Mission Calaveras – gagnez la confiance du témoin… en accusant les autres !

 

La microbiologiste Nicole Gomez découvre dans un laboratoire mexicain un virus mutant au potentiel destructeur s’il se retrouvait en de mauvaises mains. S’emparant de se souche, elle contacte un journaliste états-unien pour être exfiltrée, mais elle le retrouve mort à l’heure de leur rendez-vous. C’est alors que six personnes interviennent, deux agents de la CIA, deux du KGB, deux de la DGSE, accusant toutes les autres agences du meurtre du journaliste, et assurant toutes être la meilleure piste pour Nicole.

Voilà qui ressemble fort au synopsis d’un jeu à rôle cachés, à la Time BombLoup-Garou… Que Mission Calaveras se joue de trois à six (idéalement à quatre ou six), pour des parties de moins d’une demi-heure, et soit vendu pour 17 euros 90 ne fait que confirmer l’apparente inscription dans ce genre. Or Henri Kermarrec (Peanut Club) a d’emblée cette originalité  de ne faire incarner Nicole à personne, et de faire ignorer complètement à l’ensemble des joueurs qui a pu tuer le journaliste. Intrigant, n’est-ce pas ? D’autant que les jolies illustrations de Philippe Auger donnent bien du charme à cette ambiance de fête des morts mexicaines, et que le jeu est édité par Gigamic (Flamme rougeGalèrapagosCosmic FactorySquadro) !

 

Mission Calaveras

L’arène des accusations

Les joueurs se répartissent en équipes : à quatre joueurs, deux équipes sont ainsi constituées, à six joueurs, trois équipes. Mais à trois et cinq joueurs, le joueur impair a un compagnon « fantôme », pour lequel il joue avec sa propre main, donc sans main propre, et pourtant considéré comme un joueur à part entière, pouvant faire perdre ou gagner son équipe. On comprend pourquoi je recommande Mission Calaveras à quatre ou six, bien que la solution du « fantôme » soit satisfaisante pour ne pas exclure les configurations impaires, elle n’est pas aussi plaisante que quand deux joueurs doivent communiquer pour faire coïncider leurs stratégies.

Les coéquipiers ne se placent pas l’un à côté de l’autre, mais de façon à ce que, dans le sens des aiguilles d’une montre, chaque joueur d’une agence joue une fois, puis chaque autre joueur de la même agence.

Chaque agent pioche trois cartes, le reste du deck étant placé sur l’emplacement dédié du plateau central.

Le joueur à l’air le plus innocent place enfin devant lui le pion Nicole. Vous ne jouez qu’avec des amis portant leur fourberie sur leur visage ? Envisagez un grand classique, la liste individuelle des films que chacun connaît et qui se déroulent au Mexique, celui dont la liste est la plus longue récupérant initialement la confiance de Nicole.

La mise en place est ainsi extrêmement rapide, et aidée par une boîte avec deux espaces de rangement, juste ce qu’il faut pour séparer les éléments. Il est par ailleurs possible d’accompagner sa partie d’une bande-son proposée sur le site de Gigamic. Je ne suis pas souvent favorable aux musiques de jeu, à cause de leur potentiel de déconcentration. Cependant, comme on le verra, Mission Calaveras s’avère assez simple pour que cette option puisse être envisagée dès les premières parties.

 

Mission Calaveras

Toutes les stratégies sont bonnes pour incriminer ses amis

Mission Calaveras ne contient en effet que deux types de cartes, les lieux (le Carnaval, l’Hôtel, l’Aéroport, la Cabine téléphonique et le Laboratoire) et les rebondissements, et à son tour, on se contente d’en jouer une.

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Un lieu peut être joué de deux manières différentes. Soit posé visible devant un joueur (soi, son coéquipier, un adversaire). Soit sur l’une des deux zones du plateau central, Innocent et Suspect. Si un même lieu est représenté deux fois devant le même joueur ou sur la même zone, les deux cartes sont défaussées.

Quant aux cartes Rebondissement, elles se contentent de déplacer une carte lieu d’un emplacement vers un autre, quel qu’il soit, toujours avec la contrainte de supprimer les deux cartes identiques se trouvant sur un même emplacement.

À chaque fois qu’un joueur pose une carte, il en pioche ensuite une nouvelle. Puis, à partir du moment où il y a deux lieux sur le plateau (deux dans la zone Innocent, deux dans la zone Suspect, ou un dans chaque zone), on vérifie si un suspect se dégage, exactement comme si la moindre phrase (« Tiens, n’étais-tu pas au café de l’aéroport ? ») devenait aussitôt une piste à considérer sérieusement.

S’il y a des lieux sur l’emplacement Innocent, tous les joueurs possédant ces lieux devant eux sont innocents. Si tous les joueurs sont innocentés sauf un, ce dernier est suspect. S’il y a des lieux sur l’emplacement Suspect, le joueur possédant le plus de ces lieux (et donc aucun lieu pour l’innocenter) est suspect.

 

Mission Calaveras

 

Quand un joueur est suspect, il prend autant de points de suspicion qu’il y a de cartes lieu sur les zones Innocent et Suspect. Après quoi on défausse ces cartes, et ces cartes uniquement – les lieux devant les joueurs restent à leur place. Le joueur possédant le moins de points de suspicion reçoit le pion Nicole qui symbolise sa confiance. En cas d’égalité, elle au joueur possédant devant lui le plus de lieux. En cas de nouvelle égalité, elle ne se déplace simplement pas.

La partie s’arrête dès qu’un joueur atteint les sept points de suspicion. Qu’importe qu’il soit le véritable coupable ou non, on ne le saura jamais. Tout ce qui compte, c’est que Nicole soit persuadée de sa culpabilité, et accompagne le personnage qui, à ce moment de la partie, a sa confiance. Cela implique qu’elle peut être persuadée de la culpabilité d’un agent du KBG, et accorder sa confiance à l’autre… ce qui fait gagner toute l’équipe ! Il peut alors être habile de faire porter volontairement les soupçons sur soi si cela peut accorder la confiance à son allié !

Mission Calaveras

Un jeu d’ambiance étonnamment rigoureux

Mission Calaveras bénéficie ainsi d’une identité artistique (il commence même par une courte bande dessinée) et mécanique, grâce à quelques intuitions très satisfaisantes : le jeu ne s’encombre pas de rôles cachés ou de bluff, le seul hasard vient de la pioche des cartes, et en dehors de cela, l’expérience est parfaitement cadrée : les possibilités sont trop limitées pour qu’on agisse à l’aveugle, et en même temps, elles sont assez variées pour qu’on ait toujours une bonne idée, un moyen de retourner la situation au désavantage d’un rival. L’établissement de la suspicion à chaque fois qu’un agent a joué a ainsi des airs de Red7, ce jeu de cartes où il fallait gagner à chaque carte, un procédé très astucieux pour ajouter tension et dynamisme à une expérience qui pourrait paraître sans prétentions si on y regardait avec négligence, et qui s’avère finalement bien plus tactique et plaisante que prévu !