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Meeple Circus – et si vous montiez le plus grand cabaret du monde ?

Meeple Circus – et si vous montiez le plus grand cabaret du monde ?

 

À côté d’impressionnants jeu experts comme Kemet, Aeon’s End, Charterstone ou Scythe, Matagot édite également des jeux familiaux, aux thèmes parfois même enfantins, conçus pour susciter des rires plutôt qu’une tension omniprésente. Meeple Circus est de ceux-là, ce que le titre seul du jeu suffisait probablement déjà à dire.

Meeple Circus est un jeu de Cédric Millet, épaulé par Ludovic Maublanc (Mr. Jack, Ô mon Château, Château Aventure, Dice Town, Cyclades, SOS Dino) et illustré par Sabrina Tobal (Dice Stars), Angelina Costamania et Mathieu Leysenne (SOS Dino, Jamaica). Et comme on peut s’en douter si l’on connaît Matagot ou Maublanc, Meeple Circus appartient à l’assez avare catégorie des jeux familiaux, à tendance party game, de luxe. Le mot ne se rapporte pas tant au prix qu’au déploiement de matériel justifiant amplement les 35 euros demandés et qu’à la rigueur agréablement insoupçonnée des règles. C’est bien simple, Meeple Circus vient d’être nominé pour le Prix du public du festival Ludimania, aux côtés de Big Monster, Galerapagos et… Huns, donc toutes catégories confondues !

Après avoir déboursé un peu moins de 35 euros, réunissez deux à cinq joueurs pour un peu moins de 45 minutes, et en piste !

Et si vous cherchez encore plus de sensations, on a ajouté au bas de l’article la présentation de la très bonne extension The Wild Animal & Aerial Show !

 

The Greatest Showman – première répétition

L’objectif de Meeple Circus est simple : il faut mettre en scène un meilleur spectacle que vos rivaux, avec plus d’acrobates, plus d’animaux, plus de figures, plus de risques… Heureusement, vous disposerez de deux grandes répétitions avant la représentation finale, mais ces trois manches sont cruciales : manquer de talent ou d’ambition pour une répétition peut logiquement coûter cher au moment de montrer le spectacle au public !

Comme vous et les autres barnums êtes en compétition pour la même ville, l’approvisionnement en talents et en matériel peut s’avérer conflictuel. Vous n’aurez ainsi accès qu’à six ensembles d’éléments, déterminés au hasard, en plus de tuiles 1er numéro, autant que de joueurs plus une. À tour de rôle, les joueurs choisissent une tuile, jusqu’à se retrouver avec une carte Éléments et une tuile 1er numéro. Cela leur permet de récupérer tous les éléments représentés : si une tuile montre par exemple un acrobate jaune qui soulève un ballon au-dessus d’une poutrelle, le joueur qui entre en possession de la tuile peut acquérir un meeple jaune, une poutrelle et un ballon.

Puis vient le moment de la répétition. Comme il n’y en a que deux, la tension est à son comble, et il faut déjà tenter de faire mieux que les concurrents (sinon à quoi bon rivaliser ?). On lance donc la musique/chronomètre depuis l’application Meeple Circus. Aussi vite que possible, on tente de réaliser les numéros les plus impressionnants en assemblant ses éléments.

Meeple Circus matériel

Comment faire monter l’applaudimètre

Le plus important est de se référer aux goûts du public (bons commerciaux, les cirques ont scrupuleusement sondé les attentes de la population avant le spectacle). Ceux-ci consistent en quatre cartes, tirées au hasard, et qui montrent chacune une figure et un nombre de points. Un meeple se tenant sur la tête d’un cheval vaut ainsi quatre points, comme deux meeples portant une poutrelle, et un meeple tenant un ballon seulement deux. Sachant qu’une même figure peut être réalisée plusieurs fois, et qu’un même élément peut appartenir à deux figures différentes (le meeple peut essayer de porter un ballon tout en tenant sur la tête du cheval). Ce n’est pas toujours facile à assembler, mais cela permet d’optimiser le score de façon importante.

On comprend alors l’intérêt de bien choisir ses éléments au début de la manche : il faut pouvoir réaliser les meilleures figures (du moins les meilleures parmi celles que l’on se sent capable de réaliser) avec les éléments adéquats, tout en privant éventuellement ses adversaires des éléments qui leur permettraient de répondre aux goûts du public. Comme on s’empare de ces éléments en deux fois, les joueurs ont le temps de comprendre quelle figure leurs concurrents veulent réaliser, et sont ainsi libres de chercher à prendre pour eux l’élément qui aurait été indispensable à un rival !

