Le réalisme dans le jeu vidéo : autopsie d’une chimère

Paul-Antoine

Le réalisme dans le jeu vidéo : autopsie d’une chimère

Le réalisme dans le jeu vidéo : autopsie d’une chimère

Paul-Antoine
25 décembre 2017

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Le réalisme, un vieil artefact du jeu vidéo. Depuis quand nous promettons-nous le réel ? Depuis quand nous croyons-nous capables de dire la réalité, de la montrer et de la décrire ? Depuis quand les développeurs de jeux vidéo soumettent-ils au public des trailers toujours plus réalistes et/ou des images photoshopées ?

Zola et Balzac, déjà, peignaient la société des Hommes. Le naturalisme et le roman absolu, « le roman tendu jusqu’à l’extrême de son possible » selon les mots de Roland Barthes. La Comédie Humaine et les Rougon-Macquart poussent ce désir de réalité dans ses retranchements, comment peut-on, mieux que Balzac et Zola, décrire une certaine France ? les bourgeois, les amours, des études de mœurs et des études philosophiques ; comment décrire mieux que le naturalisme une époque et l’Empire lui-même ?

Cette puissance créatrice, d’autres artistes la déploieront comme Gabriel Garcia Marquez et son réalisme magique ou les frères Lumière et L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat. Chacun de ces artistes, écrivains ou autres, avait pleinement conscience que la réalité est un matériau évanescent et insaisissable, la décrire revient à ne rien dire car la réalité ne s’écrit pas, ne se montre pas. Elle se vit dans l’instant, dans la seconde qu’est la vie humaine, déjà morte. Déjà conjuguée au passé. Combat improbable où Goliath le Philistin écraserait David, roi d’Israël.

Le désir du réalisme existe depuis que l’Homme parle, depuis qu’il s’est cru capable de retranscrire ce qu’il voit, ce qu’il entend. Ses sensations, ses atermoiements. Dans l’Antiquité, Platon pose la question de la mimèsis, ce désir mimétique qui nous pousse à vouloir feindre le réel, à le dépecer d’abord pour le recomposer ensuite. L’auteur de La République développe une critique virulente sur la peinture comme projection falsifiée du réel et considère que nous sommes incapables de différencier la réalité et son imitation ; pire que ça, nous pouvons être imprégnés par le virtuel, intoxiqués par la puissance des images. Là, une fois empuantis, la réalité nous échappe.

Cette pensée platonicienne infecte encore notre société et notre rapport aux arts : n’a-t-on pas déjà entendu que le cinéma, le jeu vidéo (et avant eux la radio ou l’intrigue) nous contaminent, nous pervertissent et qu’à force de tuer mon voisin sur Rainbow Six, j’irai saisir une arme dans mon râtelier pour lui coller une balle une entre les deux yeux. Le spectateur que je suis, avide de sang et de tripes, se laisse captiver puis influencer. Je ne dépèce plus le réel, j’ingère goulûment du virtuel.

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Dès lors, nous n’avons plus besoin que d’encre et d’images pour aboyer comme les chiens aboient, pour saigner comme les corps saignent. Le réalisme est cela : montrer la guerre comme elle est, les campagnes verdoyantes balayées par un vent matinal dans The Witcher et les car-jackings dans Grand Theft Auto.

Pour que le réel s’incarne celui-ci s’appuie sur nos cinq sens et le jeu vidéo a le bon goût d’en exciter trois, l’œil par l’image (et quelle image parfois ! nous y reviendrons), l’ouïe par le son, la musique, les bruitages, les dialogues du joueur et des PNJ. Si Wagner le pouvait encore il dirait certainement que le jeu vidéo est un art total (Gesamtkunstwerk, à dire très vite…), comme le sont l’opéra et le cinéma. Mais les productions vidéoludiques en rajoutent une couche grâce à l’interactivité, le spectateur devient un actant et si l’histoire progresse c’est parce que je le décide. 

