Par Odin – le jeu solo de dés pour mériter le Valhalla !

 

Après RimtikOnk-Onk puis Gobbit et Panic Island !, les Toulousains d’OldChap Games livrent avec Par Odin une nouvelle création dans leur gamme de jeux de société à petits prix (en l’occurrence 13 euros 50). Avec cette originalité que Par Odin est solitaire, et revendique une dimension narrative et évolutive pour enrober une succession de défis à résoudre à base de dés. Nous vous proposons donc de découvrir plus avant ce petit jeu mathématique et malin conçu par Antonin Boccara (Panic Island!Doggy Bag, Kids of London) et illustré par Michel Verdu (GobbitPanic Island).

 

Par Odin OldChap

Des dés… que l’on ne lance pas ?

La boîte de Par Odin comporte sept dés blancs et deux dés noirs, tous très jolis (et cela importe, dans un petit jeu de dés), une aide de jeu et un manuel. Alors qu’on ne cite généralement pas trop le manuel dans le contenu d’un jeu de société, il est ici crucial, puisqu’on y trouvera les 50 énigmes logiques qui constituent le cœur de Par Odin.

 

Par Odin OldChap

 

Une énigme consiste dans une combinaison de dés qu’il va falloir répartir en deux groupes égaux, par exemple 3+2+2+1 d’un côté, 3+3+2 de l’autre. On ne lance donc pas les dés, on se contente de reconstituer la combinaison illustrée dans le manuel, d’abord avec les sept dés blancs, et plus tardivement avec ces sept dés et un dé noir, puis les deux.

Exactement comme dans un livre de sudokus ou de mots croisés, la difficulté des énigmes s’accroît. Ainsi, les premières n’utilisent que trois faces des dés, le Soldat (représenté par un bouclier vert, il a une valeur de 1), le Capitaine (Épées croisées blanches, 2) et le Héros (casque à cornes violet, 3). On y ajoutera très progressivement le Traître (capuche rouge, 1) qui a la particularité d’annuler la valeur d’un Héros dans son groupe (son armée), le Maudit (anneau jaune, -1) et le Mage (chapeau pointu bleu, force égale au nombre de dés blancs non-mages dans son groupe). Ces trois dés spéciaux doivent déjà vous donner une idée du degré auquel les choses vont se corser une fois que les défis utiliseront des faces variées.

À partir du seizième défi, on nous introduit aux dés noirs. Fenrir (loup bleu) peut être placé dans l’armée de son choix et multiplie par deux la force du dé blanc le plus fort de cette armée. Jörmungand (serpent vert) peut également être placé dans l’armée de son choix et inverse la force du dé blanc le plus fort de cette armée. Sleipnir (cheval gris) augmente de 1 la force de tous les dés blancs de son armée. Fafnir (dragon rouge) réduit de 1 la force de chaque dé blanc de son armée. Gullinbursti (sanglier jaune) augmente de 1 la force de chaque dé blanc identique dans une armée, quelle qu’elle soit. Enfin, Hraesvelg (aigle violet) réduit de 1 la force de chaque dé blanc identique dans une armée, quelle qu’elle soit. Dans une armée comptant trois soldats, les trois vaudront 0. Si l’autre armée comptait deux héros et deux traîtres, le total en sera également de 0.

Tiens, un petit entraînement :

 

Par Odin OldChap

 

Tout est bien entendu fait pour rendre les dés aussi lisibles que possible, avec les différences chromatiques, l’indication sur chaque face de sa valeur voire de son pouvoir pour le traître. Pour les dés noirs, on se reportera à l’aide de jeu (qui sert aussi de marque-page pour le livret), même si on retiendra rapidement les pouvoirs de chaque face, puisque leur introduction est progressive et très bien détaillée, avec un exemple puis trois défis spécifiques à chacune.

On peut cependant être curieux des dés, qui ne semblent finalement utilisés que par économie de matériel, pour qu’un même petit objet puisse représenter six valeurs. Ce serait d’abord omettre le plaisir de les manipuler, plaisir qui serait moins certain pour de simples jetons par exemple. Ensuite ce serait négliger que Par Odin ne se contente pas de ces 50 défis.