 

 

Heureusement, le score ne repose pas que sur les goûts du public, sans quoi il suffirait qu’une mauvaise pioche bloque certains joueurs pour les priver d’une partie du plaisir de Meeple Circus : on peut prendre n’importe quel acrobate pour réaliser une figure, mais les acrobates ont tous leur particularité. Les bleus rapportent un applaudissement s’ils touchent le sol de la piste, les jaunes rapportent un applaudissement s’ils ne touchent pas le sol, les rouges (qui sont les plus expérimentés) rapportent autant d’applaudissements que leur hauteur, s’ils ne portent aucun élément. On utilise alors une réglette pour mesurer cette hauteur en points.

Il faut donc parfois choisir entre une utilisation optimale des particularités des acrobates, et la réalisation des figures, l’idéal étant de combiner les deux. Imaginons deux meeples bleus portant une poutrelle sur laquelle se trouverait un meeple jaune sur la poutrelle, et un autre sur la tête d’un cheval, le deuxième meeple portant un meeple rouge sur sa propre tête. Si cela répond bien aux goûts du public, vous venez de gagner l’impressionnant score de 15 applaudissements !

Enfin, les deux premiers joueurs à estimer qu’ils ont achevé leur numéro remportent respectivement deux et un applaudissements supplémentaires, tandis qu’à la fin de la musique doivent immédiatement s’interrompre. Et avec un public réceptif à la difficulté, n’hésitez pas à introduire cette légère (et délicieusement pernicieuse) variante : dès que deux joueurs ont fini leur numéro, les autres doivent poser la pièce qu’ils ont en mains et s’arrêter. Cela implique que vous pouvez mettre fin à votre numéro prématurément, pour le simple plaisir d’empêcher les autres de trop scorer. Cela implique aussi que vous pouvez vous faire avoir si vous vous arrêtez très vite, mais que tous les autres prennent leur temps, aucun sadique n’accompagnant votre stratégie. Et surtout, cela fait que tous les joueurs voudront aller trop vite, terrorisés à l’idée de ne pas pouvoir finir les merveilleuses figures qu’ils ont en tête. Et quand on va trop vite, on risque de faire tomber sa superbe montagne d’acrobates, d’animaux et d’éléments, qui ne vaudra plus rien si la manche s’interrompt alors que tout est à terre…

Deuxième répétition : entrée en piste des stars du cirque

Le joueur au score le plus bas devient le premier joueur, ce qui lui donne le droit de retirer une carte Goûts du public pour en piocher une nouvelle à la place. Habile manière de lui octroyer un joli avantage, puisqu’il changera normalement une carte dont il ne possède pas les éléments, gênant les adversaires qui s’en étaient procurés précisément pour réaliser la figure de la carte. J’aurais alors tendance à proposer deux variantes, la variante « fun » qui permet à au premier de joueur de changer les deux cartes de son choix, et la variante « expert » qui lui permet de piocher trois cartes, et de choisir par laquelle il remplace la carte Goûts du public choisie. La première introduit plus de chaos, la deuxième augmente l’avantage conféré au premier joueur (là où le remplacement d’une carte par une autre au hasard est rarement très intéressante). Il range ensuite les cartes Éléments et 1er Numéro qui n’ont pas été piochées, et les remplace par de nouvelles cartes Éléments et des tuiles 2ème Numéro.

Or ces tuiles 2ème Numéro donnent accès aux guest stars, des animaux et des meeples uniques, qui octroient des bonus s’ils sont bien employés. Tarzan doit par exemple se trouver au plus haut de la formation la plus haute, et vous devez pousser son cri pour trois points ; le tigre doit être sur le dos, un meeple sur son ventre, pour trois points ; l’otarie peut provoquer quatre applaudissements si elle parvient à tenir un baril sur son nez, baril sur lequel se tiendrait un meeple, pour quatre points tout de même ! Et chacune de ces tuiles est recto-verso. Vous  ne pouvez pas changer de face au cours d’une partie, mais d’une partie à l’autre la figure à réaliser avec la guest star pourra ne pas être la même !

