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Pour une poignée de meeples : de Sergio Leone à l’awalé

Pour une poignée de meeples

Pour une poignée de meeples : de Sergio Leone à l’awalé

 

En rééditant des titres intéressants mais visuellement désuets, puis en éditant ses propres jeux et en y ajoutant quelques belles localisations, Super Meeple s’est vite imposé comme un crémier ou un sommelier du jeu de société, exigeant dans ses choix de belles et grosses boîtes dissimulant des jeux accessibles mais tactiques : Couleurs de ParisTajuto, GenesiaMagnastormCuzco… L’annonce dans leur catalogue de Pour une Poignée de meeples avait alors de quoi surprendre, tant le jeu de Jonny Pac ilustré par The Mico semblait léger, thématiquement et mécaniquement, dans son format et ses formes très familiales.

Il s’agissait certes d’un prélude à la localisation de deux œuvres plus ambitieuses de Final Frontier Games, Merchants Cove et Coloma, mais se pourrait-il aussi qu’il soit plus intéressant qu’il ne peut en donner l’impression au premier regard ? Sa présence chez Final Frontier puis chez Super Meeple a de quoi intriguer, et c’est pourquoi nous nous sommes penchés plus avant sur cet improbable awalé/mancala western, une mécanique que je n’avais guère rencontrée dans le « jeu de société moderne » qu’à travers le classique Five Tribes de Bruno Cathala. Après tout, le tandem Pac-Mico était déjà responsable de Coloma et Merchants Cove, le premier avait également conçu Sierra West tandis que le deuxième a illustré toute la série des Shem Phillips (Architectes des Royaumes de l’Ouest etc.) et des Valeria ainsi que Claim !

Vendu 20 euros à peine, Pour une Poignée de meeples s’adresse à 2 à 4 cow-boys de 10 ans et plus (bien qu’il arbore un bien mystérieux 14+ sur sa tranche) pour des parties de 30 minutes. Si vous craignez que j’exagère la simplicité du jeu malgré les revendications de l’éditeur, rassurez-vous en voyant sur l’agrégateur Board Game Geek que la communauté l’estime plutôt taillé pour les 8 ans et plus, quand Super Meeple indique 10+ sur son site. Final Frontier Games a-t-il fait ce choix curieux en raison de la législation en vigueur aux États-Unis sur les jeux contenant de petites pièces ? Difficile d’envisager une autre possibilité que l’erreur ou celle-là.

 

Une prison, un saloon, une banque… une ville de western comme une autre !

En voyant la couverture et surtout le titre de Pour une Poignée de meeples, on songe évidemment au western spaghetti culte de Sergio Leone Pour une Poignée de dollarsremake du Yojimbo d’Akira Kurosawa (dont la suite, Sanjuro, est à mon avis plus excellente encore), dont la référence est également assumée dans le titre anglophone, A Fistful of Meeples. Le pastiche est particulièrement bien trouvé, puisqu’il sera bien question de mettre des meeples dans son poing pour les égrener, et qu’il contribue à créer un horizon d’attente autour d’une ambiance de petite ville du far west.

De fait, c’est l’une de ces petites villes typiques tant médiatisées par Lucky Luke notamment que l’on retrouve représentée sur le plateau central de Pour une Poignée de meeples : un cimetière, vide pour le moment, un saloon, sur lequel on pose le meeple Madame (violet), une banque sur les cases de laquelle on place six lingots d’or, une prison sur chaque case de laquelle on pose l’une des trois caisses de dynamite (un cube rouge), douze bâtiments de part et d’autre de la rue unique, chacun habité par trois meeples piochés au hasard.

Puis on range dans le sac de minage tous les blocs gris (pierre) et jaunes (or).

 

 

Chaque cow-boy prend enfin un jeton Confrontation et 8 tuiles Chapiteau de sa couleur. On désigne un premier joueur, et en commençant par le dernier, dans le sens antihoraire, tous posent un chapiteau sur la face 5 points sur un bâtiment au coin de la rue. De quoi limiter un peu les options de début de partie, éviter que le premier joueur aie accès trop facilement à l’action la plus rentable, s’assurer d’avoir d’emblée soi-même une petite orientation tactique, comme un quartier général. .

Vous le constatez, il n’y manquerait guère qu’un bureau du shériff pour que ce village typique/stéréotypique soit complet, ou rien du tout si l’on considère que la prison en tient lieu. Le tout frappe par sa mignonne petitesse et sa lisibilité, peut évidente au moment où l’on déplie le plateau pour la première fois, bien davantage une fois que l’on a commencé à y disposer les éléments, qui confèrent une identité aux différents lieux.

 

Braquage, duel, construction, arrestation, évasion et repos !

Un tour consiste simplement à prendre tous les meeples d’un lieu et à les égrener sur la porte des bâtiments suivants, dans le sens horaire ou anthihoraire au choix, puis à appliquer progressivement l’effet de ces placements en plaçant le meeple dans la bâtiment.

En posant l’un des 21 meeples marron (ouvrier) devant un bâtiment, on peut y construire un chapiteau (s’il n’y en avait pas déjà) en payant les trois ressources indiquées. S’il y avait déjà un chapiteau sur sa face 5 points, son propriétaire (que ce soit nous ou un autre rival) peut payer ces ressources pour retourner le chapiteau sur sa face 10 points. Inutile de préciser que l’on regardera bien les ressources de ses adversaires avant de risquer de leur faire ce cadeau !

 

En posant l’un des 6 meeples jaunes (mineurs d’or) devant un bâtiment, le joueur qui y possède un chapiteau sur sa face de base peut piocher deux ressources au hasard dans le sac de minage, ou quatre sur sa face améliorée.

