Marriage Story : De la beauté d’un divorce

Après The Meyerowitz Stories (2017), le réalisateur américain Noah Baumbach sort Marriage Story le 6 décembre 2019, son deuxième film sur Netflix ayant une nouvelle fois pour thème la famille, traitée par le prisme du divorce cette fois.

L’histoire

Charlie (Adam Driver) est un metteur en scène de théâtre réputé qui dirige sa troupe avec exigence mais bienveillance, et dont l’actrice principale n’est autre que sa femme, Nicole (Scarlett Johansson). Le film nous raconte leur séparation, familiale et professionnelle, quand cette dernière décide d’aller vivre sa vie hors du carcan dans lequel elle se sent dorénavant enfermée.

Un drame lumineux

Marriage Story, c’est donc l’histoire de la fin d’un mariage, entre deux personnes qui ont un enfant et s’aiment encore un peu, mais qui n’ont plus l’étincelle l’un pour l’autre malgré l’admiration qu’ils se portent mutuellement. Fidèle à son cinéma indépendant en termes d’esthétique et de mise en scène (image granuleuse, gros plans, lumière claire et amour des comédiens), Noah Baumbach épure la technique pour laisser place à l’émotion.

Dans un procédé très théâtral, néanmoins dynamisé par un mouvement constant mais jamais ostentatoire et une caméra finalement rarement fixe, il aligne les scènes de dialogues toujours justes entre les différents protagonistes. Ce qui pourrait donc sembler au premier abord ennuyeux se révèle finalement plein de vie, et constamment réaliste – dans le bon sens du terme. Car la finesse de l’écriture et la justesse des situations sont parfaitement maitrisées, et ne tombent jamais dans le trop ou le pas assez, chaque personnage étant mis à l’honneur, avec ses failles et son humanité.

Pas de noir ou blanc dans Marriage Story, pas de gagnant ou de perdant, pas de meilleur ou moins bon dans cette histoire qui met pourtant en scène de multiples oppositions (théâtre versus télévision, New York versus Los Angeles, maman versus papa) : à chacun de savoir là où il se sent le mieux et d’y trouver son équilibre. Et c’est là toute la beauté du film, qui arrive à maintenir jusqu’au bout un ton juste, parfois drôle mais surtout poignant, sans jamais renier la vision dramatique de ce basculement dans la vie des personnages.

Des acteurs au sommet

Tout ceci ne serait rien sans une interprétation au diapason, et si le film est une réussite, c’est avant tout grâce à ses deux immenses comédiens principaux. Bien aidés par des seconds rôles parfaitement campés, Scarlett Johansson et Adam Driver sont tout simplement magnifiques dans le rôle de ces parents emportés par les turpitudes d’un divorce. Ils forment un couple très crédible à l’alchimie touchante, et si leur talent ne sera une révélation pour personne, ils trouvent ici des rôles qui feront dates dans leur carrière. Toujours justes dans les émotions, qu’ils soient seuls à l’écran ou non, ils portent toute la beauté du film sur leurs épaules, et le font de manière remarquable. Noah Baumbach leur a réservé un écrin d’une grande finesse – c’est là tout son génie – et les six nominations du film aux Golden Globes (dont meilleur film, meilleur actrice et meilleur acteur) ne sont pas usurpées.

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L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz

Noah Baumbach est sans doute, avec Richard Linklater, l’un des grands auteurs du couple marié et de la famille, des Berkman se séparent au très bon The Meyerowitz Stories, déjà un Netflix Original. Qu’il revienne réaliser pour la plateforme un long-métrage sur le divorce, comme un remake (difficilement évitable sur le sujet) de Kramer contre Kramer, avec l’excellent Adam Driver et Scarlett Johansson, est donc assez réjouissant.

Et en effet, quand il aborde ce couple en difficulté, essayant de vivre aussi bien que possible sa rupture inéluctable malgré leur tendresse réciproque évidente, il le fait avec une extrême délicatesse et joliesse, dont je ne suis pas surpris qu’elle ait séduit les grandes cérémonies.

Même s’il se montre parfois un peu trop programmatique dans sa manière de penser la représentation du couple, l’image du couple comme métaphore du couple, il s’efforce d’y céder avec une caméra un peu lâche, une photographie grossière si j’ose dire, qui permet de moins s’attarder sur le « truc » que si tout était cadré avec une rigueur de géomètre. Il faut dire que c’est une force du chef op’ Robbie Ryan (La Favorite, Moi, Daniel Blake, American Honey, Les Hauts de Hurlevent) que de savoir restituer un certain naturel à force de sophistication.

L’impression d’authenticité sera d’autant plus forte pour qui a vécu les séparations difficiles, personnellement ou de ses parents, la radicalisation des positions par les avocats, le gouffre financier qu’ils représentent, l’ouverture de son intimité à de parfaits inconnus, le déchirement de tous…

On regrettera d’autant plus que Baumbach cède de temps à autre à ses démons, une propension parfois excessive à la caricature (notamment avec la famille de Nicole), dans un burlesque amusant jusqu’à un certain point et contraire à toutes les propensions au naturalisme ensuite, et surtout un vain snobisme.

Bien entendu, il est particulièrement intéressant qu’il ait choisi de porter son intérêt sur un metteur en scène et son actrice quand on le sait lui-même en couple avec la réalisatrice, scénariste et actrice Greta Gerwig (par exemple responsable récemment de l’excellent Little Women). De sorte que certaines références à la création contemporaine et à la technique créent du cadre et une dimension méta agréables, quand ils ne virent pas au bête name-dropping et ne s’inscrivent pas dans un cadre bourgeois, très typé « LA », bloquant toute identification.

C’est ce qui m’empêche d’admirer pleinement cette Marriage Story, de l’envisager dans un top 2019 où il aurait aisément pu briguer une place par son sujet fort et assez rare, surtout avec une telle qualité d’écriture et d’interprétation, par son immense humanité dans les moments les plus délicats.