IKI – chafouineries et incendies chez les artisans d’Edo
Après une assez longue pause du blog, trop accaparé par mon travail pour les Lucky Duck Games et quelques projets personnels liés aux comics notamment, je suis ravi de revenir à la critique de jeux de société pour VonGuru à l’occasion du test d’IKI, défendre un coup de cœur étant évidemment toujours plus motivant que de chroniquer un titre n’ayant pas besoin d’autre médiatisation ou surtout la méritant moins. Annonçons donc d’emblée qu’IKI obtient notre VG Award, prix décerné moins d’une dizaine de fois jusqu’ici (mais qui devrait encore l’être trois ou quatre fois avant la fin de l’année), à Mystic Vale, l’ensemble de La Vallée des Marchands, Rajas of the Ganges et Dice Charmers, Demeter et Varuna, Le Dilemme du Roi, Roll Player, Pour la Reine. Une distinction que vous comprendrez mieux en lisant mon article sur la notion d’influenceur et la culture du coup de cœur permanent.
Dans IKI, vous parcourrez une rue commerçante du quartier de Nihonbashi, à Edo (ancien nom de Tokyo) pendant le shogunat des Tokugawa, qui en firent précisément leur capitale, dépouillant partiellement Kyoto de son importance. Sur une année entière, vous recruterez ainsi des artisans et marchands, les mènerez à la retraite, essayant de leur faire éviter un départ précipité dans l’un des nombreux incendies des nagayas (les maisons accueillant plusieurs boutiques), afin d’accumuler le plus d’iki (de bonheur en gros, de quoi gommer un tout petit peu la dimension très capitaliste du jeu).
Réédition d’un jeu de 2015 conçu par Koota Yamada, IKI a bénéficié d’un développement supplémentaire par l’équipe de Sorry We Are French (Demeter, Ganymede, Varuna, Paris 1889…), auxquels on peut se fier pour travailler l’équilibrage d’un titre, et d’ailleurs bien entendu approuvé par l’auteur originel, quand ce n’est pas directement à son initiative. On appréciera d’ailleurs le carnet d’auteurs conséquent (en 9 parties !) et passionnant consacré par SWAF au travail sur IKI, et qui prouve (si besoin était) très précisément le soin apporté tant au thème qu’aux mécaniques. Le neuvième article détaille d’ailleurs les nouveautés par rapport à la première version du jeu, et ne la connaissant pas, j’aime mieux vous y renvoyer que de recracher sans le comprendre un travail bien mené par les premiers intéressés.
Illustré par David Sitbon (on y revient), IKI est vendu 50 euros sur Philibert, et s’adresse à 2 à 4 edokko (enfants d’Edo) de 14 ans et plus. Je le recommanderais plutôt à 4, où la tension est plus forte et plus amusante – vous comprendrez bientôt pourquoi – puis à 2 (où l’on joue sur le verso du plateau) et enfin à 3, parce que l’on y joue sur le même plateau qu’à 4, sans aménagements. Attention, IKI reste excellent dans toutes les configurations, il me semble seulement qu’on en profitera plus pleinement dans certaines que dans d’autres. On détaillera ici les règles pour 3 et 4, sans revenir sur les ajustements pour 2, qui respectent tous les principes du jeu.
Estampes ou David Sitbon ?
IKI arborait en 2015 une direction artistique inspirée des estampes japonaises, ce qui était parfaitement cohérent avec un jeu se déroulant pendant l’époque d’Edo, « âge d’or » au cours duquel est précisément né l’ukiyo-e. Si ce graphisme faisait « authentique », il faut admettre qu’à côté de quelques réussites, plusieurs estampes étaient aussi franchement ratées, bien loin d’Hokusai, Hiroshige ou Utamaro. J’en profite pour vous recommander l’excellent Ivre de femmes et de peinture d’Im Kwon-taek, que je préfère malheureusement à l’Utamaro de Mizoguchi ou à Miss Hokusai, qui se seraient davantage imposés ici, mais qui montre au moins très bien un peintre (le Coréen Jang Seung-eop) développer son art vers cette époque (en fait juste après l’époque d’Edo).
