L’Île des chats – draft et puzzle pour sauver le plus de chats possible !
Troisième jeu conçu par Frank West et édité par son studio The City of Games après The City of Kings et Vadoran Gardens, dont il continue d’étendre l’univers, Isle of Cats est le premier à nous parvenir en français grâce aux Lucky Duck (Kingdom Rush, Chronicles of Crime, Les Petites Bourgades, Vikings gone wild, Time of Legends: Destinies…), poursuivant leur exceptionnel catalogue (de localisations notamment) de 2020.
Cette décision surprenante a plusieurs raisons : bien que les campagnes KickStarter des trois titres aient été des succès importants, L’Île des Chats a su attirer nettement plus de contributeurs, qui n’ont apparemment pas été déçus puisqu’il recueille également les meilleurs notes et le plus d’avis sur l’agrégateur de référence BGG. En outre, la popularité du thème félin a tout pour séduire un public contemporain, et il s’inscrit impeccablement dans une ligne éditoriale « tactique » (« familiale + » comme on dit parfois), quand Vadoran Gardens pouvait paraître un peu trop léger et The City of Kings un peu trop lourd, au moins pour commencer.
C’est que L’Île des Chats a déjà cette particularité de se décliner en deux difficultés, un mode familial (8 ans et plus) et l’autre plus avancé (10/12 ans et plus), sans que le premier soit une « variante » appauvrie des « vraies » règles du second. De surcroît doté d’un solo, et donc praticable de 1 à 4, il a cette ambition de s’adresser à un public agréablement large.
Illustré par Dragolisco (allez voir ses superbes variations badass sur les Pokémon !), il impressionne par la joliesse de ses éléments… et la quantité qu’il en contient, expliquant aisément son prix de 49 euros ! Vous pouvez d’ailleurs le précommander en ce moment (et jusqu’au 12 mai) sur Game on Tabletop afin de le recevoir dès le mois de juin, bien avant les boutiques, et d’avoir accès aux extensions, qui ne seront plus disponibles ensuite. Or celles-ci fournissent notamment le matériel « deluxe » du KickStarter (dont il est agréable qu’il soit accessible au public francophone près d’un an après la campagne outre-Manche) et ce qu’il faut pour jouer jusqu’à six à L’Île des chats, jetez-y un coup d’œil au plus vite si ce sont des options qui vous intéressent ! Il ne sera cependant question ici que du jeu de base, le seul testé.
L’histoire des tuiles
Ce qui m’a d’abord frappé avec L’Île des chats, c’est l’effort considérable de background fourni à ce qui reste, après tout, un jeu de placement de tuiles assez peu thématique. Le traducteur a dû être bien étonné s’il s’attendait à un Scarabya quand on lui a fourni plus de narration que dans un Root, occupant jusqu’aux bords de la boîte et introduisant chaque partie des règles pour lui donner du sens. Si vous achetez des objets, c’est que vous distrayez les chats avec des poissons afin d’y accéder ; si vous devez les sauver, c’est que leur île est menacée par Vesh Darkhand ; si vous devez faire attention à leur placement, c’est qu’il faut maintenir les familles ensemble et se conformer aux traditions…
Bon, cela a aussi ses limites bien sûr, entre le fait que l’on s’enquiquine les uns les autres alors qu’en collaborant on pourrait en sauver bien davantage (tiens, ça aurait pu donner lieu à un intéressant draft coopératif), que quelques chats s’enfuient chaque soir… et soient donc condamnés à la destruction sans qu’on en parle jamais, que les traditions soient pour la plupart personnelles et décidées en cours de partie, à peu près… l’exact contraire d’une tradition (était-ce du coup la meilleure traduction pour « lesson » ?)…
Mais il s’agissait de relier l’intrigue de ce jeu pas narratif pour un sou à l’univers de City of Kings, et à la manière d’Imaginarium ou mieux encore de La Vallée des Marchands, j’apprécie beaucoup ce souci de donner un sens à ce que l’on fait et qui ne « devrait » pas en avoir compte tenu de l’abstraction du genre dans lequel le jeu s’inscrit.
