Maracaïbo : devenez un corsaire des Caraïbes dans ce jeu à l’allemande… évolutif !
Maracaïbo est l’un des phénomènes ludiques de ce début d’année 2020. Jeu expert conçu par l’immanquable Alexander Pfister (Great Western Trail, Isle of Skye, Mombasa, Port Royal), il aurait pu faire sensation dans une niche de joueurs passionnés après s’être fait remarquer au dernier Essen ; au lieu de quoi il s’est retrouvé en tête des ventes sur la boutique en ligne Philibert pendant plusieurs semaines – et y serait sans doute encore s’ils l’avaient toujours en stock, impensable pour un titre d’une telle complexité ! Quel miracle ludique cela cache-t-il ?
Maracaïbo avait pour moi trois attraits, qui se sont donc ajoutés au mystère de son succès phénoménal pour m’encourager à le tester et à vous en parler aujourd’hui :
- L’idée d’incarner des corsaires dans les Caraïbes du XVIIème siècle, avec la promesse d’un thème qui ne serait pas complètement effacé (comme c’est souvent le cas avec les jeux à l’allemande). L’auteur et l’éditeur se fendent même d’un commentaire dénonçant la cupidité des puissances européennes à cette époque et tenant donc à se désolidariser de ce qu’ils font jouer ! Ce n’est pas Spirit Island, ne serait-ce que parce qu’on incarne bien ce contre quoi on nous met en garde, mais cela prouve un recul assez admirable face au sujet, qui devrait se poursuivre avec la parution d’une extension où les indigènes seraient réellement mis en avant.
- Sa localisation par Super Meeple (après l’édition allemande par Game’s Up), une maison connue pour la qualité de ses choix, et à laquelle on devait Endeavor, Couleurs de Paris, Tajuto, Magnastorm, Destin de voleur, Pour une Poignée de meeples… Bref, voir son nom sur une boîte invite à la confiance !
- Que ce jeu à l’allemande soit doté d’une campagne évolutive, avec des choix dans une partie influant sur les suivantes, passionnant parce que c’est complètement inhabituel pour un jeu de ce genre et calibre, et bien sûr pour un fan du Legacy (qui avait quand même fait de Betrayal Legacy son jeu de 2018 et de King’s Dilemma son jeu de 2019 !)
Découvrons donc ensemble Maracaibo, un jeu vendu 60 euros pour 1 à 4 corsaires de 14 ans et plus et des parties… très variables, selon le nombre de joueurs et leur stratégie, entre deux heures et quatre en moyenne je dirais. On commencera par en présenter les règles multijoueurs standard, avant de nous attaquer au solo et enfin à la campagne !
Être corsaire dans les Caraïbes
La première fois, la mise en place de Maracaïbo peut paraître proprement décourageante, pas tant parce qu’elle serait complexe (dès la deuxième on n’a pratiquement plus besoin de se reporter au manuel pour la réaliser !) mais parce qu’elle est longue (et augure en effet d’un bien long jeu). Beaucoup de petits jetons à poser individuellement sur le plateau Caraïbes et les plateaux personnels, des petites manipulations dans les tuiles et les cartes pour en retirer certaines, en mêler d’autres, en disposer sur la table ou en remettre dans la boîte… Inutile de préciser que cela impliquera de tout ranger soigneusement (et un peu fastidieusement) en fin de partie, où l’on pourra au moins être aidé par ses partenaires de jeu…
Au moins cette mise en place a-t-elle le joli atout de commencer à impliquer les joueurs, qui reçoivent différentes cartes Projet, dont certaines sont placées dans la zone de planification au-dessus du navire personnel, d’autres en main et d’autres défaussées, deux cartes Carrière (portant des objectifs personnels) dont une seule est conservée, et avisent pendant l’installation du premier bâtiment prestige dévoilé, la disposition des tuiles Ville sur le plateau Caraïbes, les tuiles Quête sur la piste d’exploration, les cartes Projet face visible… Ainsi peuvent-ils déjà commencer à effectuer quelques choix et à définir un début de stratégie.
Une partie de Maracaïbo ne se déroule qu’en quatre manches, quatre tours des Caraïbes, où l’on joue à tour de rôle en effectuant trois phases.