Cette direction artistique avait ses amateurs, qui n’ont pas hésité à le faire savoir quand SWAF a annoncé avoir confié les illustrations de cette réédition à leur artiste maison, David Sitbon, dont le talent m’avait tellement convaincu au moment de traiter Paris 1889 que j’avais tenu à prolonger mon article avec son interview.
Premièrement, ce changement permet à l’éditeur de marquer la différence entre les deux versions. Ce nouvel IKI n’est pas une localisation, c’est pleinement un jeu SWAF, et bien loin de se contenter d’être un simple nouveau tirage, il a (on l’a déjà dit) bénéficié d’un travail soigné de développement pour l’affiner voire le corriger. Il n’y aurait donc pas eu grand sens à en faire un jumeau du premier IKI, et quitte à rappeler les différences, autant qu’elles soient évidentes.
En outre, il est difficile en regardant la boîte d’IKI, puis en l’ouvrant, de ne pas être immédiatement hypnotisé par la beauté des tableaux de David Sitbon, dont la picturalité lyrique est évidemment loin du minimalisme des premières estampes, mais crée un univers chaleureux et vivant, dont j’ai pu observer à quel point il attirait les regards des passants quand j’y jouais en public.
IKI ne portant d’ailleurs pas sur les estampes, on est loin d’une trahison thématique, seulement dans la recherche d’une fidélité, d’une authenticité différentes, plus consensuelles et modernes – dans le meilleur sens des deux termes.
Les puristes possédant de toute manière déjà leur « vieil » IKI, ils comprendront assurément que ce nouvel IKI sera plus propre à plaire en 2021.
Artisans et pompiers
Commençons par un petit pinaillage – le pléonasme est volontaire tant le regret est loin d’avoir gêné mon plaisir ludique : IKI est vendu dans une version internationale franco-anglaise, et donc forcément plus anglaise que française, au point que la couverture ne porte guère que le nom du concepteur, celui de l’illustrateur, le titre universel (« iki » signifiant « vie » ou « élégance » en japonais) et le sous-titre… A Game of Edo Artisans, tandis que les cartes ne sont nommées qu’en anglais, une traduction étant au moins proposée dans le livret de règles.
On imagine bien que publier séparément versions française et anglaise aurait représenté une réflexion éditoriale et un coût importants, que nous consommateurs n’aurions probablement pas aimé amortir, mais bien sûr, en tant que défenseur du français (et même professionnel de la langue française), je ne pouvais pas ne pas remarquer une anglicisation qui perturbe un tout petit peu le thème – nous recrutions « un artisan », pas un « eyeglass peddler » et donc pas un « vendeur de lunettes ».
Bref, ce détail est vite oublié une fois IKI déballé et mis en place, assez rapidement d’ailleurs, puisque la quasi-totalité du matériel se répartit en trois catégories, ce qui est propre à chaque edokko, ce qui est propre à chaque saison (une manche de trois tours) et la réserve commune de ressources. La première fois, cela pourra vous effrayer, d’autant que venant de dépuncher les éléments, vous pourrez avoir l’impression d’un certain foisonnement, mais vous vous apercevrez bien vite qu’il n’y a pas tant de matériel qu’on aurait pu le croire d’abord, et que tout remplit un office très clair. Et puis la rue commerçante du plateau principal en vue zénithale, les premiers artisans prêts à être recrutés et les bâtiments prêts à être construits, ou les pièces trouées (les mons) et le bois, matérialisé de façon assez charmante sous forme de trois bûches superposées, séduisent assez pour avoir envie de savoir ce que l’on va en faire.
La séduction est aussi d’emblée mécanique. Vous savez combien j’aime les jeux impliquant les participants dès la mise en place. Dans IKI, chacun choisit une carte Personnage de départ (sur 4) dans le sens contraire à l’ordre du tour et le place à l’extrémité d’un nagaya. Ainsi un edokko normalement un peu pénalisé par le fait de jouer le premier tour après les autres aura-t-il l’avantage assez considérable d’occuper un emplacement stratégique, soit pour « réserver » la boutique qu’il convoite le plus, soit pour se positionner là où il imagine bien que les autres voudront passer – soit les deux bien sûr. En effet, comme on le reverra, tous les edokko peuvent faire appel à tous les artisans, mais utiliser un artisan adverse l’améliore, de sorte qu’on évaluera soigneusement quand on a plus à y gagner que les autres.
