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Varuna – la suite immersive du flip and write spatial et dinosaurien !

Varuna – la suite immersive du flip and write spatial et dinosaurien !

Il y a à peine plus d’un an, je célébrais sur VonGuru la sortie de Demeter, un flip and write se situant dans le même univers que Ganymède, aussi délicieux thématiquement (mêlant science-fiction et dinosaures) que mécaniquement (rappelant Très fûté et Welcome). J’avais alors hésité à lui décerner notre VG Award… et regrette encore de ne pas l’avoir fait, injustice que je répare en remettant à Demeter et à sa suite Varuna cette récompense très rare – seulement accordée pour l’heure à Roll PlayerRajas of the Ganges (et The Dice Charmers)Pour la Reine, Mystic ValeLa Vallée des Marchands et Le Dilemme du Roi.

Or Award Vonguru

On sentait, avec les nombreuses extensions que Matthieu Verdier donnait à Demeter en print & play, qu’il n’en avait pas fini avec son formidable système, de sorte que l’arrivée de Varuna – sous-titré Demeter 2 – était aussi stimulante que prévisible. Et bien sûr, que l’on retrouve David Sitbon aux pinceaux pour rendre cette lune aux sauriens cette fois marins n’était pas pour nous déplaire, tant son travail est impressionnant, aussi bien dans le low-poly que dans le pictural (fantastique/macabre dans Paris 1889, jeu à l’occasion du test duquel nous l’interviewions ; solaire/lyrique dans le proche Iki). Enfin, on pouvait supposer que le premier jeu de l’éditeur Sorry we are french après son acquisition par Hachette (teasée dans son logo) subirait davantage encore le perfectionnisme de ses créateurs, pour le plus grand bonheur des joueuses et joueurs…

Commençons d’emblée par signaler que si Varuna est accessible dès 12 ans, il est bien plus technique que Demeter, de sorte que commencer par le premier opus paraît plus indiqué pour mieux appréhender le second, sans que ce soit impératif. Aussi cet article sera-t-il plutôt destiné à ceux qui ont lu celui consacré à Demeter ou à ceux qui auront joué à Demeter afin d’insister sur les nouveautés de Varuna plutôt que de rappeler un système déjà longuement commenté.

En outre, si la boîte arbore le 1+ bien connu des amateurs de X and writeVaruna possède deux mécaniques d’objectifs interactives, qui l’empêche d’être proprement jouable jusqu’à 50 ou 100.  Rien n’empêche bien sûr d’ignorer ces courses pour marquer toujours les points maximaux dans les configurations très élevées, mais en respectant tout à fait ses règles, Varuna reste idéal en solo et jusqu’à quatre, pas forcément davantage.

Vendu 23 euros 90 sur Philibert, ses parties durent entre 20 et 30 minutes – grand maximum.

Dans les profondeurs du X and write

En bon Demeter 2, Varuna rappelle immanquablement son grand frère, en particulier les cinq piles de cartes reprenant ses couleurs et presque tous ses symboles, dont on tirera cette fois 13 cartes (donc pour une manche supplémentaire), avec la possibilité de choisir plusieurs cartes de la même couleur non-grise pour profiter exponentiellement de leur effet, quand le gris donnera le choix entre les effets des autres couleurs sans ce pouvoir cumulatif ; et jusqu’à la présentation des objectifs sur un petit plateau (qui ne rappelle malheureusement plus la manière de les acquérir) ou celle de la fiche, avec la grille représentant les cartes choisies, la zone de scoring, une zone violette (cette fois déconnectée du scoring) et surtout la zone représentant les différentes espèces de dinosaures dont il s’agira de colorier les parties associées à différentes pattes.

Bref, on pourrait avoir l’impression d’être tout à fait en terrain connu, dans une espèce de Vraiment très futé, imitant la forme pour modifier essentiellement les effets. Ce serait se tromper assez lourdement, croire à un Demeter bis ou 1.25 plutôt qu’à la véritable suite qu’est Varuna, plutôt proche dans l’esprit de ce que Clinic Rush est à Kitchen Rush.

Sur certains points déjà, Varuna peut apparaître comme une correction de Demeter : le nom des espèces apparaît ainsi sur les tuiles (mais pas encore sur les fiches), ce qui permet de mieux les mémoriser, et de cesser de s’y référer comme à « l’espèce en haut à gauche » ou aux « petits dinosaures en bas à droite ». Cela n’a l’air de rien, mais en termes thématiques, cela change tout, de même que dans un eurogame, parler de bois ou de citrouilles au lieu de cubes bruns et orange dévoile une toute autre vision du jeu.

