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Batman v Superman : Le Retour de Jésus-Christ

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Batman v Superman : L’Aube de la Justice – Critique

 

Deux mois se sont écoulés depuis la sortie de l’excellente Hype Review consacrée à nos attentes vis-à-vis du film Batman v Superman, deux mois de spéculation, d’expectative, pour finalement savourer, le 23 mars dernier, la sortie tant attendue du film de Zack Snyder. Pour rappel, et comme son nom l’indique, Batman v Superman réunit les deux super-héros à l’écran sur fond d’affrontement entre le Chevalier Noir et l’Homme d’Acier. On assiste ici à une sorte de crossover au sens large du terme, un exercice relativement délicat, tant il s’agit de trouver un juste équilibre et d’opérer une symbiose satisfaisante entre deux univers qui, à l’origine, avaient été présentés séparément au public.

Mais Batman v Superman était également voué à faire face à une autre difficulté, celle de succéder à l’incroyable trilogie The Dark Knight (car soyons honnêtes, passer derrière Christopher Nolan n’est pas une mince affaire) consacrée au personnage de Batman. Tout en produisant une suite cohérente au film Man of Steel, premier opus des aventures de Superman, réalisé par Zack Snyder également et sorti en 2013 au cinéma. Cela faisait beaucoup de choses à gérer pour un film basé sur l’univers de DC Comics, et qui pouvait souffrir, comme nombre de ses prédécesseurs, d’un scénario assez paresseux. Mais cessons donc cet insoutenable suspense, et attaquons-nous au sujet qui fâche : Batman v Superman est-il parvenu à relever ce triple défi ?

 

[divider]Game over[/divider]

 

L’idée d’un crossover entre les mondes de Batman et de Superman n’est pas nouvelle, mais Batman v Superman prenant directement la suite du film Man of Steel dans la filmographie de Zack Snyder, il était intéressant d’observer comment le réalisateur allait parvenir à articuler ces deux univers. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette articulation est un échec cuisant. Dès le début de film, on est propulsé dans une chronologie et un monde assez incompréhensibles au premier abord.

On découvre le personnage de Batman presque sans préambule – après un flash-back nous montrant la scène désormais incontournable du meurtre de ses parents – mais déjà pris dans une chronologie dont nous n’avons pas les tenants ni les aboutissants. De nombreuses scènes sont comme balancées au spectateur sans mise en situation ni fil conducteur cohérent, mais là n’est pas le principal défaut du film. Disons-le clairement, le personnage de Batman est systématiquement mis de côté pour que le film se consacre presque exclusivement à celui de Superman, à ses amours, sa vie professionnelle et les turpitudes de sa condition de super-héros. En cela, le titre Batman v Superman relèverait presque de la publicité mensongère tant on a l’impression d’assister à un Man of Steel 2, sur lequel on aurait maladroitement greffé le personnage de Bruce Wayne et quelques problématiques vite évacuées autour du héros de Gotham.

 

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Loin d’être un crossover digne de ce nom, Batman v Superman est en fait surtout centré autour du personnage de Superman, et en témoignent ainsi à juste titre le fait que Lex Luthor soit le principal méchant du film et la rareté des scènes réunissant Batman et Superman à l’écran. Nos deux super-héros passent en fait le plus clair du film chacun de leur côté, et le film échoue complètement à construire un sentiment d’anticipation de l’affrontement chez le spectateur, ni même à exploiter la complexité des sentiments que peuvent se vouer deux super-héros se partageant le même univers. On en vient à s’interroger sur l’intérêt d’avoir entraîné le personnage de Batman dans cette galère, tant c’est celui de Superman qui semble fasciner Snyder.

 

[divider]Jésus revient parmi les siens[/divider]

 

Cette tendance à construire l’intrigue autour de l’Homme d’acier aurait pu rester anecdotique si celle-ci avait été plus ambitieuse et mieux construite, mais tel n’a pas été le cas. Non seulement le scénario est complètement couru d’avance, mais il se paie, en plus, le luxe d’être parfois complètement impossible à prendre au sérieux. Lorsque le spectateur a du mal à croire à l’idée, pourtant toute simple, que Bruce Wayne puisse vouloir éliminer Superman – qui est pourtant à la base du scénario – on sait que le film est globalement plutôt très mal parti. Bancal, donc, et pourtant assez drôle. La preuve, avec rien de moins que Jésus-Christ et Loïs Lane. (Oui oui, parfaitement). Le spectateur averti de Man of Steel n’aura pas pu passer à côté du fait que le personnage de Superman est régulièrement assimilé à une figure sacrificielle christique. Il est un « étranger » parmi les hommes, barbu, sur Terre depuis précisément 33 ans, et là pour sauver l’humanité envers et contre la haine que peuvent lui vouer l’ignorance des hommes. On retrouve bien sûr cette métaphore filée dans Batman v Superman, mais portée à des hauteurs qui frôlent parfois le ridicule.

