The Haunting of Hill House – la critique

Laurianne « Caduce » Angeon, Siegfried « Moyocoyani » Würtz, Lucile « Macky » Herman »

The Haunting of Hill House – la critique

The Haunting of Hill House – la critique

Laurianne « Caduce » Angeon, Siegfried « Moyocoyani » Würtz, Lucile « Macky » Herman »
4 novembre 2018
Une maison peut-elle réellement être à l'origine de tous ces malheurs ?

Netflix tape encore une fois fort, très très fort, avec sa nouvelle création originale The Haunting of Hill House. Il s’agit d’une série télévisée d’horreur (sur fond de surnaturel) américaine comptant 10 épisodes d’une cinquantaine de minutes environ, créée par Mike Flanagan et mise en ligne en totalité le ur Netflix. C’est une adaptation du roman homonyme de Shirley Jackson (1959), transposée à notre époque, et qui constitue donc une histoire complète en une seule saison. Mais avant de commencer à entrer dans le vif du sujet, à savoir ce qu’en a pensé la rédaction, voici un petit résumé.

À l’été 1992, Hugh et Olivia Crain s’installent temporairement dans un ancien manoir, Hill House, avec leurs cinq enfants : Steven, Shirley, Theodora (Theo), Luke et Eleanor (Nell). Ils subissent des événements paranormaux, les forçant à quitter la maison dans des conditions mystérieuses. En octobre 2018, soit 26 ans après, les frères et sœurs Crain et leur père, Hugh, se retrouvent réunis après une nouvelle tragédie, qui les force à affronter leurs démons intérieurs tout en pleurant leurs pertes.

Nous précisons que cet article ne contient pas de spoils, même si les deux premiers avis livrent des impressions et analyses portant sur l’ensemble de la série et particulièrement sa deuxième moitié, en prenant garde de ne pas en relater les faits. Pour ceux qui veulent encore creuser, n’hésitez pas à jeter un œil au trailer que voici :

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C’est dès la sortie de The Haunting of Hill House que j’ai jeté mon dévolu dessus. Je venais de finir Jack Ryan et The Bodyguard, j’étais à jour dans toutes mes séries en cours, et je n’avais vu aucun trailer de cette série, juste un titre et un tweet : À regarder impérativement !! Je me suis donc dit : pourquoi pas. S’il est vrai que d’ordinaire, il me faut quelques épisodes pour accrocher, je dois avouer qu’ici, je suis tombée amoureuse dès le pilote. En effet, il m’a fallu une sacrée force pour ne pas engloutir la série d’une traite. Rares sont les séries qui me tiennent en haleine, qui me donne envie de découvrir la suite, et vite ! Au point d’y penser en journée, et le soir dans le lit. J’ai aussi tout fait pour esquiver les spoils, me rajoutant des filtres sur Reddit, squizzant certains pages Facebook et j’en passe.

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Mais alors, qu’a cette série que les autres n’ont pas ? Car je crois que je n’arrive pas, même aujourd’hui après avoir terminé la série, à lui trouver un défaut rédhibitoire. La réalisation est totalement dingue, et je ne vous parle même pas de son épisode 6 avec ses plans-séquences de l’enfer qui m’ont mis le ventre en vrac pendant plus d’une heure. La série est incroyablement bien dosée, entre scénario aux petits oignons, ses personnages différents mais attachants, une réalisation à couper le souffle, en passant par une ambiance incroyable et une intrigue bien ficelée ; difficile de ne pas accrocher.

Le truc avec The Haunting of Hill House, c’est qu’on veut savoir, nous avons trop de questions qui se bousculent à la fois. Pourquoi la famille Crain ? Pourquoi ces « sensibilités » chez certains personnages ? Que s’est-il passé réellement ? Que se passe-t-il réellement maintenant ? Quels sont les secrets de cette maison ? Est-elle réellement responsable de ces malheurs ? Aura-t-on toutes nos réponses d’ici la fin de la série ?

La perfection sous forme de métaphore du deuil ?

 

Comme dit plus haut, j’ai évité les spoils, les articles, et tout ce qui s’ensuit pour me préserver et analyser moi-même, sans influences, cette série. Au 9e épisode, je me suis dit qu’il s’agissait d’une métaphore du deuil et après visionnage et quelques recherches, je ne semble pas être la seule à avoir abordé la série sous cet angle, comme une prise de conscience soudaine. Je m’explique. Il y a plusieurs étapes dans un deuil : le choc et le déni, la douleur, voire la culpabilité pour certains d’entre nous, la colère, souvent. Sans oublier la dépression, mais aussi la discussion et pour finir, l’acceptation. Où est ce que je veux en venir ?

