de l’Empereur des Mongols Akbar I – permet d’améliorer un bâtiment et de prendre 3 pièces ; le Maître Bâtisseur (5) recouvre une tuile de sa province avec une nouvelle tuile de son choix plus chère, en respectant toujours les règles de connexion et en payant la différence – une action avec laquelle je suis moi-même encore assez peu à l’aise ; le Portugais (6) avance le bateau de 6 cases exactement.

Je n’ai bien sûr pas listé ces effets pour le plaisir vain et chronophage de copier-coller les règles, mais pour faire apprécier la variété des actions possibles. Comme tout bon jeu de dés, Rajas of the Ganges doit inspirer une certaine frustration de ne pas disposer des bons dés afin de ne pas être trop permissif, tout en conférant une importante latitude afin de ne pas donner l’impression d’être régi par le hasard.

Or vous le voyez, on pourra toujours faire quelque chose avec ses ouvriers et dés, ne serait-ce que gagner un nouveau dé. De même, si la voie que l’on vise est bloquée par les ouvriers des autres, il existe souvent des solutions pour contourner ce blocage : plusieurs cases du fleuve permettent ainsi de faire appel à une personnalité gratuitement et même si sa case est occupée ; toutes les zones permettent de gagner de l’argent et ou de la gloire ; avec le précieux karma, on peut transformer un dé…

 

Ranis et rajas réalisent ainsi une action à tour de rôle jusqu’à ne plus avoir d’ouvriers. Il est d’ailleurs possible de jouer ainsi davantage que les autres, en récupérant jusqu’à deux ouvriers bonus, l’un se trouvant sur la case 20 de la piste d’argent, un autre sur la case 15 de la piste de gloire, et un dernier sur le pont, qu’il faut passer avec son bateau. Une petite incitation à privilégier une voie au moins jusqu’à disposer de son quatrième ouvrier, puisqu’il peut bien entendu être un peu handicapant de jouer moins que les autres, même si, heureusement, le dernier ouvrier d’un joueur sera aussi celui qui sera le plus contraint dans ses choix.

À la fin de la manche, on récupère simplement tous ses ouvriers et un nouveau tour commence, la première joueuse ou le premier joueur étant la personne qui a récupéré l’éléphant, ou la suivante dans l’ordre du tour si personne n’a demandé conseil au Grand Moghol.

Belle originalité, la partie s’achève aussitôt qu’une rani ou un raja a pu faire se croiser son marqueur d’argent et son marqueur de gloire, étant donné qu’une piste est horaire et l’autre antihoraire. Le nombre de manches n’est ainsi pas fixe, mais ce sera aux joueuses et joueurs de définir le rythme de la partie et de se surveiller pour éviter toute mauvaise surprise – et avec tous les petits combos de Rajas of the Ganges, anticiper toutes les surprises dont quelqu’un pourrait être capable, à la fois en termes d’argent et de gloire, pourra demander un peu de calcul !

La manche se poursuit simplement jusqu’à ce que toutes et tous aient posé le même nombre d’ouvriers, et la victoire va à la rani ou au raja dont les marqueurs sont les plus distants après s’être croisés. Une bien agréable surprise que cela se joue sur quelque chose d’aussi simple et visible au lieu d’une des salades de points auxquels les jeux à l’allemande nous ont habitués !

Des Rajas encore un peu plus riches

Rajas of the Ganges propose quelques variantes afin de pimenter les parties des ranis et rajas ayant déjà compris finement tous ses rouages.

Avec la variante des Navaratnas, on pourra récupérer les 3 ouvriers optionnels (au lieu de 2), mais dans la limite de 8 dés (au lieu de 10), comme l’indique le dos du plateau Kali.

Surtout, on joue avec le dos du plateau Province, dont les bonus qui l’entourent sont assez faibles… mais peuvent être améliorés. Chacun est en effet de la couleur de l’un des quatre bâtiments du bord droit du plateau principal (jaune, rouge, gris, marron). En allant voir la Danseuse ou quand on devrait jouer mais qu’on ne le peut pas parce que nos adversaires ont davantage d’ouvriers que nous, on peut prendre l’une des tuiles colorées placées sur ces quatre bâtiments, et le mettre sur un emplacement de la même couleur de son plateau. En le connectant au palais, on bénéficiera ainsi de son pouvoir amélioré.