Vous savez aussi combien j’aime les jeux où l’ordre du tour est un enjeu mécanique, et pas automatiquement horaire. Or s’il est aléatoire pour le premier tour d’IKI, pour les 12 tours suivants il se fait selon la progression sur la piste de lutte contre les incendies. Une piste que l’on peut négliger pour son intérêt le plus évident, au moins partiellement, mais à laquelle cette détermination de l’ordre du tour ajoute une importance capitale.
Plus précisément, être premier sur la piste de lutte contre les incendies ne permet pas de jouer avant les autres : cela permet de placer son ikizama avant les autres sur la piste Ikizama, et c’est le placement sur cette piste qui déterminera dans quel ordre on déplacera son oyakata (son chef de quartier, le meeple faisant nos emplettes). La première case permet bien de déplacer son oyakata d’une à 4 cases… mais en sautant le début de la seconde phase du tour, remplacée par le gain d’1 mon, quand les cases suivantes contraignent à déplacer son oyakata d’1/2/3/4 emplacements, pas moins.
En dehors de l’edokko ayant éventuellement choisi la première case pour son ikizama, tous ont le choix entre gagner 4 mons et recruter un personnage pour le coût en mons indiqué sur sa carte. Un personnage recruté est immédiatement placé sur un emplacement libre du plateau, la case la plus basse de sa piste d’expérience étant occupée par l’un de nos quatre kobun, une manière à la fois de rappeler qui l’a recruté et de noter son éventuelle progression pour les tours à venir.
Puis, tous les edokko déplacent leur oyakata du nombre d’emplacement indiqué sous leur ikizama. La rue est composée de 8 emplacements pour l’oyakata, correspondant aux 8 boutiques et donc à 16 emplacements pour les artisans (deux maximum par boutique). Après avoir déplacé son oyakata, on peut réaliser l’action de la boutique et celle de l’un des deux artisans qui y sont présents, une seule des deux ou aucune.
Les boutiques sont toujours les mêmes :
- l’une vend 2 sandales 2 mons (les sandales pouvant être dépensées pour avancer son oyakata d’emplacements supplémentaires) ;
- la seconde vend 2 sacs de riz 3 mons ;
- la troisième fait avancer son marqueur de lutte contre les incendies d’une case ;
- la quatrième permet d’acheter une blague à tabac et/ou une pipe (ces éléments rapportant des ikis en fin de partie, et une pipe doublant la valeur de toutes les blagues à tabac) ;
- la cinquième permet de vendre 1 sac de riz ou 1 sandale pour gagner 4 mons ;
- la sixième permet, pour 1 mon, d’acheter 1 sac de riz ou de construire l’un des 6 bâtiments dévoilés en début de partie (sur un total de 10 présents dans la boîte), en ajoutant au mon le prix du bâtiment en question. Le bâtiment en question est alors placé avec un kobun sur un emplacement d’artisan, le réservant définitivement (du moins jusqu’à subir un incendie) alors que sauf exception, son effet ne concerne que le décompte final !
- le septième permet d’acheter l’un des deux poissons. Comme les pipes et blagues à tabac, un poisson acheté n’est pas remplacé immédiatement, mais tous les poissons sont défaussés et remplacés à la fin d’une saison.
- le huitième emplacement permet de gagner 2 mons ou de payer 6/10 mons pour acheter 1/2 kobans (des pièces d’or).
Enfin, après chaque tour complet du plateau (donc à chaque fois que l’oyakata dépasse la huitième boutique), tous les artisans de l’edokko à qui appartient l’oyakata gagnent un niveau d’expérience.
Une fois l’oyakata déplacé et l’effet de la boutique éventuellement accompli, l’edokko peut donc s’il le souhaite appliquer l’effet de l’un des deux personnages maximum présents dans cette boutique, classiquement gagner mons, sandales, bois, iki, avancer sur la piste de lutte contre le feu, mais parfois aussi construire un bâtiment en payant 1 bois ou 1 koban de moins, faire monter le niveau de l’un de ses artisans ou intervertir deux artisans du plateau !
