Last Bastion : le remake heroic fantasy de Ghost Stories !
Je n’ai jamais joué à Ghost Stories. Une lacune de plus, l’une de ces lacunes que l’on est peut-être forcé d’avoir quand on plonge trop tard dans le monde socioludique et ses milliers de sorties annuelles pour avoir pleinement le temps de s’intéresser aux classiques antérieurs. Mais j’en étais bien sûr curieux, d’autant que son éditeur Repos Production a acquis une immense réputation avec ses 7 Wonders, Time’s Up, Concept et bien plus tard Just One, et que, comme je le répète souvent, j’ai vraiment été introduit au « jeu de société moderne » avec leur City of Horror… Or pour célébrer les 10 ans de Ghost Stories, voilà que les « Belges à sombrero » publient Last Bastion, une rethématisation de Ghost Stories où un univers heroic fantasy remplace l’exorcisme japonais, toujours conçu par Antoine Bauza (7 Wonders, Tokaido, Namiji, Arkeis), toujours épaulé par le talentueux dessinateur Pierô (Deep Blue, Château Aventure, Dixit), à qui s’ajoute l’également talentueux Nastya Lehn (regardez-moi ça).
Last Bastion s’adresse à 1 à 4 joueurs, des configurations relativement équilibrées malgré une facilité sensiblement plus grande à 4, qui est aussi la configuration la plus immersive, donc ma préférée. Recommandé à partir de 14 ans, il est en fait tout à fait accessible à partir de 12 ans, voire un peu plus tôt avec un bon accompagnement initial, à condition que les illustrations souvent horrifiques ne gênent pas l’enfant. Les parties en dureront environ une heure – la couverture indique 45 minutes, mais on sait à quel point il est difficile pour un jeu de société, a fortiori français, d’avouer une durée de jeu de plus de 45 minutes sans faire peur, alors que la plupart de ceux qui revendiquent 45 minutes en durent au moins 60… Et on le trouvera pour 41 euros, un prix agréablement honnête compte tenu de la qualité du matériel et de la variété des illustrations.
Ghost Stories vs. Last Bastion
Comme je l’ai dit, je ne connais guère Ghost Stories que de nom et de réputation et tâcherai donc d’y faire aussi peu référence que possible. Il va cependant que soi que nombre de ludophiles seront spécialement curieux de leur comparaison, et je me permets donc de vous renvoyer à la vidéo assez détaillée de Zee Garcia, en anglais.
Une remarque tout de même sur la rethématisation, qui a beaucoup fait parler d’elle, et souvent en mal. Il faut en effet admettre qu’on est passé d’un univers assez original à quelque chose d’autrement plus générique, et il est difficile de ne pas le déplorer. Néanmoins, si l’heroic fantasy est aussi générique, c’est justement qu‘il est extrêmement populaire. Et puisque Ghost Stories avait un statut de classique sans s’être imposé commercialement comme un 7 Wonders par exemple, on peut comprendre que Repos Prod n’ait pas voulu prendre le risque de le ressortir tel quel, avec le coût que cela implique et la crainte que les possesseurs tout de même nombreux de l’ancien jeu ne s’intéressent pas du tout au nouveau.
En outre, et comme on l’a vu dans la vidéo et comme vous vous en rendrez compte dans mon test, Last Bastion ne se contente pas de modifier le thème de Ghost Stories. Il ne cherche pas tant à le renouveler qu’à en proposer une expérience plus fluide, mécaniquement plus accessible (bien que toujours aussi difficile à surmonter semblerait-il). Or on n’a pas trop l’habitude de voir sortir d’anciens jeux avec une v2 du matériel et des règles. Plus souvent, ce rafraîchissement passe par une refonte mécanique tout de même importante (Amun-Re, le jeu de cartes, Les Aventuriers du rail Express, Imhotep – Le Duel, Bruxelles 1897…).
Je comprends donc que pour un rafraîchissement plus fidèle à l’expérience originale, Repos Prod ait favorisé l’adoption d’un nouveau thème, de surcroît propre à faire revenir les auteurs. Un simple Ghost Stories v2 n’aurait été qu’un produit de studio, « améliorant » éditorialement Ghost Stories v1 sans impliquer Bauza ou Pierô. Assurément, leur proposer de reprendre le jeu pour en faire un nouveau avait au contraire de quoi stimuler leur créativité mécanique et graphique !
