Paranormal Detectives – le jeu surnaturel d’enquête, de communication et d’ambiance !

Si je vous parle d’un jeu de communication compétitif où un fantôme tente de faire deviner à des enquêteurs les circonstances de sa mort sans communication verbale, vous penserez immanquablement au classique Mysterium. Si vous lisez un peu mes articles, vous connaissez pourtant mes réticences face au grand classique d’Oleksandr Nevskiy et Oleg Sidorenko, face à sa mise en place un peu longue, à son thème un peu curieux (le fantôme fait deviner à chaque enquêteur des circonstances différentes), à un certain arbitraire dans sa proposition d’une communication par l’image, qui ne fonctionne pas aussi bien je trouve que dans un Dixit ou même un Detective Club. Or la description s’applique dans les mêmes termes exactement au Paranormal Detectives de Szymon MalińskiAdrian OrzechowskiMarcin Łączyński, illustré par Horacy Mazowiecki et édité par l’excellent studio Lucky Duck Games (Time of Legends : DestiniesLa Forêt des frères Grimm, Vikings gone wild, Chronicles of Crime et son extension Noir), qui nous réserve d’ailleurs bien des surprises !

Vendu 27 euros seulement, Paranormal Detectives est de surcroît jouable à partir de 2 et jusqu’à 6 (donc en incluant un fantôme), dès 12/14 ans (selon le degré de sordidité du crime) et pour des parties de 30 à 45 minutes, rarement plus !

 

Un crime affreux et des détectives très différents…

Un joueur se désigne comme le fantôme. Mieux vaut ne pas le désigner au hasard, à moins que tous ne soient déjà coutumiers de Paranormal Detectives, parce que le rôle est plus exigeant que dans Mysterium ou Detective Club, et qu’il faut donc se sentir dans son élément pour l’assumer. Ne vous inquiétez pas cependant, après une première partie vous aurez immanquablement envie d’en faire une deuxième afin de laisser le fantôme devenir détective et un détective devenir fantôme. Vous vous en rendrez vite compte, rien de tel qu’une partie de Paranormal Detectives pour se mettre dans l’humeur de faire une partie de Paranormal Detectives !

Le fantôme consulte l’une des 28 cartes Histoire, tirées parmi celles qui n’ont jamais été utilisées par aucun des joueurs présents, ou se rend sur l’application gratuite homonyme pour sélectionner l’une des 28 histoires actuellement disponibles en français en se fiant à leur titre, ou cliquer sur Histoire aléatoire. Notez que certaines sont accompagnées d’un panneau « Avertissement parental », une délicate attention pour laisser les concepteurs s’autoriser davantage, sans d’ailleurs verser dans le graveleux ou le glauque. L’application marque en outre les histoires déjà réalisées, une autre manière très appréciable de profiter du support digital.

Donc 56 parties maximum, c’est tout ? Si vraiment cela ne vous paraît pas assez, si vraiment vous avez épuisé les 56 histoires… c’est que vous serez largement prêt à inventer les vôtres, ce qui se fait tout de même relativement vite !

 

 

 

Cette carte Histoire correspond, on s’en doute, au scénario de sa mort. Il comporte clairement les réponses aux questions Qui ?, Pourquoi ?, Où ?, Comment ? et Arme ? et un développement d’une dizaine de lignes contextualisant ces informations. Enfin, trois éléments sont communiqués aux détectives, une description du corps en quelques mots (« homme nu », « homme élégant avec des taches de peinture »…) que le fantôme partage verbalement, l’identité sexuelle apparente (ce sont les règles qui le disent de cette manière, franchement cela m’a ému, une considération aussi prévenante et moderne) et l’emplacement des blessures sur le corps que le fantôme communique en plaçant des jetons Blessure sur le corps représenté sur le plateau principal, placé en bout de table.

Le fantôme se dote des 3 cartes Interaction du fantôme, du petit plateau Feuille fantôme avec son feutre effaçable, du deck de 17 cartes de Tarot et des 2 cordes Nœud du pendu (deux longs morceaux de ficelle, l’un blanc, l’autre noir, contenant du fil de fer pour conserver à peu près la forme qu’on leur donne).

Près du plateau principal, on place des marqueurs Tablette de spiritisme, le plateau Plume d’oie et les marqueurs Fantômètre.

