The Artemis Project : dés, survie et une lune de Jupiter en 2348
J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais des dés, précisément parce qu’ils sont une espèce d’incarnation du Mal, de symbole de tout ce que le jeu de société veut éviter, de sorte que quand il se le réapproprie, il le fait souvent avec une passionnante inventivité. Aussi suis-je devenu toujours plus amateur de jeux de placement de dés, à l’instar de Roll Player ou de Sagrada, mais aussi de Coimbra, Rajas of the Ganges, The Magnificent…, quand on ne voit plus le dé comme un objet que l’on lance pour laisser parler le hasard mais comme un ouvrier dont la valeur ne serait qu’un indicateur altérable de son potentiel une fois associé à une action du plateau.
Aussi étais-je très curieux de The Artemis Project, qui s’annonçait comme un jeu de pose de dés-ouvriers mettant l’interaction au cœur de son système mécanique. Issu de Grand Gamers Guild (Endeavor, Endangered Species) et localisé par Super Meeple (Maracaibo, Couleurs de Paris, Tajuto, Magnastorm, Pour une Poignée de meeples…), il avait ses lettres de noblesse pour inspirer confiance, et les somptueux dessins de Dominik Mayer (Hadara, Concordia, Pictures) pour habiller son thème science-fictionnel (la colonisation de la lune Europe de Jupiter au 24ème siècle) n’étaient qu’une goutte de plus dans un vase déjà débordant.
De l’espoir au jeu, il peut cependant y avoir un monde, et je suis ravi aujourd’hui de pouvoir présenter les règles et mon avis concernant The Artemis Project, un jeu de Daryl Chow (Overbooked) et Daniel Rocchi, vendu 45 euros et destiné à 1 à 5 joueurs (idéalement 4, je vous expliquerai bientôt pourquoi) de 12 ans et plus.
Notez que Super Meeple en localise la version incluant tous les Stretch Goals débloqués pendant la campagne de financement participatif, y compris deux mini-extensions dont il sera question en fin d’article, le mode solo et la possibilité de jouer à cinq, mais bien sûr pas les KS Exclusives.
L’Europe gelée
La boîte de The Artemis Project regorge de matériel, légitimant pleinement son prix de 45 euros, au point même que l’on pourra peiner à tout y faire entrer correctement.
L’élément central en est bien sûr le plateau de jeu, extrêmement bien fait dans sa volonté de concilier le thème, avec des illustrations superbes des installations au-dessus de la glace et en-dessous, et une iconographie détaillant la plupart des possibilités du jeu. Paradoxalement, c’est si bien fait… que j’ai trouvé cela dommage : les icônes surchargent tellement le plateau que leur lisibilité occulte l’évidence du thème, puisqu’il n’est pas aisé d’y croire aussi bien qu’on voudrait quand le monde dans lequel on prétend nous immerger est couvert de symboles de dés, de joueurs, de cartes, de cubes et de grandes cases destinées à accueillir un peu tout ça. Mais je pinaille, parce que le plus important est bien entendu la clarté mécanique du plateau, et en cela, celui de The Artemis Project est assez exemplaire.
Vous saurez en effet d’emblée où placer les réserves de minerais, d’énergies, de boîtes à outils et de badges d’expédition, toujours à proximité des zones permettant de les récupérer, de même que les tuiles Bâtiment Surface et Océan se trouvent logiquement près du symbole les représentant au niveau du portique et le paquet de cartes Expédition près du camp de base. Il ne restera qu’à poser 4 ingénieurs, 4 marines et 4 intendants (qui semblent recycler des meeples de cultistes lovecraftiens), c’est-à-dire des meeples bleus, rouges et violets, tandis que les pistes de score et de secours accueillent sur leur case de départ les pions représentant les joueurs – et vous savez combien j’aime les pistes sur le plateau, permettant à tous d’accéder immédiatement à leur progrès et à celui de leurs adversaires.
Les joueurs prennent d’ailleurs les 5 dés de leur couleur, un plateau personnel, sur lequel trois zones de stockage accueillent 3 minerais, 3 énergies et 1 boîte à outils tandis qu’un pionnier (meeple jaune) est posé sur l’abri.
