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Under the Waves – un Firewatch sous-marin ?

Under the Waves

Test : Under the Waves – un Firewatch sous-marin ?

Depuis l’intéressant Detroit: Become Human il y a cinq ans déjà, le studio Quantic Dream s’était fait très discret, et malgré l’annonce tonitruante de leur futur Star Wars Eclipse, on peut encore avoir du mal à croire à l’association inattendue et géniale d’un développeur aussi narratif et d’une licence aussi pétaradante pour un jeu après tout sans date, sans nouvelles depuis 2021 malgré tout ce qui a pu se passer entretemps, particulièrement les accusations lancées contre le management de David Cage et son rachat par NetEase. Bref voilà un studio qui semblait condamné à ne pas avoir d’actualités sur un temps assez long… Et voilà que Quantic surprend en éditant discrètement le portage Switch de Sea of Solitude en 2021, puis surtout en annonçant en juin 2023 la création du label Spotlight pour continuer d’éditer des jeux non développés en interne. « Surprend » parce que Quantic possède une identité auctoriale très forte, dont on ne sait pas trop si ces éditions vont la diluer ou au contraire lui permettre de prendre sous son aile des projets proches des ambitions du studio.

C’est précisément dans ce contexte que Quantic édite le Under the Waves développé par les Français de Parallel Studio, studio indépendant mais porté par des personnalités ayant de la bouteille, le directeur créatif et artistique Ronan Coiffec (Life is StrangeRemember meAlone in the Dark 5), le compositeur Nicolas Bredin (Remember me, Heavy Rain) et l’auteur et concepteur narratif Sebastien Renard (A Plague TaleLife is StrangeAlone in the Dark 5). Voilà des CV semblant les spécialiser sur la narration et l’ambiance, expliquant probablement leur rapprochement de Quantic Dream…

Ainsi Under the Waves est-il intrigant à plus d’un titre – et on n’a même pas dit qu’il s’agissait d’un jeu d’aventure narratif sous-marin, argument qui éveille d’autres curiosités encore, et peut-être des attentes, dont il s’agira de voir s’il les tient et à quel point…

Under the Waves est disponible pour environ 30 euros sur Microsoft Windows, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One, Xbox Series – l’article que vous allez lire résulte en l’occurrence d’un test sur PS4.

 

Sous l’océan

Dans Under the Waves, vous incarnez Stanley, manutentionnaire chargé de veiller seul sur une assez large zone sous-marine de l’océan Atlantique pour l’entreprise UniTrench. La partie sera divisée en plusieurs journées, ayant elles-mêmes une structure assez similaire : au lever, vous prenez votre café, découvrez les nouvelles et les tâches du jour, puis vous sortez de la base au moyen de votre sous-marin pour rejoindre la zone exigeant votre attention, en faisant probablement quelques détours si vous voyez une baleine à photographier ou un agglomérat de déchets voire de babioles, par exemple autour d’un navire naufragé, puis vous rentrerez à la base, appellerez votre femme et vous coucherez.

L’essentiel de l’expérience se déroule donc sous l’eau, que ce soit en tenue de plongée/scaphandre (qui vous permet de marcher au sol avec des bottes lestées ou de nager) ou en sous-marin, ce qui peut soulever quantité d’appréhensions, mais rassurez-vous, la navigation comme la nage sont tout à fait souples, vous n’aurez aucun réel problème de maniabilité et spammerez peut-être juste la touche d’accélération, au moins en tenue de plongée, parce qu’on aimerait toujours être un peu plus vite à l’endroit visé, mais sans que l’on puisse reprocher au jeu d’être particulièrement lent. Le sous-marin jouira d’ailleurs d’un boost mais comme cela vous fera dépenser des ressources de sorte que le jeu en vaudra rarement la chandelle – en plus de vous faire émettre une disgracieuse traînée pétrolée, berk – il est probable que vous en usiez assez rarement.