La première ne consiste qu’à avancer son meeple Bateau d’1 à 7 lieux. Si l’on commence tous à La Havane sans possibilité de faire voile arrière, et s’il est possible de s’arrêter sur une case déjà occupée, une telle amplitude permet à tous les joueurs de réaliser un tour des Caraïbes bien distinct, d’autant que de temps à autre plusieurs voies seront possibles. Vous comprenez aussi pourquoi la durée de partie est à ce point indéfinissable : il suffit qu’un joueur ne fasse que d’amples déplacements pour se précipiter vers la fin des manches pour qu’elle soit nettement plus courte que quand on se talonne en espérant tous grappiller autant de bonus que possible en cours de route.
La deuxième phase est la plus importante, puisqu’on y accomplit l’action principale du lieu où l’on se trouve et d’éventuelles actions gratuites.
Dans une ville, on peut d’abord vendre une marchandise au marché si l’on a en main une carte portant le symbole représenté sur une case vide de ladite ville. Cette carte est défaussée et l’on pose sur cette case un disque de notre navire.
Sur ce dernier, de nombreux emplacements sont en effet occupés par deux disques, et en retirant le deuxième, on débloque une capacité voire une nouvelle action, ce qui offre autant de voies de personnalisation assez déterminantes !
Puis on peut résoudre l’action de la ville :
- Une action de combat implique de piocher une tuile Combat, sur laquelle chacune des trois puissances est associée à un coût, un bonus et une valeur. On décide alors de perdre des points de combat (les points indiqués sur notre bateau ajoutés à ceux de la nation sur la tuile) : soit afin de gagner de l’influence auprès de la nation pour laquelle on a combattu, soit de poser un cube Possession de cette nation sur une ville associée à un drapeau, marquant l’emprise de cette nation sur les Caraïbes, ce qui rapporte également un point d’influence et le bonus apparaissant sous ce drapeau. L’action est passionnante dans la participation des joueurs à l’emprise de l’Europe sur les Caraïbes, et la possibilité qu’ils favorisent tous la même nation ou au contraire rivalisent, dans une belle preuve de la liberté des corsaires !
- Une action permet de faire progresser son meeple Explorateur sur la piste d’exploration d’autant de cases que la valeur indiquée ou moins, cette fois en arrêtant son mouvement sur une case libre dont on s’octroie le gain : meeples Espion, points de combat, Points de Victoire (PV), doublons, points d’influence, disques retirés du navire ou Quête (exigeant de s’acquitter d’un coût pour en obtenir la récompense et la tuile. La piste se divise parfois en deux, avec des détours très profitables, et récompense trois fois la progression des joueurs en PV, avec un bonus pour le premier à traverser une ligne, se dotant donc d’une dimension de course, qui rend à mon avis le jeu plus intéressant, plus tendu à 3 corsaires qu’à 2 (quand, à 4, les parties peuvent s’avérer assez longues).
- D’autres bonus divers peuvent y apparaître, à l’instar de points de combat, de doublons, de PV (par exemple 2 PV par espion posé dans les Caraïbes), point d’influence, actions Village (par exemple une action Village par symbole de boussole possédé sur son navire ou ses projets)…
Au lieu d’une ville, on peut s’arrêter sur un village, un lieu auquel aucune action particulière n’est associée et où sont donc toujours possibles les mêmes actions. Si l’on a réalisé quatre points de mouvement pour y arriver, on peut même réaliser deux actions Village, et trois après sept points de mouvement, une intéressante incitation à se hâter. Cette action Village consiste :
- À défausser sa main et à prendre deux doublons.
- À prendre un doublon. Comme vous le voyez, on n’est ainsi jamais tout à fait bloqué par des cartes trop chères ou l’absence d’argent !
- À payer le coût d’une carte de notre zone de planification ou de notre main pour la poser devant nous.
Les cartes sont extrêmement diverses. Il peut par exemple s’agir de placer un meeple Espion sur un lieu indiqué, ce qui permettra de bénéficier d’un bonus conséquent à chaque fois que l’on y arrêtera son navire : récupération d’un jeton ou gain d’un bonus à la pose de la carte si l’on possède un jeton particulier, ressources (baissant donc tous les coûts intégrant cette ressource), meeples Espion, PV, progression sur la piste de revenus, réduction du coût en doublons des futures cartes, voire toutes nouvelles actions de combat…
On ressent ainsi un gain de puissance considérable à chaque carte jouée, et cela renforce immensément l’individualisation des joueurs, une dimension à laquelle j’ai été particulièrement sensible et que je n’attendais pas du tout de Maracaïbo !
