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Critique à 4 mains – Lupin

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Lupin

L’avis de Lucile « Macky » Deloume : quand une série française se hisse dans le Top 10 Netflix

Sortie le 8 janvier dernier sur la plateforme de streaming en ligne Netflix, Lupin est une série française d’une saison pour le moment de 5 épisodes, d’une durée moyenne de 45 minutes. Gros succès depuis sa sortie, on y retrouve Omar Sy dans le rôle d’Assane Diop, ou bien encore Ludivine Sagnier dans le rôle de Claire, la mère de son fils. Voici dans les grandes lignes ce qu’il faut retenir : il y a 25 ans, la vie du jeune Assane Diop est bouleversée lorsque son père meurt après avoir été accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Aujourd’hui, Assane va s’inspirer de son héros, Arsène Lupin – Gentleman Cambrioleur, pour le venger.

Pour la bande-annonce, au cas où vous seriez passé à côté, je vous la pose juste ici :

 

Lupin, un gentleman à la française ?

Omar Sy est partout en ce moment. Après Soul et l’Appel de la forêt, le voilà de retour pour notre plus grand bonheur dans Lupin, l’adaptation du gentleman cambrioleur de Maurice Leblanc. Une adaptation moderne, au scénario bien ficelé, qui sait tenir en haleine et qui fait, pour moi, partie de ces séries qui donnent envie de binge watcher le tout. On se rappellera cependant qu’on a une vie et qu’on ne peut pas passer 225 minutes d’affilées devant une série, aussi bonne soit-elle. Non, j’ai donc pris le temps et ai savouré Lupin, à la hauteur d’un épisode par jour afin de faire durer le plaisir.

Assane est un homme avec beaucoup de classe, qu’importe ce qu’il porte. Il est poli, simple, humble et bien que voleur, on aura du mal à lui en vouloir dans le choix de ses victimes. Père de famille imparfait, on sait qu’il tient à son fils et à la mère de ce dernier plus que tout. Afin de ne pas les mêler à ses histoires, il a pris de la distance pour éviter tout danger potentiel.

Lupin

Une version modernisée

Ici, notre Lupin vient d’un milieu défavorisé. Habitant dans les tours, son père a tout fait pour lui donner une vie meilleure, une bonne éducation, faire en sorte qu’il s’en sorte mieux que lui. Lupin a des valeurs qu’il défend. Avec cette version, Netflix nous parle d’inégalités raciales et sociales, si bien qu’une polémique avait quelque peu éclaté sur la fachosphère. En effet, certains internautes (qui n’ont vraisemblablement rien d’autres à faire de leur temps et de leur énergie) ne comprenaient pas comment Arsène Lupin pouvait être incarné par Omar Sy, l’acteur ne correspondant pas au « profil » puisqu’il est noir.

De notre côté, on appréciera donc ce choix car en plus de souligner des soucis bien présents de notre société, Assane Diop a un « profil » très intéressant : en tant que noir et personnel de ménage/livreur exploité etc., bref, des emplois précaires, il est tout ce qu’il y a de plus invisible, un homme sans visage et sans nom.

Alors, on aime ? 

Évidemment ! Comment ne pas aimer ? Bons acteurs, bon scénario, bon format, une deuxième partie de saison bien teasée par une fin qui nous donne envie d’aller plus loin, tous les ingrédients sont réunis pour nous faire passer un bon moment. On attend donc impatiemment la suite des aventures d’Arsène… Assane, pardon, et on sait d’ailleurs que la seconde partie de la première saison est déjà tournée et sera diffusée dans le courant de l’année. Reste plus qu’à patienter !

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L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz : 

La série Lupin détrônerait Le Jeu de la Dame et La Casa de Papel entend-on partout. Un argument promotionnel qui est loin d’un gage de qualité, mais qui peut d’autant plus légitimement intriguer qu’il n’est pas si commun que les productions françaises rencontrent un tel retentissement international – que quelques épisodes soient réalisés par Louis Leterrier, disciple de Luc Besson, n’a bien sûr pu que favoriser son acceptation par le public états-unien, forcément sensible à un certain sens du rythme hollywoodien.

Grand lecteur en bandes dessinées puis en romans des aventures d’Arsène Lupin dans ma jeunesse, c’est la référence littéraire qui attisait particulièrement ma curiosité, et cette idée de transposition contemporaine un peu méta (à la Sherlock), plutôt rassurante que si l’on avant tenté l’adaptation en costumes – moins intéressante sans doute, mais plus facile, tout écart pouvant être mis sur le dos de la transposition.