C’est bien sûr aussi un bon argument commercial, on ne va pas se mentir : même en possédant Ghost Stories, le fait de voir un jeu avec un nouveau titre, un nouveau thème et de nouvelles illustrations appâte l’intérêt. Est-ce habile ou bassement mercantile ? L’idéal, pour en juger, est assurément de se pencher sur Last Bastion !
Un dernier bastion que l’on a envie de défendre
On commence logiquement une partie de Last Bastion en mettant en place le bastion.
Pour cela, on place aléatoirement les 9 tuiles Bastion dans un carré de 3×3, et on l’entoure des 4 tuiles Enceinte. On a ainsi déjà une impression assez immersive de défendre une ville pleine de vie et de couleurs, entourée de murailles menacées (de nombreux archers y sont positionnés) depuis les 4 plateaux Horde (un jaune, un rouge, un bleu et un vert) qui s’y emboîtent.
Sur la tuile Bastion Étendard, on place la figurine d’étendard, sur la tuile Bastion Trébuchet la figurine de filet, et sur la tuile Bastion Carrière naine la figurine représentant un wagon d’explosifs.
Chaque joueur choisit alors l’un des 8 héros (quatre hommes et quatre femmes non-sexualisés dans des rôles non-genrés, merci !), dont il place la (fort jolie) figurine sur la tuile Bastion au centre de la ville et le plateau devant lui, exactement en-dessous d’un plateau Horde. Ce plateau conditionne la couleur du socle que l’on place sous la figurine et la couleur du jeton Équipement avec lequel il commence. Il y ajoute trois jetons Point de vie (adoptant de façon très vidéoludique la forme de cœurs à juxtaposer) et un jeton Appel aux armes.
Les héros possèdent tous un pouvoir distinct : le lancer d’un dé supplémentaire pour le puissant nain Kazgin, la récupération d’un équipement supplémentaire à chaque tour pour Arne grâce à son faucon Soko, la possibilité de combattre deux ennemis distants mais orthogonalement alignés à elle pour l’arbalétrière Twindalli, la possibilité de relancer les dés pour la guerrière arcanique Feng-Li (qui modifie donc le temps), l’envoûtement d’un monstre (qui perd un point de résistance) pour le barde Mylfaar…
On le voit, les pouvoirs sont liés assez logiquement au personnage qui les possède, ce qui les rend plus intuitifs encore, et on s’en rendra compte, tous ces pouvoirs sont extrêmement puissants, donnant assez invinciblement envie de changer de personnage après une partie pour les maîtriser tous.
Pour une première partie, je recommanderais d’en choisir un au hasard, ou en se fondant simplement sur son illustration, si vous êtes davantage prêt à vous incarner en fauconnier ou en paladine par exemple. Pour une deuxième, n’hésitez pas à choisir selon le pouvoir qui vous attire le plus. Au fur et à mesure des parties, on s’amusera sans doute plutôt à en piocher deux aléatoirement et à en choisir un. Mais si vous avez tendance à trop perdre (et vous perdrez beaucoup), vous reviendrez sans aucun doute au choix libre d’un personnage et d’un pouvoir avec lequel vous avez l’impression de survivre plus aisément.
J’avais par exemple le sentiment lors de ma première partie que Kazgin et Twindalli étaient des choix évidents : un dé supplémentaire et la capacité de tirer sur deux ennemis à la fois, y compris depuis la tuile centrale, semblaient particulièrement redoutables. Et puis on se rend compte qu’un déplacement supplémentaire ou un jeton Équipement par tour sont tout de même incroyablement utiles, et que diminuer la résistance des ennemis s’avère souvent crucial, bref que les huit héros sont extrêmement intéressants et parviennent, avec trois fois rien, à donner une profonde et bienvenue sensation d’asymétrie.
Il ne reste qu’à placer les figurines Emprise du mal, les jetons Équipement et Point de vie restants, les dés Combat et Corruption et les jetons Étendard près du plateau, en utilisant les espaces libres entre les plateaux Horde pour optimiser l’espace déjà bien occupé par le matériel de jeu, et à préparer la pioche de monstres.
Pour cela, on prend 30/34/38/42 cartes Horde à 1/2/3/4 joueurs, puis sous cette pile l’une des 10 cartes Seigneur de guerre au hasard (ou pas au hasard d’ailleurs !), puis sous le Seigneur de guerre 8 autres cartes Horde, pour un deck totalisant donc 39/43/47/51 cartes.