Le jeu vidéo, art total, donc ? Certainement oui. Pour autant, cela est-il suffisant pour refléter la vie et les mondes bouillonnant ? Franchement… ce n’est pas certain. En interagissant avec trois de nos sens (si on considère que l’interactivité est de l’ordre du toucher, ce qui serait partiellement faux), il en reste deux qui ne sont soumis à aucune excitation, l’odorat et le goût ; l’odeur de l’asphalte et le bon goût du pruneau avarié, ni comptez pas. C’est donc un réel incertain qui se profile, marchant sur trois pieds et forcément bancal quand on en a besoin de cinq pour se mouvoir correctement.

Donc, pas réaliste le jeu vidéo ? Ce n’est pas si simple (dommage j’aurai pu conclure comme ça).

La crédibilité des mondes

Les productions le sont si on considère leur réalité uniquement, on ne parlerait plus alors de réalisme à proprement parler mais de crédibilité. Crédibilité mondaine (du monde), crédibilité du héros et crédibilité actionnelle (les actions possibles dans l’espace et le temps du jeu). En gros, est-ce que voir tomber du ciel un magicien dans Morrowind est tolérable ? A priori oui au vu de l’univers mis en place, de la pure heroic-fantasy avec son lot de races, de pouvoirs magiques, de destinées hors du commun, dont ce magicien, et de maisons en forme de champignons. Crédible que tous les personnages parlent anglais ? Déjà moins, mais c’est acceptable (certains studios choisissent de créer de nouvelles langues, à l’instar d’Ubisoft dans Far Cry Primal).

Crédible que les commerçants achètent tout votre surplus de marchandise sans piper mot, et qu’on puisse revenir quelques jours après leur refourguer le reste ? Admissible. Crédible, ces phrases répétées en boucle par certains personnages, ces 600 kilos que vous portez sur le dos ou ces gardes qui vous oublient un peu trop rapidement après avoir commis d’impardonnables méfaits ? On s’y fait, dirons-nous. Les exemples comme ceux-là sont légions et même les meilleurs mondes ouverts manquent le réel. Pourtant, ils sont crédibles et notre horizon d’attente est comblé, on comprend que l’on puisse voir des dragons dans Skyrim, des PNJ aux bras robotiques dans Deus Ex et des voitures volantes dans Jack II : Regenade.

Cependant, certains éléments, inhérents au gameplay ou aux possibilités ludiques, peuvent ternir cette crédibilité. Prenons Deus Ex : Mankind Divided. Le jeu est tout à fait impressionnant dans sa représentation d’un temps futuriste, dans son incarnation d’une époque faite d’augmentations, de complots mondiaux (parfois capillotractés quand même) et d’une société raciste qui rappelle des périodes sombres de l’humanité, l’apartheid ou le nazisme (juifs, homosexuels, noirs, arméniens et augmentés, même combat) ; de plus, la ville nous parait tout aussi crédible et le travail des game et level-designer est à saluer, Prague prend vie : ses quartiers, ses bars mal famés, son Red Queen, ses shops, ses policiers sous tension et ses environnements entre futur malsain et passé baroque. Au début du jeu un exemple symbolise cette hybridation de Prague ainsi que ce chevauchement des époques : une grande bibliothèque détruite, vestige d’un temps où la littérature était maîtresse du monde, cache l’antre d’un Augmenté, véritable Frankenstein en puissance. Du livre à l’implant neuronal, du positivisme à plein tube.

Ainsi, une crédibilité mondaine se dégage de ce Deus Ex, la ville est intéressante à parcourir et même si les PNJ semblent amorphes il reste possible d’engager la conversation avec certains d’entre eux. Néanmoins, puisque l’espace du jeu doit rester ludique on n’échappe pas à quelques non-sens, Prague, notamment, recèle de nombreux passages secrets et de parcours secondaires qui font le sel de la série et il est tout à fait appréciable de voir des chemins se dessiner, des stratégies se mettre en place pour atteindre tel lieu en évitant gardes et obstacles.