En posant l’un des 5 meeples rouges (bandits) devant un bâtiment, on pioche deux ressources au hasard dans le sac de minage pour chaque mineur se trouvant dans le bâtiment.

En posant l’un des 4 meeples bleus (adjoints) devant un bâtiment, on pioche deux ressources au hasard dans le sac de minage pour chaque bandit se trouvant dans la bâtiment, et on les met en prison.

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Il est par ailleurs possible de prendre l’unique meeple violet (Madame) au saloon pour le poser devant un bâtiment. On pioche une ressource au hasard dans le sac de minage pour chaque ouvrier s’y trouvant, et on les met au saloon (on leur a vanté un peu de repos !). Une fois que Madame est placée dans un bâtiment, on peut la prendre comme un autre meeple en appliquant le même effet.

Une fois que des ouvriers se trouvent au saloon, on peut tous les prendre et les égrener depuis le bâtiment de notre choix.

Une fois que des bandits se trouvent en prison, on peut tous les prendre et les égrener depuis le bâtiment de notre choix. Mais pour cette évasion, il faut faire sauter la prison : on prend alors un cube de dynamite et on le met dans le sac de minage. S’il est pioché, tous les joueurs défaussent la moitié de leur pierre et on le met au centre du village.

 

 

Si au cours de l’égrenage on passe devant une extrémité de la rue et qu’aucun meeple ne s’y trouve, on y pose l’un des meeples de sa main sur notre jeton Confrontation. Quand deux meeples sont face à face sur les deux jetons Confrontation, un duel commence. Il peut arriver qu’un même joueur ait posé les deux meeples opposés : il choisit alors un adversaire qui pose son jeton Confrontation sous l’un des deux.

Un duel consiste à lancer un dé à six faces. Laisserait-on le seul hasard décider de l’issue ? Le jeu est plus malin que cela : si un meeple est plus puissant que l’autre (l’adjoint > le bandit > le mineur > l’ouvrier), il peut relancer une fois le dé et appliquer l’effet du nouveau lancer, sans que cela offre donc nécessairement la victoire. Une jolie manière de ne pas subir le hasard, tout en intégrant au duel une incertitude qui lui est tout de même essentielle. En cas d’égalité, le meeple le plus puissant remporte l’affrontement.

Le perdant est envoyé au cimetière, tandis que le gagnant pioche 1/2/3/4 cubes dans le sac de minage selon qu’il a abattu un ouvrier/mineur/bandit/adjoint, puis va fêter sa victoire au saloon. En cas d’égalité des dés et de puissance de meeple, les deux sont envoyés au cimetière, et les deux joueurs piochent dans le sac de minage.

 

 

À tout moment, si un joueur dispose d’assez d’or pour acheter le lingot d’or le moins cher, il doit le faire.

La partie s’achève quand les trois caisses de dynamite ont été retirées de la prison puis piochées dans le sac de minage, que le sixième lingot d’or a été acquis ou qu’un sixième meeple a été enterré, et que l’on a achevé le tour de table en cours. Trois critères assez finement pensés pour que la partie avance inéluctablement, sans risque de s’éterniser. On gagne alors autant de points que de cubes d’or, 10 points par lingot, et 5 ou 10 points par chapiteau. En cas d’égalité, il faut posséder le plus de cubes d’or et de pierre.

Lors d’une première partie, on regrette l’absence d’aide de jeu directement sur le plateau, rappelant les effets des différents meeples, et lors d’un premier enseignement des règles, cela peut paraître un peu arbitraire. Une fois que l’on a accepté le thème, les règles paraissent bien plus intuitives : on ne pense plus « interaction d’un meeple rouge avec un meeple jaune » ou « pose d’un meeple jaune sur un bâtiment », mais « bandit volant un mineur » (logique, seul le mineur possède des ressources et seul le bandit peut les lui voler) et « meeple jaune dépensant ses sous dans une boutique » (et en rapportant donc à son propriétaire).

 

Pour une Poignée de meeples : il était une fois un bon jeu

Mutatis mutandis, Pour une Poignée de meeples rappelle Western Legends, par le thème du western bien entendu, et même moins superficiellement par la volonté de faire vivre la variété de cet univers dans ses mécaniques. Ainsi sera-t-il ici possible de braquer des mineurs, d’emprisonner des bandits, de construire des boutiques, de s’évader de prison, de provoquer en duel, d’encourager les ouvriers à se divertir au saloon après une longue journée de travail… et tout cela en se contentant d’un système d’awalé, c’est-à-dire de prendre les meeples d’un lieu et de les égrener tout autour du plateau !

Comme un awalé, c’est donc bien à deux joueurs qu’on en appréciera la relative rigueur tactique, la possibilité de se bloquer, une hésitation franchement intéressante sur l’optimisation de ses coups pour qu’ils nous arrangent sans trop arranger son adversaire – après tout, en dehors du placement initial des meeples, de la pioche dans le sac de minage, où ne sont présents que deux types de cubes, et d’un duel de dés dont l’arbitraire est lié au thème, il n’y a pas de hasard dans Pour une Poignée de meeples. Mais est-ce vraiment les sensations que vous cherchez dans ce mignon far west miniature ? C’est au contraire pour son chaos qu’il s’apprécie à quatre joueurs, la difficulté à concilier un terrain constamment changeant avec le refus d’aider les autres !

Pour un jeu coûtant à peine 20 euros, Pour une Poignée de meeples sait ainsi offrir un divertissement court et coloré bien plus varié et satisfaisant que ce que sa couverture pouvait laisser espérer ou craindre, pour un titre qui aurait tout pour devenir un nouveau petit classique du jeu familial, et étend ainsi fort judicieusement le public traditionnel de Super Meeple sans sacrifice à la qualité associée au nom de l’éditeur.

 

La bande-son indispensable pour vos parties !

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