Foothills – la nouvelle création pour deux joueurs de Lookout/Funforge !

 

Si vous débarquez seulement dans le merveilleux monde du jeu de société, ce titre vous paraîtra assurément un peu mystérieux. Mais allez jeter un œil sur nos autres critiques des jeux édités par Lookout et localisés par Funforge, qu’ils soient conçus pour deux joueurs (Caverna – caverne contre cavernePatchwork, bientôt Mandala) ou à partir de deux joueurs et toujours excellents dans cette configuration (Patchwork DoodleAgricolaIsle of SkyeBärenparkGingerbread House), et vous saisirez bien vite pourquoi la parution d’une nouvelle oeuvre mérite largement qu’on s’y arrête. Dans la continuité des autres productions, Foothills est d’ailleurs toujours illustré par Klemens Franz, mais conçu par Ben Bateson et Tony Boydell plutôt que par son compère Uwe Rosenberg.

Foothills se place dans la continuité de Snowdonia, un jeu du seul Tony Boydell publié en 2012, où il était question d’approvisionner en ouvriers le chantier de construction d’un chemin de fer dans le Nord du Pays de Galles. On reste dans le massif de Snowdonia et on reste dans la constructions de lignes de train, mais après un travail conséquent d’épure mécanique et matérielle pour satisfaire les ludistes modernes et surtout aux exigences d’une création pour deux joueurs. Si Snowdonia était recommandé un peu légèrement à partir de douze ans, Foothills s’adresse assez judicieusement aux joueurs de douze ans et plus (même s’il n’est pas impensable qu’un enfant bien versé dans le domaine le pratique un peu plus jeune), et les parties en durent environ 30 à 45 minutes. Il est vendu 29 euros 90 sur Philibert – et si vous l’achetez via ce lien, Vonguru recevra 5% du prix sans qu’il vous en coûte un centime de plus !

 

Foothills Funforge

Préparer les préparatifs du train…

Avant de prendre le train, il faut construire les lignes ; et pour construire les lignes, il faut décider où elles passeront et réunir les ressources nécessaires.

On commence ainsi par choisir six lignes de train parmi les huit contenues dans la boîte de Foothills, le Ffestiniog Railway (en jaune), le Welsh Ireland Railway (orange), le Llanberis Lake Railway (rouge), le Snowdon Mountain Railway (gris), le Bala Lake Railway (vert), le Talyllyn Railway (bleu clair), le Fairbourne Railway (bleu foncé) et le Vale of Rheidol Railway (blanc). Comme on le voit, Foothills se dote d’une certaine couleur locale en nous immergeant dans le Pays de Galles avec l’onomastique très spécifique à la région – et encore, on n’a pas cité le nom de toutes les gares, toutes réelles et presque toutes imprononçables pour qui n’a pas de notions en gallois.

Cela ne fait peut-être pas autant rêver que des destinations consensuellement reconnues comme exotiques, mais comment nier que cela confère au jeu un certain charme ? Et après avoir joué, vous connaîtrez toutes les gares pour vous rendre dans une contrée qui semble en valoir largement la peine…

 

Snowdonia paysage
Snowdonia se trouve en Galles du Nord

 

Le plus simple, pour décider des six voies, est de piocher une carte Gare au hasard et d’en regarder le dos, qui indique presque systématiquement le nom de deux lignes fermés, qu’on exclura donc de la partie. Les lignes choisies forment six rangées de cartes. Chaque ligne porte un numéro romain, et dans chaque ligne, chaque gare porte un chiffre arabe, de sorte qu’il suffit de suivre ces ordres numériques pour la mise en place. On remarquera alors que toutes les lignes n’ont pas la même longueur, des sept gares de la Talyllyn aux deux seulement de la Fairbourne, ce qui permettra donc de distinguer plus profondément encore les parties que si on se référait aux seules spécificités des cartes. Certaines gares sont par ailleurs constituées de deux cartes juxtaposées, ne comptant que comme une seule carte.

Ces lignes ont d’autres spécificités : la première et la deuxième s’achèvent par exemple sur la même gare (quand elles sont toutes les deux en jeu), Porthmadog, à laquelle sont associés deux jetons Bonus. Les lignes III et IV commencent quant à elles par la même gare, et la quatrième s’achève sur le Mont Snowdon (Yr Wyddfa) octroyant l’unique tuile Sommet.

À chaque ligne correspondent deux tuiles Billet de train, que l’on pose sur leurs gares de départ. Sur les cartes Gare, des cases Voie indiquent que des gravats encombrent le chantier, et qu’il faut donc y placer autant de cubes marrons. À proximité des voies se situe la carte Pub.