Les navires vides voguant vers l’île
Première étape cruciale de la mise en place de L’Île des chats, placer à portée le couvercle de la boîte, conçu spécifiquement… pour accueillir un chat (et fermer la boîte, obviously). Si vous connaissez nos seigneurs félins voire avez le bonheur de vivre sous leur joug, vous connaissez leur tendance à s’installer dans les boîtes de jeu, de sorte que ce couvercle extrêmement épais, en plus d’être fort large et haut, devrait faire leur bonheur !
Commençons par présenter la variante « avancée » du jeu, qui depuis un an m’intrigue bien sûr davantage que la variante familiale, tendance renforcée par un confinement où je ne peux l’explorer avec un public d’enfants ou réellement néophyte.
L’Île (un peu biscornue, mais ayant le mérite d’avoir une forme évoquant ce qu’elle représente au lieu d’un plateau tristement rectangulaire) est ainsi placée sur la face correspondant à cette « difficulté », et le fort joli marqueur Bateau de Vesh est posé sur sa case 5. Notons avec un peu de regret que le marqueur est bien trop grand pour la case, et qu’il est si réussi qu’on aurait aimé que cette dernière ait une forme spécifique pour l’accueillir (ne serait-ce que celle de la base du marqueur) au lieu d’être un triste carré. Sur le bateau apparaît un symbole de main, que l’on retrouve à l’extrémité opposée de la piste, pour le coup une jolie manière de nous rappeler que l’arrivée du méchant correspond à la conclusion de la partie.
Sous l’île, on pose 5/8/11 tuiles Trésor commun de chacun des quatre types à 2/3/4 joueurs, avec les six tuiles représentant les oshax, une variété particulière de chats.
En effet, tous les autres chats (85 polyominos tout de même !) et les 25 trésors rares (jaunes et représentant plus de cases que les trésors communs, oranges) se trouvent dans le grand sac des découvertes. Je dois confesser qu’avoir autant de tuiles cartonnées dans un même sac m’effraie un peu quant à leur durabilité, d’autant qu’elles ne sont pas particulièrement épaisses (sans être fines pour autant, rassurez-vous !), mais comme on n’a aucune raison de les y brasser et qu’une seule personne y puise ponctuellement et paisiblement à quelques moments de la partie, il suffit d’être un peu soigneux pour ne prendre aucun risque. Et de fait, même si j’attends de voir ce que cela donnera dans la durée, je n’ai remarqué aucun début d’altération au bout de plusieurs parties.
Chaque joueur prend une tuile Panier sur sa face vide (verte), et dans l’ordre du tour (par exemple en faisant commencer celui qui aura le dernier câliné un chat), prend un meeple chat (meecat ? Allez, disons meecat) de la couleur de son choix et le pose sur l’île, de haut en bas. Outre la couleur, chaque espèce de chat (chamailleurs bleus, mhoxxites oranges, teruviens, vandermils étoilés, émeraudes cristal) a sa propre forme, une touche sympathique pour les daltoniens vraiment pris en compte dans la conception graphique de L’Île des chats, qui ajoute évidemment aussi à son charme pour les autres.
Évidemment il s’empare enfin de son bateau, composé des 7 mêmes pièces, sur la face marquée de la difficulté « avancée ». Sur ces 7 pièces, six portent des symboles pour bien distinguer leurs cases des autres (et interagir avec certaines cartes) et une (le couloir central) non, ce qui peut manquer d’intuitivité pour qui se reporterait au seul plateau et pourrait croire qu’il ne s’agit pas d’une pièce à proprement parler – les règles sont pour le coup très claires sur ce point. Curieusement aussi, certaines cartes nomment les pièces (« chambre », « salle à manger »)… alors que ce nom n’apparaît ni sur les plateaux, ni nulle part dans les règles.
