Monster Café – le petit jeu de cartes monstrueux et caféiné des Lumberjacks
On présentait hier le Gold River de Bruno Cathala et Faidutti, qui inaugurait la nouvelle gamme Coffee Break des Lumberjacks (Karmaka, La Petite Mort, L’Île de Pan, Peanut Club). Afin de comprendre la volonté nourrissant une collection et d’avoir un aperçu de sa qualité en tant que collection, et plus seulement comme agrégats de jeux autonomes, il faut cependant qu’au moins deux titres y paraissent. C’est donc ce que permet la sortie du Monster Café de Romain Caterdjian (13 Couronnes) et Théo Rivière (Draftosaurus, Arkeis, Nagaraja, Château Aventure, Mission #07 dans Unlock! Epic Adventures) – dont vous trouverez une chouette interview ici -, illustré par Greg Baldwin, les deux concepteurs et l’illustrateur apparaissant à nouveau « à égalité » sur la tranche de la boîte, comme reconnaissance de leur travail d’auteur à cette oeuvre collective.
Vendu 15 euros sur Ludum, comme Gold River, Monster Café est également jouable à partir de 8 ans, assumant une ligne éditoriale accessible économiquement comme mécaniquement, mais s’il s’adresse également à 2 à 5 caféinomanes, ce sera cette fois pour des parties de 10-15 minutes, de quoi s’occuper pendant un vrai Coffee Break !
Et si la spécialité des monstres, c’était… le café ?
La première étape d’une partie de Monster Café, c’est de choisir les cinq familles de monstres avec lesquelles on va jouer, la boîte en contenant douze. Chaque famille est caractérisée par un pouvoir bien distinct, garantissant une extrême variété des parties, d’autant qu’une seule famille différente d’une partie à l’autre peut déjà impliquer de toutes nouvelles combinaisons.
On appréciera alors beaucoup le menu inclus dans la boîte, comportant six recettes de cafés au lait, six recettes de cafés du terroir et six recettes de cafés intenses, chacune accompagnée d’un nom, d’une description humoristique, d’un symbole indiquant qu’elle est plutôt recommandée pour 2-3 joueurs (café court) ou 4-5 (café long), et donc bien entendu des cinq familles de monstres composant ladite recette.
Pour une première partie, on nous recommande les Snorkel, Rex, Gatosaure, Skeeter et Grunge, les ingrédients du Latte Newbie.
Les Snorkel exigent des jetons Chantilly et les Gatosaure des jetons Cookie, que l’on place donc sur la table à côté des jetons Café.
On mélange donc les 50 cartes Monstre et chaque joueur en reçoit 10 (ou 12 à deux joueurs), qu’il prend dans sa main.
Il choisit les trois qu’il pose devant lui face cachée, puis les 7/9 autres qu’il pose plus haut face visible, formant ses lignes arrière et avant. Il peut être recommandé de constituer d’abord sa ligne avant face cachée, et de n’en retourner les monstres que quand tous les joueurs ont pris leur décision, évitant toute tentation qu’ils s’adaptent à vous, aussi peu plausible que cela soit vraiment.
Le dernier à avoir vu un (bon) Star Wars commence. De quoi déjà animer le débat et se mettre dans de bonnes conditions !
Pendant un tour de jeu, on se contente de choisir une carte Monstre sur une ligne avant (la sienne ou celle d’un adversaire) qui comporterait encore strictement plus de 3 monstres, de le faire glisser au centre de la table et d’en appliquer l’effet :
- un Snorkel octroie un jeton Chantilly. Le joueur possédant le plus de chantilly remporte les égalités. Comme tous les autres jetons, la chantilly est limitée, donc à quatre ou cinq joueurs, il faut penser à recourir au Snorker assez tôt si l’on veut profiter de son pouvoir, à condition qu’il nous intéresse bien sûr !
- un Rex échange une carte de votre ligne avant avec une carte de votre ligne arrière, les deux étant donc dévoilées.