Tous les autres colons (c’est-à-dire les pionniers, ingénieurs, marines et intendants qui n’ont pas encore été utilisés) sont placés soit dans le sac… soit dans le shakeshift, absurde tout à meeples et même pas si pratique que cela, mais élément thématique assez formidable puisqu’il ressemble à une navette spatiale, montée très facilement, que l’on secoue pour en mélanger les meeples, puis que l’on peut pencher pour en verser la quantité voulue. Difficile dès lors de faire sans, même s’il prend une place folle dans la boîte !
Et la partie peut commencer, après un processus qui pourrait être assez court avec un système de rangement performant… Heureusement, tous les éléments sont extrêmement distincts pour nous épargner la moindre hésitation, et le tout, aussi surchargé qu’il soit, sait inviter au jeu.
La survie : voir tout hasard comme une opportunité
Au début de chacune des 6 manches, on prépare le plateau de jeu, en mettant en évidence ce pour quoi les joueurs se battront et ce à quoi ils devront faire face. Pour cela, rien de plus simple, puisqu’il suffit de suivre l’ordre numérique des différentes zones du plateau et de suivre la consigne représentée :
- dans le Camp de base, exposer une carte Expédition par joueur moins une.
- placer dans les Cheminées autant d’énergies que représenté sur ces cartes Expédition plus deux.
- placer dans la Carrière autant de minerais que représenté sur ces cartes Expédition plus deux.
- dévoiler autant de tuiles Océan (avant les manches 1, 2 et 3) ou Surface (avant les manches 4, 5, 6) que de joueurs au Portique. Les manches… sont indiquées au dos des tuiles. Encore une fois, impossible de se tromper !
- placer autant de colons (piochés au hasard) que de joueurs plus deux au Port spatial.
- ne rien faire à l’Académie ni à l’Entrepôt.
On peut choisir de ne placer qu’autant d’énergies, de minerais et de colons que de joueurs afin de rendre les parties plus tendues. Je le déconseillerais bien sûr pour votre première partie, du moins pour vos premières manches, parce qu’il me semble surtout frustrant de faire face à une pénurie quand on ne saisit pas encore bien le fonctionnement de The Artemis Project, cependant on peut tout à fait imaginer de mettre en place cette variante en cours de partie… voire systématiquement de bien placer les deux éléments supplémentaires pendant les trois premières manches, et plus pendant les trois dernières, afin d’introduire mécaniquement une sensation de pénurie thématique (testé et approuvé ici !).
Il ne reste alors qu’à dévoiler une carte Événement, dont l’effet peut être immédiat (déplacer un colon vers un abri) ou être relatif à une zone donnée avec une lettre, présente également sur le plateau, indiquant quand on l’appliquera (par exemple réduction du coût des pionniers au Port spatial, perte d’un colon du joueur ayant le plus de dés sur les Cheminées et la Carrière…). Si le dos de ces cartes pourrait être plus thématique, j’apprécie grandement qu’elles soient immenses alors même que leur texte soit très court (et de surcroît symbolisé sous forme de pictos) afin de donner toute la place à l’illustration, au titre et à deux lignes narratives, prouvant une volonté de mettre le thème en avant dans un genre pourtant connu pour son abstraction.
Avant toute chose, chacun lance tous ses dés. Puis, à tour de rôle, les joueurs placent un de leurs dés dans une zone. S’il est évidemment crucial d’observer les choix que les adversaires ont opérés jusqu’ici afin de prévoir leurs choix à venir, il peut être également judicieux de regarder leurs dés, qui peuvent constituer des indices sur les zones où ils vont les placer. Avant de placer un dé, on peut cependant toujours défausser des boîtes à outils pour augmenter ou diminuer sa valeur d’autant de points, sans jamais descendre en-dessous de 1 ou monter au-dessus de 6.