Par ailleurs, une petite échelle de score apparaît désormais à côté du cercle réservé au score final, vous indiquant jusqu’où vous êtes dans le rouge, à partir de quand vous êtes dans le jaune, et quand vous êtes enfin arrivé au vert et pouvez donc considérer posséder un bon score. Une jolie manière de vous inviter à vous battre autant contre les autres que contre vous-même, et à viser le vert même quand vous pourriez triompher de vos adversaires dans le jaune.

Enfin, les cartes n’offrent plus simplement de bâtiments, mais ce sera à vous de compléter les deux ou trois cases d’une section du sous-marin pour débloquer le bonus permanent associé. Non seulement vous ne dépendrez plus du hasard pour un bénéfice aussi considérable, mais en plus, au lieu d’une carte incontournable que tout le monde choisira, ces bénéfices dépendront simplement du choix des symboles de clé à molette (violets) puis des cases que l’on souhaitera cocher, en décidant donc sciemment du pouvoir convoité.

J’aimais bien l’arrivée des bâtiments dans Demeter, parce qu’ils avaient en quelque sorte une fonction « d’événement commun », harmonisant un tout petit peu les stratégies des joueurs, et les aidant donc à mieux comparer leurs choix en fin de partie que si tous font quelque chose de radicalement différent à chaque tour. Mais il s’agissait ainsi d’offrir davantage de contrôle aux joueurs sur leur développement… et de renforcer le poids de nos décisions. Diviser la « science » en 7 sections distinctes au lieu d’un parcours avec des embranchements empêche tout chevauchement : vous ne pouvez plus convoiter l’objectif B tout en passant par tel et tel bonus et en faisant un petit détour par tel autre bonus, mais tout ce que vous voulez doit être visé spécifiquement.

Matthieu Verdier n’abandonne pour autant pas l’idée d’événements communs… et on devrait même dire qu’il la renforce avec des cartes infligeant des dégâts quand on ne les choisit pas. Il n’y a alors que deux manières de s’en prémunir, les choisir (donc au détriment de cartes avec des effets dans leur partie supérieure) ou augmenter le niveau de protection de son sous-marin en dénichant des symboles de bouclier (donc au détriment de la recherche de bonus profitables). Et attention, vous ne pourrez jamais vous protéger contre plus de 4 dégâts à la fois, alors que plusieurs cartes Dégâts sortant en même temps pourraient vous en infliger bien plus… Une bonne protection vous garantira au moins de ne pas perdre la partie, le sort auquel subir 20 dégâts vous expose !

Bien sûr, il n’est pas réellement envisagé de vous éliminer de Varuna, cela générerait une frustration bête et méchante plus digne d’un jeu d’ambiance que d’un jeu tactique moderne. Une telle élimination ne sanctionnerait qu’un joueur ayant fait une très mauvaise et imprudente partie, mais doit effrayer les autres, générer une tension assez fun, électriser un peu l’atmosphère autour de la table, d’autant que même sans mourir, subir des dégâts ôte quantité de points de victoire, ce que vous voudrez toujours éviter.

Sur la majorité des nouveautés, il est difficile de trancher radicalement entre correction et enrichissement, mais Varuna renouvelle indiscutablement des mécaniques de Demeter sans toutefois les écarter.

Finie la complétion un peu pépère des objectifs, consistant juste à atteindre les bonnes cases avec la science et à avoir complété les missions à la fin de la partie. Cette fois, si des ichthyosaures permettent toujours de remplir l’objectif de notre choix parmi les quatre tirés au hasard en début de partie, la lettre A devra être cherchée sur l’une des pistes d’amélioration du sous-marin (violet), la B en entourant le symbole correspondant par les déplacements du sous-marin (bleu), la C en entourant le symbole correspondant de la même manière, mais dans les profondeurs, et la D en découvrant trois ammonites (jaune).

Et surtout… on marque les points de l’objectif au moment où on l’obtient. J’ai ainsi vu un joueur trop habitué à Demeter se précipiter pour valider les ichthyosaures dès le début de la partie… pour s’apercevoir qu’il ne pouvait marquer aucun point nulle part à ce stade de la partie, et ainsi sacrifier l’un des quatre objectifs. Fatal.

De quoi révolutionner le timing du jeu, à la fois parce que valider un objectif demande bien plus que de se laisser porter par la science, parce qu’il faut progresser vers ces objectifs sans les valider trop vite, et parce qu’il faut commencer à compléter des objectifs au vu et au su de tout le monde au risque qu’ils nous grillent la priorité… C’est qu’en effet, le premier à compléter un objectif bénéficiera de critères simplifiés, et une fois complété, la tuile Objectif sera retournée et placera la barre plus haut pour le même score !

Parmi les nouveautés radicales, on en retiendra surtout deux très conséquentes.

