Penny Papers Adventures : Valley of Wiraqocha, le petit jeu qui a tout compris au roll & write

 

Après Welcome, excellentissime roll & write… sans roll, et Patchwork Doodle, où l’unique dé ne marquait que le choix de la figure à dessiner, si on testait enfin un vrai roll & write ? Or il se trouve que l’excellent éditeur Sit Down! (Bad BonesGravity SuperstarMagic Maze) s’est justement intéressé au genre pour sa trilogie Penny Papers, trois petits jeux à 13 euros 50 racontant la quête de sites oubliés par l’aventurière éponyme et Dakota Smith. Après The Skull Island et Le Temple d’ApikhabouLa Vallée de Wiraqocha est toujours conçu par le désormais inévitable Henri Kermarrec (Peanut ClubMission Calaveras) et illustré par Géraud Soulié. Jouable à partir de neuf ans, pour des parties de vingt à trente minutes grand maximum, Penny Papers Adventures : Valley of Wiraqocha s’adresse comme Welcome à un nombre potentiellement infini de joueurs, disons entre 1 et 100 puisqu’une boîte ne contient « que » 100 fiches.

Penny Papers

La Vallée de Wiraqocha

L’un des aspects qui rendent les roll & write si aimables est leur assimilation extrêmement rapide pour des parties immédiates, et pourtant tout à fait tactiques. Penny Papers ne déroge pas à la règle avec ses sept petites pages d’explications, claires et généreusement expliquées, et on ne déplorera ainsi que l’absence de crayons dans la boîte : alors que la taille fait penser à un jeu de voyage, achetable juste avant de prendre le train ou l’avion, on ne peut en fait jouer avec le matériel qu’elle contient, d’autant plus dommage qu’il n’y manquait pas d’espace pour les caler… Bien sûr cette absence est compréhensible : des jeux antérieurs l’ont rendue excusable (même Welcome en privait les joueurs), et il s’agissait de rester sous la barre symbolique des 15 euros, regrettons donc sans condamner, et prenons un crayon sans aigreur.

Chaque joueur s’empare ensuite d’une fiche Aventure, fort joliment imprimée comme il convient pour rester dans les standards élevés de notre époque, sur la face vierge ou celle occupée par quatre petits lacs, la même en tout cas pour tous. Et on est déjà prêts à jouer.

 

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Compétition de cartographes

N’importe quel joueur lance les trois dés, puis choisit de représenter les chiffres donnés par une face, deux ou trois, voire le résultat de la somme de deux faces ou des trois. On dispose ainsi de plusieurs possibilités, qu’il est assez aisé de peser rapidement, et pourtant suffisantes pour donner l’impression d’une grande personnalisation des résultats. Avec trois chiffres sur les dés (mettons 1, 3 et 5), on a tout de même quatorze options si je ne me trompe pas (1/3/5/1 et 3/1 et 5/3 et 5/1, 3 et 5/4 et 5/1 et 8/6 et 3/4/6/8/9), avec la seule obligation d’utiliser au moins une face, et de dessiner dans une case adjacente à une autre case contenant déjà un chiffre (orthogonalement ou en diagonale), ou au bord de la fiche au premier tour (pour l’entrée des aventuriers dans la vallée).

Sur les dés, les 6 sont remplacés par un symbole spécial. La face Dakota Smith (verte) permet aux joueurs qui le veulent de dessiner une hutte, une statue ou une mine sur leur fiche. Chacun de ces bâtiments ne peut être représenté qu’une seule fois (il vaut donc mieux ne pas laisser passer sa chance), et rapportera des points (on verra comment) en fonction de sa proximité avec des forêts, villes ou montagnes.

La face Penny Papers (violette) permet aux joueurs d’inscrire un nombre de leur choix entre 1 et 15 (la valeur maximale du jeu, somme des trois 5).

La face Serpent (rouge) annule les deux dés lancés en même temps. Quand il apparaît, les joueurs posent leur fiche au centre de la table, en prennent une autre, et dessinent un serpent où ils le souhaitent, avant de restituer la fiche à son propriétaire grâce à ses initiales, écrites dans le coin supérieur gauche. Une amusante manière de créer un peu d’interaction dans un type de jeu souvent très solitaire. Le serpent fait également perdre au joueur autant de points que la case adjacente la plus forte, à moins que grâce à Penny Papers ou à un 9 (et exactement 9), il décide de le barrer (mais il ne pourra malgré tout plus rien dessiner à cet endroit).