On l’a vu, le plateau de The Artemis Project comporte sept zones :
- Au camp de base, on associe son dé à une carte Expédition. Si un dé est déjà présent (parce qu’on l’y aurait placé précédemment, ou un adversaire d’ailleurs), le nouveau est placé au-dessus. On peut y ajouter des colons de notre abri en dépensant une ressource, minerai ou énergie : chaque pionnier augmentera la valeur de l’un de nos dés de 1, y compris au-dessus de 6 ; un marine réduit de 1 ou de 2 la valeur d’un dé adverse, mais pas en-dessous de 1. Ingénieurs et intendants ont un impact sur la résolution du camp de base, on y revient donc plus tard !
- Aux Cheminées, à la Carrière et au Port spatial, les dés constituent une ligne, et tout nouveau dé est ajouté à droite des dés dont la valeur est inférieure ou égale. C’est-à-dire que les dés sont classés par ordre numérique, et qu’en cas d’égalité, le premier dé posé précède les autres. C’est le mécanique d’exposition, central dans The Artemis Project, sur l’intérêt duquel on revient bientôt.
- Au Portique, on pose son dé sur une tuile Bâtiment où ne se trouve aucun dé de valeur supérieure ou égale, voire aucun dé du tout. On peut surenchérir sur son propre dé afin de se couvrir d’une attaque adverse, ou bien sûr surenchérir sur un dé ennemi.
- À l’Académie, un seul emplacement (à 2 joueurs) ou deux (à 3 et 4) peut accueillir un colon de notre abri ou de nos bâtiments, avec un dé dont le résultat le transformera en un autre type de colon.
- À l’Entrepôt, on gagne 1/2 boîtes à outils pour un résultat de 1 à 4/5 ou 6. Les places n’y sont pas limitées, assurément une bonne idée pour qu’aucun joueur de The Artemis Project ne se sente jamais prisonnier du hasard, et au lieu d’être associé à un numéro, l’Entrepôt est accompagné par un point d’exclamation, signalant l’immédiateté de l’action et donc l’absence de tout impact lors de la phase de résolution.
Cette phase de placement s’achève quand tous les dés ont été posés. Débute alors la phase de résolution, où l’on applique chaque zone l’une après l’autre, dans l’ordre numérique et le sens horaire :
- au Camp de base (1), on regarde pour chaque Expédition si le niveau de difficulté de l’expédition a été atteint par la valeur de tous les dés. Si ce n’est pas le cas, les joueurs récupèrent leur dé et montent d’un cran sur la piste de secours, qui est l’une des grandes idées de The Artemis Project, puisque chaque échec octroie un petit bonus, un lot de consolation qui n’est pas si négligeable : dans l’ordre on y propose deux boîtes à outils, deux énergies, deux minerais, un colon et 1 PV, avec la liberté de récupérer plutôt l’un des bonus précédents. Il ne faut cependant pas abuser des bonnes choses, une fois arrivé sur la dernière case, on ne progresse plus et ne récupère plus rien. Si la valeur d’expédition est atteinte, le joueur ayant la valeur combinée des dés et pionniers la plus élevée gagne 1 badge Expédition et l’une des deux récompenses apparaissant sur la carte. Le second reçoit également 1 badge et l’autre récompense de la carte. Les autres progressent seulement d’une case sur la piste de secours. Les égalités sont naturellement favorables au premier à avoir posé un dé, tandis que si l’on est seul sur une expédition (ce que nos adversaires ont tout intérêt à éviter !), on en gagne les deux récompenses (mais un seul badge, logique). Si l’on y avait envoyé 1 ingénieur et que l’expédition est une réussite, on gagne 2 ressources supplémentaires. Si l’on avait envoyé 1 intendant avec un dé d’une valeur de 1 ou 2, que l’expédition est un succès et qu’on y a obtenu la valeur la plus élevée (généralement grâce à un autre dé, ou parce qu’on y serait seul, en ayant posé le dernier dé du tour par exemple), on obtient 1 PV.