Cet océan est un monde ouvert, et vous pouvez en effet d’emblée explorer pratiquement toute la carte… mais cela n’a aucun intérêt. D’abord, un « brouillard » extrêmement épais limite considérablement votre visibilité, de sorte qu’à moins de vous fier aux icônes sur votre mini-carte, vous n’aurez pas vraiment envie d’aller dans une direction plutôt qu’une autre, ne voyant rien à l’horizon qui puisse vraiment vous donner envie puisque… vous n’y voyez rien. En outre, l’exploration est à réserver aux complétionnistes : il y a fort à parier que les deux premiers jours vous ferez beaucoup de petits détours pour collecter des métaux ou des bouteilles de plastique, en espérant récupérer dans le lot un collectible voire un plan pour améliorer le sous-marin, et le jeu tente de faire de ces découvertes un vrai plaisir en vous les faisant retrouver dans votre base, ou avec un système de chasse au trésor indiquant vaguement où trouver tel plan.

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Mais dans un jeu en 7 à 10 heures grand grand maximum, vous ne passerez guère de temps à la base que pour vous amuser un peu, par exemple en tapant dans un sac de boxe, et l’admiration de votre collection grandissante pourrait vite vous apparaître comme tout à fait gentillette, mais un peu vaine, et ne valant pas forcément le coup de doubler la durée de vie d’un jeu qui ne récompense pas l’exploration par des gains plus substantiels et gratifiants. D’ailleurs vous n’aurez probablement souvent juste plus envie de sortir du sous-marin pour une bouteille en plastique avec toutes les petites manipulations que cela implique, alors même qu’au début cela pouvait sembler si satisfaisant… D’autant que les plus beaux lieux seront découverts au cours de l’aventure, pas avare non plus en matériaux, et compléter à 100 % un jeu achevable en 7 heures sera toujours moins satisfaisant que de découvrir un trésor secret ou une quête secondaire mystérieuse hors des sentiers principaux d’un RPG.

Malgré ces limitations, il y a un vrai plaisir à traverser la zone, et malgré un côté fedex, on ne ressent pas trop de répétition, cherchant du regard une nouvelle bestiole à photographier, et en se laissant porter par une bande-son particulièrement formidable, même dans sa discrétion et ses tonalités variant souvent entre le mystérieux et l’inquiétant, un peu comme la musique du Monde du silence.

De même, la vocation écologique d’Under the Waves est-elle aussi évidente que judicieuse : on ramasse volontiers les déchets que l’on trouve, ne serait-ce que par habitude vidéoludique, et les nombreuses épaves servent aussi bien ce discours que l’intrigue par l’anormalité de leur présence, aussi bien parce qu’évidemment elles ne sont pas du tout à leur place au fond de la mer que parce que cette incongruité a quelque chose d’un peu fantastique, une présence humaine vide au royaume des poissons, dont le jeu saura jouer. La collaboration avec la fondation de valorisation maritime Surfrider a pu aider à intriquer aussi judicieusement jeu et message, sans se contenter de l’évidence : après tout, notre héros sert une entreprise d’exploitation pétrolière à entretenir sa machinerie là où elle ne devrait pas être. Il fallait pourtant de l’habileté pour faire ressentir le problème sans avoir à nous le dire explicitement, d’autant qu’on est quand même habitué.e.s dans le jeu vidéo à avoir les comportements les plus objectivement problématiques sans du tout avoir à les interroger, et je pense qu’on touche là à ce qui est peut-être la plus grande réussite du titre.

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Narration et jeu

Sa plus grande réussite ? Alors qu’il s’agit d’un jeu d’aventure narratif ? L’éloge pourra sembler excessif, mais c’est qu’il met en lumière des points qui sont à mon avis moins convaincants dans Under the Waves.

