Fiesta de los Muertos – le meilleur jeu d’ambiance de 2019

 

Le jeu d’ambiance/apéritif de 2018 était assez incontestablement Just One, un titre si universel de simplicité et d’efficacité qu’il avait surpris tout le monde en décrochant le Spiel des Jahres, plus prestigieuse récompense décernée chaque année à la meilleure oeuvre qui y a été développée. Or de l’avis général, Just One a depuis peu un héritier, ou du moins un aussi indispensable complément, le Fiesta de los Muertos d’Antonin Boccara (Par OdinPanic IslandAttack of the Jelly Monster), illustré par Margo Renard et Michel Verdu (Festo !), édité par OldChap (Panic Island, Par Odin). Jeu coopératif pour 4 à 8 joueurs et des parties d’un quart d’heure, il est vendu 23 euros, un prix bien doux pour un titre indispensable dont je vantais déjà les qualités dans mon top 2019 !

Communiquer avec les morts, communiquer avec les autres

OldChap est réputé pour l’extrême soin apporté à ses productions, toujours plus beaux et plus malins que ce que la modestie de la boîte laisse attendre. Non seulement Fiesta de los Muertos ne déroge pas à la règle, mais l’éditeur va un cran plus loin, avec son oeuvre la plus chère… pour arriver à une véritable réussite matérielle et à un véritable effet waouh.

Le thème de la fête des morts, popularisé par le plan-séquence virtuose de Spectre par Sam Mendes et par Coco, devrait n’être qu’un prétexte à un jeu d’ambiance. Pourtant, il fait assez magistralement sens ici, puisqu’il est question de se souvenir des morts afin qu’ils ne soient pas oubliés.

Pour cela, chaque joueur prend l’un des superbes crânes-ardoise et en ouvre la partie supérieure pour y noter secrètement au feutre (inclus) le nom propre qu’il vient de piocher (par exemple « Harry Potter »). Certaines cartes sont assorties d’une étoile, pour indiquer leur accessibilité pour un public jeune, tandis que d’autres sont blanches pour être personnalisées.

Puis il referme le crâne, écrit un mot que lui évoque le nom propre dans sa bouche (« sorcier ») et noircit la première dent.

 

 

Il ne lui reste qu’à passer le crâne au joueur à sa gauche, à prendre celui du joueur à sa droite, à en effacer le mot pour le remplacer par un autre évoquant le précédent et à noircir une autre dent.

Imaginez que vous piochiez Hercule. Vous n’avez pas le droit décrire « herculéen » (mot de la même racine) ou « Zeus » (nom propre), et opterez peut-être pour « exploits », « demi-dieu », « force » ou « mythologie ». Mais le joueur suivant, qui recevra votre crâne sans savoir que votre mot fait référence à Hercule risque d’éloigner votre évocation, et à force de souvenirs déformés, de laisser sombrer le mort dans l’oubli. Il faut donc idéalement songer un peu à ce à quoi les autres pourraient penser afin de ne pas amorcer soi-même la dégradation sémantique.

On répète le processus jusqu’à ce que les quatre dents soient noircies.

On prend alors la carte de chaque joueur (portant le nom pioché) et on en ajoute aléatoirement de la pile jusqu’à en avoir 8 – donc on n’en ajoute aucune si l’on joue déjà à 8. On les mélange et on les pose face visible devant tout le monde. Non loin, on dispose les crânes de tous les joueurs, toujours fermés de sorte que seul le dernier mot inscrit y soit visible, et associés à un numéro.

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Chacun note alors sur une grille (incluse) à quel nom à son avis correspond chacun des crânes.

Quand tout le monde a émis ses hypothèses, en tentant de se baser sur les mots qu’il a vu passer pour reconstituer le processus mental de la tablée, on ouvre les crânes et on y coche une case par joueur avec la bonne réponse. Naturellement, le nombre de cases à cocher dépend du nombre de joueurs.

Il faut qu’au moins tous les joueurs sauf un aient réalisé la bonne association pour apaiser un mort. Si tous les joueurs y sont parvenus sans exception, ils cochent la case jaune qui leur octroie un Os du souvenir. Ces Os peuvent être défaussés pour compléter les cases qui auraient rendu les joueurs perplexes. Évidemment, l’objectif est d’apaiser autant de morts que possible.

Dans l’idée, il peut être très facile de distinguer Harry Potter de Dark Vador ou de la mère de Bambi. Il ne vous faudra sans doute que quelques parties pour vous apercevoir que ce n’est pas toujours chose si aisée. Combien de fois ai-je déjà eu plusieurs crânes « Artiste » à la fois, ou vu passer de plats « Méchant » et « Héros » incapables de nous aider ?

 

Et surtout, une fois que vous vous serez habitués à Fiesta de los Muertos et que vous en aurez pleinement apprécié le système, vous pourrez pimenter vos parties avec des contraintes. Une carte Contrainte impose par exemple que le mot inscrit soit en relation avec la « nature » ou soit un « objet ». Une autre en fixe la première lettre. Les autres enfin exigent un mot court, sans E ou rimant en -i…

Il va de soi qu’on aimera généralement encadrer le tout premier mot par une contrainte. Il faudra être bien plus téméraire pour piocher une nouvelle carte contrainte à chaque mot, ou alors accepter de rire du résultat dont il est bien peu probable qu’il soit très concluant !

 

 

Fiesta de los Muertos, le nouveau Just One ?

Fiesta de los Muertos est d’emblée parvenu à fédérer un large consensus, et Vonguru n’y fera pas entendre de voix discordante. Comme Just One, on craint pourtant dans un premier temps que ce système de téléphone arabe soit trop simple pour former un titre vraiment frais et convaincant, et comme Just One, il frappe pourtant par sa capacité à parler à tous et à amuser beaucoup pendant dix à quinze minutes, à susciter une excellente ambiance autour de la table que l’on gagne ou non. On pourrait même dire qu’il est fait aussi pour ceux qui n’aiment pas Just One, pour ceux qui déploraient que le prix du meilleur jeu de l’année soit remis à quelque chose d’aussi basique, et qui pourront sans scrupules s’intéresser à une oeuvre se positionnant dans le même genre (un jeu d’ambiance/apéritif à base de communication) avec des règles plus variées et un matériel vraiment enchanteur. Un coup de coeur manifestement partagé par toute la sphère socioludique !

 

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