Le fer (cubes oranges) et la pierre (cubes gris) sont mélangés dans le sac de ressources, et six cubes en sont aléatoirement tirés pour être posés sur la grande tuiles Entrepôt. On ajoute ensuite au sac les six cubes Événement (blancs).

Il est enfin temps que chaque joueur choisisse sa couleur (bleu ou vert), prenne son plateau individuel et les cinq cartes Action à y glisser sur leur face dorée, ainsi que le marqueur Gare sur le 0 de la piste Gare, son pion Géomètre et ses 16 tuiles Voie/Gare.

Il reste 15 cartes Action, trois marquées de chacune des cinq premières lettres de l’alphabet. On en prend deux de chaque et on les constitue en cinq piles. Sur leur face dorée, les cartes avec la même lettre sont identiques, mais leur coin supérieur droit laisse apparaître le pouvoir unique qu’elles ont sur leur face argentée.

Il ne reste qu’à déterminer aléatoirement celui qui sera premier joueur jusqu’à la fin de la partie et à prendre deux des ressources de l’entrepôt, en laissant le second joueur choisir d’abord.

La mise en place pourrait sembler fastidieuse, elle n’est qu’un peu longue, et encore, pas tant que cela si vous avez utilisé tous les sachets zip contenus dans la boîte, permettant un parfait isolement des composants. On s’aperçoit alors qu’il n’y en a pas tant que cela dans chaque catégorie, et en suivant pas à pas les consignes du livret de règles, on trouve immédiatement chaque élément et qu’en faire. Foothills est par ailleurs typiquement le genre de jeu dans lequel les deux participants peuvent se répartir les tâches afin d’être prêts à commencer la partie après quelques minutes à peine – et quelques minutes de plus pour observer les lignes tirées, voire les cinq actions individuelles si c’est leur premier contact avec Foothills.

Foothills Funforge

Le plus beau réseau ferré… du pays de Galles

Un tour consiste simplement à choisir l’une des cinq cartes Action posées devant soi, à en appliquer l’effet et à la retourner. Sur leurs faces dorées, les cartes des deux joueurs sont identiques (Entrepôt, Excavation, Pose & échange, Gare, Géomètre), tandis qu’elles divergent une fois retournées (Gros bras, Maçon, Touriste, Marché portuaire, Aide locale en vert, Concasseur, Paysagiste, Inspecteur, Récupération, Terrassiers novices en bleu). Cela accroît à la fois la rejouabilité de Foothills et sa tacticité : non seulement on ne jouera pas de la même manière selon sa couleur, mais l’ordre dans lequel on réalise ses actions aura grâce à ce procédé une importance primordiale, une même action pouvant par exemple être réalisée bien plus que les autres à condition de résoudre ) chaque fois l’action sur son dos pour la retourner. Sans qu’il soit réellement question de combos, la manière dont on enchaîne ses actions ne sera ainsi jamais deux fois la même.

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Les cartes marquées d’un A sont liées à la collecte de ressources. Entrepôt (l’action de la face dorée)octroie une à trois ressources de son choix dans l’entrepôt, avec l’obligation de le compléter à nouveau avec six cubes du sac s’il est ainsi vidé. Si un événement est tiré, le joueur prend une tuile Concurrent et la place sur la première carte ne comportant pas de tuile Voie, Gare ou Concurrent (en commençant par la première colonne, puis la deuxième…). On considère alors que les voies ou gares de cette carte ont été construites par un concurrent, et ne seront plus disponibles pour les joueurs. Récupération permet de piocher une ressource dans le sac, Grand Bateau complète l’entrepôt et autorise la pioche de deux ressources, ou la pioche d’une ressource et le retournement d’une autre carte Action…

Les cartes marquées d’un B sont liées aux gravats. Excavation retire jusqu’à quatre gravats d’une même ligne. S’il y avait moins de quatre gravats dans la ligne, le joueur en prend dans la réserve jusqu’à en avoir quatre. Chaque gare nettoyée rapporte 1 Point de Victoire (PV), comme cela est indiqué sur l’espace ordinairement obstrué par les gravats. Terrassiers novices permet de retirer deux gravats d’une ligne, Aide locale ôte deux gravats d’une ligne ou un gravat de deux lignes… On pourrait se dire que la deuxième est objectivement plus forte que la première, et sachant que les deux actions sont les versos des cartes initiales E bleu et verte, que le joueur vert est ainsi avantagé. Mais comme on le verra plus tard, chaque carte possède une option de décompte de points de victoire propre, qui empêche les comparaisons aussi légères.