- Aux Cheminées (2) et à la Carrière (3), les joueurs prennent autant d’énergies ou de minerais que la valeur de leur dé, dans l’ordre dans lequel ces derniers sont rangés. Souvenez-vous, les ressources étaient posées sur ces zones en quantité limitée au début de la manche. Cela signifie qu’un petit résultat aura plus de chances d’obtenir des ressources, mais peu, tandis qu’un résultat élevé risque fort de ne rien obtenir du tout si ses adversaires en ont joué d’autres ! Comme toujours dans The Artemis Project, il faut savoir bloquer l’ambition d’un adversaire, qui serait par exemple seul dans l’une de ces zones avec un 6. Un dé ne rapportant rien parce qu’il n’y aurait plus de ressources permettrait tout de même de progresser sur la piste de secours.
- Au Portique (4), les joueurs reçoivent les tuiles Bâtiment sur lesquelles ils ont le dé le plus fort… à condition de payer autant de minerais ! On peut d’ailleurs choisir de ne pas payer, ou ne pas avoir assez, auquel cas le second joueur ayant le dé le plus fort pourrait à son tour choisir d’acquérir le bâtiment ou non. Si l’on était présent sur un bâtiment mais qu’un adversaire l’achetait en ayant un dé plus fort, on pourrait progresser sur la piste de secours. Une fois le bâtiment obtenu, on le place près de son plateau, et on peut aussitôt y ajouter des colons de notre abri si des cases peuvent les accueillir.
- Le Port spatial (5) procède à nouveau par exposition, mais avec la nécessité cette fois de dépenser 2 énergies pour prendre 1/1-2/1-3 des colons disponibles de notre choix pour un dé d’une valeur de 1-2/3-4/5-6. On peut encore une fois choisir de ne pas les récupérer, mais on ne progresse sur la piste de secours que face à une réserve vide quand arrive notre tour. Un nouveau colon rejoint notre abri ou l’un de nos bâtiments.
- Enfin, à l’Académie (6), on défausse son colon pour obtenir un ingénieur (pour un dé 1-2), un marine (3-4) ou un intendant (5-6).
Vous comprenez sans doute pourquoi The Artemis Project me paraît plus intéressant à 3-4 qu’à 2. En duel, il y a toujours une zone dans laquelle on ne peut pas être en compétition avec son adversaire, ce qui favorise largement le dernier joueur, et encore, à condition de poser un dé par zone. À 3, et surtout à 4, chaque région fait l’objet d’une course tendue, de la semi-coopération des expéditions aux nombreuses expositions, et l’on se taquine constamment, plus ou moins volontairement. Pourquoi ne pas recommander le jeu à 5 alors ? C’est qu’à un certain stade, on ne contrôle simplement plus rien. Il est très frustrant d’être premier joueur par exemple, et de voir 4 autres joueurs poser leur dernier dé après le nôtre, sans même compter la plus grande longueur des parties, assez négligeable quand on voit à quel point la résolution est aisée.
Une fois toutes les régions résolues, on arrive à la phase de maintenance.
Les joueurs peuvent d’abord effectuer un seul déplacement d’un colon d’un abri/bâtiment vers un autre bâtiment/abri, ou un échange entre deux colons. Puis on peut activer le bonus des bâtiments océaniques remplis (dont chaque case est occupée par un colon) : gain de ressources, de boîtes à outils et de colons, échange de ressources contre des PV ou d’autres ressources… Les bâtiments sont ainsi d’autant plus intéressants… qu’il faut alors payer une énergie par colon se trouvant dans notre abri, au risque de le défausser si l’on ne peut pas !
Enfin, on défausse les cartes Expédition, l’énergie et le minerai encore sur le plateau (mais pas les tuiles Bâtiment ou les colons !) et le joueur possédant le moins de ressources choisit le nouveau premier joueur de la manche suivante.