Tout d’abord, chaque joueur choisira au début de la partie la zone de départ de son sous-marin, qui correspond à l’une des trois zones supérieures, pour un départ asymétrique. Ce sera d’abord le seul habitat de dinosaures auquel vous aurez accès, que vous pourrez découvrir et étudier.

Il faudra ensuite choisir l’action sous-marin (bleue) pour colorier une ligne bleue à partir d’une ligne bleue déjà coloriée ou d’un lieu déjà débloqué. Oui, vous pouvez colorier une ligne près de la surface alors que vous aurez plongé dans les profondeurs au tour précédent, mais l’objectif est tout de même thématiquement d’imiter le déplacement de votre avatar submersible. Et c’est ainsi en atteignant un nouvel habitat que vous le débloquerez à son tour, tandis qu’à force de déplacements rectilignes vous pourrez encercler des bonus pour en profiter immédiatement. Et comme vous pouvez l’imaginer, les mystères des abysses sont plus chronophages et bénéfiques que ceux de la surface.

Au lieu de déplacer votre sous-marin, vous pourrez débloquer des lieux avec votre sonar (action rouge) : vous choisirez alors n’importe quel habitat pour avoir le droit d’en découvrir et étudier les dinosaures sans vous y être encore rendu, et pourrez continuer d’utiliser le sonar pour les explorer plus profondément (cocher une rangée de cases rouges) et ainsi vous octroyer des bonus, voire (une fois la dernière case atteinte) gagner en fin de partie autant de points que la valeur indiquée multipliée par le dinosaure de cet habitat. Pour le coup, cette action simplifie celle de construire des observatoires dans Demeter, qui pouvait peut-être prendre trop de place.

La dernière nouveauté notable de Varuna est la découverte : en obtenant des symboles de scaphandre, on obtient le bénéfice de l’une des quatre tuiles Découverte dévoilées en début de partie. Plusieurs joueurs pourront bénéficier de la même tuile, mais chacun ne profite jamais plus d’une seule fois d’une tuile.

Outre un petit bonus classique (PV, action de sonar supplémentaire, etc.), ils offrent une coquille d’ammonite. Vous vous souvenez peut-être que dans Demeter, l’une des sources les plus fructueuses de points en fin de partie venait de la découverte d’au moins un dinosaure dans autant d’espèces que possible. Désormais, on multiplie le nombre d’espèces dans lesquelles on a découvert au moins un dinosaures par le nombre de coquilles récoltées. Ainsi ne s’agit-il plus d’un incontournable automatique, mais d’une voie de scoring comme une autre, orientant le choix des joueurs qui la visent.

Varuna : un vrai Demeter 2

Varuna est une « suite » de Demeter au sens le plus fort du terme « suite » : il ne cache absolument pas sa filiation, reprenant de nombreux éléments très reconnaissables de son aîné, mais en réinvente et en ajoute tant d’autres, pour des sensations si différentes, qu’il faudrait être d’une mauvaise foi épouvantable pour n’y voir qu’une vague rethématisation opportuniste.

Ce nouveau flip & write ne cache d’ailleurs pas longtemps son ambition d’être plus gamer : un simple coup d’œil à sa fiche paraîtra ainsi tout à fait hermétique au néophyte, quand le connaisseur y verra bien plus de réseaux et de pistes que dans le jeu original, donc bien plus de choix, bien plus de contrôle, le potentiel de bien davantage bâtir sa partie grâce au tirage que dans un Demeter où les différences entre les fiches des joueurs étaient moins flagrantes.

Je confesse d’ailleurs une petite préférence pour Demeter précisément parce que j’aime comparer ma fiche avec celle d’autres joueurs et nous amuser ensemble des divergences dans nos choix expliquant nos divergences de scores – en plus de sa technicité plus accessible, qui m’invite à le faire découvrir régulièrement.

Ce qui n’en fait pas du tout objectivement un meilleur jeu que Varuna, seulement un jeu qui correspond un peu mieux à mes habitudes ludiques. Au contraire même, Varuna me paraît objectivement meilleur que Demeter par quelques nouveautés qui peuvent apparaître comme des corrections.

Varuna a ainsi pour moi quelque chose du Pillards de Scythie de Demeter/Pillards de la Mer du Nord, la suite plus aboutie, passionnante par tous les choix qu’elle fait par rapport au jeu original, que je n’imaginerais même pas revendre et que j’aime beaucoup sortir, mais à laquelle je joue paradoxalement moins qu’à son aîné, surtout quand il s’agit de le sortir à plusieurs.

C’est qu’il est tout aussi excellent en solitaire, comme Demeter, et fait d’ailleurs partie des très rares jeux que je sors sans partenaire, parce qu’il impose un défi très stimulant sans trop de mise en place et dans une durée de partie très courte.

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