Si les tuiles jaunes, rouges et blanches rapportent classiquement de l’argent, des dés, du karma, des améliorations de bâtiment et des déplacements de bateau, les tuiles marron ont la particularité d’être proportionnels à la progression du joueur dans un domaine. L’une octroie par exemple 2 points de gloire pour chaque virage de route de sa province, une autre 2 points de gloire par tranche de 3 cases fleuve traversées, une autre encore 1 pièce par bâtiment dans sa province…

De quoi susciter ce qu’il faut de petits dilemmes supplémentaires, tout en offrant une consolation supplémentaire aux joueuses et joueurs un peu en retrait en termes de nombre d’ouvriers ! Ou même en permettant de ne pas courir vers les ouvriers, en laissant volontairement plus aux autres pendant un tour ou deux pour se focaliser sur d’autres actions et bénéficier d’une compensation tout à fait appréciable !

Accessoirement, l’existence de deux faces du plateau Kali et du plateau Province permettent à des adversaires au niveau très différent de s’opposer de façon à peu près équilibrée, les plus expérimentés se contentant de 8 dés et de la face Navaratnas (mais sans les tuiles de couleur) quand les novices auront droit aux faces normales !

Enfin, un petit module Gange renouvelle le fleuve en plaçant des tuiles Fleuve sur des cases aléatoire, qui offrent des dés selon le niveau de karma, trois dés de couleurs précises, l’action d’une personnalité, la valorisation de trois marchandises identiques ou une avancée sur le fleuve. Judicieux pour contrebalancer à peu de frais les automatismes que l’on aurait pu acquérir à force de parties.

Rajas of the Ganges : un jeu de Kali-té ? (pardon)

Rajas of the Ganges est un jeu de placement d’ouvriers utilisant des D6 de quatre couleurs comme ressources. À première vue, il a tout du jeu à l’allemande, nationalité et passif de ses auteurs (le couple Brand) et de son éditeur HUCH!, mécanique centrale, thème indien plutôt plaqué, plateau chargé… Pourtant il n’est pas si facile de le résumer à cette catégorie, aussi vague soit-elle.

D’abord parce que le jeu est loin d’être difficile, avec une seule action à réaliser par tour dans l’une des quatre/cinq zones distinctes, ce qui limite la quantité d’informations à appréhender d’emblée, d’autant que les bénéfices de ces zones sont assez intriqués pour que certains en favorisent d’autres, rendant pratiquement tous les choix valables. Rajas of the Ganges propose ainsi une bonne courbe d’apprentissage pendant ses premières parties, permettant de passer de la compréhension rapide des mécaniques à leur maîtrise plus fine, se révélant alors un jeu d’optimisation assez tendu.

C’est que, contrairement à tant de ses confrères, Rajas of the Ganges n’est pas un jeu à salade de points, où chacun réaliserait des dizaines d’actions dans son coin sans aucune visibilité sur le score des autres, avant le long calcul final aboutissant au dévoilement final d’un podium vaguement soupçonné. De fait, il se fonde sur un système… de course. Vous remporterez en effet au cours de la partie de l’argent et des points de gloire, qui vous feront progresser sur deux pistes partant de coins opposés du plateau central. Et pour remporter la partie, il s’agira simplement de faire se croiser ses marqueurs de gloire et d’argent. Ainsi Rajas of the Ganges double-t-il la bataille pour les emplacements d’ouvriers d’une obligation de surveiller la double-progression des autres afin de comprendre quand on peut prendre le temps de poser les bases d’un fructueux gain futur ou quand il faut viser le petit gain rapide.