La partie s’achève à la fin de la sixième manche. Aux PV déjà gagnés pendant la partie, et matérialisés sur la piste de score au centre du plateau, on ajoute 1 PV par série de 5 énergies et de 5 minerais (dans la limite de 3 PV pour chaque type), les PV de nos bâtiments de surface remplis, portant chacun sa règle de scoring (1 PV + 1 PV avec un intendant, 4 PV, 3 PV si les trois colons sont identiques, 1 PV + 1 PV par série de 5 énergies, 1 PV + 1 PV par série de deux boîtes à outils…) afin qu’un joueur habile puisse donner de la valeur à tout et n’importe quoi, des PV exponentiellement relatifs au nombre de bâtiments, remplis ou non, 3 PV par série de 4 colons différents, 1 PV par série de 3 colons exclus du décompte précédent, un nombre de PV exponentiellement relatif au nombre de badges d’expédition, et enfin 2 PV si l’on possède le plus de boîtes à outils.
Pfiou, une véritable salade de points, dont le calcul n’est pas malaisé, mais dont il peut être désagréable de s’apercevoir, alors que l’on pensait avoir très bien joué, qu’elle nous est finalement défavorable. Le palmarès final ne sera pas toujours une surprise totale : il sera souvent évident qu’un joueur a bien mieux placé ses dés que les autres et possède plus de bâtiments de surface complets, mais quand tous les joueurs autour de la table auront une certaine expérience et sauront ne pas faire trop d’erreurs, les écarts risquent de se resserrer avec la lisibilité des avantages en cours de partie.
Un homme pour un projet… et beaucoup de pression !
En mode solo, la partie est mise en place comme pour deux joueurs. On y prend toujours 5 dés, mais en s’opposant à deux drones d’administration, disposant chacun de 4 dés, et n’ayant besoin de rien d’autre. Le thème est d’ailleurs tout à fait amusant, bien qu’exposé promptement, puisque le consortium teste les capacités humaines face au programme des machines, avec la pression d’une importante rétrogradation et du remplacement par les intelligences artificielles si l’on ne parvient pas à démontrer notre supériorité !
Au début de chaque manche, on lance un dé de planification et les quatre dés d’un drone. Le dé de planification indique dans quelle zone on place le dé le plus faible du drone, puis on place les autres dés dans l’ordre croissant et le sens horaire.
Puis on place ses dés normalement.
Enfin, on fait de même avec le second drone, mais en posant ses dés dans le sens antihoraire.
Au moment des résolutions, les drones sont traités comme deux adversaires distincts, et ce qu’ils récupèrent est défaussé (pour les ressources) ou retiré du jeu (pour les bâtiments et les colons).
Pour le décompte, il faut simplement placer son score dans un barème, qui à moins de 20 points fait de nous un nettoyeur de traces de tentacules et à 33 ou plus le Premier ministre d’Artemis.
J’aurais eu tendance à dire que The Artemis Project n’avait aucun sens sans adversaires avant de tester cette variante solitaire. On constate cependant que les parties en sont rapides et efficaces, au point d’en faire un casse-tête tout à fait agréable, et accessoirement une excellente manière de saisir les rudiments du jeu, puisque toutes les mécaniques sont là et qu’il n’y manque guère que le plaisir des taquineries.
Les directives et la relique alien : deux mini-extensions pour The Artemis Project
Qui dit KS, dit très souvent mini-extensions, et en effet, la boîte de The Artemis Project en compte deux, simples et très différentes, se comportant davantage comme des modules que comme des extensions pour altérer légèrement les parties.
Les directives sont simplement des objectifs personnels secrets, que l’on dévoile aussitôt qu’ils sont complétés pour quelques PV supplémentaires : ne poser aucun dé sur les Cheminées et la Carrière pendant une même manche, poser un 6 sur les Cheminées et obtenir 6 énergies, dépenser 3 boîtes à outils sur un même dé…
À la fin de la manche, on peut piocher une nouvelle directive si l’on en a résolu une, ou en défausser une pour en piocher une autre si elle ne nous convenait pas. Une très bonne idée pour compenser leur injustice : certaines peuvent en effet être résolues presque naturellement en cours de partie quand d’autre exigent une action spécifique, qui peut même échouer, et ainsi impliquer de stagner pendant que nos adversaires progressent. Cette liberté permet de contrôler les missions que l’on souhaite remplir, et même de mieux assumer ses échecs.