Leur identité est claire grâce aux illustrations et au pictogramme représentant aussi la pièce en question, mais qu’il est inattendu de trouver sur une carte une information thématique n’apparaissant pas dans un manuel donnant habituellement tant de place au thème ! Notons aussi malicieusement que l’épi de blé représentant la salle à manger… est appelé « maïs » dans les règles, traduction trop rapide de corn sur laquelle l’illustration ne laisse aucune ambiguïté.
Les autres meecats, les pions Poisson et les 150 cartes Découverte forment une réserve et la partie peut commencer, étonnamment vite pour un jeu au matériel tout de même riche et ne bénéficiant d’aucun insert ! Il va de soi qu’on pensera bien au moment du rangement à remettre les bonnes tuiles dans le sac sans les mélanger aux trésors communs, à séparer les cartes Découvertes des cartes du solo ou du mode famille, mais ce seront les seuls menus aménagements pour une installation optimisée !
Sauvons les chats !
Une manche de L’Île des chats se pratique en 5 phases.
Au cours de la première, un joueur tire aléatoirement du sac quatre tuiles par joueur et en dispose, toujours aléatoirement, une moitié de chaque côté de l’île (côtés appelés « champ gauche » et « champ droit »). Au cours de cette pioche, on pourrait tomber sur des trésors rares. On les pose près des trésors communs, sans les compter dans le nombre de tuiles Chat à placer. Puis chacun reçoit 20 poissons. Bizarrement, la partie « tirage de tuiles » est présenté dans les règles… avant la première manche, cette dernière n’étant constituée que de l’attribution des poissons. Ma foi…
Pendant la deuxième, on explore l’île en piochant 7 cartes Découverte. On en sélectionne deux, et on passe les cartes à notre voisin, dans le sens horaire aux manches paires et le sens antihoraire aux manches impaires. Contrairement à plusieurs jeux de draft, aucun élément ne rappelle ce sens (alors qu’une petite flèche autour de chaque case de la piste de manche aurait fait l’affaire). Il va cependant de soi que c’est une convention qu’il ne serait pas dramatique d’oublier ! On poursuit le draft en sélectionnant deux nouvelles cartes de sa nouvelle main et en la faisant à nouveau passer, puis en sélectionnant encore deux cartes, et enfin en prenant la dernière pour constituer sa main de 7 cartes.
On ne relancera pas l’éternel débat du draft, que je préfère toujours à 2 joueurs parce que l’on contrôle presque complètement ce que l’on garde et ce que l’on donne à l’autre, attachant une extrême importance à son jeu, tandis que beaucoup le défendent à plus, pour le plaisir de puiser dans une nouvelle main de cartes, de tenter de trouver son bonheur dans un lot théoriquement de moins en moins intéressant et de construire quelque chose malgré tout.
Toujours est-il que, comme tous les bons drafts (récemment It’s a Wonderful World, Res Arcana même, dans une certaine mesure Magnum Opus ou Genesia), L’Île des chats parvient avec la richesse de ses cartes à offrir de la tension à 2 et à plus, ce qui lui octroie bien des points dans mon estime tant j’aime cette mécanique dès lors qu’elle est aussi bien exploitée !
Vous pouvez alors défausser les cartes ne vous intéressant pas… ou dont vous ne souhaiteriez pas payer le coût, puisque chaque carte conservée exige son payement immédiat en poissons. La défausse se fait naturellement face cachée afin que les autres joueurs ne connaissent pas le contenu final de votre main. Vous avez probablement noté qu’il est extrêmement aisé de tricher, ce qui est tout à fait assumé par Frank West qui, plutôt que de chercher des solutions pour contourner le problème, destine son jeu aux honnêtes.
La troisième phase consiste à jouer obligatoirement toutes ses cartes Tradition. Les traditions publiques… sont dévoilées publiquement, et fixent des objectifs qui concerneront tous les joueurs, tandis qu’on posera les autres face cachée à côté de soi en tant qu’objectifs personnels.