Si vous préférez commencer par le mode novice (ou perdez trop souvent en mode normal), ôtez quatre cartes Horde et ajoutez un jeton Équipement noir à l’inventaire de chaque héros.
Si en revanche le mode normal ne représente plus aucun challenge pour vous, vous pouvez adopter le mode difficile (avec un Seigneur de guerre supplémentaire neuf cartes au-dessus du précédent) voire héroïque/infernal (avec un troisième Seigneur de guerre, encore neuf cartes au-dessus du précédent et arrivant donc en jeu très rapidement).
Last Bastion propose ainsi une mise en place quand comme on les aime. Malgré une certaine variété de matériel, on peut commencer la partie dans les cinq minutes après avoir commencé à décidé que ce serait le jeu de la soirée, et surtout on se dit d’emblée que c’était un bon choix tant la joliesse et la lisibilité du matériel est engageante, tant l’immersion réussit à être d’emblée satisfaisante. Le charme va-t-il survivre à la raclée ?
Défendre le dernier bastion, une partie de plaisir pour les masochistes
Le tour d’un joueur se compose de deux phases, la phase Horde et la phase Héros.
On commence la phase Horde en appliquant les effets récurrents des cartes Horde déjà présentes sur les plateaux Horde – il n’y en a encore aucune au début du jeu. Quand il y en aura plusieurs, il pourra choisir dans quel ordre les appliquer.
Puis on observe l’action du plateau Horde.
Si les trois emplacements du plateau Horde ne sont pas remplis, on pioche une carte Horde. Un monstre jaune/bleu/rouge/vert sera placé sur l’emplacement de son choix du plateau jaune/bleu/rouge/vert, à moins qu’il n’y ait plus de place, auquel cas on sera libre de le poser sur le plateau de son choix ; à moins qu’aucun emplacement ne soit disponible (hum, je ne donne pas cher de votre peau en ce cas), auquel cas le joueur perd un point de vie et la carte est reposée au-dessus de la pioche (eh non, on n’en est pas débarrassé pour autant !). Les monstres peuvent également être noirs, et dans ce cas, on les place où l’on veut.
Certains monstres ont un effet d’arrivée, que l’on applique logiquement aussitôt qu’ils sont posés.
Bien sûr le choix de l’emplacement où l’on pose un ennemi n’a aucun sens thématiquement… mais l’idée est fondamentale tactiquement, et une grande part de la dimension coopérative de Last Bastion réside dans la communication sur l’emplacement le plus adéquat pour la carte piochée !
En plus des effets récurrents et d’arrivée, les monstres peuvent également avoir un effet de sortie (quand ils sont vaincus), souvent positif mais pas systématiquement (il faudra donc bien peser le pour et le contre de son exclusion) et des effets permanents, concernant constamment tous les joueurs.
Une même carte peut avoir jusqu’à trois effets différents. Il pourra s’agir de faire perdre un point de vie au joueur actif, de faire perdre un déplacement aux joueurs, de bloquer un dé, de placer une autre carte Horde, de défausser un équipement ou un appel aux armes, de placer une figurine Emprise du Mal sur le monstre ou, s’il y en a déjà une, de la placer sur la première tuile Bastion lui faisant face (ce qui bloque son pouvoir), de lancer le dé Corruption (qui peut n’avoir aucun effet, ajouter une carte Horde, faire défausser un jeton, un jeton et un point de vie, un point de vie, placer une figurine Emprise du Mal).
Si les trois emplacements du plateau Horde sont remplis, on ne pioche pas de nouvelle carte Horde mais on applique l’effet du plateau, évidemment néfaste : sur le plateau rouge, le joueur actif perd un point de vie ; sur le plateau vert, le joueur actif défausse la dernière carte Horde du dessous de la pioche (si l’on défausse ainsi le Seigneur de guerre, on perdrait la partie, et si l’on doit piocher une carte et qu’il n’y en a plus, on perd la partie) ; sur le plateau jaune, on lance le dé Corruption ; sur le plateau bleu, le joueur actif allonge sa figurine pour indiquer qu’il perd son prochain déplacement.