Au lieu d’acheter une carte, on peut investir dans un bâtiment de prestige face visible, qui fixe un objectif dont ne bénéficieront que ceux qui ont investi et apporte 2 PV au premier à y investir. On pourra par exemple gagner 3 PV par jeton différent, 4 PV par ligne franchie sur la piste d’exploration, 2 PV par quête, 4 PV par action…
Certaines cases sont enfin associées à une tuile Quête.
Outre l’action des lieux, on peut donc accomplir autant d’actions gratuites qu’on le souhaite, en posant des cartes de sa main dans sa zone de planification (qui comporte trois emplacements pour des cartes ne comptant pas dans la limite de notre main mais ne pouvant être défaussées) ou en remplissant ses objectifs de carrière. Pour chacune des trois catégories de la carte Carrière, on peut valider un objectif facile pour un gain faible, ou attendre de valider un objectif plus complexe pour un gain plus important, et quand on a accompli les trois, on se voit octroyer un bonus de pièces et de PV.
Comme on le voit, cette deuxième phase est étonnamment courte si l’on excepte la plus lourde action de combat, et s’avère très riche tout en limitant les options, dans un passionnant équilibre entre fluidité et liberté.
La troisième phase consiste enfin à piocher des cartes jusqu’à ce que la limite de la main soit atteinte, donc jusqu’à avoir quatre cartes normalement (ou plus avec un bonus du navire), soit en les piochant dans la pile de cartes Projet, soit en les prenant dans les cartes révélées (pour un doublon chacune).
Quand un joueur arrive sur la 20ème case, il choisit entre une action de combat et la progression de son explorateur de deux cases. Au tour suivant, il arrivera à la case 21a, gagnera 3 PV et déclenchera la fin de la manche à la fin de son tour. Ainsi sait-on quand on voit un adversaire sur la case 20 qu’il ne nous reste qu’un tour à jouer.
On procède alors à un décompte intermédiaire :
- Chacun choisit soit d’acheter une carte Projet/d’investir dans un bâtiment de prestige ou marque 2 PV.
- On gagne autant de pièces et de PV qu’indiqué par nos marqueurs sur les pistes de revenus.
Puis on met en place la manche suivante en retirant de la partie toutes les marchandises présentes dans les Caraïbes, en remplaçant les cartes Projet visibles, en dévoilant un bâtiment de prestige supplémentaire et en regroupant tous les navires à La Havane, y compris si certains en étaient très loin.
La fin de la quatrième manche ne se déclenche pas tout à fait de la même manière, puisque le joueur arrivant sur la case 20 poursuit par les cases 21b puis 22, donnant un peu plus de temps aux autres pour accomplir des actions intéressantes et évitant une frustration finale.
En plus des points de décompte intermédiaire, on reçoit :
- Les PV indiqués sur l’ensemble de nos cartes Projet (hors cartes de la main et de la zone de planification) et sur les bâtiments de prestige.
- 3 PV pour le joueur possédant le plus d’influence auprès de chaque nation.
- Les PV du rang de noblesse pour chaque nation, essentiels, que l’on calcule en regardant la valeur de l’emplacement de notre marqueur sur la piste d’influence auprès de cette nation, que l’on multiplie par la valeur visible sous les cubes influence (plus on en pose au cours de la partie, plus cette dernière est élevée) +2 s’il s’agit de la nation ayant l’emprise la plus forte sur les Caraïbes (le plus de cubes Possession sur le plateau). Beaucoup plus simple que ça n’en a l’air, et très joliment thématique, chaque puissance nous récompensant logiquement à la hauteur de nos combats pour elle, sans empêcher de chercher la faveur de plusieurs puissances.
