Que vaut la dernière série Disney Marvel, Loki ?

L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz (avec de légers spoilers) : Loki, une demi-série assez peu malicieuse

Quand Disney avait annoncé les trois premières séries Marvel prévues sur sa plateforme, j’avais essentiellement retenu le projet autour de Loki, comme beaucoup je pense. Après tout, WandaVision et Falcon et le Soldat de l’hiver ressemblaient à des histoires qu’il fallait développer pour faire avancer des protagonistes importants dans l’univers partagé, mais qui n’auraient intéressé personne sur le grand écran, quand Loki promettait un ton radicalement plus libre, débarrassé des questionnements sur la continuité grâce à son départ de la timeline canon. On comprenait alors que les six épisodes seulement que compterait la série serait probablement l’occasion de lui redire au revoir, mais après un vrai beau chant du cygne, dense, malicieux et magique. Une erreur grossière à tous points de vue.

Marvel Disney+

La plus MCU des séries Marvel

Tout d’abord parce que nulle série n’aura finalement été aussi essentielle à la continuité que Loki. On ne s’étendra pas trop sur le sujet après le fiasco WandaVision, qui avait invité le monde entier à pérorer sur l’ouverture du MCU aux X-Men pendant une semaine, avant de dévoiler que l’on s’était juste moqué des spectateurs (décevoir les attentes, qu’est-ce que c’est fun !), mais il semblerait bien que cette fois il faille avoir vu Loki pour comprendre les futurs délires autour du Multivers, dont on sait combien ils seront essentiels dans Spider-Man et Doctor Strange, sans même parler de la première mention du super-vilain qui devrait être l’archennemi de la phase 4.

Je continue d’être surpris qu’après deux séries-parenthèse (que vous les regardiez ou non ne changera RIEN à votre compréhension de la suite), dont on espérait précisément qu’elles aient un impact sur le MCU, Marvel confie cet impact à la série la plus déconnectée, donc je vais éviter de forger la moindre attente et de spéculer sur ces événements ; j’imagine cependant mal comment cette fois on pourrait avoir tort.

Au fond, ce serait plutôt une bonne nouvelle, puisque l’on trouvait tous un peu ridicule à la longue que Marvel s’autorise autant de séries sans qu’elles aient la moindre importance pour son univers cinématographique, comme si elles se déroulaient dans un univers différent, avec quelques clins d’œil prenant l’allure d’easter eggs. Ceux qui n’étaient pas abonnés à Disney+ pouvaient se réjouir de pouvoir tout suivre grâce aux longs-métrages uniquement, mais on se doutait que cela ne durerait pas, que l’on nous « obligerait » vite à nous abonner pour ne pas manquer une miette du MCU – cela faisait pratiquement partie de la promesse initiale de l’univers partagé.

 

Pourtant, la plus courte des séries Marvel

Néanmoins, cela signifie aussi que la première série Marvel prêtant à conséquence ne dure que six épisodes contre dix pour les deux précédentes, treize chez Netflix, vingt-deux pour Agents of S.H.I.E.L.D

Loki Timeline

Qu’elle soit si courte ne se justifie donc plus si bien. Et devient même carrément incompréhensible quand la fin du sixième épisode laisse absolument tout en suspens, et essaye de nous enthousiasmer avec la promesse d’une deuxième saison. Sans blague.

Le cliffhanger de la saison n’étant même pas plus efficace que certains cliffhangers d’épisodes intermédiaires, j’ai du mal à voir ce Loki autrement que comme une simple première partie de saison plutôt que comme une saison prétendument intégrale, c’est dire la frustration d’arriver à la conclusion du dernier épisode et de se souvenir que c’était bien le dernier…

Je ne conçois simplement pas que l’on puisse ne pas être frustré. Il y a longtemps que je n’avais pas vu de série aussi peu soucieuse d’apporter le moindre sentiment d’achèvement à l’un ou deux de ses arcs principaux au moins, bien sûr en laissant plusieurs ouvertures pour la suite. Et au moins, dans une série traditionnelle, on s’attend à ce qu’une saison 2 voie le jour, alors que le principe n’est pas réellement pertinent dans le MCU, où les séries s’intercalent entre les films.