Arsène Lupin

 

Soit Assane Diop, petit génie du crime qui s’inspire du livre offert par son père avant son arrestation pour comprendre ses motivations, puis le venger. Inutile de dire qu’Arsène Lupin est déjà loin : Assane n’est même pas un détective justicier (comme Arsène l’est de plus en plus au fil des romans), il ne s’intéresse qu’à son petit cas personnel, et ma foi tant mieux si cela lui permet de faire tomber riches, corrompus et racistes. Une fois on le voit réaliser un autre vol, en arnaquant une défenseuse ardente du Congo Belge… mais il semblait l’ignorer avant son larcin, et je ne crois pas avoir vu d’autres traces d’autres vols.

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Est-il donc bien un voleur, ou même pas ? Difficile à saisir tant on s’acharne à le présenter comme un bon fils, un bon père, un bon ex, une victime du système tentant de lutter contre ceux qui ont abusé de leur position au détriment de sa famille. Attention, je ne m’attendais pas à un Arsène Lupin de 2020, l’astuce de cette filiation très libre entre la figure de Lupin et Assane autorisant bien des détournements et des libertés tout à fait acceptables, seulement à ce qu’on en retrouve un peu plus l’essence, à la Sherlock encore une fois.

C’est que la fascination d’Assane pour Arsène est celle… d’une série télévisée. Un roman Arsène Lupin a beau avoir été le dernier cadeau de son père et avoir énormément compté pour lui, son attache au personnage phagocyte tout le reste, y compris ses relations sentimentales et paternelles, comme s’il ne pouvait aimer une saga fictionnelle, en tirer une inspiration même, et pourtant aimer autre chose.

Mais cela concerne plus généralement toute la série, avec laquelle il est évident que Netflix a voulu prouver à nouveau son impact sur la consommation (comme quand il faisait chanter au monde Bella Ciao ou acheter des jeux d’échecs par milliers), tant le véritable rapport aux aventures du gentleman cambrioleur est ténu, plus souvent balancé explicitement que réellement présent dans les actions des protagonistes. Toute l’influence des romans de Maurice Leblanc pourrait d’ailleurs résulter d’un passage de cinq minutes sur sa fiche Wikipédia tant ils peinent à structurer subtilement l’intrigue.

Lupin Omar Sy

Mais c’était bien joué : le rapport à un univers romanesque de surcroît désuet offre une légitimité qui a beaucoup participé à alimenter le succès de Lupin, et tant pis si Maurice Leblanc se retournerait dans sa tombe de voir ce que devient son personnage, ni anarchiste, ni voleur, ni vraiment gentleman, ni si bon en costumes… Bien que le « talent » d’Assane pour les déguisements soit pour le coup souvent montré, je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu un criminel de fiction réaliser autant peu d’efforts, et pourtant semer aussi longtemps ceux qui le suivent. Même la scène où il fait le plus d’efforts est infiniment en-deçà de la magistrale seconde partie du Limier, et à l’opposé de bien rendre hommage à l’un des plus grands génies du costume de la littérature.

Ajoutons pour enfoncer le clou que le succès numérique est grandement facilité par le fait que l’on n’ait accès… qu’à cinq épisodes de Lupin, c’est-à-dire une demi-saison, qui ne s’interrompt pas tant sur un cliffhanger que sur une simple attente de l’épisode suivant, prévu… pour la fin de l’année. Un mode de diffusion pour le moins curieux, qui permet d’afficher des chiffres mirifiques en n’ayant occupé les spectateurs qu’une poignée d’heures.

On s’en méfiera d’autant plus que la fin de la demi-saison fait un peu peur pour la suite : Assane semble (déjà !) identifié par le monde entier, police comprise, tant pour son identité que pour ses motivations, et je n’ai pas trouvé à Lupin assez de génie dans l’écriture pour espérer un réel twist (une espèce de preuve à la Death Note qu’en fait Assane n’est pas Lupin, éloignant les suspicions pour laisser la porte ouverte à une saison 2 intéressante).

Lupin

Tous ces clous ne doivent pas laisser croire que je fais un cercueil à Lupin, auquel je décernerais un 6,5/10, parce que la compétence dans la réalisation, le charme d’Omar Sy décidément très investi dans ce personnage (et tant pis si c’est au détriment des très plats personnages secondaires), une intrigue efficace à défaut d’être maline, une utilisation des musiques qui apparaît presque comme de la triche tant il est facile de faire passer n’importe quoi pour une merveille en l’accompagnant du superbe Meaning de Cascadeur dans sa version chorale ; tous ces éléments m’ont fait passer un moment tout à fait agréable, une fois le puriste lupinien mort et enterré.

 

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