Une fois les résultats des dés appliqués, les joueurs peuvent décider de déclarer la découverte de vestiges ou de zones topographiques, une seule découverte par tour. Cinq cases adjacentes de valeurs toutes différentes peut constituer une forêt (5 points). Quatre cases adjacentes de valeur identique peuvent constituer une ville (6 points), deux villes d’une même fiche ne pouvant avoir la même valeur. Trois cases adjacentes d’une valeur de 6 ou plus peuvent former des montagnes (7 points). Trois cases alignées dont la case centrale est surmontée par une autre case, toutes ayant une valeur de 10 ou plus, constituent une pyramide (15 points).

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Quand une découverte est déclarée, on l’entoure pour bien la distinguer des cases n’appartenant à aucune découverte, une même case ne pouvant naturellement pas servir pour deux découvertes différentes. Pour un résultat encore plus lisible et joli, n’hésitez pas à utiliser des couleurs différentes pour entourer vos cases selon le type de découverte !

La partie s’achève quand un joueur a complété sa fiche.

Les joueurs ayant complété leur fiche marquent 7 points. Puis on calcule le nombre de forêts, villes, montagnes et pyramides que chacun possède. Les bâtiments découverts par Dakota Smith rapportent 2 points par case adjacente correspondant à leur spécialité, donc 16 points maximum si le joueur a parfaitement fait les choses : les forêts pour la hutte, les villes pour la statue, les montagnes pour la mine. On soustrait la case adjacente la plus forte près de chaque serpent non barré.

Le joueur avec le plus grand score remporte la partie, et en cas d’égalité, on ne regarde que les points marqués par les bâtiments – on parle d’explorateurs quand même ! Notez que comme pour Welcome et Patchwork Doodle, la phase de calcul des points est rendue nettement plus agréable et aisée par les bords de la fiche individuelle, où les sous-totaux sont représentables de façon très lisible.

 

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L’aventurier solitaire

Penny Papers AdventuresValley of Wiraqocha comporte comme il se doit un mode solo où le joueur doit tenter d’obtenir le meilleur score possible, désormais plus soumis à l’aléa des dés qu’en multijoueur. À moins de 89 points, il est un touriste (ce qui n’est jamais agréable à entendre, surtout pour une aventurière à la Lara Croft, entre 90 et 109 il n’est qu’un éclaireur, entre 110 et 129 un voyageur, et au-delà de 130 enfin un véritable explorateur.

Comme on s’en doute, la partie solitaire demande quelques aménagements, déjà en ce qui concerne la durée de la partie : l’interrompre quand le joueur achève sa grille lui laisse beaucoup trop de liberté, puisqu’il n’a plus la pression de la complétion d’un adversaire et peut se contenter de faire constamment la somme de tous ses dés pour remplir sa fiche de pyramides et de montagnes. Kermarrec a judicieusement fixé un nombre de tours de jeu, 25, avec une colonne très discrète de carrés à remplir après chaque tour au bord de la fiche. On ne la remarque même pas à plusieurs, et pourtant elle s’avère très lisible quand on y recourt, vraiment une jolie réussite de game design. Remarquez qu’une fiche comporte une soixantaine de cases, et qu’il est toujours possible d’obtenir le bonus de 7 points si on la complète, vraiment une bonne manière de lutter naturellement contre un impératif temporel.

L’autre problème vient du serpent, élément multijoueur par excellente. Désormais, tomber sur le serpent impose de le dessiner sur sa propre fiche à côté d’une case remplie au tour précédent. Si ce n’est pas possible, on peut dessiner le serpent sur la case libre de son choix.

 

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Penny Papersroll & write idéal ?

De la trilogie des Penny Papers, je ne connais que La Vallée de Wiraqocha, mais on m’a dit le plus grand bien du Temple d’Apikhabou, que j’ai donc hâte de tester également après l’expérience très plaisante de cet opus. C’est qu’on y trouve bien des dés, conformément aux obligations normales du genre, sans qu’ils introduisent le moindre chaos, puisque tous les joueurs doivent gérer exactement les mêmes dés – sauf en solo, où le chaos ainsi représenté est justement l’obstacle ludique à surmonter. Ils offrent plutôt une rejouabilité immense avec des parties qui ne peuvent pas se ressembler, sans renoncer à la rigueur sans laquelle un genre aussi cérébral n’a pas de sens. Et tout cela avec le luxe d’une touche d’interactivité, vraiment bienvenue, et une immersion thématique très correcte. On sent que Kermarrec n’a pas seulement fait un roll & write parce que tout le monde doit faire un roll & write, et qu’il a sérieusement réfléchi au cours de sa conception à des manières de respecter les codes du genre en les poussant à leur meilleur, trouvant chez Sit Down! une oreille attentive à la qualité éditoriale requise par une telle entreprise. Ne manquent que les crayons pour en faire un parfait jeu de voyage.