Or comme on l’a dit, on peut tout à fait recourir à un personnage adverse, à condition de le laisser monter d’un niveau, de sorte que le plateau commun est enrichi par tous les joueurs, garantissant entre autres une variété parfaite des parties et un véritable intérêt à comprendre ce que les autres convoitent.
Si à la fin des deux premiers mois de chaque saison, on se contente de placer 1 mon sur chaque personnage non acheté et d’en ajouter quatre nouveaux, à la fin de chaque saison (chaque ensemble de trois mois), on procède en effet au bilan des comptes : on y défausse les poissons, pipes, blagues à tabac et personnages de la saison écoulée pour les remplacer par les éléments de la nouvelle saison, et surtout, les edokkos perçoivent le revenu de chaque artisan, c’est-à-dire le bonus indiqué dans la case juste au-dessus de celle où se trouve son kobun.
Et vous l’aurez compris, plus son niveau (donc la case où se trouve le kobun) est élevé, plus le gain est généralement important. En outre, si le kobun avait atteint la case la plus haute de sa carte Artisan – et cela va généralement assez vite, la piste n’étant composée que de trois ou quatre cases – l’artisan part à la retraite. Il est alors placé par son propriétaire sous son plateau personnel, et continuera d’octroyer son bonus le plus élevé à chaque tour, sans plus occuper d’emplacement sur le plateau !
MAIS on procède ensuite au bonus d’harmonie des nagayas. C’est-à-dire que pour chaque nagaya où sont présents deux personnages du même type/de la même couleur (artisan, colporteur, spécial, maître, marchand), chaque edokko gagne autant d’iki qu’il a de kobuns multipliés par le nombre de personnages de ce type. Ce qui implique bien entendu que pouvoir déplacer deux personnages du plateau peut complètement renverser les espoirs d’un edokko, ou mieux encore, que faire partir un personnage adverse à la retraite (ce qui est normalement bénéfique) peut aussi l’empêcher de marquer ce bonus d’harmonie (puisqu’il ne sera plus sur le plateau) !
Enfin, notons que les emplacements à l’extrémité droite de chaque nagaya constituent un cinquième nagaya, de sorte que les cartes qui s’y trouvent sont comptabilisées pour les bonus d’harmonie de deux nagayas distincts, ce qui explique en partie le supplément de 2 mons à payer pour ces emplacements…
Après ce bonus d’harmonie, il ne reste plus qu’à payer un sac de riz par personnage que l’on possède sur le plateau principal, ou à défausser les personnages quand on n’a pas assez de riz – inutile de dire que les personnages rapportant du riz monteront vite en niveau…
C’est l’occasion d’un ultime pinaillage : les personnages à la retraite ne coûtant plus de riz, vous devez pouvoir profiter de la modeste aide visuelle des kobuns encore présents sur votre plateau personnel pour savoir combien vous devrez dépenser de sacs pour les personnages sur le plateau commun. Or… on ne nourrit pas non plus les kobuns présents sur les bâtiments. Cela se tient évidemment, mais ajoute une petite règle contre-intuitive à un échafaudage que je trouve sinon si élégant.
« En partie » disais-je en parlant du surcoût de certains emplacements, parce que l’autre partie est liée aux incendies. À la fin des 5ème, 8ème et 11ème mois a en effet lieu un incendie de force 5/8/10 dans un nagaya tiré au sort. Le feu se déclare à l’extrémité gauche du nagaya et se propage vers la droite, détruisant tout personnage qui s’y trouve, à moins que le propriétaire d’un personnage soit assez loin sur la piste de lutte contre les incendies pour l’éteindre, protégeant aussi les personnages suivants.
Or plus le feu avance dans le nagaya et plus il perd en intensité, de sorte que placer ses personnages (et ses bâtiments !) le plus à droite possible les prémunira mieux contre les flammes, même si cela ne collera pas toujours aux emplacements disponibles, aux moyens des edokkos (2 mons, ce n’est pas rien) ou même simplement aux boutiques auxquelles on a l’intention d’associer un personnage.