Si vraiment la saison 1 de Loki a permis la suite du MCU, c’est que la saison 2 ne devrait pas avoir grand-chose à voir avec ce qu’elle nous a montré – intuition que confirme le départ de la réalisatrice de l’ensemble des épisodes (mais pas du showrunner apparemment), qui avait signé pour une seule saison sans même être au courant qu’une autre lui succèderait ! Le genre de départ qui couvre généralement des débats plus houleux (après tout, il est d’usage de proposer de reconduire l’équipe derrière un premier succès pour préparer le second), mais qui n’est en l’occurrence pas une si mauvaise nouvelle.

 

Quand une bonne histoire est mal mise en scène et écrite

On peut éventuellement saluer le soin apporté à la conception des différents lieux traversés par les personnages, en particulier les locaux de la TVA (l’agence chargée de faire respecter une temporalité unique) ou une planète assez Fallout/Outer Worlds, Lamentis, mais la réalisation elle-même m’a rarement impressionné, particulièrement dans sa manière de mettre en scène les « révélations » (souvent dans les cliffhangers d’ailleurs), particulièrement peu dramatiques, ou dans le rythme général de la série. Enfin, mon scepticisme vis-à-vis du travail de réalisation n’a pu qu’être avivé par ma surprise d’avoir été à ce point peu convaincu par le scénario.

Loki Lamentis

Entendons-nous bien, je trouve l’histoire vraiment bonne. Toutes les situations et leur enchaînement sont bien pensées, surprenantes, assez captivantes même souvent, et tous les personnages sont excellemment imaginés, du buddy et du love interest au moindre variant… mais cette réussite est complètement ternie par leur mise en scène, leur rythme et des dialogues dont on remarque d’autant mieux l’absence flagrante d’intensité qu’ils sont très présents dans Loki – plusieurs spectateurs ayant même listé la présence de trop nombreux dialogues au détriment de l’action comme un défaut de la série. Et alors qu’un tel reproche me ferait habituellement hausser les yeux et lever les épaules au ciel, je préfèrerais sans doute n’importe quelle action lambda à la Marvel que la mollesse de ces échanges, purement informatifs malgré leur propre foi en leur profondeur, et donc inutilement longs vu le peu qu’ils ont à transmettre. Quand les héros rencontrent l’antagoniste final, j’ai juste eu envie de bâiller, et de bâiller et bâiller encore pendant toute l’interminable séquence qui s’est ensuivie, même sachant qu’elle était évidemment essentielle. Cela ne m’était simplement jamais arrivé devant une production du MCU, où l’on peut se gausser de la médiocrité d’un vilain, enfin quand même pas bâiller…

D’ailleurs si le MCU recourt académiquement à des stéréotypes narratifs, cela fonctionne habituellement parce qu’il y a une compétence d’Hollywood à nous faire accepter des parcours pré-écrits (du Campbell pour le dire vite), quand dans Loki on se facepalm régulièrement devant les clichés qu’on ose nous infliger, les situations non seulement prévisibles (ça ce n’est pas si grave) exprimées si médiocrement qu’on ne voit que leur prévisibilité, sans ressentir une once d’émotion ou être happé une seconde. Cela accentue l’impression de gâchis quand un personnage essentiel se retourne contre un autre personnage essentiel, remettant tout en cause, et qu’en fait on se demande juste comment il est possible qu’ils en soient « déjà » arrivés là.

Je suis à peu près certain que l’on aurait pu aisément faire tenir toute la série en un long-métrage, pourquoi pas sur Disney+, sans renoncer à rien de ce qui s’y passe. Et si la série n’avait pour vocation que de poser les fondations des prochains films, dans lesquels il paraît qu’on pourrait retrouver un peu Loki, un film Loki se serait mieux justifié encore. Enfin, on attire plus de spectateurs avec un épisode hebdomadaire pendant deux mois qu’avec un seul film, ce qui était peut-être la meilleure raison derrière ce format.