- un Gatosaure octroie un jeton Cookie. À la fin de la partie, le joueur possédant le plus de cookies gagne 5 cafés.
- un Skeeter sert un jeton Café.
- Un Grunge permet de tenter de deviner une carte qu’aurait un seul adversaire dans sa ligne arrière. Si on avait raison, on gagne 2 cafés et il la retourne, si on avait tort, on le croit sur parole et c’est lu qui gagne deux cafés.
Une fois un monstre joué, c’est au joueur suivant dans le sens des aiguilles d’une montre, et les tours s’enchaînent jusqu’à ce que tous les caféinomanes n’aient plus que 6 monstres devant eux, 3 dans la ligne arrière et 3 dans la ligne avant.
Tous dévoilent alors leur ligne arrière.
On regarde pour chaque type de monstre présent au centre de la table qui en possède le plus devant lui, une carte de la ligne arrière valant double. Ce dernier seul se voit servir autant de cafés que de monstres correspondants au centre de la table.
Vous noterez que les cartes devant lui n’importent que pour évaluer la majorité (sans rapporter en elles-mêmes de points), seules celles choisies au cours de la manche pour leur action jouant dans le score. Cela signifie bien sûr que vous devrez équilibrer les monstres en première ligne et les monstres à l’arrière : mettre trois Skeeter en arrière ligne vous garantira pratiquement de l’emporter pour les Skeeter… mais si vous n’en avez pas à l’avant, qu’est-ce qui vous garantit qu’on en jouera assez pour que ce monstre-là soit assez rentable pour tout miser sur le monopole ? Vous serez alors tenté de jouer tous les Skeeters de vos adversaires, avec le risque évident qu’ils n’en aient pas tant que cela (après tout, vous en avez déjà ôté trois du jeu !), et que cela vous empêche de miser un peu sur d’autres monstres quand même…
C’est une très jolie réussite de ce Monster Café que d‘imposer si simplement de réfléchir à ce que l’on pose devant soi puis utilise, toute carte ayant son utilité où qu’elle soit. D’autant que cela exige d’épier constamment les cartes devant ses adversaires et celles au centre de la table afin d’adapter éventuellement sa stratégie ! Tiens, on joue beaucoup de Gatosaures, peut-être qu’échanger un Skeeter de la ligne arrière contre un Gatosaure de la ligne avant au moyen d’un Rex pourrait être profitable ? Et évidemment, un petit jeu de cartes comme Monster Café a besoin de cette observation des autres, de leurs cartes comme de leurs mimiques, parce qu’il y puise sa tension et son ambiance !
Une fois que l’on a procédé ainsi avec toutes les familles de monstres représentées, les joueurs défaussent leurs jetons Chantilly (mais pas les cookies) et on commence une deuxième manche, en procédant exactement comme la première (distribution de 10/12 cartes, ligne arrière-ligne avant, pose de monstres successives, décompte), avec les mêmes cinq familles, et cette différence que l’on ajoute naturellement le décompte des cookies.
Celui qui a récolté le plus de cafés… est désigné comme le plus accro au café de la bande ! Youpi ?
Comme on le disait, la dynamique de partie peut être largement perturbée, d’une part du fait de la pioche bien entendu (avoir 5 Grunges dans sa main de départ va logiquement jouer dans ce que l’on va décider de faire), d’autre part du fait du choix initial des cinq familles de monstres. Outre les Rex, Gatosaure, Skeeter, Snorker et Grunge, Monster Café inclut :
- le Poopy, qui place un jeton P’tite Crotte sur une carte de la ligne avant d’un joueur n’ayant pas déjà plus de 3 p’tites crottes sur ses monstres. Ce monstre ne pourra jamais être déplacé, ni par choix de joueur ni par effet d’un autre monstre.