Comme pour la première répétition, les barnums récupèrent à tour de rôle des éléments et des guest stars, puis réalisent leurs figures pendant un temps limité par la musique. Comme ils ont conservé les éléments de la répétition précédente, les numéros sont cependant bien plus intéressants, et ils peuvent viser de nouveaux sommets, métaphoriquement et littéralement !

 

La Grande Représentation

Pour la représentation finale, les joueurs ont cette fois accès aux tuiles 3ème numéro au lieu des tuiles 2ème numéro. Si la pioche des éléments et tuiles se pratique comme aux deux précédentes manches, la représentation est naturellement très différente. Cette fois, les barnums montent leur spectacle les uns après les autres. La popularité des guest stars leur permet de récolter le double d’applaudissements, tandis qu’on ne reçoit naturellement plus de points de rapidité.

Les règles ne stipulent pas que la représentation soit limitée en temps, libre à vous de vous cantonner à la durée de la musique ou de la rejouer pour réaliser sans pression le plus beau des spectacles. Cette deuxième option est probablement la plus satisfaisante, étant donné que certains défis exigent de perdre quelques précieuses secondes, et qu’il est très plaisant pour finir de se donner le temps de faire au mieux.

 

 

Les tuiles 3ème numéro ne comportent en effet plus d’éléments, mais proposent des défis très bien récompensés… et très funs. Tout arrêter pour dire « Aïe j’ai mal, j’ai mal, j’ai mal » à chaque fois qu’un meeple tombe, faire faire le tour de la piste à chaque entrée en piste d’un animal, mimer une pause de quatre heures (et donc le sandwich qu’on dévore) quand la piste sonore fait entendre un coup de cymbale, sont autant de défis volontairement très faciles, valant entre quatre et sept points, et destinés exclusivement à l’amusement général. Certains défis requièrent même une musique particulière, par exemple « Merci », pour vous proposer de vous lever et de vous incliner en remerciant à chaque applaudissement de la musique.

Meeple Circus propose même quelques défis « fun » et « techniques » en guise d’extension incluse dans la boîte, à ajouter aux défis classiques ou par lesquels remplacer ces défis, comme vous le souhaitez. Parler de la vie privée de chaque acrobate au moment où vous le placez, ou vous mordre les doigts à chaque coup de cymbale en vous écriant « Oulala, ça va tomber », vous fera indubitablement rire autant que les joueurs qui vous regardent, tandis que réaliser le numéro sans les pouces, ou une main sur un œil, ajoutera une amusante dose de challenge, très ardue si vous décidez de limiter le spectacle à la durée de la musique.

Une fois que tous les joueurs sont passés, on compare les scores, et celui qui a reçu le plus d’applaudissements est sacré « meilleur showman ».

 

Le plus grand cabaret du monde

En mettant les mains sur Meeple Circus, je ne m’attendais qu’à un jeu d’assemblage sympathique, et la boîte elle-même m’aurait probablement attiré plus tôt si les couleurs en avaient été plus vives, donc si le toilage du carton ne les avait pas affadies. C’est dire que j’étais bien loin de me douter de tous ses points forts, à commencer par ses règles, bien plus complètes que prévu. Comme on l’a dit, Meeple Circus n’est pas qu’un jeu d’assemblage, on peut même réaliser de très bons scores sans empiler plus de deux ou trois éléments (ce qui est contraire au principe-même du jeu d’assemblage), ni qu’un jeu de dextérité. Ce n’est pas non plus qu’un party game, dédié uniquement au fun en misant tout sur l’arbitraire, l’impossible, le chaotique. À ces deux aspects, il ajoute un soupçon de jeu de gestion, ce qu’il faut pour faire réfléchir, hésiter, regretter, et une interaction très habile, qui passe par le fait de tenter de « voler » des éléments aux autres joueurs, et surtout par l’admiration des joueurs pour les figures des autres et par les rires.

C’est que Meeple Circus est aussi frais que fun, et je me surprends moi-même de l’avoir trouvé si plaisant. Il faut dire que je teste peu de jeux exigeant la manipulation adroite de matériel, et qu’il y a un vrai plaisir à regarder, acquérir et assembler les meeples acrobates débutants, intermédiaires et experts, les poutrelles, ballons, barils, chevaux et éléphants, l’otarie, le chameau, le cornac, Tarza, l’équilibriste, M. Loyal, M. Muscles, la Cavalière de l’extrême, le clown, le tigre. La variété, la qualité, la joliesse du matériel de qualité, l’humour bon enfant des illustrations, contribuent au plaisir de se laisser porter par les joies du cirque, et je ne peux que recommander une expérience qui rafraîchira même les experts sans les faire renoncer à toute tacticité.

