La Dvdthèque : La Vie des Autres

Bonjour à tous et bienvenue dans ce neuvième épisode de La Dvdthèque, votre rubrique cinéma sur Cleek ! Comme toujours, nous allons vous présenter un film déjà sorti au cinéma et dont vous pouvez faire l’acquisition en DVD ou Blu-Ray pour compléter votre Dvdthèque geek. Analyse, présentation, synopsis, musique et extraits continuent d’égayer votre lecture de La Dvdthèque, pour un contenu garanti sans spoilers.

Le 11 novembre est sorti au cinéma le dernier James Bond, Spectre. Sa sortie, très attendue, en a probablement fait un des films les plus anticipés de l’année. Chez Cleek, nous nous sommes bien entendus empressés d’aller voir la suite de Skyfall, et vous pourrez retrouver toutes nos impressions et critique du film ici. Pourtant, dans la Dvdthèque, cela fait déjà deux numéros que nous avons décidé, pour l’occasion, de nous atteler à l’étude de ce genre de film si particulier : le film d’espionnage. Nous concluons notre cycle aujourd’hui dans ce qui aura été un triptyque d’espions.

Après nous êtres penchés sur les films La Taupe et Argo, nous allons demeurer dans cette catégorie de films d’espionnage qui se concentrent sur des événements historiques qui leur sont antérieurs avec un titre qui me tient, personnellement, particulièrement à cœur. J’ai bien sûr nommé le film allemand (non, ne fuyez pas) aux multiples prix – dont celui de l’Oscar du meilleur film en langue étrangère : La Vie des Autres. Sorti il y a près de dix ans au cinéma, La Vie des Autres raconte l’histoire d’un officier de la Stasi, les services secrets est-allemands, qui se voit confier la mission d’espionner un dramaturge et sa compagne pour le compte d’un ministre, tout ceci, bien sûr, en pleine Guerre Froide, et pour le compte d’une mission pas tout à fait comme les autres…

Plongez avec nous dans les rouages glaçants d’une police secrète de l’autre côté du Mur.

 

[divider]La Vie des Autres[/divider]

 

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Genre : Drame, film d’espionnage
Durée : 137 minutes
Titre original : Das Leben der Anderen
Musique : Gabriel Yared

Distribution : Ulrich Mühe (Funny Games), Sebastian Koch (Black Book, Le Pont des Espions), Martina Gedeck (Chère Martha, Raisons d’État), Ulrich Tukur (Eden à l’ouest, Le Ruban blanc)
Réalisation : Florian Henckel von Donnersmarck (The Tourist)

Sortie : 2006
Pays : Allemagne
Récompense notable : Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2007

 

[divider]Synopsis[/divider]

1984, Berlin-Est. Gerd Wiesler est le capitaine de la Stasi, la police secrète de l’Allemagne de l’Est. Chargé des interrogatoires, c’est un officier rigoureux, froid et très méthodique, en bref, l’espion idéal. Il se voit un jour chargé d’une mission de surveillance d’un couple d’artistes berlinois, Georg Dreyman, dramaturge, et Christa Maria Sieland, actrice, commanditée par le ministre Bruno Hempf, qui, amoureux de Christa et, ne parvenant pas à la soumettre totalement à son contrôle, souhaite trouver des éléments compromettant son rival pour ainsi mieux l’éliminer. Parallèlement, un ami proche de Dreyman, très isolé et interdit de scène pour avoir monté des pièces de théâtre critiquant le régime, se suicide, laissant son ami Georg se questionner quant à sa propre absence d’engagement politique, et ainsi sa responsabilité indirecte dans la mort de son ami. Les intrigues amoureuses, politiques et de surveillance vont se télescoper dans un dénouement qu’aucun des protagonistes impliqués ne pouvait suspecter, dans le pays le plus surveillé du monde.

 

C’était par un beau jour du bleu septembre,
Silencieux, sous un jeune prunier,
Entre mes bras comme en un rêve tendre,
Je la tenais, la calme et pâle aimée.
Par dessus nous, dans le beau ciel d’été,
Il y avait tout là-haut un nuage,
Toute blancheur, longuement je le vis,
Et quand je le cherchai, il avait fui.

(Poème Souvenir de Marie A., de Bertolt Brecht, tel qu’il apparaît dans le film)

 

[divider]L’intérêt du film[/divider]

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Bien loin des explosions et de l’action intempestives des films d’espionnage modernes, La Vie des Autres est un film atypique, un drame à échelle humaine, au charme discret mais efficace, qui a choisi de s’intéresser aux conséquences très concrètes de l’ingérence des services secrets dans la vie « des autres ». Les Autres, ici, ne sont pas des citoyens comme vous et moi : il s’agit de l’élite culturelle d’un pays coupé en deux, déchirée entre une envie de réussite sous le feu des projecteurs et la nécessité vitale de faire un art apolitique pour ne pas se mettre le pouvoir à dos. L’art apolitique, ce doux oxymore, est bien sûr une gageure impossible à réaliser tant l’art est un engagement de tous les instants, et c’est ce que Georg Dreyman va découvrir, d’abord à son corps défendant, puis dans une revendication de changement plus assumée. La Vie des Autres est un film sur la fin d’un monde, sur une conscience générationnelle qui s’éveille, ce que sa police secrète, la Stasi, enfermée dans sa soif de contrôle tentaculaire, refuse d’assumer et d’admettre, quitte à en faire les frais – tragiques.

La force du film réside tout entière dans le bleu des yeux d’Ulrich Mühe, cet officier déshumanisé de la Stasi, que l’on regarde regarder ce couple d’artistes qui tente de vivre ensemble dans une ère où tous les obstacles sont contre eux. On le voit s’éveiller doucement à la chaleur humaine, au rêve et à la liberté de leur histoire, sans qu’il ne l’ait désiré, sans qu’il ne puisse le contrôler, et l’homme de fer de la Stasi devient tout à coup le personnage le plus émouvant du récit, tant ce film célèbre l’humanité irréductible, cette empathie viscérale qui vit en chacun de nous et qu’aucun régime politique, aucun conditionnement ne saurait tuer. En témoignent les blagues maladroites des fonctionnaires de la Stasi et la maladresse touchante du subalterne de Wiesler, comme si l’humour et la spontanéité tentaient, tant bien que mal, de survivre au cœur même de cette machine bureaucratique est-allemande impitoyable.

 

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La froide et extrême solitude de Wiesler trouve un écho dans la vie amoureuse tourmentée de Georg Dreyman et de Christa Maria Sieland, car, au pays du mensonge d’État, nul ne saurait vivre heureux. C’est là la bouleversante vérité du film, et si on ressort bouleversé de la fin, on en ressort également avec une vision cynique de la durée de vie des régimes totalitaires face au désir humain de liberté. La Vie des Autres est un film précieux, profondément humain, juste, une célébration des arts jusque dans le jeu des acteurs, qui rappelle avec une joie infinie tout le plaisir du théâtre. Mise en abyme des planches et de l’observateur observé, La Vie des Autres joue a de multiples niveaux, de la petite histoire dans la grande, et nous rappelle avec une résonance toute contemporaine que l’humanité reste notre condition universelle, et saura inlassablement et inexorablement émerger de toute forme de contrôle et de terreur, aussi efficaces soient-ils.

 

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[divider]Musique[/divider]

 

Albert Jerska, le dramaturge privé de scène, laissera à son ami Georg Dreyman, comme en héritage, une partition de musique intitulée Sonate de l’Homme bon, dont on entend quelques notes, jouées au piano par Dreyman et écoutées le cœur battant par Wiesler, dans le film.