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En fait, Deus Ex apparaît comme un immense labyrinthe avec des raccourcis, des conduits d’aération, des lasers à pirater, des caméras à éviter et il est certain que du point de vue du gameplay et de la liberté d’action on frise le génie… mais cela au détriment du réalisme. En effet, les bouches d’aération sont souvent placées de manière fantasque (outre le fait qu’il y en a vraiment beaucoup, parfois cachées derrière des frigos…), même chose pour certaines portes et pour la cohérence des bâtiments eux-mêmes. À se demander à quoi a pu penser l’architecte qui a bâti le MARG dans les Alpes suisses (pourtant une des meilleures séquences du jeu)… Évidemment, on peut comprendre que l’aspect ludique prime sur le territoire mais la crédibilité en prend forcément un coup, entrainant généralement la mise au pilori de l’immersion. De ce fait, si l’histoire de Deus Ex retient l’attention du joueur, aussi bien la quête d’Adam Jensen que cette pelote de mystères que l’on déroule, les environnements, eux, révèlent une approche disons « originale » du réel.

Que dire maintenant d’Adam Jensen lui-même ? La même chose, peu ou prou. Admirablement bien détaillé le héros de Deus Ex l’est sans aucun doute, on apprécie ses traits, sa chevelure et sa barbe finement taillées, sa tenue lui sied bien et une certaine élégance meurtrière se dégage de ses implants. Si le physique tient bien en place, sa psychologie et certaines de ses réflexions surprennent, passer de la sympathie à la haine en un clic de souris est toujours déroutant. Ses antécédents médicaux n’indiquant pas qu’il souffre d’une schizophrénie latente, pourquoi donc l’entendre défendre Talos Rucker (un des « méchants » du jeu, pour résumer rapidement) à certains moments puis le dénigrer dans une autre séquence ? La réponse est simple, le scénario étant très bien quadrillé, vos choix, lors de différentes conversations, peuvent rentrer en collision avec ce dernier.

Ainsi, même si votre Adam Jensen tient tel propos, cela aura finalement peu de conséquences sur le long terme, pas question de se fâcher avec un personnage important du jeu alors que vous lui rentrez dedans depuis le début de l’histoire. Miller par exemple est d’une patience à toute épreuve… On retrouve une aberration du même type lors de la rencontre avec Viktor Marchenko.

Dès lors, tout cela nuit à la crédibilité du jeu et on ressent une impression désagréable : celle de ne pas être maître du jeu. En effet, en hésitant entre scénario scripté et jeu à choix multiples, le jeu d’Eidos Montréal se retrouve le cul entre deux chaises et ne choisit pas clairement son camp ; de cette hésitation nait alors une production, prenante par son univers, intéressante à parcourir mais manquant clairement de vraisemblance. Finalement, le réalisme s’en trouve affecté et l’immersion est biaisée.

L'image, ogre indomptable du jeu vidéo

J’en viens maintenant au point décisif de la quête du réel : la puissance de l’image. Il n’échappera à personne que les jeux vidéo sont de plus en plus beaux, disons photo-réalistes, le dernier NBA 2K18 ou Battlefield 1 (ou le dernier Forza…) en sont des exemples criants : peau naturelle, tâches de rousseur, tatouages, sueur, mouvements des habits et paysages détaillés attirent l’œil du joueur et font toujours bonne impression lors des campagnes marketing et des shows. L’image, donc, a pris une place essentielle (du moins dans les blockbusters) et des studios et éditeurs comme EA, Naughty Dog ou la Xbox One X s’en sont fait les porte-drapeaux (ajoutez à cela le matraquage incessant sur les télévisions 4K et l’HDR) et surjouent cette capacité à singer le réel, à en capter l’essence pour le matérialiser au sein du virtuel. En créant un « effet de réalité » les studios souhaitent que le spectateur pénètre entièrement dans l’univers créée, l’image devenant la condition sine qua non d’une bonne immersion.

Prenez le dernier Fifa, le trailer de la Gamescom impressionne par son jeu avec le réel, les joueurs sont fidèlement modélisés, leurs gimmicks sur le terrain sont respectés et surtout les célébrations sont bien présentes : Griezmann et son téléphone, Pogba et son dab. Au premier visionnage, on est généralement impressionné par l’envergure que peut prendre le virtuel et par sa promiscuité avec notre réel. Bien entendu, la mise en scène très léchée nous rappelle que nous sommes dans un jeu vidéo.