Pendant la quatrième, on peut poser simultanément les cartes Sauvetage de sa main, mais rien n’empêche de les garder afin de les jouer à un tour suivant, auquel cas il ne faudra plus les payer ni les drafter, de sorte que l’on peut toujours économiser ses forces afin de bénéficier d’une meilleure manche plus tard. On pensera bien à poser à part les cartes que l’on garde, afin de ne pas risquer d’y mêler les cartes de sa prochaine main et de ne plus savoir lesquelles étaient déjà payées ou non, même s’il n’est pas non plus très satisfaisant de sauter de sa main actuelle à sa main « pérenne »… Auriez-vous peut-être une solution optimale ?
Tout d’abord, les joueurs positionnent leurs chats au sommet de l’île (ce qui définit leur ordre de tour) selon le nombre de bottes présent sur les cartes.
Ensuite, à tour de rôle, chacun peut prendre une tuile Chat, en payant 3 poissons pour celles du champ gauche, 5 pour celles du champ droit (où ils sont plus gourmands), et à condition de disposer d’un panier (son jeton Panier peut servir une fois par tour, certaines cartes en représentent un, ou un demi). La tuile est aussitôt posée dans son navire, toujours à côté d’une tuile déjà en jeu après la première. Et comme on s’en doute, une tuile ne peut jamais déborder sur l’extérieur du bateau et deux ne peuvent pas se chevaucher.
En outre, poser un chat sur une carte au trésor de la même couleur permet de récupérer immédiatement un trésor commun et de le placer également sur son navire en suivant les mêmes règles. Comme les tuiles Chat recouvrent 5 ou 6 cases avec leurs formes très sinueuses, on essayera de ne pas laisser passer l’opportunité offerte par les cartes au trésor, les petits trésors communs comblant aisément les interstices fatalement laissés par les polyominos.
Comme vous vous en doutez, les cartes Sauvetage portant à la fois un panier et des bottes peuvent être particulièrement chères, et quand on dépense pour des paniers et qu’il faut de surcroît dépenser pour des chats, sa limite de poissons se fait vite sentir, créant une intéressante tension pour arriver à un bon équilibre.
Si l’on ne veut ou ne peut plus jouer, on passe son tour, et les autres peuvent continuer de poser des cartes jusqu’à ne plus pouvoir ou vouloir également. Il va de soi qu’une carte révélée ne pourra pas être récupérée, de même qu’on ne peut jouer aucune carte Sauvetage supplémentaire après avoir dévoilé celles que l’on souhaitait utiliser en même temps que ses adversaires. Il faut ainsi savoir calculer quelle tuile on a des chances d’acquérir, en fonction de ce que nos adversaires pourraient prendre, afin de ne gaspiller aucune chance de progresser ou de les bloquer !
Au cours de la cinquième phase enfin, on peut jouer à tour de rôle nos cartes Trésor et Oshax. Une carte Trésor permet par exemple de prendre deux petits trésors (les trésors communs constitués d’une ou deux cases seulement, représentés sur la carte pour que ce soit aussi clair que possible) au choix pour les poser dans son bateau ou de payer 1 poisson pour prendre deux trésors communs quels qu’ils soient ; une autre de prendre un trésor rare posé sous l’île (donc à condition qu’on en ait découvert au début de la manche) ou deux trésors communs…
Une carte Oshax permet de prendre une tuile Oshax et de la poser sur son navire. Ces chats-Joker sont de la couleur de notre choix, définie au moment où on les pose en plaçant par-dessus un meecat. Ces cartes particulièrement puissantes (pas besoin de panier, liberté de la couleur, plusieurs formes disponibles…) coûtent aussi particulièrement cher, 5 poissons, un investissement à côté duquel il ne sera pas question de passer !
Il existe enfin des cartes violettes Action, pouvant être jouées n’importe quand. L’une (particulièrement délicieuse) déplace jusqu’à 3 chats sur des champs différents, une autre défausse deux trésors contre un panier permanent, une autre permet de gagner 2 poissons pour chaque trésor rare sur notre navire, une autre fait piocher 2 cartes, une autre autorise le placement de sa prochaine tuile où on le souhaite (donc sans respecter la règle d’adjacence), la plus chère rapporte un panier permanent… Savoir les utiliser au meilleur moment sera déterminant pour surprendre son adversaire, par exemple au cours d’une manche où il nous aurait cru dépassé !