Les joueurs choisissent un détective avec son paravent : serez-vous le scientifique, le hard boiled, la voyante, la hackeuse ou la nonne ? (trois femmes pour deux hommes, vous avez bien compté !). À chacun correspond un deck de cartes Interaction, légèrement différent d’un détective à l’autre, deux decks de 7 cartes quand il n’y a qu’un détective, un deck de 7 cartes avec deux détectives, 6 cartes avec trois, 5 cartes avec quatre, 4 avec cinq.

Chacun s’empare en outre d‘un feutre et un plateau Enquête à cacher derrière le paravent. Notez que le paravent n’est pas bien large, de sorte que sur une table basse il sera extrêmement aisé de voir ce qui est inscrit sur le plateau Enquête, et qu’à plusieurs, il faudra compter sur l’honnêteté de tous. Bref il faudra bien vous assurer de la dissimuler, un défaut bien léger en regard de sa taille très confortable et de sa thématisation, jusqu’aux traces de tasse de café ! Quand on pense qu’on aurait pu n’avoir qu’un tableau blanc…

La mise en place se fait assez intuitivement, et implique d’autant mieux les joueurs qu’elle apporte déjà les premiers éléments à l’enquête, quelques informations sur les circonstances du décès et les interactions qui nous seront disponibles pour accéder aux autres. Lors d’une première partie, elle intrigue beaucoup, tant la table semble surchargée de pièces complètement différentes dont on se demande bien à quoi elles pourront servir !

 

 

 

Petit guide d’enquête surnaturelle

En commençant par le dernier témoin d’un événement effrayant, les détectives jouent à tour de rôle, le fantôme se contentant de répondre à leurs interrogations et n’ayant donc jamais son tour à lui.

Un tour consiste simplement à poser une question, totalement libre, à condition que la réponse ne puisse pas en être « Oui » ou « Non ». L’objectif étant de trouver la réponse aux questions Qui ?, Pourquoi ?, Où ?, Comment ? et Arme ?, ce sont essentiellement elles que l’on posera, avec trois problèmes. D’abord le fait que tout le monde entende la question et ait donc le même accès à la réponse. Or vous ne voulez évidemment pas que les autres résolvent l’enquête avant vous… Ensuite celle de la formulation : « Qui t’a tué ? » risque de ne pas apporter de réponse satisfaisante dans le cas d’un suicide ou d’un accident ; « Pourquoi es-tu mort ? » risque de bloquer le fantôme qui (troisième problème) ne parle jamais, et ne sait s’exprimer que de la manière choisie par le détective grâce à sa carte Interaction.

 

 

 

S’il choisit les cartes de tarot, le fantôme en prend entre zéro et trois et les arrange comme il le souhaite, y compris en les superposant, en les retournant, bref en utilisant leur disposition pour montrer, dissimuler, raconter. Avec 17 cartes, les possibilités sont nombreuses de transformer tant d’images dans une nouvelle image plus pertinente. On regrettera seulement que les règles ne précisent pas si on a le droit d’utiliser le nom des cartes. Il serait logique que non, mais enfin, il apparaît bien sur elles, et il serait thématiquement fort curieux que le fantôme n’utilise pas une ressource à sa disposition…

Avec la tablette de spiritisme, le fantôme utilise cinq marqueurs numérotés pour désigner neuf groupes de trois lettres : toutes les lettres de l’alphabet… avec deux V, dans un ordre différent de l’alphabétique bien sûr. Il ne peut jamais montrer une lettre en particulier, et c’est aux détectives de déduire si le marqueur montre le N, le S ou le T à partir des marqueurs suivants et précédents, étant entendu qu’il s’agit normalement pour le fantôme de faire comprendre les cinq premières lettres d’un mot, avec la possibilité de montrer plusieurs fois le même groupe de trois lettres. C’est personnellement ma méthode d’investigation préférée, facile pour le fantôme, assez aisée pour l’enquêteur, et tout de même amusante dans le petit casse-tête.

Avec le fantômètre, le fantôme utilise trois curseurs pour les placer sur sept échelles (petit à grand, léger à lourd, lent à rapide, bon à mauvais, silencieux à bruyant, froid à chaud, jeune à vieux) ou sur une couleur, donnant très bien l’impression que l’on a scanné les lieux et que l’appareil réagit. Cela m’a rarement été utile, mais la méthode permet surtout de lever des ambiguïtés : une réponse « bon » ou même « moralement neutre » à « Qui t’a tué ? », ou « bruyant » mais sans aucun curseur sur l’axe moral a de quoi surprendre et inviter à réfléchir autrement.