Comme on peut déjà l’imaginer, les joueurs vivent dans la peur permanente qu’une créature particulièrement retorse émerge du deck Horde et dans la tension permanente que leur font vivre les monstres déjà présents et leur occupation des alentours du bastion… On hésitera beaucoup sur les emplacements où les mettre, dans la crainte qu’un monstre pire encore n’occupe ensuite l’emplacement qu’on avait laissé vacant (puisqu’on ne sait pas à l’avance de quelle couleur sera le prochain monstre pioché), de même qu’on hésitera entre le combat contre des monstres très dangereux et le combat contre des monstres offrant des effets positifs (un équipement de son choix, un point de vie, le retrait d’une Emprise du Mal, un appel aux armes).
Et comment fait-on alors quand on n’est pas quatre joueurs, et que certains plateaux ne sont donc pas attribués ? Considérés comme des « plateaux neutres », ils n’imposent pas la pioche de cartes Horde quand ils ne sont pas remplis, mais on applique bien les effets des monstres qui y sont présents et on en applique bien la capacité quand ils sont pleins, en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre après le tour du dernier joueur actif. Si un effet devait concerner le joueur actif, il s’appliquerait obligatoirement au joueur prêt à subir l’effet. Le fait de ne pas piocher de cartes Monstre est le principal élément d’équilibre quand on joue à moins de quatre joueurs. La partie est en effet déjà complexifiée par la difficulté à couvrir tout le plateau, et il fallait bien trouver une idée qui la compense et qui soit liée au nombre de joueurs sans ajouter d’élément trop technique.
La phase Héros justement consiste à se déplacer et/ou agir, dans l’ordre de son choix.
Pour se déplacer, la figurine prend simplement place sur une tuile Bastion adjacente, y compris en diagonale.
Pour agir, le héros doit choisir entre l’activation de la tuile Bastion où il se trouve et le combat.
Combattre, cela signifie lancer les trois dés et espérer obtenir autant ou plus de résultats de la couleur d’un monstre adjacent qu’il a de points de résistance. Si deux monstres sont adjacents au héros (qui se trouverait dans un coin), il peut espérer répartir les blessures entre eux pour tenter de les tuer tous deux, sachant qu’une blessure non mortelle disparaît à la fin du tour, et ne pourra donc pas être exploitée par le joueur suivant.
Or chaque couleur n’est représentée qu’une fois par dé, ce qui rend la victoire très improbable… Il faudra compter sur les faces blanches (qui servent de Joker) et surtout sur les équipements, dont le nombre défaussé (toujours de la bonne couleur) inflige autant de blessures, ainsi bien sûr que sur l’étendard et les pouvoirs, et sur les équipements des héros situés sur la même case, seule opportunité de mettre ses forces un peu en commun…
Une défaite n’a pas d’autre conséquence que la survie du monstre. Last Bastion ne manque cependant pas d’occasions de perdre des points de vie. En perdant le dernier, le joueur perdrait également tous ses jetons et le droit de poursuivre la partie (son plateau Horde est alors considéré comme neutre)… jusqu’à ce qu’un allié le guérisse au dispensaire. Il pourrait alors revenir avec trois points de vie mais sur l’autre face du plateau Héros, qui indique son affaiblissement et l’absence de tout pouvoir particulier. Un état qu’il faut donc éviter à tout prix, d’autant qu’une seconde perte des trois points de vie entraînerait sa mort définitive.
Il faut donc bien exploiter les neuf cases du plateau, dont chacune a naturellement un effet distinct : lancer deux dés pour récupérer les équipements de la même couleur (Marché), placer un étendard sur la figurine d’étendard pour réduire la résistance de tous les monstres de cette couleur d’un point (Étendard), retirer deux figurines Emprise du Mal (Emprise divine), prendre pour n’importe quel joueur un équipement au choix ou ressusciter un Héros, sur son côté blessé cependant (Dispensaire), perdre un point de vie pour tuer un monstre au choix (Tombeau des Rois Anciens), placer la figurine Piège sur un emplacement libre de son plateau Horde pour tuer instantanément le monstre qui y sera posé (Carrière naine), donner un point de vie et un déplacement à un joueur au choix (Taverne), déplacer librement deux monstres (Tour des stratèges), placer le filet sur l’un des effets d’un monstre pour le bloquer (Trébuchet).
