The Apostle, d’où viens-tu ?
Le Bon Apôtre est le dernier né du réalisateur Gareth Evans, connu comme le papa des films The Raid (1&2). Parfaitement à l’aise donc dans le registre de l’action et de l’effréné, Mr. Evans s’est aujourd’hui essayé au genre horrifique, dans un film qui – au visionnage du trailer – semble bien loin des éclats fiévreux de sa filmographie passée. Ici, nous retrouvons un synopsis plutôt basique : un homme part à la recherche de sa sœur, kidnappée par un culte religieux vivant reclus sur une île, bien loin du continent – tout cela, au début du siècle dernier, en 1905.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que The Apostle, fait envie, non seulement par son trailer hautement intrigant, mais aussi par le début du film, qui nous plonge efficacement et directement au cœur de l’intrigue. Si le sujet d’un culte religieux fanatique ne révolutionne rien dans le genre, son traitement particulier ne fait que nous rappeler à quelques bons exercices (pour ne pas non plus dire certains excellents) : une communauté recluse du monde, régie par la peur d’un châtiment (The Village), un prédicateur qui ne semble pas être blanc comme neige (La Nuit du Chasseur, Brimstone…) un fanatisme religieux qui mène au pire (The Witch…), sans parler d’une ambiance horrifique singulière oscillant entre le sanglant et l’effroi, sans recours abusif aux jumpscares et autres clichés « faciles » qui n’est pas sans rappeler quelques excellents longs-métrages à l’ambiance parfaitement maîtrisée (comme dans mon dernier coup de cœur, Hérédité). Alléchant donc, et diaboliquement prometteur.
Et donc, qu’est-ce que ça donne ?
Du neuf ! Et mon Dieu (si j’ose dire), qu’est-ce que cela fait du bien. Alors bon, avant de s’engouffrer dans une pluie d’éloges totalement subjectives, il faudra tout d’abord nuancer en disant que The Apostle est un bon film, là où il aurait sans doute pu devenir bien plus que cela. C’est donc une critique en demi-teinte qui suivra, mais avec tout de même son lot d’excellents retours.
À commencer par la réalisation et la photographie du film, brillantes et soignées. The Apostle est un beau film, aux plans réfléchis et minutieux, instaurant à merveille cette ambiance de thriller tout à fait malaisant. Les paysages, les scènes fortes, tout comme le lore du film, puisent dans un mysticisme entre The Village et les créatures dérangeantes de Silent Hill. On y retrouve alors une empreinte originale, aboutie et assumée. Car The Apostle ne se contente pas d’en rester à une bête histoire de fanatisme qui tourne au fiasco, et malgré le fait que le film s’attache pourtant très fort à cette aspect, quelques indices surnaturels viennent – dès le départ – nous suggérer qu’il y aura plus. Cela arrive ponctuellement, sans grand renfort de cris et de frayeur (au début tout du moins) pour créer un mélange des genres tout à fait jouissif. Ainsi, vous n’aurez pas à choisir entre un film sanglant ou un film d’horreur, puisque Le Bon Apôtre décide d’aller puiser dans le meilleur de chacune de ces spécificités pour nous offrir une œuvre noire, viscérale et poignante.
Ce choix assumé de ne pas se contenter du gore ou du surnaturel est donc l’une des grandes surprise de ce film, parce qu’en plus d’une initiative tout à fait louable, il excelle dans certaines scènes mettant en lumière chacun de ces genres. Le sang coule à flots, et lorsqu’il n’est pas bêtement en train de couler, il est suggéré dans les sévices, dans ce que cet obscurantisme suggère de punitif, dans des plans bien choisis, dans certaines images qui distillent le dégoût sans pour autant nous montrer l’insupportable : une scène d’exécution mettra par exemple vos tripes à l’épreuve. Si rien n’est – tant que ça – montré, la suggestion opère diaboliquement bien, et l’on se surprend à tressauter, à se cacher les yeux alors que la caméra a depuis longtemps quitté le champ de l’image difficile à voir. Une réelle maîtrise, tant pour le gore, que pour la créativité des scènes chocs – à grand renfort d’inspiration médiévale, type inquisition.
L’autre genre où The Apostle excelle, c’est donc aussi celui de l’épouvante. Et ça, ça fait du bien. Là où il peut être plus simple de choquer par le sang, choquer par l’effroi demeure un exercice périlleux, tant les productions horrifiques abondent en quantité (le qualitatif ne suit pas toujours, mais on en demeure pas moins persuadés d’avoir « tout vu » ou presque). Pourtant, Le Bon Apôtre regorge de quelques scènes tout simplement brillantes. D’un bref plan fantomatique, à la peur d’une apparition plus subite, le film surprend parfois lorsque l’on oublie qu’il nous propose – aussi – du fantastique. L’une des scènes est totalement surprenante : partant d’une simple course-poursuite qui finit dans une fosse d’égout, aussi étroite que répugnante, The Apostle suggère le caractère étouffant, claustrophobe par les plans : ce qui est alors malaisant devient totalement insupportable lors d’une apparition surnaturelle, glaçante d’effroi. On se sent oppressé, coincé avec le protagoniste dans cet instant viscéral et glauque. Une claque, un sursaut de peur que je n’avais pas eu depuis Hérédité, et avant cela dans le film Deux Sœurs. L’essai est donc transformé par cette photographie, et cette réalisation magistrale. Il est également difficile de ne pas remarque l’excellent travail extra-diégétique des musiques, qui distillent la peur par des instrumentations qui sortent de l’ordinaire. Point de grand « boum » pour marquer le sursaut, mais une peur suggérée par une bande-originale efficace et originale. De ce côté de l’horreur, The Apostle sera donc très proche d’un The Witch – et c’est donc déjà excellent !