 

Post-Scriptum : l’extension Meeple Circus – The Wild Animal & Aerial Show

Au lieu d’une grosse extension à la Kemet – Seth, Cédric propose avec The Wild and Aerial Show une addition charmante pour varier les plaisirs, à laquelle il sera d’ailleurs difficile de résister quand vous aurez pris goût à Meeple Circus, ne serait-ce que pour les nouvelles figurines de voltigeur, de funambule, de lion et d’ours !

Il ne s’agit pour autant pas d’une extension cosmétique, mais d’un nouveau spectacle à part entière avec de nouvelles règles. Chaque joueur commence notamment avec un acrobate bleu, un rouge et un jaune (au lieu des seuls bleu et jaune de la boîte de base). Huit nouvelles cartes Goût du public sont ajoutées aux paquets du jeu de base (deux par paquet), et de nouveaux défis sont intégrés à la pile correspondante. Si certains goûts du public me paraissent toujours impossibles (ceux pour lesquels un meeple doit tenir sur la tête), certaines cartes imposeront de très amusants défis aux barnums, réaliser tout le numéro en gardant les bouts des index collés (comme un chapiteau), survivre aux tentatives des adversaires pour nous déconcentrer, répéter le cri de chaque animal posé jusqu’à la pose de l’animal suivant…

Les nouvelles figurines arrivent naturellement avec leurs spécificités, plus ou moins délicates. Le lion doit par exemple simplement tenir sur un tonneau… ou avoir un meeple dans la gueule. À la fin du numéro, il faut poser le voltigeur à l’extrémité d’une planche de saut, appuyer fortement sur l’autre extrémité pour le projeter dans les airs et le rattraper, avec la droit de recommencer s’il tombe ou non, selon ce qui aura été décidé par les joueurs avant la partie. Le funambule est particulièrement amusant : il vaut autant de points que sa hauteur… mais sur sa face la plus technique, doit en plus porter un élément sur chaque côté de la barre qu’il a entre les mains !

Enfin, une extension à Meeple Circus se doit de proposer une variante expert. On propose ainsi de ne compter les poutrelles que si elles sont posées sur un élément et qu’un autre élément est posé sur elles. À chaque représentation, on peut limiter les joueurs à un seul numéro, seul le plus impressionnant étant comptabilisé si plusieurs ont été réalisés.

Enfin, à partir de la deuxième phase de préparation, on peut jouer du plus petit score au plus gros, afin de toujours laisser un léger avantage au « perdant », une règle que je serais tenté de recommander en permanence.

Bref The Wild Animal & Aerial Show propose additions et nouveautés à l’image de Meeple Circus, amusantes et charmantes, et contribue à en faire l’un des jeux d’ambiance pour tous les âges (ce qui n’est pas toujours chose aisée) de l’année !

 

 

 

2 Commentaires

  1. Bonjour !
    Bel article complet, merci !
    Mais dites-mois, que signifient (sous-entendent ?) les points de suspension dans la phrase « Meeple Circus vient d’être nominé pour le Prix du public du festival Ludimania, aux côtés de Big Monster, Galerapagos et… Huns, donc toutes catégories confondues ! »
    Curiosité rhétorique !

  2. Bien le bonjour et merci pour ce commentaire encourageant, qui me fait d’autant plus plaisir que vous avez été sensible à la sémantique de la ponctuation ! Je ne cherchais qu’à marquer mon étonnement amusé de voir comparés trois jeux au thème enfantin/familial catégorisés 8+/10+ et un 14+ dont la technicité, les illustrations et plus globalement l’univers semblent tellement relever d’un autre type de jeu et de manière de jouer qu’il donne l’impression de ne pas être à sa place. Je me réjouis sincèrement que le prix de Ludimania soit décerné en dehors des discriminations habituelles, on a simplement l’impression d’une nomination tout à fait cohérente pour un prix du meilleur jeu pour enfants/d’ambiance auquel on aurait soudain ajouté un familial +/connaisseur -, et c’est tout ce que je voulais exprimer par cette suspension.

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