Il faut enfin dire que si le thème est assez artificiel, il donne lieu à un matériel tout à fait joli, une myriade de couleurs qu’accompagne une iconographie très claire afin d’éviter tout report aux règles. Et entre les notices historiques à la fin du manuel de règles, la mécanique de montée du Gange, la construction de routes et bâtiments autour de son palais, le plateau représentant la déesse Kali pour porter un dé sur chaque main, le karma pour l’inverser, les meeples enturbannés, l’éléphant tridimensionnel comme marqueur premier joueur… on ne croit pas au thème mais on oublie très vite qu’il est plaqué, pour apprécier qu’il soit si joliment exploité, éditorialement et mécaniquement, dans une œuvre devenue l’un de mes jeux intermédiaires préférés.

Notez que des extensions de Rajas of the Ganges ont été publiées sous la forme de Goodie Boxes, comportant chacune plusieurs modules !

Rajas of the Ganges – The Dice Charmers (le roll & write)

Rajas of the Ganges – The Dice Charmers est un jeu de roll & write publié en 2020 pour 2 à 5 ranis et rajas de 12 ans et plus, vendu 18 euros (16 euros 11).

Comme on peut l’imaginer, les joueurs disposent d’une fiche personnelle remplaçant tout plateau individuel ou central. The Dice Charmers inclut d’ailleurs deux blocs de feuilles, l’un pour la fiche Jour et l’autre pour la fiche Nuit, pas réellement plus complexe mais modifiant la quasi-totalité des icônes afin de faire perdre tous leurs repères à ceux qui auraient développé une expertise de l’une des faces. Je vous conseillerais donc de jouer et rejouer encore sur l’une des deux afin de la maîtriser avant de passer à l’autre, sans quoi vous risqueriez de profiter moins bien de cette alternative tout à fait bienvenue.

La personne débutant la partie lance les 8 dés et en choisit un, qu’elle place sur sa petite tuile Entrepôt. Celle-ci n’a qu’une fonction, rappeler qu’à 3 à 5 joueuses et joueurs on ne choisit qu’un dé par lancer, tandis qu’à 2, on en prendra deux par tour. Cela aurait pu se passer de matériel, et prouve encore une fois la volonté admirable des Brand et de HUCH! de proposer des éléments aussi intuitifs que possible. Ces 8 dés sont d’ailleurs de quatre couleurs différentes, et le deuxième dé de la couleur de celui choisi par la première rani ou le premier raja va sur le dos de l’éléphant tridimensionnel. S’il reste cosmétique comme dans le jeu de plateau Rajas of the Ganges, il se dote ainsi d’une deuxième dimension.

Puis on applique ce dé.

Les dés verts représentent des routes, en ligne droite, en virage ou deux demi-routes, que l’on place dans sa province. C’est d’ailleurs la seule règle un peu complexe de The Dice Charmers, bien que clairement exposée dans le manuel : comme on peut l’imaginer, la première route doit partir du palais, puis toute nouvelle route devra connecter une zone avec le palais, directement ou indirectement. Mais on ne pourra pas se contenter d’une demi-route sur une zone, et on ne pourra pas ajouter de ligne droite à une ligne droite ou de virage à un virage déjà présent dans une zone, la seule manière d’occuper les routes restantes d’une zone où seraient déjà présentes deux routes étant d’user de demi-routes. Cela vous paraît confus ? C’est normal, et il s’agira de bien étudier tous les exemples pour saisir parfaitement cette règle. Une fois que c’est fait, tout le reste semblera limpide !

La plupart des routes traversent l’un des trois types de palais. Si elle le traverse pour la première fois, on marque 1 points de gloire. Par ailleurs, si une route atteint l’un des bonus en périphérie de la province, on en profite immédiatement pour avancer ou reculer sur le Gange, faire appel à un personnage, vendre une marchandise ou en gagner, un vocabulaire qui rappellera des choses à ceux qui connaissent Rajas of the Ganges.

Les dés bleus représentent divers symboles. En en choisissant un, on coche sur la piste Gange la prochaine case représentant ce symbole, sans pouvoir revenir avant une case déjà cochée. Cette fois, les effets des cases sont indiscutablement plus puissants au fur et à mesure de la progression du « navire », de sorte que la tension entre la précipitation pour profiter des meilleurs et la lenteur pour ne pas risquer d’arriver au bout du Gange trop vite sera plus forte que dans le jeu de plateau. Il pourra s’agir d’octroyer des points de gloire, de l’argent, des routes, des marchandises à gagner ou vendre, du karma ou de cocher sur le parchemin Palais la case rapportant plus de points de gloire pour chaque palais du type correspondant.

