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Unearth, le superbe jeu de placement de dés Monument Valley

Unearth, le superbe jeu de placement de dés Monument Valley

 

Western Legends est « le jeu de société Red Dead Redemption », Betrayal Legacy « le jeu de société Haunting of Hill House », Dice Throne « le jeu de société Overwatch », V-Commandos, comme T.I.M.E. Stories, une tentative de transposition d’Assasssin’s Creed, Adrénaline émule le rogue-likeZombie Tsunami le runnerLoony Quest le platformer… J’ai beaucoup ramené dans les titres de mes articles les jeux de société à quelque chose de supposément plus connu par le lectorat de Vonguru, des jeux vidéo importants, des genres, des séries, une manière facile et un peu vulgaire d’attirer l’attention, mais souvent fondée sur une évidence : Loony Quest s’inspire explicitement et profondément du platformer, la retranscription de la liberté dans l’Ouest états-unien ne peut pas de nos jours ne pas évoquer Red Dead Redemption, et si Rob Daviau travaillait à Betrayal Legacy bien avant que quiconque entendre parler de The Haunting of Hill House, leur sortie conjointe était une coïncidence assez amusante pour être notée – même si la série disparaîtra probablement des mémoires, rendant mon titre incompréhensible.

Quand on regarde Unearth, le même genre d’évidence saute aux yeux, et même si le jeu de Jason Harner et Matthew Ranson n’a mécaniquement rien à voir avec la résolution de puzzles labyrinthiques, on ne me fera pas croire que les artistes Jesse Riggle et David Pietandra n’ont pas tiré du premier Monument Valley l’inspiration directe des tours escheriennes en low-poly qui constituent son univers. Le parallèle est si flagrant qu’il fallait l’évoquer dès le titre, pas tant pour poursuivre une tendance « putaclic » que parce qu’il s’agit d’un véritable argument de vente. Sans adapter une application dont le style est honteusement pastiché, la comparaison spontanée donne envie de s’intéresser à un jeu aussi original et beau, et je confesse que c’est ce qui m’a convaincu de tester le jeu bien avant de m’être penché sur ce qu’il apportait !

Et vous pouvez être d’emblée rassurés, Unearth mérite votre attention par-delà ses graphismes magnifiques. C’est pourquoi il a intéressé l’éditeur Asmodée, qui l’a récemment localisé (alors que je jouais à la version originale de Brotherwise Games) pour le vendre à 26 euros 90 ! De quoi ravir les joueurs de huit ans et plus pendant de belles parties d’une demi-heure à une heure (selon que l’on soit deux, trois ou quatre) ! Encore faudrait-il savoir dans quoi ils s’embarquent : il est temps de parler du jeu à proprement parler.

 

 

Jeu de dés et de souvenirs

Une fois n’est pas coutume, Unearth repose sur un scénario mélancolique, une ambiance qui n’est pas si différente de celle de Monument Valley et qui confère comme une grandeur triste à l’architecture d’Unearth. Chaque joueur incarne en effet une petite tribu de cinq explorateurs, représentés par cinq dés d’une couleur (trois d6, un d8, et un d4), en quête de son passé mythique et de souvenirs sur la catastrophe qui a ébranlé une civilisation merveilleuse et inventive pour ne plus laisser place qu’à des nomades éparpillés. D’autres tribus réclament cependant le même héritage, et une seule pourra restaurer la civilisation dans toute sa gloire, celle qui aura le mieux montré son attachement aux ruines et sa capacité à construire des merveilles.

On commence par placer toutes les tuiles Pierre dans le sac de toile inclus dans la boîte. Puis on mélange le deck de fouille pour en distribuer deux cartes à chaque joueur. Une carte du deck Ruines est également donnée face cachée à chacun, seul son propriétaire ayant le droit d’en prendre connaissance. On admirera déjà le charmant jeu d’échelles : les cartes Ruines sont immenses, de la taille de cartes de tarot, tandis que les cartes de Fouilles illustrant les actions des explorateurs ont la taille d’un pouce., et que les tuiles Pierre ne sont pas beaucoup pus grandes qu’un dé. Ce seul jeu d’échelles a ainsi quelque chose d’immersif, retranscrivant l’immensité de l’ancienne civilisation en comparaison de la dérisoire tribu qui s’en proclame la descendante.