À l’image d’un film sans subtilité ni délicatesse, le personnage de Lex Luthor nous rappelle ainsi constamment que l’affrontement qui le dresse contre Superman est celui de « Dieu contre l’homme », au cas où le spectateur, un peu débile, n’aurait pas lui-même fait le rapprochement, et répète donc cette comparaison à l’envi pendant quasiment tout le film, au cas où le même spectateur l’aurait malencontreusement oublié. Et passons sur le tableau d’inspiration biblique, là aussi, généreusement interprété par Lex Luthor (le spectateur moyen de Batman v Superman est manifestement un débile profond), la scène de combat dans une église et les poses christiques tapées par notre héros sacrificiel lui-même, face à une humanité qu’il a voulu sauver et qui causera sa perte. On verra même, dans les décombres finales, de petites croix se dessiner. Donc le symbolisme, c’est bien, mais le symbolisme expliqué avec de gros sabots par les personnages du film eux-mêmes, c’est lourd.

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Un exemple de « Jésusification » de Superman
Un exemple de « Jésusification » de Superman

 

Et passons également sur le boulet total que représente le personnage de Loïs Lane, qui aura encore une fois réussi à être complètement inutile du début à la fin, avec un beau 10/10 sur l’échelle de Sakura, soit l’échelle privilégiée nous permettant de mesurer l’inutilité crasse d’un personnage féminin. Là aussi, fait complètement incompréhensible, celui  d’avoir voulu en rajouter avec la scène dans l’église, complètement gratuite puisque Superman avait déjà sauvé sa belle à deux reprises dans le film (le message était donc passé, merci). Le personnage passe littéralement tout le film à regarder son cher et tendre, clouée sur le plancher des vaches pendant que lui vole à la rescousse de l’humanité, et justifie sa présence dans le film avec, en tout et pour tout, deux scènes d’une mièvrerie navrante dans un océan de testostérone brute.

Deux autres personnages féminins sont tout aussi peu visibles, et feraient presque oublier la faible présence du personnage pourtant charismatique de Bruce Wayne tant elles reçoivent un traitement médiocre de la part du film. La « mère » de Superman (là pour qu’on la sauve, bien sûr, sinon elle ne servirait à rien, pauvre femme), et la femme « mystère », un personnage intéressant mais dont la présence à l’écran doit bien avoisiner les dix minutes sur 2h40 de film.

 

[divider]Le fond et la forme[/divider]

 

Vous l’aurez compris, dans Batman v Superman, il y en a surtout pour Superman, et le manque cruel de charisme du personnage fait que, malheureusement, on s’ennuie beaucoup devant le dernier film de Zack Snyder. Le personnage de Lex Luthor – à l’instar de celui de Bruce Wayne, qui aurait pu être intéressant car profondément ambivalent et pétri de contradictions – est surtout là pour servir d’ennemi tout trouvé. Et est ramené à une figure de méchant classique, anonyme et complètement vide de substance. Comme pour Batman, on aurait aimé voir une psychologie plus travaillée des personnages, car leurs interactions, trop rares, sont les rares scènes intéressantes du film. La scène du gala de Luthor, par exemple, entre Batman et Superman, ramenait toute une série d’enjeux psychologiques passionnants, et il en a été de même pour le dialogue entre Batman et la « femme mystère ». Au lieu de ça, Zack Snyder a préféré nous pondre deux armoires à glace, assez mutiques, bougonnant sur la haine mutuelle mais peu crédible qu’elles se vouent chacun de leur côté, pour de rares rencontres placées sous l’auspice de scènes d’action illisibles et assez inintéressantes.

 

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Sérieusement, les gars ?

 

Malheureusement pour le film, lorsqu’on s’ennuie, on commence à faire attention à foultitude de petits détails qui desservent encore un peu plus le film. Passons sur les moments complètement incohérents qui peuplent le film (la séquence du vaisseau spatial résumant à elle seule l’abyssal degré de je-m’en-foutisme du film) et intéressons-nous un instant à l’esthétique du film. Le film est incroyablement sombre, tant la lumière a été réduite au minimum, et on navigue constamment dans une sorte de clair-obscur plutôt fatiguant et qui n’a même pas le mérite de participer à un parti pris esthétique censé mettre en avant la noirceur de l’univers de Gotham, par exemple. Et lorsqu’au manque de lumière excessif du film s’ajoutent des scènes d’actions illisibles, le spectateur sombre un peu plus loin dans l’ennui. Un ennui dont parvient à peine à nous sortir le grand méchant du film, une sorte d’orque gigantesque tout droit sorti du Seigneur des Anneaux, assez grotesque de mocheté visuelle.

En résumé, Batman v Superman se plante assez méchamment à tous les niveaux, tant au niveau de la photographie que des scènes d’actions, mais aussi dans l’esthétique globale du film. C’est moche, c’est gris, et c’est brouillon. Ajoutez à cela un Batman en demi-teinte, un Superman qui a tout le charme de Jésus-Christ en personne, des personnages féminins aux abonnés absents, un Lex Luthor caricatural et un crossover complètement raté, et vous avez une bonne idée de ce que vous réserve Batman v Superman. Une introduction à l’arrivée de La Ligue des Justiciers superfétatoire et à jeter rapidement aux oubliettes, qui fait bien pâle figure face à tout le travail et la réflexion qu’un certain Christopher Nolan avait mis en place autour de la condition de super-héros, et qui ne se hisse même pas à la hauteur de tout ce que Man of Steel pouvait avoir d’intéressant. Suivant.

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