À la fin de la manche, on défausse tous les chats encore présents dans les champs et le bateau de Vesh avance d’une case sur la piste comptant les jours, puis on commence une nouvelle manche.
La partie s’achève quand, à la fin d’une manche, le bateau de Vesh atteint la dernière case de la piste et atteint donc l’île. Il est alors temps pour chacun de révéler ses cartes Tradition privée et de calculer ses points, puis de perdre 1 points par rat visible sur son navire (donc pas recouvert par une autre tuile) et 5 points par pièce qui ne serait pas remplie. L’Île des chats punit ainsi très lourdement ceux qui ne parviennent pas à optimiser leur espace et abandonnent l’île alors qu’ils auraient encore eu de la place pour sauver des chats ou au moins des trésors !
L’une des grandes forces de L’Île des chats est l’immense diversité des traditions, dont la complétion a un impact direct sur notre manière de jouer. Cela peut aller de quelque chose d’assez classique comme la possession d’exactement cinq chats bleus pour 8 points à des cartes bien plus curieuses comme celle exigeant que la salle à manger soit vide pour 15 points (et faisant donc perdre 5 points, tout en infligeant toute une pièce dont pas une case ne peut être recouverte au beau milieu du bateau), ou celle qui octroie 2 points par rat visible (de sorte que l’on gagne 1 point par rat au lieu d’en perdre 1)… Et comme chaque carte Tradition conservée coûte des poissons, on évitera d’en conserver qui ne nous paraissent pas compatibles avec ce que l’on souhaiterait et pourrait faire.
On ajoute à ce score 3 points par trésor rare et 8/11/15/20/25/30… points par famille de 3/4/5/6/7/8… chats, c’est-à-dire par groupe de chats de même couleur adjacents les uns aux autres. En cas d’égalité, il faut posséder le plus de poissons (logique, les chats continuent de choisir celui qui saura le mieux les gâter pendant le voyage) !
Visiter l’île des chats en famille
On l’a dit, L’Île des chats se décline aussi dans une version familiale, que le jeu s’efforce autant que possible de présenter comme une manière tout à fait valide de le pratiquer. Même si les règles en sont présentées sur un feuillet séparé (là où même le solo a les honneurs du manuel), on utilise en effet le verso du plateau Île, où ne manque que le prix des poissons pour indiquer qu’on ne les payera pas, de même que le verso des plateaux Bateau porte simplement le récapitulatif des phases allégé (puisque plusieurs phases disparaissent).
J’aime ainsi beaucoup le fait qu’on ait droit à un nouveau plateau pour si peu, là où Frank West aurait pu se contenter de nous faire recourir au même en nous priant d’ignorer certains éléments, ou nous donner de petites tuiles dont couvrir les informations désormais inutiles. Dans une logique similaire, ce feuillet séparé comporte l’intégralité des règles nécessaires pour pratiquer cette version de L’Île des chats, pas une liste d’adaptations !
La seule véritable différence, lors de la mise en place, est la pioche par chacun de trois cartes Famille, dont il conserve deux face cachée. Ces cartes sont des traditions reprenant certains des objectifs de la version « avancée ».
C’est qu’au cours de la partie, on n’utilisera pas de paquet de cartes Découverte, pas de poissons, on ne recourra pas au draft…
Au lieu de cela, chacun passe ou prend à tour de rôle gratuitement une tuile Chat du pourtour de l’île et la pose immédiatement sur son bateau en suivant les règles de placement. S’il la pose sur une carte au trésor de la même couleur, il peut prendre un trésor commun… ou rare, qui ne lui octroiera ici aucun point supplémentaire mais pourra par sa forme permettre de combler judicieusement un trou causé par d’autres tuiles mal alignées (et cela arrivera très souvent, les formes des chats sont très difficiles à harmoniser !).
Quand tous les joueurs ont passé, le premier joueur devient le dernier de la manche suivante, et on en commence une nouvelle.