Avec la plume d’oie, le fantôme tient la main du détective pour dessiner avec le feutre sur le plateau Plume d’oie d’un seul trait : si le stylo est levé, le lien est rompu, et le fantôme n’a pas droit aux lettres et chiffres (ce serait trop facile).

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Avec le toucher fantôme, le fantôme dessine un motif (pas un chiffre ou une lettre) sur le dos du détective, à l’insu des autres. Ce n’est pas la manière la plus simple de deviner ce qu’il souhaite communiquer, encore que certains soient plus forts à ce petit-jeu là que d’autres, mais c’est la seule qui soit exclusive au demandeur, donc avec la bonne question, elle peut réellement faire la différence. Les règles précisent qu’un joueur peu à l’aise avec le contact physique a tout à fait le droit de défausser ces cartes au début de la partie pour les remplacer par d’autres du même deck si c’est possible, ou d’un autre deck sinon.

Le miroir hanté est un mime muet de trois secondes.

Murmure des ténèbres consiste pour le fantôme à répondre en remuant la bouche et les lèvres pour énoncer silencieusement un mot. Très souvent, cela ne permettra que de repérer si le mot est long ou non, plus pratique pour qu’aucune information ne soit divulguée que pour en obtenir une nouvelle…

Avec le cri fantôme, le fantôme émet un son non-lexical et non-articulé ou montre du doigt un objet. Plutôt facile dans un salon plein d’affiches de films, de couvertures de comics et de Funko Pop !

Enfin, peut-être mon préféré par son originalité, le Nœud du pendu permet au fantôme de représenter une forme ou un symbole avec les deux cordes, faisant émerger des solutions encore plus créatives que le tarot !

 

 

Une fois que le détective a posé sa question, choisi sa méthode et que le fantôme a tenté de communiquer sa réponse, ledit détective peut essayer de deviner l’histoire en émettant une réponse à chacune des cinq questions. On demandera au fantôme d’être tolérant, évidemment d’accepter pistolet pour revolver, voire fusil ou arme à feu par exemple.

Si les cinq mots sont exacts, le détective remporte la partie.

Si ce n’est pas le cas, le fantôme prend la feuille Enquête et note un chiffre entre 0 et 4, correspondant au nombre de réponses exactes. Seul l’enquêteur ayant ainsi échoué connaît cette valeur (afin que son échec n’aide pas trop les autres), et personne, même pas lui, ne sait quelles réponses étaient justes et lesquelles non.

Le fantôme note alors sur sa feuille de fantôme le même chiffre à côté du visage de l’enquêteur en question, dans la première colonne si c’est la première tentative de réponse de la partie, la deuxième si c’est la deuxième, etc.

Si le fantôme voit que tous les détectives ont réalisé des tentatives et continuent d’être assez loin de la réponse finale, il peut recourir à ses trois cartes Interaction de fantôme (Fantômètre, Noeud de pendu, Tablette de spiritisme) afin de donner collectivement une information supplémentaire… sans qu’aucune question ait été posée. Il est intéressant que le moment d’utiliser ces cartes reste à l’appréciation du fantôme, qui peut choisir de ne jamais y faire appel ou d’être plus généreux, et qui se trouve ainsi un peu plus actif.

Si un détective a tenté deux fois de deviner l’histoire et a échoué les deux fois, il quitte la partie et ne pourra plus poser aucune carte ni faire aucune tentative.

Si tous les détectives ont échoué, qu’ils soient arrivés à court de cartes ou de tentatives, le fantôme regarde sa feuille Fantôme et déclare vainqueur le premier joueur à avoir deviné le plus d’éléments. Si aucun joueur n’a deviné plus de trois éléments, il regarde ainsi lequel est le premier à avoir deviné trois éléments, et il remporte la partie, qu’il l’ait quittée plus tôt ou non.

Cette manière de procéder est essentielle pour inciter à tenter sa chance même sans avoir tous les éléments, pour se positionner et mettre la pression sur les autres, quelle que soit sa position dans l’ordre de tour. Un tour complet peut s’avérer très fructueux en informations, de sorte que les auteurs ont trouvé un bon moyen d‘apporter un semblant d’équilibre pour inciter à bluffer un peu et punir ceux qui bluffent trop.

