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Atom Bay Trail : comment Intel compte reprendre la main

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Avec son Atom, Intel ne bénéficie par forcément d'une bonne presse.

En conservant le nom d'une puce qui écume le marché depuis des années, Intel a couru le risque de traîner aussi avec sa réputation contrastée, comme c'est le cas pour le Celeron.

Pourtant l'Atom, qui n'était qu'un simple recyclage des puces Pentium à ses débuts, a beaucoup évolué. Il a évolué comme Intel en réalité : un peu au fil de l'eau sans véritable stratégie apparente, se contentant d'occuper une place dans l'offre des produits du fondeur.

Puis la révolution de la mobilité est arrivée, ce changement qu'Intel a mal anticipé. Dans le secteur PC, les puces Core ont la main sans aucune discussion mais sur la téléphonie et les tablettes, ARM a mangé littéralement Intel.

Dans une position qu'il ne connaît pas beaucoup, Intel court derrière en multipliant les annonces d'évolutions techniques mais sans trouver de véritables débouchés auprès du marché et de ses partenaires commerciaux.

C'est pourtant la conjonction de plusieurs facteurs qui pourrait permettre à Intel de reprendre la main.

Le succès des puces ARM adoptées massivement dans la téléphonie et les tablettes met paradoxalement le marché sous pression. Le mode de fabrication sous licence qui était un atout au début, semble devenir une faiblesse. 

Premièrement parce que les quelques fabricants qui sont capables de produire les puces, peinent à répondre devant l'importance de la demande. Dans ces fabricants il y a un qui est particulièrement important, Samsung et qui a compris maintenant qu'il devait aussi conserver ses capacités de production pour sa propre consommation et aussi, par la même occasion, consolider ses marges.

Cette situation met sous tension les acteurs "fabless" comme Nvidia ou Apple qui se contentent d'adapter un design et de le faire produire par des fondeurs.

Deuxièmement, si les fondeurs qui doivent se partager le gâteau des puces ARM touchent les limites de leurs capacités de fabrication, ils commencent aussi a entrevoir les limites de leurs capacités technologiques. La diminution de la taille de gravure des puces nécessite effectivement des efforts de R&D massifs. Cette diminution de la taille de  gravure est vitale pour les marges mais aussi pour faire face à l'augmentation des performances tout en développant l'autonomie. Le passage sous la barre des 22nm est particulièrement problématique pour les TSCM, UMC, Global Foudries. Si des prototypes existent, l'industrialisation est beaucoup plus complexe et coûteuse.

Pendant ce temps là, Intel a rapidement mis en place sa technologie de gravure 3D et produit en masse des CPU Ivy Bridge et Haswell en 22nm engrangeant marge et expérience. En basculant rapidement ses capacités de production pour le Tri-Gate, Intel emmène ses concurrents sur un terrain très compliqué techniquement comme financièrement.

Le passage à cette technologie nécessite de changer radicalement l'outil de conception des processeurs mais surtout l'outil industriel, Intel peut se le permettre en profitant de sa situation royale sur le marché classique des PCs. 

Une alternative technologique au Tri-Gate existe, le FD-SOI qui permet de continuer à graver en 2D avec les outils classiques jusqu'à 14nm. Sans rentrer dans les détails, cette technologie qui consiste à améliorer l'isolation des transistors et émane de notre beau pays et plus particulièrement du CEA, est techniquement séduisante mais limitée en évolution à 14nm et surtout elle augmente les coûts de fabrications.

Bref, entre faire durer l'outil industriel encore quelques années pour le rentabiliser et basculer tout de suite dans un nouveau process ultra coûteux…les fabricants hésitent. D'autant plus que la solution la moins douloureuse, la conversion d'une fab au nouveau process, aurait pour conséquence de les handicaper en se privant temporairement d'une capacité de production.

Et dans cette histoire, le temps joue pour Intel. La phase de conversion au Tri-Gate de l'outil industriel est désormais "digérée" , c'est maintenant le temps de l'optimisation du processus qui est en route. Les prochaines étapes sont claires : 14nm, puis 10nm . Ces étapes arrivent en avance : l'industrialisation de puces 14nm sera effective dés le quatrième trimestre 2013.

