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Dream Runners : onirisme, puzzle et course simultanée !

Dream Runners

Dream Runners : onirisme, puzzle et course simultanée !

 

Le concept de simultanéité fait penser spontanément à Magic MazeMagic Maze on MarsSpace BowlWormLordHouse FlippersClinic Rush, Flash 8… et déjà on voit qu’il ne se cantonne pas à des propositions orientées ambiance. Il me fascine dans le jeu de société, comme vous le verrez d’ailleurs bientôt dans le Philimag de novembre, parce qu’il représente une certaine modernité, en sortant de l’opposition entre un jeu de société enfermé dans le statisme tour-par-tour et le temps fluide du jeu vidéo.

Mais il n’est pas si aisé à transposer mécaniquement, précisément parce que faire du simultané pour rigoler du chaos engendré, et l’assimiler à un système de règles complet, sont deux choses tout à fait différentes. C’est pourquoi l’une des solutions les plus satisfaisantes consiste à limiter la simultanéité à la phase centrale d’un titre, garantissant dynamisme et tension quel que soit le nombre de joueurs, mais sans y résumer l’ensemble du gameplay. Une logique que l’on retrouve dans des jeux aussi différents que Clinic Rush, Dungeon AcademyLes Charlatans de Belcastel… ou Dream Runners.

Dream Runners est conçu par Joan Dufour, un auteur qui connaît la simultanéité et l’apprécie puisqu’on lui devait déjà Flash 8. Il est accompagné aux pinceaux par l’extraordinaire Jade Mosch (Kanagawa), dite ELK64, dont je vous recommande très chaleureusement l’admiration du site et du DeviantArt (Kanagawa). Édité par Ankama (ArkeisWelkinDraftosaurusKrosmasterMonster Slaughter), il est vendu au prix extraordinairement bas de 23 euros, et s’adresse à 2 à 4 rêveurs de 8/10 ans et plus.

 

Mise en place du rêve

Le joueur se retrouve sur une île inconnue et manifestement onirique, entouré d’autres personnes tout aussi perdues. Ils vont donc tenter de donner du sens à une série de rêves plus vite que les autres, tout en luttant contre les cauchemars et en accumulant plus de trésors, afin de se réveiller plus vite…

Non, le thème n’a aucun sens. Par souci d’efficacité dans le synopsis, rien n’explique la nature de ce rêve étrange, ce que signifie cette collection de fausses richesses, pourquoi on ferait la course contre les autres, ce que cela veut dire, d’être des dream runners

Quelques lignes de plus auraient aisément pu créer de l’histoire, mais le jeu préfère faire le pari du thème plaqué sur un jeu abstrait. Pourquoi pas, mais quel dommage pour les dessins éthérés de Jade Mosch, qui auraient à mon avis été sublimés par une signification dramatique !

C’est que, une fois l’absence relative de thème acceptée, on se trouve face à un matériel étonnamment abondant et varié : une pile de 8 tuiles Rêve dans l’ordre croissant de complexité, des plateaux individuels Sérénité servant à marquer les scores de sérénité et d’étoiles, les 4 segments (des polyominos) de sa couleur et les 2 pièces que chacun doit prendre, un plateau principal couvert de 4 piles de 6 segments, seule le premier segment de chaque pile étant visible, ainsi qu’une pile de jetons Coffre pour chacun des trois types, à proximité les jetons clés, fragments d’étoile, pièces et le sablier.

 

 

Pfiou. Pas franchement rassurant à la première partie, le tout donnant aisément l’impression de s’adresser plutôt à des joueurs de 12 ans qu’il ne serait réellement accessible à partir de 8 comme il le prétend. Au moins le rangement n’est-il pas le calvaire redouté, grâce au parfait thermoformage du jeu.

Et là, vous concevez déjà l’un des plus gros atouts de ce Dream Runners, proposer pour 23 euros une boîte assez grande, bien remplie, avec un vrai insert, et promettant une certaine richesse de gameplay, c’est pratiquement du jamais-vu. Et si l’on se souvient que c’est la politique d’Ankama, qui possède directement une usine en Chine me semble-t-il (ce qui explique mais n’empêche pas d’admirer le positionnement tarifaire), c’est la première fois que l’éditeur l’applique à un jeu aussi ample.

Sur une note un peu plus négative, je ne trouve pas le tout… si beau. On sent bien que chaque élément pris individuellement a été soigné, et Jade Mosch a vraiment fait des merveilles, mais le tableau d’ensemble ne me parle vraiment pas, ce qui rejoint bien sûr la lacune de thème que je ressentais. Trop de petites choses éparses, des rectos de polyominos assez laids, même s’ils parviennent à être parfaitement lisibles, clairs et distincts… On n’est bien entendu que dans le ressenti subjectif, et j’espère que vous serez plus embarqués que moi ! Le plus important reste que le jeu soit intéressant…

 

Vaincre les cauchemars pour sortir du rêve

Au début de chaque manche, un joueur retourne une tuile Rêve, qui représente un carré de 3×3 cases. Simultanément, tous les rêveurs vont tenter d’y répondre en disposant leurs propres segments devant eux. Le premier satisfait de sa composition retourne le sablier, pressant donc les autres, en plus de récupérer une pièce et le titre de premier joueur, et quand tout le sable est écoulé, on passe à la résolution.