 

 

Vous vous ferez sans doute fait la réflexion qu’à deux joueurs, un enquêteur et un fantôme, le jeu peut paraître trop facile, puisqu’il n’y a plus aucune raison de poser des questions tordues pour éviter de donner trop d’informations à ses adversaires. On peut donc prendre son temps pour ne pas gâcher trop vite ses deux tentatives… et Paranormal Detectives propose d‘évaluer sa performance par rapport au nombre de cartes Interaction utilisées ! À neuf ou moins, on est un « chasseur de fantôme » (??) excellent, à 10 ou 11, on est un chasseur de fantômes « déterminé », à 12 ou 13, on est « subtil » (oui, le choix des mots est un peu curieux), à 14, débutant.

C’est exactement la même grille que l’on applique pour pratiquer Paranormal Detectives de façon coopérative, une variante assez bon enfant… et extrêmement plaisante ! On se concerte donc continuellement, on décide ensemble quel détective pose une question et une carte, sans notion de tour de jeu, mais on partage les deux tentatives… de sorte que cela peut assez vite pour que l’on perde quand même, en se focalisant ensemble sur de mauvaises pistes ! Il était très judicieux en tout cas d’en faire un défi afin de mettre de la pression sur l’équipe. Le score final n’est alors pas si important que le sentiment que l’on ne doit pas abuser de ses cartes et que l’on doit deviner aussi vite que possible.

 

 

 

Paranormal Detectives, passionnant jeu d’ambiance et de communication

Paranormal Detectives n’est pas un jeu aussi original que le sont tant d’autres titres Lucky Duck Games. De la communication non-verbale, de l’enquête compétitive, l’asymétrie entre le joueur qui sait et ceux qui tentent de deviner, un peu de mime, un peu d’images, un peu de dessin, on a déjà vu tout ça. Et pourtant, Paranormal Detectives ressort vraiment, d’abord parce que son côté un peu fourre-tout lui offre une étonnante variété avec pas moins de neuf manières d’interagir avec le fantôme, dont quelques-unes sont un peu classiques ou intéressantes seulement à des fins de confirmation, bien sûr, largement compensées par la fraîcheur et l’inventivité du tarot, du nœud du pendu, et dans une certaine mesure du fantômètre et du ouija.

Une fraîcheur renforcée par le travail d’édition très appréciable sur un titre à moins de 30 euros, dans la joliesse et le caractère distincts des nombreux éléments de jeu. Le soin apporté aux différents scénarios uniques encourage en outre à tout envisager, même les possibilités les plus tordues, et donc à poser des questions assez librement, sans se cantonner aux classiques Qui/Où/Pourquoi/Comment/Arme. On n’essaye pas seulement d’obtenir cinq réponses avec la froideur habituelle de nombreux jeux d’enquêtes, on essaye réellement de comprendre ce qu’il s’est passé, de se mettre dans la peau de la victime… et dans celle des autres détectives, en quête de la même vérité. En partie compétitive, une stimulante tension s’installe ainsi pour recueillir des informations sans trop aider ses rivaux, quitte à recourir volontairement aux interactions les moins éloquentes et à devoir inventer davantage avec moins de pistes.

On appréciera d’ailleurs beaucoup l’activité du fantôme, joueur à part entière devant sans cesse s’adapter créativement aux combinaisons question-interaction imprévisibles des détectives. Incapable de parler, il n’en est pas pour autant réduit au rôle de donneur d’informations passif, et vous vous apercevrez bien vite qu’après une partie, les enquêteurs voudront tous essayer de passer de l’autre côté, belle preuve de réussite du titre. Il faut enfin mentionner l’intérêt du mode coopératif, bien pensé dans sa simplicité pour apporter un amusement plus franc et autoriser des parties tout à fait réussies à deux joueurs, ce dont peu d’œuvres comparables peuvent se vanter.

Paranormal Detectives ne renouvelle pas le jeu d’enquêtes ou de communication non-verbale, mais il y ajoute une « touche Lucky Duck Games », une compréhension assez fine de l’alliance entre réussite matérielle, scénaristique, immersive et d’ambiance. Au point qu’on s’en souvient même bien après y avoir joué, et que l’on a vite envie d’écrire ses propres histoires. Lugubre et délicieux.

 

 

 

Ludum

 

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