L’un des aspects scénaristiques essentiels du jeu est la répétitivité du travail de Stanley, qui a choisi cette vie pour fuir la terre. Pour cela, dans une approche très Quantic Dream – et peut-être exprès pour coller à cette identité, même si Parallel a expliqué avoir eu les mains très libres – on commence chaque journée par un tour à la cuisine pour se servir un café, et on la finit par un tour sur son ordinateur personnel et par appuyer sur une touche pour se coucher.

Mais ça ne m’a pas paru assez, ces touches très éparses m’ayant presque semblé faire partie d’un cahier des charges minimal et artificiel alors que j’aurais beaucoup aimé qu’on nous ajoute la douche quotidienne, la mise du scaphandre, le micro-ondes, la vaisselle, le coup de balai, de façon très simple et légère bien sûr, inutile de nous faire bouger bizarrement nos sticks pendant qu’on se brosse les dents, mais j’ai peiné à ressentir la quotidienneté des actions demandées quand à côté de ça tant d’autres éléments du quotidien sont accomplis hors champ – paradoxal tout de même pour un jeu vidéo introspectif prétendant précisément nous faire vivre quelque chose du la trivialité de cette vie.

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C’est d’autant plus frappant que, forcément, ce personnage dépressif va l’être de plus en plus et parfois se laisser aller. Après une ellipse d’environ deux semaines, on découvre ainsi une cuisine désordonnée avec quantité de vaisselle sale, le message est clair. Mais n’aurait-il pas été infiniment plus clair si on avait fait la vaisselle les jours précédents ? De même, on se couche et se lève toujours avec sa tenue de plongée, sans douche, sans se changer. Il y avait pourtant là une manière toute simple de nous montrer un personnage à la dérive, prenant tous ses jours sa douche, se mettant tous les jours en pyjama, et en fait, soudain, se mettant au lit en tenue et en position fœtale. On se doute qu’il y avait là des enjeux tant ludiques que commerciaux : trop de petites tâches pourraient nuire au plaisir de jeu (même si je n’en suis pas du tout convaincu, surtout pour un jeu se présentant en partie comme une expérience), et une petite équipe ne peut implémenter mille mécaniques dans un petit jeu indé à 30 euros. Néanmoins, quand on se dit dès le premier jour qu’il est dommage de ne pas avoir pris la peine de montrer le héros se changer, il est plus difficile de prendre la pleine mesure de sa déchéance et d’apprécier pleinement les monstration finalement trop éparses de quotidienneté et de dépression pourtant essentielles.

Si je donne l’impression de tant insister injustement sur un élément méritant assurément d’être mentionné, mais pas si longuement, c’est qu’il illustre à mon avis un positionnement plus général du jeu, qui tente en tout de conjuguer expérience narrative et jeu, et chacun devra apprécier si l’exercice d’équilibriste est globalement réussi ou pas. Par exemple la plongée est gamifiée par l’obligation d’avoir assez d’oxygène, donc d’avoir sur soi des bouteilles. Dans les faits, vous aurez rarement des problèmes, et on sent la mécanique gadget pour ajouter une dimension de gestion, « faire jeu », vous inciter à regarder une jauge, voire à crafter des bouteilles, même si dans les faits on peut avoir l’impression que le studio n’a pas assumé de simplement la retirer.

De même, certaines énigmes font vraiment jeu vidéo, alors que parfois, devoir ramasser 15 algues se vit sans l’habituel sentiment d’absurde quête de collection vidéoludique. Ou on pourra parler de l’invitation à se laisser attirer par une épave ou une baleine, donc à apprécier la conception environnementale, passivité contrebalancée par le fait que l’on scanne continuellement les environs pour ne manquer aucune bouteille et que l’on suit constamment des marqueurs omniprésents. Je ne dis pas qu’il fallait renoncer aux marqueurs, ce genre de logiques est toujours un véritable défi du jeu vidéo qui doit nous éviter la frustration de la perte ou de l’inactivité tout en sachant ne pas bombarder l’écran de logos scintillants, et s’il y avait une panacée cela se saurait, je souligne juste que l’équilibre tenté ici ne me paraît pas satisfaisant ni pour profiter d’Under the Waves comme expérience ni pour en profiter comme jeu.