Évidemment, le Tombeau des Rois Anciens, la Carrière naine ne peuvent pas toucher un Seigneur de guerre – et pas même le Trébuchet ! Une impossibilité qui apparaît clairement sur les tuiles concernées, nous rappelant à quel point il faut se préparer au combat contre ce boss imprévisible…
L’atout le plus précieux du héros, c’est l’appel aux armes, qu’il peut utiliser quand il le souhaite pendant son tour (mais pas pendant une action) pour profiter de l’effet d’une tuile Bastion de son choix, qu’il s’y trouve ou non, en ait déjà profité ou non, et même si elle est normalement bloquée par une Emprise du Mal ! Un ultime et précieux recours, dont on ne croirait pas, à ne lire que les règles, qu’il puisse s’avérer si déterminant. Quand un monstre propose une fois défait d’en octroyer un de plus, inutile de dire qu’on se précipite sur l’opportunité si la situation le permet !
La partie s’achève si les héros sont tous hors combat, tués définitivement ou en attente de guérison (défaite), si une troisième tuile Bastion est recouverte par une figurine Emprise du Mal (d’après mon expérience le cas de défaite le plus fréquent, protégez bien la Fontaine divine !), si une carte Horde soit être piochée et que le deck est vide (défaite) ou si le Seigneur de guerre est tué et que son effet de sortie n’entraîne pas une des conditions de défaite (victoire).
Pour vous stimuler ou vous narguer, vous trouverez dans la boîte de Last Bastion une feuille de score pour vous inviter à vous surpasser… si vous parvenez déjà à gagner, quel humour ces Belges… On y note 5 points pour une victoire en mode novice, 10 en mode normal, 15 en mode difficile, 20 en mode héroïque, auxquels on ajoute 1 point par point de vie restant, 2 points par Appel aux armes (sérieusement, comme si vous alliez économiser vos appels…) et auxquels on retranche 3 points par héros mort et 4 points par tuile Bastion sous l’Emprise du Mal. La fiche est d’ailleurs bien faite, proposant d’inscrire la date, la difficulté, le nom du joueur ou des joueurs et celui du Seigneur de guerre affronté (ou des Seigneurs), enfin n’espérez pas la sortir trop vite…
J’apprécie cependant beaucoup la proposition, parce qu’elle ajoute encore à la rejouabilité de Last Bastion. Alors que cette dernière est très présente dans l’aléatoire du tirage du Seigneur de guerre, du placement des tuiles Bastion et de la pioche des monstres, ainsi que dans le choix du héros, on pourrait avoir l’impression qu’après une victoire dans un mode on n’aurait qu’à se lancer dans le mode de difficulté supérieur. Or l’idée de garder une trace aussi précise de ses victoires incite à tester d’autres possibilités, par exemple pour vaincre chaque Seigneur de guerre dans un mode donné, et bien sûr à réaliser un score toujours plus grand. Or vous atteindrez assez longtemps un meilleur total en novice qu’en normal ou en difficile grâce aux additions et retraits de points, une jolie incitation à ne pas se contenter de la victoire mais à rechercher une victoire propre.
Last Bastion, ultime refuge pour les hardcore gamers ?
Ghost Stories était séminal dans le sous-genre du jeu hardcore, à la difficulté volontairement très élevée, mais ce sous-genre semble connaître une popularité grandissante dans une darksoulisation du jeu de société, de sorte que son retour sous la forme de Last Bastion trouve toute sa place dans le contexte contemporain. Entre exigence et accessibilité, il a ainsi quelque chose d’un Aeon’s End light, moins technique, plus bariolé, mais assurément pas moins punitif ou plus puéril.
La moindre erreur peut aisément conduire vers une défaite cuisante, et c’est pourquoi on appréciera particulièrement que les nombreuses possibilités de ses lieux, héros et monstres soient soumises à un système de règles aussi simple, quand d’autres titres complexes le sont déjà dans la complexité de leurs règles. Si, pendant la première partie, on consultera abondamment le descriptif des pouvoirs, on retiendra ensuite très bien la signification plus ou moins claire des différents pictogrammes au point de mettre en place Last Bastion et de le pratiquer sans plus du tout revenir aux manuels.
Ainsi Last Bastion est-il étonnant au meilleur sens du terme pour un coopératif non-narratif, par sa capacité à immerger très efficacement dans la peau de son avatar et dans sa situation désespérée, par sa rejouabilité, par la fluidité de ses tours et parties, par son agrément éditorial – c’est joli, grand, c’est aéré. Un plaisir pour les yeux, et un plaisir ludique auquel on revient encore, qui sait si bien faire vibrer notre corde masochiste !
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