La relique alien est d’abord un nouvel Événement, que l’on placera aléatoirement dans la pile de six événements de la partie avant de garantir sa pioche. Deux nouvelles cartes Expédition (de difficulté 11 et 12) sont également mélangées au paquet de cartes. L’événement attribue le dé Relique Alien au joueur ayant récupéré le plus de minerai de la Carrière lors de cette manche, tandis qu’il peut aussi être obtenu comme récompense d’une expédition.
Quand on le possède, on le lance avec nos dés, et on doit le poser le premier, ou défausser 2 ressources pour le poser en dernier. Un avantage conséquent. Après sa résolution, on doit soit le remettre à côté du plateau, soit le lancer et perdre autant de ressources que sa valeur pour le conserver une manche de plus. Une règle que je n’aime pas particulièrement, parce que la possibilité de perdre 1 ou 6 ressources peut modifier profondément la hiérarchie des joueurs. Je n’ai malheureusement pas encore assez pratiqué cette extension pour envisager une variante corrigeant le tir, d’autant que les cartes Expédition sont par exemple assez coûteuses pour que la seule défausse du dé après utilisation soit un peu expéditive…
The Artemis Project, the great game success ?
The Artemis Project est un jeu de placement de dés, assez proche d’un Coimbra, misant essentiellement sur trois qualités, parmi lesquelles je ne compte même pas son thème science-fictionnel, pourtant très soigné, dans la quantité d’illustrations de qualité, les cartes Événement surdimensionnées, leur court texte narratif, et même quelques idées mécaniques comme la distinction entre Océan et Surface, parce que si cela participe à l’attrait premier pour le jeu, on l’oublie en fait assez vite pendant des parties assez abstraites.
D’abord son interactivité, constante. Presque chaque zone est un champ de bataille, où chaque dé peut permettre de prendre plus qu’un adversaire, avant lui (au risque de ne plus rien lui laisser), à sa place (en surenchérissant sur un bâtiment), ou même l’aider de façon intéressée à monter une expédition afin d’en partager les bénéfices – idéalement en notre faveur. Ces zones fonctionnent bien sûr différemment, afin que le résultat des dés ne soit pas pénalisant – en ne récompensant que les valeurs fortes par exemple – et d’offrir une grande diversité tactique.
On pourrait alors craindre de s’y perdre, et les tout premiers tours peuvent en effet paraître frustrants tant il y a de choses à faire et peu de raisons d’en faire une plutôt que l’autre, mais les actions des autres joueurs et nos actions précédentes dessineront vite un plan tactique auquel on pourra se référer. Et surtout, si les possibilités semblent relativement nombreuses, The Artemis Project est d’une immense lisibilité, les plateaux résumant l’intégralité des règles sous forme de pictogrammes peu nombreux et clairs, ce qui favorise son assimilation et son dynamisme.
Enfin, The Artemis Project m’a impressionné par son système de compensation. Il est si interactif que l’on pourrait craindre d’être laissé en arrière à chaque action ratée à cause d’un dé adverse, dans une infernale spirale de win-to-win. Non seulement on ne pose à chaque manche que cinq dés, de sorte que l’on peut toujours se positionner dans une zone un peu délaissée par ses adversaires, non seulement une zone comme l’entrepôt représente simplement un gain direct, sans confrontation et sans coût, non seulement les dés sont toujours utiles, quelle que soit leur valeur, au pire altérable grâce à des boîtes à outils, non seulement le premier joueur est toujours choisi par celui qui possède le moins de ressources, mais les véritables échecs donnent droit à un très intéressant lot de consolation, dont on n’abusera pas mais qui peut s’avérer équivalent à ce que l’on vient de perdre, et sera en tout cas toujours suffisant pour nous laisser dans la course !
The Artemis Project n’est bien sûr pas conçu pour un control freak : si vous serez moins gêné à deux joueurs, il sera assez évident que le jeu prend son sel à quatre, éventuellement trois, puisque son système repose sur la tension des affrontements de dés, avec ce que cela peut impliquer de petits chaos. Et c’est précisément ce qui fait son charme, l’association de cette légèreté et d’une relative accessibilité à des mécaniques par ailleurs très complètes et assez riches.