Évidemment, si d'un point de vue pratique l'accélération de l'optimisation du Tri-gate va profiter à l'architecture PC, c'est clairement dans le domaine de la mobilité qu'Intel veut porter ses coups. La vitesse avec laquelle l'efficacité énergétique des puces x86 avance, permet de considérer qu'elles n'ont aujourd'hui plus de craintes à avoir sur ce terrain.  Il y a encore quelques mois, il était de bon ton de décrier le x86 par rapport au ARM en expliquant que l'absence d'efficience était inhérente à l'architecture x86…Il semble que le contraire soit en train de se produire : le géant de Santa Clara a rattrapé son retard et s'apprête même à prendre l'avantage sans faire de concession au modèle d'architecture qui dicte sa fabrication depuis des dizaines d'années.

Dans le même temps, l'arrivée des Bay Trail qui bénéficient de l'architecture Silvermont​ permet de doubler les performances CPU et tripler les performances graphiques par rapport à la génération précédente. Le glissement en 14nm suivant la stratégie bien rodée d'Intel améliorera encore l'efficience. Le tout sur une plateforme Windows comme sur une platefrome Androïd !

 

Autant le dire clairement, quand Apple annonce son Retina, quand HTC monte encore plus haut la résolution de ses portables ou quand Nvidia pousse sur le jeu…discrètement Intel se frotte les mains

 

L'augmentation des besoins que génère l'arrivée de ces raffinements sur le segment mobile fait les affaires d'Intel. Le fondeur sait qu'il en a sous le pied et que l'architecture ARM, sauf bouleversement technologique majeur qui prendrait de toute façon du temps à être industrialisé, touche ses limites.

L'arrivée de l'architecture Airmont en 2014 en rajoutera une couche sur les performances tout en planifiant encore une diminution de la taille de gravure avec l'introduction du 10nm courant 2015.

En 2013, on peut considérer qu'Intel se met à niveau avec Silvermont qui égale le Cortex A15 d'ARM. Tout cela dans une certaine sérénité industrielle notamment en terme de disponibilité, qui commence à séduire certains constructeurs comme Lenovo, Asus et même Samsung pour leurs tablettes et téléphones.

Si on regarde objectivement à moyne terme, le tableau de marche d'Intel doit faire froid dans le dos à ceux qui ont intégralement misés sur ARM, Apple le premier.

 

Intel a mis le cash sur la table pour se mettre à niveau et surtout, dispose d'un ascendant technologique que les autres n'ont pas ou qu'ils mettront du temps à industrialiser. Les entreprises "fabless" comme Nvidia, AMD et même Apple risquent, de mon point de vue, si elles ne repensent pas complètement leur organisation rapidement, de jouer tout simplement leur survie dans un avenir très proche.

Ces perspectives peuvent inquiéter car je crois que la disparition de concurrence et l'hégémonie d'Intel sur le marché du PC sont l'une des raisons de son atonie ses dernières années. Elles peuvent aussi permettre de voir émerger de nouveaux acteurs solides. Il y a presque 10 ans, j'échangeais sur l'IDF avec des personnes d'Intel. Au cours d'une conversation, ils m'ont exprimé que pour eux, le principal concurrent pour le futur n'était pas AMD ni APPLE mais SAMSUNG. J'avais été étonné par cette analyse…Je la considère bien différemment aujourd'hui.

Le Coréen dispose des capacités de production, du cash pour changer de technologie et dispose de la rentabilité pour alimenter sa R&Dest-il prêt à jouer ce rôle ou veut-il conserver son modèle actuel : une marque et un sous-traitant en même temps ?

L'historique des relations commerciales récentes entre Apple et le Coréen permet de penser que la position sera difficilement tenable.

 

 

2 Commentaires

  1. Je pense tout le contraire pour plusieurs raisons. Intel a accéléré mais sait très bien qu’elle va se prendre le mur de la finesse et est désespérée de voir son modèle, basé sur la conjecture de Moore, s’effondrer. La techno trigate est déjà utilisée par les concurrents d’Intel comme TSMC. Atom déçoit largement plus qu’il ne convainc chez les constructeurs agnostiques. Et même si Atom se révélait 10 fois meilleur qu’un design ARM rendant son adoption indispensable pour tout entreprise qui souhaite survivre sur le marché de la mobilité, avec son processus de création d’application pour iOS et un magasin d’app maîtrisé de bout en bout, Apple peut switcher à tout moment. Elle a déjà prouvé à de nombreuses reprises dans son histoire qu’elle n’en avait pas peur (68k->PPC, Mac OS 9-> Mac OS X, PPC->X86). Tout l’avantage justement d’être sans usines, suffit de virer les quelques dizaines de personnes chargées de faire les design ARM et d’embaucher des spécialiste x86 (si Apple ne les a pas déjà en interne pour le Mac) pour ajouter une case à cocher lors de la compilation d’app pour iOS.

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