Les dés violets rapportent une combinaison de deux marchandises composée de thé, soie et/ou épices, que l’on coche dans sa zone de marché. Sous chaque colonne de marchandises, un prix apparaît : quand un effet nous permettra de vendre une marchandise, on barrera les marchandises possédées de la gauche vers la droite, chacune rapportant le prix indiqué, d’1 à 4 pièces. Se précipitera-t-on pour cumuler toutes les marchandises possibles d’un type et ainsi en vendre à prix d’or, au risque de ne plus pouvoir profiter des dés violets proposant de gagner ces mêmes marchandises ? Même vendues, elles sont en effet cochées, et une fois leur ligne complète, ne peuvent pas être regagnées.

Enfin, les dés oranges permettent de faire appel à l’un des six personnages du palais. Le Grand Mogul… permet de profiter d’un autre personnage du palais (en cochant aussi sa case). La Maharani fait avancer son bateau d’une case ou deux. La Marchande vend une ou deux marchandises, ou nous en rapporte une de nôtre choix. Le Raja Man Singh permet d’améliorer les revenus d’un type de palais en plus d’octroyer une pièce. Le précieux Maître constructeur donne deux demi-routes. Le Portugais permet de reculer son bateau d’une ou deux cases (en sautant les cases déjà cochées), même si l’on repartira ensuite toujours de la case cochée la plus à droite.

Plus encore que dans le jeu de plateau, chaque dé peut ainsi influer sur tout et n’importe quoi, à condition de disposer d’une case non cochée. Cependant, on n’a fait là qu’effleurer la surface de The Dice Charmers.

On a vu en effet que la construction de routes pouvait permettre d’accéder aux bonus en périphérie des provinces. Mais il faut ajouter que l’on gagne aussi un bonus en ayant amélioré les revenus de ses trois types de palais à 2 points de gloire, puis à 3, ou en possédant 2, 4 puis 5 marchandises de chaque type, ou en ayant fait appel 1, 2 à 3 fois à chaque personnage des étages supérieurs du palais ou des étages inférieurs du palais. Et pour être complet, on n’oubliera pas que les cases de la piste d’argent (et même de gloire pour la face Nuit) octroieront aussi des bonus en arrivant à certaines cases…

Il va de soi qu’un bonus en entraînera régulièrement un autre, et parfois un autre encore. Imaginez que vous fassiez appel au Grand Mogul pour vous faire aider par la Marchande et ainsi gagner un quatrième rouleau de tissu. Comme vous aviez déjà quatre caisses de thé et quatre sacs d’épices, vous gagnez 3 pièces, et passez la huitième case de la piste de pièces, qui vous fait cocher une case du parchemin Palais. Or vous avez ainsi complété une colonne (tous vos bâtiments rapportent 2 points de gloire), ce qui vous offre le résultat de l’un des dés violets, donc le gain de nouvelles marchandises. N’oublions pas qu’en cochant à la fois le Grand Mogul et la Marchande, vous avez complété une colonne des étages supérieurs du palais (vous aviez déjà fait appel à la Maharani à un tour précédent), et bénéficiez donc d’une demi-route, qui pourrait vous permettre d’accéder à un bonus en périphérie de la province…

L’exemple vous paraît extrême ? Je n’exagérerais pas en disant que ce n’est rien qu’un petit aperçu… mais il n’a rien d’excessif, et c’est tout à fait le genre de cascades d’effets à la Demeter que vous réaliserez à quelques reprises dans chaque partie, pour un sentiment de puissance assez jouissif.