Steve incarne le déni, il a toujours refusé de voir la vérité sur Hill House, optant pour une explication plus rationnelle : la démence, dont il pense que sa famille est victime, une pathologie qui coule dans ses veines. Sa mère en est l’exemple parfait, sans oublier Nell et Luke.

Shirley serait, elle, la colère, mais aussi la culpabilité. Elle a toujours été furieuse, même pendant son enfance. Elle en veut à Steve d’avoir écrit un livre sur sa famille et le drame qui a eu lieu à Hill House. Elle en veut à son frère, Luke, d’être un toxicomane. Elle en voudra aussi à Nell pour son suicide, son père, son mari et son autre sœur, Theodora. Elle aime tout contrôler, et s’en veut du décès de Nell.

Theodora ou Theo pour les intimes est quant à elle dans la communication. Du fait de son don, par ailleurs, et de son métier, étant psychologue pour enfants. Elle cherche toujours à mettre des mots sur ce qu’elle ressent et ce que ressentent les autres.

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Luke, la dépression, évidemment. Toxicomane, il est fragile du fait des évènements de Hill House et s’est laissé sombrer au fil des années. Très proche de sa jumelle Nell, il ne sait pas comment vivre sans elle.

Pour finir, Nell, l’acceptation car oui, elle a accepté sa destinée. Elle accepte de retourner à Hill House car elle sait que c’est ici que tout a commencé et que tout doit se terminer. Elle mènera aussi ses frères et sœurs à l’acceptation.

 

Le deuil est un processus long, propre à chacun. Nous sommes tous différents face à la mort et c’est un chemin qui se fait seul, même si l’on est accompagné. Il a plusieurs facettes, il a aussi ses secrets, comme cette série, comme Hill House. C’est sans doute pour cela que j’ai tant accroché, que je me suis laissée porter au fil des épisodes. Lorsque je regarde un film ou une série, je me pose toujours cette question : « Mérite-t-elle/il un second visionnage ? ». Si la réponse est oui, c’est que j’ai réellement aimé. Ici, c’est bel et bien le cas, avec une nuance en plus. Il y a des secrets que je n’ai pas encore décryptés, des questions que je ne me suis pas encore posées, et des fantômes qui ne m’ont pas encore hantée, et que je n’ai pas encore su voir.

The Haunting of Hill House est une série puissante que je ne peux QUE vous recommander très chaudement. N’hésitez plus un seul instant et laissez-vous porter par son univers si riche, à tous les niveaux.

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C’est la troisième fois que The Haunting of Hill House de Shirley Jackson a le droit a une adaptation. Il faut dire que le roman, acclamé par exemple par Stephen King, avait dès sa parution en 1959 acquis la réputation d’être l’un des meilleurs romans de hantise écrits et à venir, ce qui lui avait accordé le digne intérêt de Robert Wise pour son excellent The Haunting de 1963, puis au médiocre et opportuniste film homonyme de Jan de Bont (1999).

Arrive Mike Flanagan, un réalisateur sur lequel on sait que l’on peut compter : d’une part, il a une vraie connaissance de l’horreur, affinée au long des sept films de sa carrière, manifestée de façon vaguement convaincante dans Oculus, Ouija : Les Origines, Before I wake (déjà l’horreur comme métaphore du deuil) et surtout Gerald’s Game, multipliant les concepts et formes horrifiques, au point que c’est lui qui a été choisi pour réaliser Docteur Sleep en 2020, c’est-à-dire pas moins que la suite de Shining ! D’autre part, Flanagan semble sincèrement et totalement voué à son art : il a été le scénariste et le monteur de tous ses films, et y ajoute la casquette de producteur exécutif pour The Haunting of Hill House, la nouvelle série sensation de Netflix, après son galop d’essai avec Gerald’s Game (déjà un film Netflix, déjà avec Carla Gugino). C’est aussi pour cela qu’il réinvente l’histoire du roman plutôt que d’y coller sans y croire – au point que la conservation du même titre soit douteuse, mais c’est un détail.