Cela peut rappeler Troyes (Dice), qui proposait également une mécanique de destruction à laquelle on pouvait se préparer à condition de renoncer à d’autres actions, mais je l’ai trouvée plus intéressante dans IKI en ce que vous pouvez très bien vous prémunir complètement contre tout incendie, et même assez aisément, tout en vous assurant un bon placement dans l’ordre de tour. Si le hasard frappe l’un de vos personnages ou bâtiments, vous ne pourrez donc vous en prendre qu’à vous-même, plus qu’à un supposé chaos du jeu.
A contrario, un joueur chanceux misant sur les iki plutôt que sur la piste de lutte contre les incendies s’assure ainsi un véritable avantage, de sorte qu’il faudra bien déterminer quels risques on est prêt à prendre quand approche chacun des trois incendies, échéance aussi redoutable que le nourrissement des artisans. N’oublions pas de préciser… que la mort d’un personnage pourra parfois être assez arrangeante, économisant une bouche à nourrir quand le bonus qu’il octroyait n’était pas/plus si nécessaire. Après tout, la possibilité de profiter des personnages adverses, et la rapidité avec laquelle un personnage peut partir en retraite, détache un peu émotionnellement de chaque personnage pris individuellement, même si l’on tâchera bien entendu d’en profiter au mieux.
Et au terme de 12 mois, on a accès à un 13ème tour (le Nouvel An), où il s’agit simplement de poser son oyakata où on le souhaite, sans passer par l’ikizama ou les contraintes de déplacement, espèce de super-action bonus très ingénieuse en ce qu’elle évite toute frustration finale de n’avoir pu accomplir l’action convoitée à cause de quelques pas manquants pour notre oyakata.
Aux ikis marqués en cours de partie, on ajoute 1 à 25 iki selon la variété des personnages recrutés (dans 1 à 5 types), 3 à 15 iki selon la variété des poissons achetés (1 espèce de poisson étant disponible à chaque saison, en seulement deux exemplaires), les ikis des blagues à tabac (fixes ou dépendant de l’argent restant, du type recruté le plus fréquemment, de la lutte contre les incendies…) doublés par la possession d’une pipe, les bâtiments, et une consolation pour les ressources restantes.
Mieux vaut IKI que là-bas…
Lauréat de notre VG Award, IKI est pour moi l’un des meilleurs titres de 2021, dans la catégorie des jeux de société experts indubitablement, encore qu’il appartient à ces jeux effrayants au premier regard par leur relative profusion de matériel et d’icônes, et dont on se surprend finalement à saisir très rapidement les principes, aidé en cela par d’efficaces rappels de règles sur les plateaux, par la rapidité et la fluidité des tours, et simplement par un système de construction de moteur fluctuant et interactif remarquablement fin.
Au cours de 13 mois, 13 tours répartis en 4 saisons et dynamisés par des décomptes, des renouvellements et des incendies, on déplacera ainsi son chef de quartier dans une rue marchande, consistant en boutiques globalement fixes, associées aux personnages (artisans, marchands…) posés par les joueurs.
On n’imagine pas le nombre de finesses dissimulées dans un résumé aussi plat, la détermination de l’ordre du tour, le choix contraint du déplacement, l’habile répartition des boutiques, les dilemmes liés à la pose des personnages, la possibilité de profiter des personnages adverses, les changements du plateau aussitôt que l’on s’y adapte, mais presque exclusivement par l’action des joueurs… IKI parvient à impressionner régulièrement, et s’offre même le luxe de quelques idées assez fun (le chaos des incendies auxquels on peut se préparer) et d’une chafouinerie qui ne vire jamais à l’agressivité bête et méchante, amusantes surprises qui égaient un jeu redouté comme froidement expert.
Et bien sûr, le travail éditorial et graphique n’est pas pour rien dans le plaisir procuré à tout instant par IKI, qu’on le pratique ou que l’on se contente d’y jeter un œil en passant. Les illustrations picturales de David Sitbon parfont le jeu, soulignant la chaleur créée par les mécaniques de Koota Yamada et de l’équipe de Sorry we are french, conférant une dimension contemplative à un jeu de commerce taquin, une surprise de plus pour une œuvre qui n’en manque pas – et toujours bonnes.