On l’a dit, le deuxième dé de la couleur choisie par la première joueuse ou le premier joueur se trouve sur l’éléphant. Quand les autres choisiront l’un des dés encore disponibles à leur tour, ils ne pourront bénéficier ni des dés déjà dans les entrepôts, ni du dé de l’éléphant… à moins de dépenser un point de karma, qui permet de relancer le dé de l’éléphant et n’importe quel dé disponible, pour mettre l’un sur son entrepôt et l’autre sur l’éléphant. Inutile de dire que ce sera souvent très pratique, particulièrement en fin de partie, et dans quelque configuration que vous jouiez ! Une invitation supplémentaire à ne pas négliger les bonus de karma, sans compter que gagner du karma rapporte aussi des points de gloire ou des marchandises – bien sûr ! Vous vous attendiez sérieusement à simplement gagner du karma ?

Quand toutes et tous ont choisi un dé (deux en duel), la personne suivante lance les dés et un nouveau tour débute.

La partie s’achève toujours quand les pistes de gloire et d’argent se croisent, il aurait été bien dommage de renoncer à la si belle idée de Rajas of the Ganges !

Rajas of the Ganges – The Dice Charmers : ensorcelez les combos !

Rajas of the Ganges – The Dice Charmers tient de la prouesse dans sa capacité à restituer aussi complètement les mécaniques de son aîné sous la forme d’un bien plus modeste roll & write. On y conserve en effet les quatre zones du jeu de plateau, avec des transformations ne tenant pas tant d’une volonté de simplifier les mécaniques que de les traduire avec moins de matériel, et donc sans les ouvriers ou la réserve personnelle de dés ! Renoncer au cœur matériel du jeu d’origine devrait impliquer d’en sacrifier le cœur mécanique, et il est d’autant plus saisissant de retrouver des sensations aussi proches, y compris dans les zones s’étant le plus adaptées.

Il existe tout de même une différence significative entre les deux Rajas of the Ganges, et c’est la nature extrêmement combinatoire de The Dice Charmers. Là où le jeu de plateau proposait quelques menues intrications pour éviter aux joueuses et joueurs la frustration d’un blocage trop punitif, le roll & write connecte tout, au point que l’action simple, ne provoquant aucune seconde action, tient de l’anomalie à éviter. Il trouve alors une puissance considérable à nous faire sentir aussi puissant, à nous offrir la satisfaction immense de quatre ou cinq effets successifs en un seul tour, consécutifs au choix d’un seul dé.

Que The Dice Charmers rejoigne mon panthéon de X and write sera ainsi bien loin d’étonner ceux qui connaissent ma prédilection pour Demeter et mon goût pour Très Futé, précisément les jeux de ce genre les plus combinatoires, ceux qui offrent un plaisir proportionnel à la réflexion exigée pour optimiser ses coups – c’est dire ! Et tout cela bien sûr en conservant les charmes de Rajas of the Ganges, du thème à l’impression assez forte de s’améliorer en cours de partie, de la parfaite lisibilité iconographique d’un plateau chargé à la course au croisement de sa gloire et de son argent. Au cas où je ne l’aurais pas assez dit : une petite merveille.

 

2 Commentaires

  1. Salut !
    Comme j’aime bien te lire, que j’ai une mémoire sélective et que j’ai suivi ton lien, tu nous disais en novembre que For the Story – Pour la Reine et Pax Pamir 2nd Edition devaient eux aussi décrocher ton précieux sésame, j’ai raté quelque chose ou tu as changé d’avis ?

    • Ha ha merci d’avoir si bien suivi mes articles et promesses non tenues ! En fait, une urgence en chassant une autre, et le temps venant à manquer, j’ai repoussé encore et encore l’écriture des articles consacrés à ces deux jeux. Pour la Reine devrait arriver très bientôt, et le bien plus consistant Pax Pamir sera chroniqué un jour aussi, c’est toujours prévu, quand le temps sera extensible ou que j’aurai fini de relire Chronicles of Crime et Destinies ! En tout cas, je ne me dédis pas, ces deux jeux auront bel et bien un VG Award amplement mérité, et même si cela ne se voit pas, j’ai très hâte de les défendre autant qu’ils le méritent ! Merci encore pour cette douloureuse piqûre de rappel, et bonnes lectures !

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