 

 

Si la montée progressive en qualité des séries ces dernières années rend exigeant, on ne peut nier que The Haunting of Hill House flatte d’emblée l’œil. On sent de temps à autre un certain esprit d’économie dans des cadres serrés dévoilant toujours assez mal l’intégralité d’un lieu, permettant ainsi une géographie fluctuante qui facilite le tournage en studio, mais la noirceur des ombres, le soin apporté aux éclairages qui l’affrontent, la douceur générale des tonalités, en particulier dans les scènes qui montrent la famille au manoir (ce qu’on peut appeler les flashbacks). Il faut dire que la réalisation des dix épisodes par la même personne contribue à donner à la série une homogénéité bienvenue dans un genre où il importe d’immerger le spectateur.

Quant à savoir si The Haunting of Hill House flatte aussi l’intelligence, la question est plus complexe. Globalement, les cinq premiers épisodes peuvent paraître assez manqués, ou du moins laisser l’impression très mitigée d’une série que l’on ne regarderait pas si l’on avait mieux à faire : les personnages et leurs interprétations restent assez caricaturales pour bloquer l’empathie, l’intérêt inégal des différents arcs peut susciter un ennui ferme quand l’histoire s’intéresse à quelqu’un qui ne nous intéresse pas, et la série se positionne mal entre horreur et drame intime, ôtant de son efficacité à la première composante, et ne satisfaisant pas bien la deuxième. Si les procédés horrifiques sont convaincants, parfois glaçants, ils tournent aussi à vide, ce qui n’est pas étonnant : comment ne pas lasser quand on répète les mêmes types de manifestations pendant une durée trois fois supérieure à celle d’un film ? Et l’ajout à la hantise d’un super-pouvoir de « sensitivité » n’est pas pour conférer à la série la cohérence dont elle a besoin, même si l’idée vraiment réussie des parcours très différents des enfants Crain après les événements mystérieux de la nuit où ils ont quitté Hill House, et donc leur manière différente de s’en souvenir et de faire leur deuil, rend déjà The Haunting of Hill House assez regardable.

 

 

À la deuxième moitié du cinquième épisode, une espèce de miracle se produit cependant, on commence à comprendre. À s’attacher plus longuement au parcours du frère drogué, à revoir de son point de vue certains événements déjà vécus du point de vue partiel d’autres personnages, on commence à ressentir quelque chose d’assez fort, une empathie qui s’accompagne d’une tension plus authentique : il n’est plus utile pour nous faire peur de jouer sur le détournement opportun de caméra, puis sur la jumpscare attendue, il suffit désormais de nous faire sentir la peur éprouvée par le personnage, une peur plus pathétique qu’horrifique, et donc beaucoup plus forte.

Et c’est là que se cale l’épisode 6, mid-season exemplaire, après lequel on ne peut plus que regarder la suite d’une traite. Ses cinquante premières minutes ne sont composées que de cinq plans-séquences, d’abord virtuoses mais un peu vains, puis passionnants quand ils participent à créer de l’étrangeté, par exemple en nous montrant un lieu, le personnage regardant le lieu, puis à nouveau le lieu, inexplicablement différent. La fluidité de la caméra imitant le regard humain (on vit en plan-séquence), on est surpris par l’irruption naturelle de l’effet spécial, là où tout dans le montage traditionnel saccadé fonctionne au contraire sur la facticité. Surtout, ce qui fait de cet épisode 6 l’un des meilleurs épisodes de série de l’année, c’est que la tension cohabite parfaitement avec l’émotion, plutôt que de les opposer, et il brille sur les deux aspects.

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Seul le dernier épisode m’a déçu dans une deuxième partie de saison passionnante. Après les allées et venues constants dans le temps, entre passé et présent, mais aussi entre différentes strates de passé et de présent, le dixième épisode va très vite en besogne, et se montre très poseur dans sa succession de grands discours forcés, en même temps que très inabouti techniquement. Alors que The Haunting of Hill House semblait ambitionner la puissance humaine de The Leftovers (la bonne bande originale des Newton Brothers rappelle d’ailleurs beaucoup celle de Max Richter), la série est soudain ramenée à une conclusion bassement satisfaisante mais prévisible, et ne tenant pas toutes ses promesses horrifiques. La première fin envisagée par Flanagan aurait-elle été meilleure ou aurait-elle paru plus stéréotypée encore ?