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Par Odin OldChap

Des dés et des dieux

La première plus-value de Par Odin vient de sa dimension « narrative ». Qu’un jeu de société abstrait ait une base thématique est bien entendu très courant, et imaginer que les dieux scandinaves mirent au point le jeu de dés Par Odin parce que les distrayantes guerres des hommes finissaient toujours par la victoire de l’un sur l’autre est amusant, sans être davantage qu’un prétexte. Mais l’effort thématique va plus loin, grâce aux nombreuses illustrations du livret et même des dés, et parce que la progression des défis est justifiée par l’intervention de différents personnages.

On est ainsi accueilli dans le livret par Brokk, le nain tavernier de l’auberge des dieux, qui nous présente les rudiments de Par Odin. Puis c’est Loki qui nous impose des défis plus corsés à partir des dés déjà connus. Frigg nous enseigne ensuite les subtilités des dés noirs, avant que Thor ne nous mette définitivement à l’épreuve avec les énigmes les plus complexes, utilisant sans ménagement toutes les faces des sept dés blancs et des deux nés noirs.

Notons également que la plupart des défis sont assortis de quelques lignes pour présenter la mythologie scandinave, inspirées par les Légendes de la mythologie nordique de Jean Mabire et par L’Edda poétique (dans sa traduction remarquable par Régis Boyer), livre que j’ai beaucoup pratiqué (sans surprise, vu mon prénom) et que j’ai été très heureux de retrouver ici.

Résoudre les défis de Thor, et donc arriver au bout des 50 défis fixés par le livret, ne met cependant pas fin au jeu. Au contraire, cela nous accorde le droit de rencontrer Odin, lequel nous propose deux nouveaux types de défis.

Le premier consiste simplement à lancer les dés, avec un dé noir, deux ou aucun, et de tenter de résoudre l’immense quantité de défis ainsi rendus possibles – y compris en en découvrant parfois les plusieurs solutions, ou en comprenant qu’il peut ne pas y en avoir. Le site d’OldChap inclut pour cela un formidable module où l’on peut entrer les dés que l’on a tirés, à quoi Odin nous dit combien il existe de solutions. Admettons que, sans cela, nous permettre de lancer les dés pour confectionner nos propres défis aurait été une addition assez insignifiante, ne méritant pas que l’on fournisse tant d’efforts pour arriver à Odin. Avec ce module, le défi devient passionnant, d’autant que d’un clic le Père-de-toutes-choses peut nous dévoiler les solutions manquantes, de même qu’à la fin du livret il donne celles des 50 défis (pour éviter qu’un joueur n’enrage en croyant les dés pipés) !

L’autre mode de jeu consiste enfin à jouer à plusieurs : un joueur lance les dés, et il faut trouver la solution du défi ainsi conçu plus vite que les autres… sans manipuler les éléments. Une gymnastique mentale très amusante, à laquelle s’ajoute la possibilité de déclarer à haute voix qu’il n’existe pas de solution, ce qui nous octroie la victoire si dans les 60 secondes suivantes aucun adversaire n’en trouve effectivement une.

 

Par Odin OldChap

Par Odin, plus qu’un livret d’énigmes logiques

Si vous demeurez dubitatif, sachez que quelques énigmes sont disponibles gratuitement en ligne ici, y compris le tutoriel et quelques défis plus complexes pour donner une idée de l’intérêt de Par Odin. En ce qui me concerne, la proposition d’OldChap Games est étonnamment convaincante. « Étonnamment » parce que l’idée d’un jeu de dés solo ne paraît au premier abord pas très séduisante, surtout pour qui n’est déjà pas adepte des mots fléchés ou autres énigmes mathématiques. Et c’est là qu’Antonin Boccara et Michel Verdu multiplient les bons points, entre la thématisation poussée, la joliesse du matériel, le petit prix, l’algorithme pour les défis créées par le joueur… Le résultat est même si réussi qu’on en vient à regretter que l’« histoire » ne s’enrichisse pas de péripéties, de rencontre avec Hel, Heimdal ou Ratatosk, des défis des géants ou du puits Mimir… Une idée pour une extension ?