Les cartes marquées d’un C sont liées à la pose de voies et à l’obtention de pierres. Pose & échange autorise ainsi jusqu’à trois fois la pose d’une voie pour deux fer, ou l’échange de deux gravats contre une pierre. La tuile Voie ne peut être posée que sur la case Voie disponible la plus à gauche d’une ligne (logique, la construction s’en fait progressivement), et rapporte 1 PV. Quand toutes les cases Voie d’une ligne sont occupées, cette dernière est terminée et on pose un heurtoir tridimensionnel pour marquer son achèvement. Concasseur permet de poser une voie pour deux ressources de fer et/ou de pierre, dans une ligne dont le joueur possède le billet on peut poser jusqu’à trois fois une voie contre deux fer avec le Forgeron…

Les cartes marquées d’un D sont liées à la construction des gares. Gare permet ainsi d’en ériger une en payant le coût indiqué par la case où on souhaite la placer, puis en y posant la tuile. Cela fait avancer le marqueur Gare d’un cran, et rapporte les éventuels bonus précisés sous la case en PV ou en passagers. Aide-maçon permet de construire une gare (en en payant le coût) sans récupérer de bonus. Sidérurgiste permet d’en poser une sur une ligne dont on possède le billet et sur laquelle on possède au moins une voie, et octroie en plus la possibilité de retourner une carte.

Les cartes marquées d’un E sont liées au déplacement du géomètre. L’action de base Géomètre déplace ainsi le pion sur une case Géomètre d’une voie ou sur la carte Pub. Dans le premier cas, il doit s’agir d’une gare de départ ou d’une carte sur laquelle une gare a été construite (même par la concurrence). Sur une gare de départ, le géomètre octroie un billet de la ligne correspondante (on ne peut en posséder plus d’un par ligne) et un bonus, en passagers ou en ressources. Quand le géomètre se déplace au pub, son propriétaire choisit l’une de ses cinq cartes Action et la place dans sa pile de score, en la remplaçant par l’une des cartes Action restantes portant la même lettre sur son côté doré. Voyagiste octroie un passager, Dessinateur retourne une carte Action supplémentaire…

 

Foothills Funforge

 

La partie de Foothills s’achève quand les cinq heurtoirs ont été placés (donc que cinq lignes sont achevées) ou qu’il faut placer une tuile Concurrent et qu’il n’y en a plus (donc à la pioche d’un onzième cube blanc).

Le score consiste d’abord dans les cartes de la pile de score. Comme on l’avait dit, chaque carte Action se distingue par une option de décompte qu’elle porte dans son coin supérieur gauche, et qui prend son sens quand on la place dans cette pile après avoir déplacé son géomètre en pub. On ne peut avoir davantage de cartes dans la pile de score que de gares. Les joueurs peuvent ainsi remporter 1 PV par couple de passagers, par paire de voies, par gare, par billet ou par carte de la pile de score, à condition que ces bonus apparaissent sur les cartes de leur pile. À ces points le joueur possédant le plus de gares sur la ligne I ou II ajoute 3 PV, et on additionne au total les jetons PV, un demi-PV par passager et 2 PV si un joueur a atteint le Mont Snowdon (a déplacé son géomètre sur la gare d’Yr Widdfa).

Le joueur possédant le plus de PV remporte la partie, et en cas d’égalité… on en fait une nouvelle en changeant de couleur mais en gardant les mêmes lignes.

La salade de points exigera naturellement la prise de notes (Foothills ne propose pas de bloc de score), et probablement la vérification du total adverse (une erreur est si vite arrivée). Heureusement, les valeurs restent assez faibles pour ne pas mobiliser une calculatrice et pour que chaque point ait son importance. La progression de chacun reste de la sorte lisible tout au long de la partie, et la lutte pour le moindre point n’en est que plus acharnée !

 

Snowdonia paysage

Foothills, encore un doublé gagnant ?

En observant la boîte de Foothills, je craignais qu’il n’ait pas l’élégance mécanique de Caverna ou Patchwork, dont le format plus compact recelait un matériel moins varié, par conséquent plus simple à appréhender. Il suffit cependant de se lancer dans les règles pour comprendre que la parenté entre tous ces titres est réelle, et aboutit à nouveau à un bijou de clarté et d’intuitivité, tant dans ses règles assez admirablement construites (où ne manquerait que la numérotation des éléments lors de la mise en place) que sur ses cartes à la pictographie impeccable, parfois assortie d’un texte redondant mais court et direct. Foothills se caractérise cependant bien par une plus grande variété de gameplay, qui élargit sa rejouabilité et offre une courbe de progression importante malgré la compréhension rapide de son système de jeu élémentaire. Il ne faudrait alors surtout pas se laisser rebuter par sa froideur thématique et matérielle initiale, quand l’expérience proposée colle si bien à tout ce que l’on attend d’un bon Lookout/Funforge en termes de dynamisme, de rigueur et de fluidité !