 

 

Sur l’horreur, The Haunting of Hill House est foisonnant, prenant toujours des formes différentes, au risque de la confusion. Il est agréable de laisser sentir au spectateur qu’il est dépassé, que sa raison ne peut démêler le fantastique, mais la série donne à plusieurs reprises l’impression de donner des fragments de clefs de compréhension qui ne font qu’ajouter à la confusion générale sur les règles gouvernant les manifestations horrifiques, lesquelles semblent parfois plus dictées par le scénario que par l’univers diégétique.

Si j’aime beaucoup dans l’idée le fait que l’on n’explore pas trop les racines du mal, qu’on laisse donc planer une forme de mystère plutôt que de faire des révélations probablement décevantes en ne remontant jamais dans un temps antérieur à l’arrivée des Crain dans la maison, je ne suis pas sûr que cela résolve le désir de comprendre précisément attisé par la série. Il m’a semblé que The Haunting of Hill House pouvait ainsi faire penser parfois à What remains of Edith Finch, dans cette exploration des fantasmes d’une famille, cette impression diffuse que quelque chose de sombre et d’occulte se joue sous l’impression de joyeuse banalité, d’ordre et de propreté générales, même si on entre dans Hill House en se doutant d’emblée que le surnaturel existe (cela reste le postulat de la série, inscrit dans son titre), ce qui ôte de sa surprise quand il se manifeste. Mais existe-t-il vraiment ? Comme le jeu vidéo, la série a le mérite d’intriguer, et sans doute de faire naître d’intéressantes discussions interprétatives pour en prolonger le plaisir quand viendra la frustration que la série est belle et bien finie sans réelles rivales dans sa catégorie. Il est alors d’autant plus dommage que The Haunting of Hill House ne soit pas claire sur les ambiguïtés morales des manifestations spectrales, qui donnent lieu à de très belles scènes, mais auraient pu mieux réussir encore avec un peu plus d’explications.

On pense parfois aux Autres, à Shining, même à Interstellar et évidemment à de nombreux films de manoir et de maison hantée de type Crimson Peak en regardant The Haunting of Hill House, cette multiplicité de références venant de son désir de sortir des sentiers battus du cinéma horrifique, de profiter du format sériel pour développer une histoire avec davantage de ramifications et d’humanité que dans nos habitudes. Je regrette cependant que l’addition d’un personnage écrivain ne s’accompagne pas d’une réelle mise en scène de l’écriture horrifique, contrairement à ce que laisse croire le premier épisode, et alors même que « Steven Crain » me paraît une référence directe au Sutter Cane de l’extraordinaire In The Mouth of Madness, lui-même une déformation évidente de Stephen King.

 

 

The Haunting of Hill House respecte son contrat, et fait mieux que cela : grâce à la forme longue, Flanagan apporte une vision personnelle et complexe aux histoires de hantise, ajoutant à l’horreur attendue (et finalement moins intense qu’espéré) une profondeur humaine admirable. Elle montre également que l’intérêt croissant des producteurs pour Netflix porte ses fruits : avant The Haunting of Hill House, Paramount Television avait permis A Series of Unfortunate Events, 13 Reasons Why et Maniac, et financera bientôt Le Dernier Maître de l’Air, Ashecliffe (d’après Shutter Island) et Pendergast, tandis qu’après plusieurs séries à l’intérêt très moyen, Amblin maintient son intérêt pour le format en s’attaquant à Halo et au Meilleur des mondes. The Haunting of Hill House est très loin d’inaugurer l’intérêt des producteurs traditionnels pour les séries, mais elle est un excellent témoignage de la qualité dont ils peuvent rêver en se lançant des défis créatifs aussi fous, en les confiant à des personnes sincèrement impliquées et en leur donnant les moyens de s’épanouir.

Je cultive l’espoir que ces séries me hanteront mieux que The Haunting of Hill House, qui n’a su que me séduire, mais qu’en dehors de quelques aspects je crains d’oublier assez vite. Les abonnés à Netflix auront cependant tort de bouder leur plaisir : on trouve encore trop peu de séries de cette ambition et qualité sur la plate-forme pour ne pas être émerveillé de tomber sur celle-là. Et puis cela vaut tellement mieux en période d’Halloween que d’aller au cinéma s’infliger la suite-reboot Halloween justement…

Laurianne « Caduce » Angeon – qui n’en est qu’à la moitié de la saison

 

Mon témoignage sur la série sera sans doute moins abouti que ceux de Macky et Moyocoyani, puisque je ne suis actuellement qu’à l’épisode 7 de la saison. Mais cela donne aussi un avis plus poussé sur cette première partie, qui à mon sens est absolument prometteuse.