 

Unearth cartes

 

Afin de rajouter de l’aléa, on retire du jeu cinq cartes du deck Ruines et on ne pioche aléatoirement qu’une des cinq cartes Fin de l’Âge, placée tout en bas du deck Ruines pour annoncer la conclusion de la partie. Cinq cartes Ruines sont alors révélées au centre de la table, le hasard procédant à leur sélection influant naturellement sur la stratégie des joueurs en début de partie. Chaque carte Ruine porte deux valeurs, la valeur à atteindre pour la récupérer et le nombre de tuiles Pierre qu’il faut piocher dans le sac et placer sur la carte.

On place également sur la table autant de cartes Merveille qu’il y a de joueurs plus deux, et sur chacune les jetons Merveille correspondants. Cartes et jetons inutilisés sont replacés dans la boîte. Enfin, on y dispose les cartes Merveilles supérieures et Merveilles inférieures, sur lesquelles on place face cachée les jetons du même nom.

Notons qu’à deux joueurs, on retire 10 cartes Ruines et on n’en révèle que 4 (au lieu de 5 et 5), mais que le placement et les règles sont en dehors de cela inchangées.

 

Comment on réclame une civilisation

Les joueurs jouent l’un après l’autre, dans l’ordre des aiguilles d’une montre, mais les tours sont assez courts, divisés en seulement deux phases dont la première est optionnelle. On peut en effet en début de tour jouer des cartes Fouille de sa main, dont les effets s’appliquent aussitôt. Il peut s’agir de relancer un dé déjà en jeu, d’augmenter ou de diminuer la valeur du prochain dé ou d’un dé en jeu… Sachant qu’un dé ne peut jamais avoir après modification une valeur supérieure à sa valeur maximale, ou inférieure à 1.

Pendant la deuxième phase, obligatoire, on déclare quel dé on va lancer et sur quelle Ruine on va ensuite le placer, avant de s’exécuter : c’est le lancer d’excavation.

À la manière de Smash Up, on vérifie alors si le total des dés sur une carte Ruines est supérieur à sa valeur. Le cas échéant, celui dont le dé a la valeur la plus élevée la récupère. En cas d’égalité, il faut posséder le plus gros dé (l’explorateur le plus important). En cas de nouvelle égalité, on regarde le deuxième dé de chaque joueur, puis le troisième, etc. Si l’égalité est parfaite, la ruine est perdue pour tout le monde. Les joueurs perdant une Ruine sur laquelle ils ont des dés piochent autant de cartes Fouille, quitte à mélanger la défausse pour constituer un nouveau deck. Puis tous récupèrent leurs dés et une nouvelle Ruine est piochée pour remplacer l’ancienne.

 

Si l’on obtient un 1, un 2 ou un 3, avec quelque dé que ce soit, on récupère une Pierre de son choix sur la Ruine où l’on place son dé, ou on pioche une tuile à l’aveugle s’il n’y en a plus. Chaque nouvelle Pierre est immédiatement ajoutée à son Tableau, connectée aux autres Pierres déjà placées, et sert à construire les Merveilles, constituées de six tuiles Pierre disposées en cercle avec un hexagone vide en son centre. Si toutes ces Pierres sont de la même couleur, on construire une Merveille supérieure, sinon on érige une Merveille inférieure. Mais l’idéal est de construire une Merveille baptisée en respectant  ses exigences, quatre Pierres noires et deux Pierres d’une quelconque combinaison de couleurs pour le Temple du Destin, trois fois deux Pierres identiques pour le Cénotaphe obscur…

Au jeu de dés, naturellement très hasardeux mais intéressant parce qu’on peut décider de s’y confronter à ses adversaires ou de viser d’autres Ruines, et parce qu’on peut contrôler les dés avec ses cartes Fouille, Unearth ajoute ainsi un jeu de puzzle géométrique, qui peut influer sur le choix des Ruines pour obtenir des Pierres précises, et que l’on construit au fur et à mesure d’un seul tenant, dans une amusante juxtaposition d’hexagones qui peut s’avérer très tactique quand on vise des Merveilles baptisées.