Loki variations

Quitte à prolonger artificiellement l’intrigue, j’aurais adoré des « épisodes spéciaux ». On a rencontré et accepté Sylvie : il est donc temps de consacrer un épisode à son passé. On apprend quelque chose de très important sur Mobius et la Juge : pourquoi ne pas faire un épisode de leur background maintenant que c’est possible ? On a rencontré les variants de Loki : tout le monde ADORERAIT un épisode sur chacun, ou à la rigueur un épisode où l’on montrerait ce qu’ils ont vécu avant d’en arriver là, et l’impact dramatique de ce qui arrive n’en serait que renforcé – quand on se demande là si l’on est supposé être vraiment triste, et où sont passés tous les autres.

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Bref on aurait pu remplacer une sensation de gâchis par l’épisode que l’on se retrouve à réclamer le plus ardemment et qui aurait le mieux servi l’intensité de la série telle qu’elle existe. Bien sûr on peut imaginer que quelques-unes de ces idées sont réservées à la suite… mais est-ce vraiment le cas ? N’avons-nous pas tous au fond de nous la peur lancinante que ce ne soit pas du tout le cas, et que Marvel considère vraiment closes quelques pistes qui pourraient faire tant de bien à tous ?

Tom « Loki » Hiddleston

MAIS il reste un grand « mais ». On peut être déçu par la mise en scène, la mollesse, la lenteur, le dialogue, la sous-exploitation, MAIS il reste le héros éponyme, notre cher Tom Hiddleston, si formidable dans ce rôle comme il l’avait déjà été dans tant d’autres – il est somptueux dans Only Lovers left aliveHigh-RiseThe Hollow CrownThe Night Manager… Entre le charme naturel de l’interprète et la malice du personnage, on devrait avoir largement de quoi alimenter six heures de plaisir !

Or Hiddleston n’est pas à son meilleur, sans doute essentiellement à cause des problèmes déjà mentionnés – quand on n’a rien d’enthousiasmant à jouer, il est impossible d’être enthousiasmant. Pourtant, le premier épisode était très rassurant. L’idée de base déjà était formidable : prendre le Loki du premier Avengers, le sbire à peine vaincu du Titan fou, celui qui n’aurait pas connu ce bel arc de rédemption sur une décennie, pour faire vivre un arc différent à un personnage différent (même un autre arc de rédemption) justifiait de le faire régresser.

Et le confronter d’emblée à une machine lui permettant de voir sa vie (donc lui permettant de voir tous les films jusqu’à sa mort ratée dans Endgame) savait être émouvant tant le héros semblait fracassé. Malheureusement, cela avait aussi pour effet… de pratiquement le transformer instantanément dans le dernier stade connu de Loki grâce à cette séance de rattrapage express, et de lui faire connaître tant de développement en un épisode qu’il ne restera plus rien pour la suite.

En dehors d’un dialogue avec Sylvie sur Lamentis, qui commence vraiment à déboucher sur quelque chose, Loki est juste… bête et passif pendant l’intégralité de sa série. Son meilleur gag consiste à répéter qu’il est malin et intelligent pour que n’importe qui l’humilie à se montrer plus intelligent que lui, ce qui est peut-être vaguement amusant une fois, mais juste épuisant la troisième et désespérant la quinzième, en plus de ne pas du tout le mettre en valeur. Puis les épisodes où il est avec Mobius pour chercher un autre variant Loki (la quête de Mobius) sont suivis des épisodes où il accompagne cet autre variant pour renverser la TVA (la quête dudit variant).

Loki n’est jamais seul pour accomplir ce que lui voudrait, et n’a en fait aucun réel objectif. Il essaye bien de nous expliquer qu’il veut gouverner la TVA, mais cela n’est qu’un vœu abstrait auquel on n’accorde (et à raison) aucune importance, parce que ça ne le définit pas et ça n’a aucune raison de le définir, ce n’est qu’un vague MacGuffin pour créer un premier horizon en attendant de tomber sur mieux. Il est d’ailleurs singulièrement révélateur que dans une réunion de six Lokis (!) on n’ait pas une seconde l’impression d’assister à la confrontation de six dieux de la malice, aussi retors qu’intelligents, juste de la rencontre de six personnages un peu lambdas.