The Haunting of Hill House est un petit bijou à découvrir sur la plateforme Netflix : petit, car il devient difficile d’être bouleversé par une série, tant certaines se sont inscrites dans notre patrimoine comme de véritables chefs-d’œuvre (comment égaler la perfection de Breaking Bad, les joutes et complots de Game of Thrones, la finesse des psychologies de The Walking Dead ?…). Mais il serait pour autant bien dommage de passer à côté de ce « petit bijou » qui viendra sans peine divertir vos soirées d’Halloween.

Assez capricieuse en matière de films d’horreur (à part le brutal Martyrs et le récent Hérédité qui m’ont particulièrement marquée, le reste sombre vite dans l’oubli), je me demandais ici comment un aspect « série » pourrait nourrir un réel intérêt, tant cela exige un scénario poussé, des psychologies fines et soignées, ainsi que tout un tas d’autres choses. Pourtant fan de la série American Horror Story, je n’ai pu que remarquer à quel point les intrigues se perdent parfois au fil des épisodes lorsqu’on s’essaye à représenter l’horreur de façon sérielle.

Avec cette nouvelle série, j’étais captivée d’entrée de jeu. Parce que la grande blasée d’horreur que je suis ne résiste pas à l’appel d’un manoir et de la thématique de la maison hantée, si et seulement si cela amène à un mélange d’horreur et de poésie. S’il n’y avait que le sursaut et l’effroi, on se perdrait bien vite dans une x-ième œuvre horrifique, mais pas ici : un peu à la manière d’un Crimson Peak, nous suivons l’évolution de la famille Crain dans ce manoir qui vit, et fait vivre à ses locataires de terribles événements. La bande-son est magnifique et lancinante, à la fois minimaliste et mélancolique à souhait, sans exclure toutefois cette omniprésence de la peur et de l’effroi. Question horreur justement, il reste évident que nous sommes de plus en plus difficiles à surprendre – là où le registre du gore, encore trop complaisant, offre une meilleure marge de progression et d’innovation. Pourtant, la série se distingue par quelques plans bien choisis : bien sûr, il y aura des sursauts, des apparitions fantomatiques peu originales, mais vous assisterez tout de même à quelques jeux d’ombres, quelques plans tirant sur l’horrifique asiatique pour quelques instants différents de d’habitude. C’est sans compter les quelques excellents dialogues et/ou monologues qui ne sont pas comme à l’ordinaire, chargés d’interventions prévisibles. Pour ne mentionner que lui (et ça tombe bien, puisque cela ne spoile rien), le monologue d’une femme décrivant son cauchemar juste après le générique du pilote demeure glaçant, et assez original, dans sa construction, sa progression et le travail des plans. De nombreux moments seront comme cela. Le reste du temps, The Haunting of Hill House laisse la part belle à une esthétique léchée et à des décors somptueux. Quel dommage d’ailleurs de ne pas voir dans ce manoir des plans plus libres et « aériens » à la Wan qui survole une maison en suggérant parfois ce qu’il faut d’anormal, sans effrayer, juste pour illustrer. Il ne manquait que cela pour atteindre visuellement une série proche du parfait.

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Enfin, pour là où j’en suis, je demeure toujours intriguée par la série. Après un pilote qui m’a laissée sans voix, j’ai découvert quelques autres épisodes, toujours assez bons sans égaler la force du premier : mais beaucoup de questions restent en suspens, les personnages restent attachants (les Crain enfants surtout, sont troublants chacun dans leur rôle, là où les personnages adultes perdent à mon sens un peu en consistance – à l’exception des deux jumeaux), et il me tarde de voir la suite, surtout après ce milieu de saison très réussi, alliant des thématiques telles que la mort, le suicide, les crises familiales, les addictions avec une réelle subtilité : les enchaînements de plans présent/passé s’alternent dans un tourbillon qui nous trouble, et plus que jamais, la tristesse et l’horreur cohabitent pour un mélange des genres fort appréciable. Un drame horrifique, un conte noir, que j’ai hâte de découvrir davantage.