À la fin de la cinquième, on calcule le score des traditions personnelles et des familles de chats, et on en retranche 1 point par rat visible et 5 par pièce qui ne serait pas remplie. En cas d’égalité, il faudra avoir rempli le plus de pièces.
Comme vous le voyez, ces règles familiales sont un très joli exercice de dépouillement, gardant juste assez des règles avancées pour retranscrire ce qui ferait l’essence de L’Île des chats tout en le rendant tout à fait accessible aux plus jeunes, la pose des tuiles Chat et les objectifs secrets altérant notre stratégie. Expliquées en une poignée de minutes, elles sauront constituer un fort chouette jeu de polyominos, un des meilleurs peut-être pour ce public – je lui préférerais quand même Bärenpark, mais ce dernier est un peu plus technique. Et toujours avec la liberté de passer au stade supérieur quand on le souhaite !
Un seul navire et tant de chats !
Dans le mode solo de L’Île des chats, il s’agira toujours de sauver le plus de chats possible avec quelques trésors, mais aussi de contrecarrer les plans de notre sœur, qui a embarqué clandestinement sur notre bateau et tente de porter notre travail à son crédit. Je ne comprends pas trop mécaniquement comment on donne du sens à ses actions… mais il faut surtout entendre par là qu’elle marquera des points par rapport à ce qui se trouve dans notre bateau, ajoutant des contraintes assez passionnantes à nos tours !
On dévoile en effet au début de la partie 3 des 10 cartes Tradition solo, les autres n’étant pas utilisées. Ce sont les cartes grâce auxquelles notre sœur marquera des points, par exemple 4 par poisson que l’on n’aura pas utilisé, 5 par rat visible, 5 par chat au-delà de 15 dans notre navire, 3 par pièce remplie… Inutile de préciser que chaque combinaison de traditions solo révolutionnera votre manière de jouer à L’Île des chats !
Vous pourrez en outre injecter plus de difficulté en y ajoutant 1 à 4 cartes Tradition avancée (sur les 9 que contient la boîte), qui rapporteront par exemple 3 points par carte Tradition que l’on possédera en fin de partie, 3 points par chat ne touchant aucun trésor, 1 point par chat touchant les bords du bateau… Il ne s’agit ainsi plus tant de nouvelles règles que l’on pourrait encore contourner que de points supplémentaires pour notre sœur, et souvent en quantité non négligeable, qu’il s’agira donc de battre en redoublant d’efforts !
Au début de chaque tour, on dévoile enfin l’une des cinq cartes Couleur solo, représentant chacune une couleur de chat. Cela servira de compte-tours, mais aussi pour le scoring final…
Lorsque l’on remplit les champs, on aligne 4 chats dans le champ gauche et 4 dans le champ droit, de sorte que l’on saisira immédiatement lequel serait le « chat 3 » ou le « chat 7 ». On procède de même avec les trésors communs, les trésors rares et les oshax.
Comme on ne peut pas drafter seul, on pioche 5 cartes Exploration, on en garde 3 et on en défausse 2, puis on répète l’opération, et on pioche une seule dernière carte pour compléter une main en comportant 7.
Notez que les traditions publiques ne concerneront que vous, un avantage considérable… mais que vous ne marquerez que la moitié des points, ce qui suffira souvent à les rendre décidément peu intéressantes.
Une fois les cartes Sauvetage posées, on dévoile la première carte de la pile de cartes Panier solo de notre sœur, qui montre des bottes (déterminant son ordre dans le tour) et des paniers. Si elle montre plus d’un panier, on pioche face cachée assez de cartes Panier solo pour qu’il y en ait autant que la valeur de paniers indiquée sur la première (un point sur lequel les exemples sont bien plus clairs que les règles). Comme il y a 23 paniers solo, vous ne saurez jamais trop à quoi vous attendre, et espérerez vraiment tomber sur une carte avec un seul voire deux paniers plutôt que quatre !