- le Snout, qui place un jeton Café sur une carte d’une ligne avant. Si ce monstre est déplacé de quelque manière que ce soit, le joueur le déplaçant gagne le jeton Café, qui ira sinon à son propriétaire à la fin de la manche. Comme les règles le rappellent (même si elles invitent à ne pas le dire aux autres joueurs), il est tout à fait possible d’en poser plusieurs sur un même monstre. Vous n’en voyez pas l’intérêt, parce qu’un autre joueur voudra forcément en profiter ? Et si c’est justement ce que vous vouliez, inciter quelqu’un d’autre à mettre au centre de la table un monstre qui vous arrangera au moment du décompte ?
- le Bliblop, qui n’a pas d’effet quand il est mis au centre de la table, mais rapportera 2 cafés par Bliblop à la fin de la manche au lieu d’1.
- le Skyzo’Clop, qui n’a pas d’effet quand il est mis au centre de la table, mais rapportera ou fera perdre le nombre de jetons Café indiqué sur les Skyzo’clop au centre de la table à celui qui aura la majorité. Voilà qui promet bien des tensions voire quelques retournements de situation !
- le Kandhiii, qui n’a pas d’effet quand il est mis au centre de la table, et qui à la fin de la manche rapporte 1/3/6/10 cafés selon que les Kandhiiis au centre de la table portent 1/2/3 ou 4 symboles différents (sucette ronde, sucette cœur, carré de chocolat, bâton de sucre).
- le Priss, qui échange une carte de notre ligne avant contre une carte au centre de la table.
- la Mummy, qui fait piocher deux jetons Mummy face cachée, et en place un, toujours face cachée, sur un monstre d’une ligne avant. Si un joueur choisit ce monstre, il récupère le jeton mais ne pourra pas le regarder jusqu’à la fin de la partie. Ce n’est qu’alors que chacun regardera combien il gagne de cafés, et s’il possède un nombre d’os pair (ce qui fait gagner autant de cafés que d’os) ou impair (ce qui fait perdre trois cafés).
La seule lecture de ces effets peut vous laissez imaginer à quel point les recettes peuvent transformer une partie, ajouter en technicité, en chaos, en agressivité, en bluff… N’hésitez pas à me dire si vous avez une préférence ! À titre personnel, je suis assez Rex-presso à l’eau, avec du Rex, Snout, Skyzo’Clop, Snorkel et Blipblop, un bon compromis me semble-t-il entre simplicité des effets assez contrôlables et réflexion pour profiter au mieux de leur synergie. Il est si amusant de voir tout le monde chercher à scorer sur le Blipblop en faisant mine de ne pas s’y intéresser !
Monster Café, un jeu qui donne monstrueusement envie de se resservir !
Après Gold River, le très réussi jeu d’enchères de Bruno Cathala et Faidutti, Monster Café confirme l’intérêt de la gamme Coffee Break par son accessibilité, son ton décalé, la concision et la variété de ses parties, sa forte interactivité produisant instantanément une atmosphère délicieusement féroce autour de la table, un hasard habilement traité pour qu’en découle de la tension, le désir de s’adapter et de l’exploiter, plutôt que de la frustration.
Expliqué en deux minutes, Monster Café se joue en effet dans des manches à peine plus longues, où l’on se contente d’activer les pouvoirs des monstres en tentant de s’assurer des majorités. Élémentaire… si l’on ne comptait pas ses majorités qu’avec les cartes que l’on a devant soi (et donc pas activées) pour ne gagner des points que par rapport aux cartes activées, placées au centre de la table (et donc plus devant soi). Suffirait-il d’équilibrer les monstres que l’on active et les monstres que l’on garde ? Sans doute… si vous ne pouviez pas activer tous les monstres, y compris ceux se trouvant devant un autre joueur, afin de profiter de son effet, de booster votre propre score et/ou de vous attaquer à sa stratégie présumée !
Ajoutez à cela quelques cartes cachées comptant double, et donc une part de bluff, la combinaison pour chaque partie de 5 monstres différents sur les 12 que compte la boîte, donc la découverte incessante de nouvelles interactions, et vous obtenez avec Monster Café un jeu d’ambiance malin monstrueusement séduisant et caféiné, qui donne très envie de découvrir la suite de la gamme – que l’on commençait à vous teaser ici !
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