Jurassic World Evolution – Complete Edition, enfin LE jeu Jurassic Park ?
Sans aucune originalité, je suis un grand amateur de dinosaures et particulièrement de jeux de société les mettant en scène (Demeter, Dinoblivion, Jurassic Cats, bientôt Dinogenics, Dinosaur Island) parce que je suis toujours fasciné par la transformation d’un thème connu en gameplay, avec les limites, les intuitions et les ouvertures que cela manifeste. Il était donc assez logique que je me penche enfin sur une déclinaison vidéoludique de cette passion saurienne à l’occasion du portage Switch de Jurassic World Evolution : Complete Edition.
Développé par les experts en la matière de Frontier Developments (RollerCoaster Tycoon, Zoo Tycoon, Planet Coaster, Planet Zoo) et co-édité avec Universal, forcément, Jurassic World Evolution avait été initialement publié en 2018 sur Xbox One, PS4 et PC. Trois extensions étaient ensuite venues l’enrichir… toutes contenues d’emblée dans la mouture Switch, vendue 60 euros.
De quoi en faire LE city-builder de la console Nintendo, et plus généralement l’ultime simulation de Jurassic Park, ou au moins Jurassic World ? C’est ce qu’on va voir…
Une technique à jeter en pâture aux vélociraptors ?
La grande question, quand paraît un jeu pour Nintendo Switch, et a fortiori un portage, est celle de la capacité technique de la console à le supporter convenablement. Et on ne peut pas dire que Jurassic World Evolution brille particulièrement en la matière…
Dès la cinématique d’introduction (!), le joueur est en effet confronté à un violent clipping, les arbres couvrant l’île où se pose notre hélicoptère apparaissant et disparaissant selon le bon vouloir de la Switch, et la voix des personnages nous accueillant (intégralement doublées en VF) étant mal perceptibles sous la musique de John Williams. De quoi casser un peu le moment magique promis…
En mode nomade, les contours des bâtiments et des dinosaures, même vus de très près, sont légèrement floutés, ce qui arrange les performances en attaquant une qualité visuelle essentielle à l’argumentation du jeu. On préfèrera alors sans doute le docké, bien qu’il accuse des chutes de framerate et effets de clipping bien visibles dès qu’une île commence à être chargée, que l’on entre dans un véhicule pour une virée dans le parc ou qu’un événement météorologique violent assaille l’île. Dans les deux configurations (et j’ajouterais : sur une Lite comme sur une « vraie » Switch), ce qui vous fera le plus pester sera probablement le temps de chargement entre les différents menus des bâtiments…
Et si on parlait de dinosaures ?
Jurassic World Evolution ne se résume pas à ses difficultés techniques, loin de là, et le reste est globalement bien plus stimulant.
Déjà par l’immense respect porté à la licence, et la véritable collaboration créative entre Frontier et Universal : Ian Malcolm viendra régulièrement pimenter votre partie de ses remarques, et est doublé par Jeff Goldblulm himself en VO ; les différentes îles où vous allez ériger vos parcs sont exactement celles des films ; les dinosaures sont aussi ceux de la licence, plus de nombreuses additions que l’on n’y a pas (encore ?) vues ; la superbe partition de Williams est omniprésente… Le fan de Jurassic Park devrait être comblé.
D’autant que, comme vous vous en doutez, vous pourrez non seulement cloner des dinosaures très divers à partir de fossiles (pas le plus intéressant d’ailleurs, on envoie une expédition, on attend, on analyse l’ADN, on attend… de la micro-gestion de jeu mobile), et leur injecter des nombreuses mutations afin de modifier leurs caractéristiques et leur attractivité, puis les faire gambader dans des enclos adaptés à leurs préférences, mais aussi les mélanger dans lesdits enclos…
Et là, si vous pourrez faire attention à ne placer ensemble que des créatures vraiment pacifiques et très proches par leurs exigences environnementales, vous pourrez heureusement vous amuser « à la piscine des Sims », faire se croiser des espèces qui ne sont pas du tout au même niveau sur l’échelle alimentaire pour susciter des combats… renforçant le prestige des vainqueurs (le public aime le sang). En outre, il arrivera que des dinosaures s’échappent de leur enclos et sèment la zizanie parmi les visiteurs, le cauchemar de tout promoteur et le rêve de tout amateur de Jurassic Park !
D’autant que pour réparer une grille ou capturer les dinosaures, vous pourrez choisir de résoudre le problème plus efficacement en déléguant le travail au personnel dédié… ou le faire vous-mêmes en montant dans un véhicule, de la jeep… à l’hélicoptère, traquant le dinosaure en évitant d’écraser les visiteurs afin de l’endormir avec votre fusil à fléchettes tranquillisantes ! On ne le fera pas à chaque fois parce cela reste une tâche répétitive, mais quel plaisir de temps à autre de changer de gameplay pour sillonner en vue à la troisième personne le parc que l’on a construit !
L’occasion aussi de prendre de jolis clichés, Jurassic World Evolution récompensant les photos des dinosaures dans des situations jolies ou atypiques, qu’ils boivent à un point d’eau (auquel cas vous les suivrez en vue isométrique jusqu’à ce qu’ils se rapprochent d’un lac) ou qu’ils dévorent un visiteur (un accident, je vous jure !).
On appréciera énormément que les dinosaures soient si vivants dans leurs animations, leur vie et leurs réactions les uns aux autres, aux visiteurs, aux événements environnementaux… Mais on aurait aimé devoir créer des serres, des biotopes plutôt jurassique que crétacé, adapter les structures à leurs besoins les plus spécifiques quand ils finissent par se ressembler un peu dans leurs prérequis.