Le corsaire solitaire contre Jeanne
Si vous lisez régulièrement mes articles, vous savez que je ne suis pas un grand adepte du solo, en particulier quand il implique une longue mise en place et a fortiori quand la mise en place classique est encore complexifiée par les étapes supplémentaires liées à l’installation de l’automa. C’est bien le cas avec Maracaïbo, et cela a assurément diminué le plaisir que je pouvais prendre à mes parties, mais cela ne veut pas dire que vous ne l’apprécierez pas, de sorte que je tenais à vous le présenter tout de même, en soulevant ses évidentes qualités.
La première d’entre elles étant à mon avis la possibilité… de pratiquer la campagne en solo ! Cela signifie que l’automa n’est là que pour simuler les transformations du plateau normalement liées aux actions d’autres joueurs sans transformer mécaniquement Maracaïbo.
Et en effet, Jeanne (le nom de l’automa) agit via un paquet de cartes Automa, réparties en cinq difficultés. Au début de chacun de ses tours, on pioche une carte et on se contente de l’appliquer, en suivant strictement les consignes de déplacement – Jeanne ne pouvant s’arrêter que sur une ville ou un village doté d’une quête. En arrivant sur un lieu associé à une quête, elle la résout automatiquement. Sur une ville, elle pose un disque sur un emplacement de marchandises libre, et s’il n’y en a pas, prend une carte Projet dont seuls les PV importeront.
Puis on applique les pouvoirs de la carte, indépendants du lieu : gain d’influence, disque retiré, avancement de l’explorateur, PV, récupération d’une tuile Quête de la pile, combat suivant des règles spéciales…
En retirant certains disques de son plateau, on dévoile des cases spéciales, dont on compare le nombre à celui de nos améliorations débloquées. Si elle en a dévoilé plus (ce qui arrive souvent j’ai l’impression), elle gagne 10/20/30 PV en fonction de la différence, de même que sa progression sur la piste d’exploration lui octroie 10/20/30 PV selon la distance avec notre explorateur, ou qu’il ne faut pas lui laisser beaucoup plus de tuiles Quête qu’on en récupère soi-même !
Ces spécificités sont rappelées sur son plateau, et s’ajoutent aux règles de décompte habituelles. Vous l’aurez compris, si les règles faisant vivre Jeanne sont relativement simples et ont le mérite de bien respecter le système de Maracaïbo, on ne s’attaquera pas à elle sans avoir déjà joué à plusieurs et sans déjà maîtriser le cœur mécanique du jeu, à moins d’être prêt à se laisser complètement déborder !
Toute l’histoire des Caraïbes
Si ces quelques tours des Caraïbes vous auront probablement convaincu, on se demande comment une telle expérience peut bien être convertie en campagne au long cours, se déployant sur plusieurs parties et y intégrant une dimension narrative.
Cette dernière est à vrai dire si réussie.. que je ne rentrerai pas dans les détails afin de ne pas vous spoiler – parce que oui, dans ce jeu à l’allemande expert, il y a matière à spoiler ! Je ne me permettrai que de vous en décrire le fonctionnement général afin que vous puissiez être aussi frappé que moi par cette addition extraordinaire.
Au début d’une partie ordinaire, on utilise la carte 75 pour déterminer où placer des tuiles Quête sur le plateau. En campagne, on utilise à la place la carte Histoire 1. Celle-ci crée un début de contexte :
Un mal mystérieux s’est répandu dans Portobello. Des pillards ont profité de la situation pour envahir la ville. Gloria, la sœur de votre premier lieutenant, vit ici. Elle a besoin de votre protection.
Elle nous demande en outre aussi de poser des tuiles Quête, ainsi qu’une tuile Histoire au lieu 15 (Portobello donc).
Cette tuile Histoire a la même fonction qu’une quête : en arrivant au lieu 15, un joueur peut remplir les conditions indiquées sur la carte Histoire en payant 1 point de combat pour gagner 5 doublons, 1 PV par boussole et récupérer un jeton.
Si, à la fin d’une manche, un joueur a récupéré la tuile Histoire, on retourne la carte Histoire, spécifiant en l’occurrence que Gloria nous remercie de notre aide, décide de nous accompagner, et qu’il faut désormais lire la carte 2, avec ses nouveaux éléments d’histoire…
Parfois, le verso d’une carte résolue nous proposera plusieurs voies (aborder ou détruire, rencontrer un pirate ou acheter des herbes, régler ou non les dettes d’un médecin), nous engageant définitivement pour la suite de l’histoire, et ajoutant à Maracaïbo le luxe d’une histoire à embranchements multiples !