On aurait au moins pu explorer quelque chose de passionnant dans le concept d’un Loki amoureux de lui-même… mais sa romance avec une Loki ne souligne cette dimension égocentrique que parce qu’on nous la rappelle explicitement. Au fond, comment peut-on prétendre mettre en scène une rencontre du double avec une Loki qui demande à ne pas être appelée Loki, a un tout autre background, une toute autre personnalité, un tout autre physique, de tous autres pouvoirs, et une toute autre motivation ? Pas étonnant qu’il faille nous crier « C’est quand même une Loki, ouh là là » tant il serait aisé de l’oublier pour prendre Sylvie pour un tout autre personnage.

 

Low-kick

Je vais donc conclure en disant l’impensable : des trois séries Marvel, c’est sans doute dans Falcon & the Winter Soldier que j’ai trouvé le plus de bonnes choses. Peut-être entourées des pires choses d’ailleurs, et je serais loin de la défendre comme une bonne série, mais elle aura su bien mieux que Loki développer ses personnages, en inventer de très corrects, se rattacher assez judicieusement au MCU, mener des arcs clairs à leur terme, et même proposer quelques dialogues réussis. Et moi qui aime le foutraque, le baroque, le surprenant, l’expérimental, le grain de folie, pour rejeter le Marvel standardisé, son action insipide et ses formules narratives toutes faites, je suis le premier déçu de cette préférence, croyez-moi.

 

L’avis de Lucile « Macky » Deloume : du bon et du (beaucoup) moins bon

Je vous ai parlé des séries Disney Marvel au travers de plusieurs critiques, avec le Falcon et le Soldat de l’Hiver, mais aussi WandaVision, que j’ai beaucoup apprécié. Je n’avais pas voulu me spoiler d’une quelconque façon, même si je n’en attendais pas grand chose. De ce fait, je ne connaissais même pas la distribution, si ce n’est la présence, bien évidemment, de Tom Hiddleston. On retrouvera donc Owen Wilson, qu’on ne présente plus, mais aussi Wunmi Mosaku ainsi que Jonathan Majors, deux acteurs que j’ai connus dans Lovecraft Country, une série disponible depuis août 2020 dont j’aurai dû vous parler, je m’en veux, tant cette série est bien !

D’ailleurs, j’adore Tom Hiddleston, car c’est un très bon acteur et que plus jeune, je le trouvais sexy as fuck. J’ai toujours aimé le personnage de Loki, ses ambiguïtés, ses peines, et comme pour Black Widow, il manquait à son personnage un solo, que ce soit film ou série. J’étais donc heureuse de le retrouver mais, sans vouloir critiquer outre mesure, je n’ai pas apprécié son jeu d’acteur, moyen par moment. Je n’ai trouvé aucune émotion ici, si bien que je n’ai pas pu éprouver d’empathie pour le personnage, chose que j’arrivais à faire aisément auparavant, même dans Avengers, sorti en 2012, où il représentait tout de même le grand méchant. On sent bien que Marvel a tenté de le rendre attachant, mais ça n’a pas pris. Je l’ai trouvé encore plus détestable qu’avant, sauf qu’à ce moment-là, j’aimais le détester.

Loki

Côté scénario, il y a là aussi du bon et du moins bon. Le Time Variance Authority ou TVA par exemple, est une très bonne idée, très bien amenée, à l’exception près que, attention spoiler, on sait rien qu’à l’uniforme que ce sont les gros méchants dès le départ ! Alors que ce n’est pas le schéma qui nous est peint au début, surtout avec un Owen Wilson a.k.a. Mobius si gentil, attachant et patient. En parlant de grand méchant justement, il aurait été appréciable de bien plus développer ce dernier car au final, tout au long de la saison, on court après le vent, un courant d’air, qu’on attrape très vite fait lors du dernier épisode, nous laissant sur notre faim.

Au final, Loki est une série qui se regarde, mais qui s’oubliera assez vite, tout du moins pour moi. Je n’ai même pas vu venir la fin de la saison, si bien que c’est mon mari qui m’a dit que c’était le dernier épisode. J’ai réellement l’impression que Loki a mis en place quelque chose d’inachevé. Il manque selon moi un vrai développement, un vrai dénouement. Déçue donc. En espérant que la saison 2, déjà annoncée et signée mais sans date pour le moment, saura se rattraper.