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Chacun perd alors 1 point de sérénité par case débordant d’un carré de 3×3 cases et/ou par case manquante pour le constituer devant eux. Si une case Cauchemar (rose) apparaît dans le rêve et que l’on n’a pas placé d’action repousser (une main sur fond rose) sur la case correspondante de sa composition, on perd également des points de sérénité, en fonction du monstre. En arrivant tout en bas de la piste de sérénité, on est simplement éliminé de la partie, mais à moins d’être vraiment peu attentif ou de ne jouer que contre des champions, c’est normalement évitable.

Cependant, faire correspondre des cases de récolte (une main sur fond vert) avec des cases Récompense du rêve octroie lesdites récompenses : pièces, clés, fragments d’étoile (4 fragments différents font progresser sur la piste étoiles – la source de points de rêve la plus importante), points de sérénité, coffre (très profitable, à condition de posséder assez de clefs)…

Aucune n’est objectivement moins bonne qu’une autre, et c’est toute l’astuce de Dream Runners que de tenter de concilier les récompenses que l’on vise avec les cauchemars à éviter et les tuiles que l’on possède, en usant au mieux des cases d’action Récolte x2 sur nos segments, qui peuvent s’avérer particulièrement fructueux si l’on parvient à les faire coïncider avec une récompense qui nous intéresse vraiment à ce stade de la partie, quitte à déborder un peu du carré.

Cela peut sembler beaucoup à gérer pour une première partie, où l’on ne saura pas toujours où donner de la tête. Vous vous apercevrez cependant vite que quelques manches suffisent pour comprendre l’intérêt de chaque récompense et dépasser cette crainte d’un titre confus.

Enfin, dans le sens horaire, les joueurs peuvent dépenser leurs pièces pour acquérir des points de sérénité (3 pièces par point) ou un seul segment face visible (4 pièces) au choix parmi les quatre segments de formes différentes au sommet de leurs piles respectives. Vous aurez compris qu’acheter des segments plus puissants et de formes variées pour s’adapter au mieux aux exigences des rêves est une priorité en début de partie, quand on misera ensuite plutôt sur les points de sérénité, ou éventuellement les segments rapportant directement des points de rêve.

Il n’y a alors plus qu’à tourner la tuile Rêve suivante et à recommencer une manche.

 

La partie s’achève à la fin de la 8ème manche, quand on a traversé les 8 tuiles Rêve en jeu – sur les 24 qu’en comporte la boîte encore une fois, pour vous donner une idée de l’imprévisibilité des rêves et donc de la rejouabilité impeccable de Dream Runners. On additionne alors les points apparaissant sur nos segments et correspondant à notre progression sur les pistes étoiles et sérénité, et le joueur en possédant le plus remporte la partie.

 

 

Dream Runners, course vers le rêve ou fuite du cauchemar ?

Dream Runners a un argument-massue, son prix ridiculement bas pour une bonne boîte, bien remplie d’un matériel varié et rangé dans un thermoformage impeccable. Cela ne fait pas tout évidemment, loin de là même, mais difficile de ne pas être frappé d’emblée par ce positionnement financier original alors que l’on se plaint trop des grandes boîtes vides et des petites boîtes trop chères. D’autant que, pour ce prix, le résultat est loin d’être cheap, et bénéficie notamment des magnifiques illustrations de Jade Mosch pour tenter de nous plonger dans un thème onirique sinon assez abstrait.

Ce matériel est même si varié que l’on pourrait d’abord craindre de s’y perdre. Il est tout de même question d’y gérer des pièces, des clés, des fragments d’étoile, des coffres, des segments, des points de sérénité, des points d’étoile, des cauchemars, du temps…

Il ne faudra cependant que quelques tours pour acquérir les principaux automatismes de Dream Runners, notamment éviter à tout prix de croiser les cauchemars ou se focaliser au début sur les pièces, qui permettront d’acheter de nouveaux segments et ainsi de disposer de pièces plus variées et puissantes pour constituer notre réponse au rêve que celles constituant notre réserve de départ – une composante de pool-building inattendue et bienvenue.

Dream Runners sait même joliment créer du mystère, autour des rêves à venir auxquels on n’est jamais assez préparé, des futurs segments disponibles et surtout des coffres au trésor, que l’on est vite tenté d’ignorer parce qu’ils compliquent « inutilement » les récoltes. Ces surprises apporteront de la rejouabilité aux parties, mais aussi simplement des manières différentes de les pratiquer, une fraîcheur qui sait l’enrichir sans l’alourdir.

 

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