Nonobstant cela, cette quête incessante de la réalité cache un mal plus profond : le jeu vidéo souffre, je crois, d’un déficit identitaire, cette impossibilité de répondre à une question, simple en apparence, « qui suis-je ? », un art, un médium, les deux à la fois ou simplement aucun des deux ? À force de s’hybrider le jeu vidéo risque d’en oublier sa nature profonde, ce qui est son fondement et ce qui le différencie du cinéma, de la littérature, de la bande-dessiné et n’en fait pas juste un savant mélange de tous les arts. L’image ne peut pas faire l’identité du jeu vidéo elle en est une composante, essentielle certainement, mais ni unique ni principale. Vouloir égaler le cinéma en proposant des images toujours plus belles est une cause perdue d’avance, surtout quand le cinéma, lui, fait le cheminement inverse en proposant des contenus toujours plus virtuels.

En définitif, le jeu vidéo ne pourra jamais égaler le réel, c’est peine perdue. Si tout peut être copié, il manquera un élément : l’âme que le réel façonne en chacun des éléments qui nous entourent. Ce n’est pas simplement la vie mais un souffle, une énergie qui donnerait à une création la force du vivant. Aucun jeu vidéo ne peut donner la vie, aucune main humaine ne pourra bâtir un monde qui serait l’existence et celui-ci n’en aura, au mieux, que l’apparence. La force de l’image s’arrête « aux frontières du réel » (dixit X-Files…).

Les Grecs, déjà, l’avaient exemplifiée dans un très beau mythe dont le rapprochement avec le jeu vidéo n’est pas dénué d’intérêt :  celui de Pygmalion et de Galatée. Pygmalion est un sculpteur, l’un des plus doués. Se refusant aux femmes celui-ci décide de modeler une statue d’ivoire dont il tombe éperdument amoureux, c’est Galatée; le jeune homme l’honore de présents, de cadeaux et de baisers mais, elle, reste de marbre. Là, inconsolable parce qu’il ne peut lui donner la vie, Pygmalion décide de se tourner vers Aphrodite car seule une déesse pourrait insuffler une âme à l’ivoire. Consciente de cette amour Vénus accède à sa requête et la statue se meut, répondant alors aux baisers de Pygmalion… Au fond, que nous dit cette fable d’Ovide ? Hormis dans les mythes, réel et virtuel ne se conjugueront jamais au même temps et si l’un est au présent, l’autre est imparfait ; Zola, pygmalion français, harassant conquérant de la réalité, pourra bien se lancer dans une longue description d’une locomotive dans La Bête humaine celle-ci restera un élément de papier. Des traces noires et du charbon gris. De la même façon, le jeu vidéo peut s’approcher de la réalité, il peut même bâtir son propre réalisme (et quel réalisme dans Undertale ou Read Dead Redemption !), mais sans égaler la vivacité du réel, ce surplus d’âme que je viens d’évoquer. Un amas de pixel n’est pas un amas de chair.

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Évidemment, les jeux vidéo chercheront à être de plus en plus réels : des personnages mieux bâtis, des mondes mieux construits et, quand la technologie le permettra, les réalités virtuelles et augmentées deviendront de nouveaux artefacts poussant le réalisme dans des retranchements qu’il est difficile d’évaluer. Reste ce plafond de verre, cette muraille de Chine : la réalité, indétrônable parce qu’inquantifiable, immatérielle et insaisissable.