Parmi les consignes de mise en place, on trouvera parfois (et de plus en plus souvent) la pose de l’une des 23 tuiles Héritage sur des emplacements bien définis du plateau, qui représentent des transformations historiques, géographiques et météorologiques des Caraïbes. Un village peut devenir une ville ou disparaître, une tempête peut augmenter le coût des déplacements en points de mouvement entre deux lieux, l’apparition d’une mine d’or peut rendre possible une nouvelle action…
Si personne ne récupère la tuile Histoire… l’histoire n’avance pas, et des manches voire des parties peuvent ainsi s’écouler sans progression, pratiquement à la manière de parties standard.
Dans tous les cas, on conserve dans un sachet (qui a ainsi valeur de sauvegarde) les éléments débloqués, afin de savoir exactement où on en est à la prochaine partie. Un grand sachet transparent qui n’a rien à voir avec le sac bleu promis dans le manuel de règles, une erreur dont Super Meeple n’a cessé de demander pardon.
Cela implique-t-il de jouer toujours avec le même groupe ? Techniquement non, il suffira de raconter rapidement au nouveau venu les pérégrinations des corsaires jusque-là, qu’il n’a même pas réellement besoin de connaître pour comprendre le plateau et l’objectif. D’autant que l’histoire n’a pas d’immenses prétentions littéraires, elle est extraordinaire dans le fait qu’elle existe, qu’elle se déploie aussi longuement, qu’on y fasse des choix, qu’elle transforme le plateau, c’est déjà bien assez ! Il n’empêche que plus vous pourrez réunir les mêmes participants, plus grand sera le plaisir de s’immerger ensemble dans le périple, et l’impression de vivre une grande aventure plutôt qu’une succession plus abstraite de petites parties scénarisées.
Maracaïbo, chef-d’œuvre du jeu à l’allemande
Maracaïbo est un vrai jeu expert à l’allemande, il faut le savoir avant d’imputer son succès extraordinaire à une accessibilité présumée. Si Super Meeple a réalisé un louable travail d’édition qui confinerait à la réédition, avec une impressionnante restructuration des règles et amélioration matérielle de quelques pièces, on continue de se reporter beaucoup au manuel pour une multitude de petits points, d’interprétation pictographiques par exemple, en cherchant fastidieusement des informations qui restent organisées un peu bizarrement. C’est ce qui me retient le plus de lui attribuer un VG Award, cette idée que Maracaïbo aurait pu être encore plus intuitif, plus ergonomique, plus miraculeusement agréable sans renoncer à rien.
C’est que le jeu est fascinant de fluidité une fois ces obstacles surmontés. En dehors des combats, qui peuvent s’avérer un peu longs, les tours s’enchaînent à une rapidité insoupçonnée, proposant juste assez de possibilités pour apparaître d’une richesse tactique considérable sans encourager l’analysis-paralysis. Cette sensation de dynamisme est renforcée par le fait que le premier joueur ayant fait le tour des Caraïbes déclenche la fin d’une manche. Avec 20 emplacements et la possibilité d’avancer de 7 cases en une fois, les joueurs vivent ainsi dans la constante hantise d’une conclusion précipitée, une belle manière de faire exister les corsaires autour de la table sans interaction directe !
L’autre grande surprise de Maracaïbo vient du soin thématique qui y a été apporté. Une mécanique très « allemande » de pistes d’influence fait ainsi étonnamment sens avec notre nature de corsaires combattant pour diverses puissances européennes selon nos intérêts plus que par loyauté. En progressant dans les Caraïbes, on améliore également notre navire et notre équipage, renforçant nos actions et personnalisant notre parcours au point qu’après une seule manche nos possibilités divergent déjà grandement de celles des autres, déployant d’inattendues qualités combinatoires.
La rejouabilité de Maracaïbo est ainsi excellente… avant même d’attaquer son aspect le plus magique, un mode campagne liant de nombreuses parties au moyen d’un scénario à embranchements multiples, altérant les objectifs, les règles et jusqu’au plateau lui-même afin de nous faire vivre une évolution des Caraïbes par l’évolution du jeu. Aussi inattendu qu’absolument passionnant.