Under the Waves

Ce que l’on « joue », je l’ai dit, c’est la fuite de Stanley, dont on comprend rapidement qu’il cherche dans l’isolement à conjurer le deuil et son impossibilité à l’assumer en société, notamment auprès de sa femme, malgré les années. Il croit ainsi que la quotidienneté de tâches manutentionnaires dans un milieu tout de même exotique et parfois magnifique lui procurera sérénité et oubli, mais se laisse hanter par des cauchemars voire des visions éveillées. Ces cauchemars ont tous les défauts que l’on peut redouter : on nous fait croire qu’on peut les jouer, mais seulement pour marcher très lentement dans la seule direction possible (sans quoi on se heurte juste de façon ridicule aux obstacles), et y mettre fin au bout d’une minute parce que quand même, il faut qu’on revienne au vrai jeu, et qu’il n’y a pas non plus assez à raconter dans dix cauchemars pour les faire durer davantage.

Peut-être les cauchemars fonctionneraient-ils mieux dans un jeu en effet lovecraftien, et quand ils font naître un malaise fantastique, on peut se laisser porter. Mais quand ils ne portent de propos que sur le deuil, et qu’on a si rapidement identifié que ce serait le réel thème du jeu, on peut se fatiguer assez vite d’une certaine monomanie, a fortiori quand elle est exprimée dans ces cauchemars… mais aussi dans les attitudes du personnages, son journal, ses tirades à sa femme, ses dialogues avec son supérieur Tim, la musique (souvent vraiment too much quand elle veut nous faire vibrer). C’est trop, et j’ai personnellement été rebuté (alors même que le thème peut me toucher personnellement) par cette multiplicité d’artifices tentant de forcer le pathos, alors que le thème était peut-être trop court pour un jeu de 7-10 heures, surtout quand on pense à la multiplicité de thèmes de jeux à expérience bien plus courts comme What remains of Edith Finch ou Firewatch.

Under the Waves

 

Under the Waves, un jeu entre deux chaises ou équilibré ?

Under the Waves prend le risque d’un positionnement intermédiaire entre « jeu complet » et « expérience indé », associant un thème et une ligne narrative très claires et mécaniques proprement vidéoludiques (y compris quêtes fedex, gestion des dégâts ou de l’oxygène, collectibles, crafting…) au risque que le tout ne fonctionne pas toujours en parfaite symbiose, voire que par moments, une ambition contrecarre l’autre. C’est sa force et sa faiblesse, vouloir n’être ni Subnautica ni Firewatch, avoir un positionnement plus original au risque qu’on le dise inférieur à ces (ses ?) deux modèles essentiels. En cela, il propose une expérience en 7 à 10 heures dont on pourra apprécier tout ce qu’elle a à offrir (sincérité du discours, ambiances musicales, exploration sous-marine relativement fluide…) sans avoir vraiment le temps de souffrir de sa longueur, le recul seul conduisant à des comparaisons dont chacun.e jugera si elles sont ou non favorables à Under the Waves.

On pourra se dire que c’est une banalité pour finir sur une note positive, mais je suis sincère en expliquant que si je n’ai pas été absolument convaincu à titre très subjectif par Under the Waves, je suis très curieux de ce que Parallel aura à offrir par la suite, parce le studio déborde clairement d’envies et de compétences aussi appréciables les unes que les autres, dont j’espère qu’elles se conjugueront rapidement d’une manière qui m’emportera pleinement, de même que Under the Waves me rend très curieux de ce que Quantic Dream veut faire de son label Spotlight avec ce genre de jeux à la fois libres et partageant tout de même ce qui semble être la philosophie du studio (et une philosophie à laquelle je suis très sensible) !

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