À chaque tour de notre sœur, on applique l’effet (hors bottes et paniers, qui n’ont plus d’importance) de sa carte. Si elle indique « Chat 3, Rare 2, Oshax 5 », cela signifie qu’il faut retirer de la partie le troisième chat, le deuxième trésor rare et le cinquième oshax. Comme on s’en doute, cela attribue de nouvelles valeurs aux tuiles en jeu (le quatrième chat devenant par exemple le troisième). Si un effet concernait une tuile n’existant plus, on ôterait tout de même la tuile la plus forte dans la catégorie correspondante.
À la fin de la partie, on compte le score de notre sœur en additionnant les points rapportés par ses cartes Tradition et par les cartes Couleurs solo. Souvenez-vous, au début de chaque tour on dévoilait une couleur différente. Elle gagne alors 5/4/3/2/1 points pour chaque chat sur notre bateau de la couleur de la première/deuxième/troisième/quatrième/cinquième carte. Assez formidable, non ? Vous tenterez alors de sauver aussi peu que possible de chats des couleurs révélées (en particulier les deux premières), mais sans les ignorer tout à fait, leur forme, leurs points de famille, leur correspondance avec les cartes au trésor ou avec vos traditions les rendant aussi rentables à un stade ou à un autre.
Et il va de soi… que l’égalité est en faveur de votre sœur !
L’Île des chats et vous, vous êtes félin pour l’autre !
Un jeu de polyominos avec des chats, voilà qui paraît un prétexte opportuniste à attirer les familles et les néophytes en profitant de la popularité impressionnante de la gent féline dans notre culture. Après tout, et même s’il existe des jeux de polyominos très fins (Bärenpark, Le Royaume des sables…), le genre repose sur le désir primaire d’assembler des pièces de formes diverses en touts à peu près cohérents, et peut donc légitimement sembler négligeable pour les socioludistes aguerris.
Or L’Île des chats a déjà cette force de bien être doté de règles familiales, tirant notamment leur épingle du lot par des objectifs personnels secrets et un charmant matériel encourageant à placer des chats dans son bateau, tout en comportant des règles avancées très riches, et donc de viser les deux publics.
Le joueur tactique ajoute en effet aux règles malines de placement des tuiles de la gestion d’argent (de poissons plus précisément), destiné à la fois à attirer les chats et à poser des cartes, des paniers sans lesquels il sera impossible de les accueillir, des objectifs personnels ou publics à ajouter en cours de partie, des actions à réaliser quand on le souhaite pour surprendre son monde par le gain de nouveaux poissons voire l’interversion de certains chats, des bottes pour avoir l’initiative des actions ce tour-ci, et tout cela grâce à un draft que l’on imagine bien assez redoutable, tant il s’agit d’équilibrer de paramètres désirables.
Un draft pouvant fortement rappeler celui de Bunny Kingdom d’ailleurs, par l’importance des objectifs personnels dont on fait proprement collection en cours de partie afin de dévoiler à la fin de surprenantes sources de points, chacun encourageant d’ailleurs plus encore que dans cet illustre modèle à adopter une tactique spécifique afin de le rentabiliser, offrant des parties d’une foisonnante et fascinante diversité.
Le mode solo lui-même sait reprendre les règles et le sel de ce mode « avancé » sans fastidieuses manipulations et altérations, mais avec une toute nouvelle couche tactique, des contraintes redoutables et imprévisibles, manifestant encore l’intérêt tout particulier de Frank West pour chaque variante de son jeu, pour leur impeccable fluidité, leur extrême rejouabilité et pour leur tension adaptée aux différents publics qui pourraient faire le voyage vers l’île des chats, et dont la grande majorité reviendront ravis de leur expédition.
Rappelons une dernière fois que vous pouvez précommander le jeu sur Game on Tabletop jusqu’au 12 mai afin de recevoir le jeu en juin, donc avant les boutiques, et d’acquérir des extensions exclusives à la campagne (les invendus étant ensuite disponibles sur le site de Lucky Duck Games, mais ne comptez pas trop dessus !).
Et venez faire un tour sur notre instagram dédié aux jeux de société pour découvrir nos photos de L’Île des chats !