Arrive un moment où l’on dévoile la carte Fin de l’Âge à la fin du deck Ruines. S’il s’agit de l’une des deux Ruines, on l’ajoute simplement aux précédentes, s’il s’agit d’un des trois événements, on l’applique : tous les joueurs peuvent ainsi être amenés à piocher trois cartes Fouille, pour des derniers tours de jeu plus agressifs, ou tous les dés peuvent gagner/diminuer en valeur jusqu’à la fin du jeu. Celui-ci s’achève quand toutes les Ruines ont été réclamées, après une guerre à l’intensité croissante au fur et à mesure que leur nombre diminue, et que même les plus pacifiques doivent s’attaquer à des Ruines déjà occupées.

Il est enfin temps de dévoiler la Ruine cachée reçue par chacun en début de partie, et ajoutée aux Ruines réclamées. On en observe les couleurs : une seule Ruine d’une couleur rapporte 2 points, deux de la même couleur 6, trois 12, quatre 20 et les cinq 30, plus 5 points si on possède une Ruine de chaque couleur (voire 10, 15, 20 points si l’on possède plusieurs sets de Ruines de chaque couleur). On y ajoute les points inscrits sur les tuiles Merveille, et 5 points si l’on est parvenu à construire trois Merveilles ou plus. En cas d’égalité, il faut posséder la Ruine la plus prestigieuse (la plus chère), ou plus de Ruines de la valeur la plus élevée que les autres, ou plus de Ruines de la deuxième valeur la plus élevée, etc. Contrairement à d’autres jeux, il est rare d’en arriver là dans Unearth !

 

Unearth, jeu d’ambiance, plaisir des yeux ?

Frustré par le hasard, un joueur (Arthelius) propose quelques variantes à Unearth dans un article posté sur Trictrac, notamment la possibilité de choisir sur quelle Ruine on pose un dé après l’avoir lancé, de jouer les cartes Fouille à tout moment et pas seulement au début de son propre tour, donc y compris pendant le tour de ses adversaires, et d’attribuer le bonus de 5 points au joueur possédant le plus de Merveilles plutôt qu’à tous ceux qui en possèdent trois ou plus. On peut également imaginer la révélation de la carte Ruine distribuée aléatoirement à chaque joueur (ou sa suppression), la distribution de plus de cartes Fouilles, et simplement pour plus de variété l’utilisation d’une carte Merveille supplémentaire… Bref il y a de quoi faire, et si ces idées altèrent évidemment les règles du jeu, la manière dont Unearth a été conçu, admettons qu’elles ne donnent pas à celui qui les pratique l’impression de trop en trahir l’esprit, seulement un sentiment de contrôle accru dont certains joueurs peuvent légitimement avoir besoin pour échapper aux désagrément du hasard. Même si le jeu ne nous invite pas à cette réappropriation, elle est une grande force, puisqu’elle permet de choisir entre un Unearth plutôt party-game (mais un party-game très sympathique et plus tactique que beaucoup) et un Unearth plus sérieux et réfléchi, d’ailleurs tout aussi bon dans son genre.

Quoi qu’on choisisse, conformité aux règles ou altération, Unearth possède plusieurs qualités indéniables, sans même parler de ses graphismes bien plus convaincants à mon avis que le low-poly froid de Ganymède. Alors que les règles en sont courtes, simples, très clairement expliquées dans le livret et sur les aides de jeu, il a plus de caractère que beaucoup de « petits » jeux d’ambiance grâce à sa cohérence thématique et à son agréable conciliation de mécaniques variées, et plus de potentiel pour marquer ceux qui le pratiquent qu’on aurait pu le croire.

 

 

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