Et le parc là-dedans ?
C’est la question essentielle, parce que Jurassic World Evolution n’est pas vraiment le Tycoon que l’on aurait pu attendre, et qu’il est donc bon pour l’apprécier de savoir comment il se vend et ce qu’il prétend proposer.
J’ai ainsi été surpris que l’on ne puisse pas davantage personnaliser notre île. En 2018-2020, il paraîtrait pourtant essentiel de valoriser le partage d’images de nos parcs et de pousser les joueurs à comparer leurs plus belles élaborations, à s’admirer les uns les autres. Or les bâtiments ou la végétation restent rigoureusement identiques, leur disposition et celle des enclos ne suffisant bien entendu pas à « partager » notre île comme on partagerait notre monde Minecraft.
C’est d’autant plus dommage que les bâtiments eux-mêmes se ressemblent assez. Pas à s’y méprendre, évidemment, mais des designs plus uniques auraient pu rendre nos débuts plus intuitifs, et maintenir le plaisir de cliquer dessus pour la quantité de tâches que chacun peut accomplir, sans donner par moments cette impression de passer d’un bloc gris à un autre bloc gris, tantôt pour mener des explorations et tantôt pour créer des dinosaures. Était-il à ce point inimaginable de proposer au moins de les repeindre ou de leur coller des banderoles « Welcome to Jurassic Park » ?
De même, pour un jeu de gestion de parc, je n’ai pas eu la sensation que l’on gérait tant le public que cela. On doit bien prêter garde à ce qu’il soit diverti, mais je me serais attendu à créer un vrai parc d’attractions parallèle aux dinosaures, avec quantité de buvettes, boutiques, et autres sites commerciaux dérivés. C’est au point… que l’on ne gère pas le prix du ticket d’entrée (alors que j’aurais été vraiment curieux de moduler le prix d’un parc… à dinosaures, quand même !) et qu’on ne consulte pas l’affluence en temps réel. Le divertissement fait partie des trois pistes à approfondir (avec la sécurité et la recherche, logique) mais n’a pas l’ampleur que l’on pouvait lui rêver. Un peu décevant pour qui espérait un vrai Tycoon Jurassic Park.
D’autant que l’on reconstruira un parc sur chaque île, renforçant un sentiment de répétitivité – même si bien sûr chaque île offre son lot de nouveautés.
Puisque chaque île se résume à une succession de défis à réaliser les uns après les autres, avec quelques choix heureusement, on aura particulièrement plaisir à revenir régulièrement à Isla Nublar, notre île bac à sable, aussitôt qu’on l’aura débloquée, même en regrettant que ce que l’on a fait sur les îles scénarisées n’y ait pas d’impact.
Un peu moins de contraintes linéaires sur les îles de l’histoire (avec cette sensation de passer son temps à gérer des crises urgentes) et un peu plus de contraintes sur l’île bac à sable (dont l’argent illimité épuise l’impression de progresser) aurait assurément pu nous aider à profiter davantage des unes et des autres.
Cette gestion des îles est en dehors de cela assez bien menée pour satisfaire les newbies comme les aficionados du jeu de gestion – même si ces derniers devront aimer les dinosaures s’ils ne veulent pas s’ennuyer un peu. Jurassic World Evolution a en effet la bonne idée de proposer une notation sur cinq étoiles à chaque île, dont trois sont nécessaires pour débloquer la suite. Il ne sera ainsi pas difficile de progresser, mais obtenir le maximum sur chacune relève du challenge plus corsé, de la vraie optimisation d’espace et de flux.
Trois extensions pour le prix du jeu de base
Frontier Developments a eu l’excellente idée d’inclure les trois extensions de Jurassic World Evolution dans la cartouche Switch, en plus des quatre packs de dinosaures additionnels, une belle manière de ne pas juste donner l’impression de nous revendre à prix d’or un jeu de 2018.
La « plus importante » aux yeux de tout fan est la très chouette campagne « Retour à Jurassic Park » : juste après les événements du tout premier film, les protagonistes reviennent sur l’île et veulent reconstruire le parc à partir des débris laissés par ses événements. Une vraie histoire accompagne cette utopie, ponctuée de multiples clins d’œil, accessible dès le début du jeu.
Dans « Les secrets du Dr. Wu », on s’intéresse à Henry Wu, qui nous propose de visiter une installation secrète et de nous intéresser à des hybridations… On la débloquera après avoir progressé sur Isla Muerte.
Dans « Le Sanctuaire de Claire » enfin, il faudra à nouveau sauver les dinosaures de l’éruption du volcan sur Isla Nublar afin de les amener sur l’île du Sanctuaire. Mais tous les dinosaures ne pourront pas être sauvés, et il faudra s’assurer que la poignée de rescapés pourra vous permettre de recréer un parc complet et heureux malgré un sacrifice douloureux.
Bref une Complete Edition qui porte bien son nom !
Jurassic World Evolution : Complete Edition, enfin la possibilité de créer VOTRE Jurassic Park ?
On l’a vu Jurassic World Evolution peut s’avérer frustrant dans sa promesse de gestion de parc, et désagréable dans un portage insuffisant, affichant régulièrement ses limites, que l’on espère voir corrigées quand c’est possible – et il va de soi que l’on signalera ici quand ce sera le cas.
Mais Jurassic World Evolution est surtout un jeu conçu pour la mise en scène des dinosaures, et en cela, difficile de ne pas le trouver extrêmement satisfaisant. Le plaisir à les découvrir, à les faire vivre et même simplement à les voir vivre est palpable à chaque instant du jeu, dans un fantasme de fan auquel les trois extensions incluses avec le jeu de base apportent une générosité inattendue.
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