Plus que cela, nous aurions pu aussi nous demander si nous souhaitons d’un jeu qui aurait la lourdeur, la monotonie et les égarements que nous réservent l’existence ? Les Sims dont le leitmotiv est « Jouez avec la vie » se présente comme une caricature amusante et distrayante sur le travail, l’amitié et l’amour. Will Wright, lui-même, voulait que son jeu soit une critique du capitalisme et de la surconsommation… pas sûr que le message ait été correctement entendu. En effet, au cours de votre vie de Sims, vous ne cessez d’engranger des richesses, l’objectif étant, in fine, de bâtir une maison toujours plus grande, de s’élever socialement et d’acheter tous les objets disponibles ; pour saisir toute la potentialité du jeu il vaut mieux être riche. De plus, le jeu n’est intéressant que par la multitude des scénarii qu’il propose et les stéréotypes qui en découlent (le dragueur, le bon père de famille, la working girl, l’excentrique, la métalleux, etc.). Ici, le virtuel boursoufle les destinées humaines de clichés et de lieux communs, ce qui n’empêche pas le jeu de chercher un « effet de réalité » que ce soient dans les possibilités de personnalisation des personnages, dans le choix des caractères, des hobbies, des ambitions et des émotions. On s’amuse alors à créer des héros qui nous ressemblent ou au contraire on se façonne des vies aux antipodes.

Vous reconnaitrez-vous dans ces caricatures ? (Je suis l’homme en haut à droite…)

Comment conclure ?

Avant de finir, je souhaite revenir sur un aspect précis : peut-on vraiment lier réalité et virtualité ? Le jeu ne doit-il pas se voir plutôt comme une échappatoire au réel ? De la même façon, ne peut-on pas avancer que l’on devient autrement quand on joue ? Jouer pour supporter la vie et jouer pour être autrui. Plus que n’importe quel autre médium, le jeu vidéo nous invite à devenir quelqu’un, à se penser comme une entité élastique capable de s’étirer sur plusieurs identités. On devient autre quand on joue, on bascule dans ce que Jacques Henriot, théoricien du jeu (et non pas du jeu vidéo, je précise), appelait un « sérieux passionné » qui maintient « vive la conscience et l’illusion » ; on se prend au jeu, on bascule dans la virtualité tout en gardant un pied bien solide dans le réel. « Croire à la réalité, se prendre au jeu et s’en déprendre dans un acte de lucidité », voilà les états contradictoires, complexes et ô combien intéressants auxquels nous invite l’art vidéoludique.

Jouer c’est produire du soi dans un monde qui n’est pas le sien mais où, pourtant, j’ai des attaches, des repères qui me font dire que cet univers existe pour moi, par moi et à travers moi ; n’a-t-on jamais eu cette impression que l’environnement d’un jeu vidéo est tout entier saisissable ? que les mondes ouverts peuvent donner un sentiment d’habitude allant même jusqu’à l’extrême monotonie. Les jeux vidéo fabriquent dès lors une position originale qui développe une relation avec un monde qui n’est plus uniquement du non-moi. Je suis dans le monde et pourtant je n’y serai jamais totalement et je ne pense pas me tromper en affirmant qu’aucun autre art ne peut simuler cette impression presque vertigineuse : le corps tout entier dans le vide, attaché à une corde. On ne peut tomber et pourtant nos yeux nous disent que le précipice est là. La chaine nous retient, en adamantium forcément. Elle ne rompra jamais.

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Finalement, il n’y est pas à craindre que les jeux vidéo se saisissent du virtuel au point d’en submerger le réel ; le temps et l’espace du jeu est un moment autre, un cercle magiqueje suis sans être. Bien entendu, cela ne doit pas légitimer la violence parfois exacerbée de certaines productions ou les idéologies meurtrières. Néanmoins, n’oublions pas que d’autres arts sont ou ont été violents et que la littérature, maîtresse intemporelle de l’humanité, s’est révélée dans sa prime jeunesse d’une violence inouïe, l’Iliade et l’Odyssée, œuvres matricielles s’il en est, relatent la guerre, le sang et la mort : la mort d’Hector, vaincu par Achille, l’aveuglement d’un Cyclope et le massacre des prétendants par Ulysse. Rien ne dit que le jeu vidéo ne s’extirpera pas à son tour de cette violence originelle pour aborder de nouvelles thématiques (ce que font déjà nombre de productions indépendantes d’ailleurs), de nouveaux horizons qui sauront, à terme, rendre le jeu vidéo moins méprisable.