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Argh – espionnage et bluff dans la révolte des animaux contre les hommes

Argh – espionnage et bluff dans la révolte des animaux contre les hommes

 

Avant Welcome, l’éditeur Blue Cocker devait l’essentiel de son succès à ARGH, un jeu de cartes malin… Et oui, c’est vrai, encore un jeu de cartes malin, comme il en existe des centaines disponibles pour une douzaine d’euros dans toutes les boutiques et chez tous les éditeurs. Quand on pense qu’on a ces deux derniers mois consacré pas moins de quatre articles aux petits jeux de cartes malins du seul Matagot ! Alors évidemment chacun a ses twists, ses originalités, ses astuces, mais a-t-on vraiment envie de lire sur tant de jeux « semblables » ? Moi-même je ne regarde plus tant que cela en boutique le rayon qui leur est consacré, avec la quinzième variation de Gigamic ou iello sur des systèmes comparables (quand on y regarde de vraiment loin). Et pourtant, à chaque fois que j’en découvre un nouveau, je m’y plais infiniment et me souviens à quel point les précédents étaient formidables et effectivement malins. Ajoutons que ARGH n’est pas si loin d’être un classique, et que l’on peut se fier à Blue Cocker pour proposer quelque chose d’un peu différent des autres jeux du même genre, comme Welcome n’avait rien d’un roll and write traditionnel.

Faisons donc taire nos réticences et intéressons-nous quelques minutes au ARGH de Romaric Galonnier (ProfilerYesss!Casting) illustré par Anne Heidsieck (WelcomeMeeple WarWhen I Dream), pour deux à quatre joueurs de huit ans et plus, et des parties très courtes, 5 à 15 minutes.

 

ARGH Blue Cocker

Timebomb à La Ferme des animaux

ARGH est l’acronyme de Animals Revolt aGainst Humans, un groupe mené par l’ancien rat de laboratoire Ratage pour faire exploser le laboratoire symbole de l’oppression animale. L’humour et l’accessibilité d’un dessin cartoony sont donc au service d’un jeu aimablement engagé contre cette forme d’exploitation animale, ce qui est déjà intéressant.

Pour accomplir cet objectif, il faudra retrouver les éléments d’une bombe et recruter des alliés tout en évitant les humains et les animaux qui leur sont restés fidèle. Comme dans le classique Timebomb de iello, il s’agit donc de trouver les bonnes cartes, d’éviter les mauvaises, et de s’appuyer pour cela sur le bluff et la déduction. Mais on est loin du copier-coller, déjà parce que ARGH est profondément individualiste malgré un synopsis qui peut laisser croire à une coopération : le premier joueur à posséder deux des trois éléments de la bombe remporte la partie, et à défaut, celui qui a recruté l’équipe d’animaux la plus forte. Une cause commune, peut-être, mais une seule place dans le panthéon.

Une autre curiosité tient dans le faible nombre de cartes, seulement 24, de trois couleurs différentes (jaune pour la maison, vert pour le jardin, bleu pour le laboratoire), donc réparties en trois piles de seulement huit cartes… et même sept cartes, puisqu’en début de partie on retire une carte de chaque pile pour susciter une part d’imprévisibilité, voire six à deux joueurs. Et ces cartes, très jolies, sont immenses, une manière intuitive de faire comprendre qu’il ne va pas s’agir de les étaler devant soi ou de les accumuler dans sa main.

 

Lutter contre la domination humaine

Le joueur qui défend le mieux les droits des animaux, ou le dernier à avoir nourri un animal, commence. Un tour consiste en une seule action, au choix parmi deux.

Le joueur actif peut piocher la carte du dessus de l’une des trois piles et la regarder secrètement, puis la placer face cachée devant lui ou l’offrir à un joueur de son choix. Ce dernier peut l’accepter sans la connaître et la placer face révélée devant lui ou la refuser, ce qui fait qu’elle vient se placer devant le joueur actif face révélée.

La deuxième action consiste à prendre une carte face cachée située devant un autre joueur, et à la dévoiler devant soi.

Et c’est tout. La partie s’achève dès qu’un joueur possède devant lui face visible deux éléments de la bombe (il y en a un par pile). Si personne n’en a deux, on attend qu’une des trois piles soit épuisée, on fait un dernier tour de table, et tous les joueurs révèlent leurs cartes face cachée. Posséder deux des trois éléments permet alors de remporter la partie, sans quoi élimine les joueurs ayant 1 ou 3 espions et on calcule le score inscrit sur les cartes des autres, l’égalité étant favorable au joueur possédant la carte de plus forte valeur.

Il existe sept types de cartes différentes : les éléments de bombe, les valeurs (positives ou négatives), les lézards (qui rapportent 1, 5 ou 10 points selon qu’on en possède 1, 2 ou 3), les moustiques (qui inversent le signe d’une des cartes du propriétaire, à moins qu’il n’ait aucune carte négative, auquel cas il doit rendre négative une carte positive), les espions (on perd la partie en en possédant 1 ou 3, mais pas 2 ou 4), les hamsters enragés (qui annulent une carte négative), les scientifiques (fous et profondément malfaisants, qui annulent la plus forte carte positive).

Et ces cartes sont réparties différemment selon les couleurs, c’est pourquoi chaque joueur possède une aide de jeu lui rappelant la répartition des cartes (deux sur de grandes cartes spécifiques, deux au dos des règles, joli exemple d’économie). On constate par exemple que le jardin contient des cartes de très forte valeur positive, mais aussi la plus forte carte de valeur négative, deux espions, la seule carte moustiques et aucun hamster enragé. Il faut donc autant que possible s’aider des quelques cartes révélées par les joueurs pour tenter de deviner ce qu’il peut rester dans chaque couleur, et éventuellement ce que chacun peut cacher : il ne faut jamais exclure qu’un joueur pose face cachée devant lui une carte négative en laissant ainsi entendre qu’il pourrait s’agir d’un élément de bombe ou d’un +7 ! Comme dans Timebomb, tout est dans l’ambiance et dans la capacité au bluff, sans lesquelles on ne prend pas réellement de plaisir au jeu.

On appréciera ainsi grandement la taille des cartes et leurs couleurs franches : même aux quatre coins d’une table, on voit très bien ce que chacun a devant lui sans avoir besoin de se rapprocher ou de lui demander la carte. Le rythme n’en est que plus haletant et l’immersion plus satisfaisante. D’autant que, bien sûr, et toujours comme pour Timebomb, on enchaîne les parties jusqu’à la paranoïa, chaque joueur ayant bluffé une seule fois étant suspect de bluffer pour toutes les parties suivantes.

 

ARGH, jeu de cartes malin et jeu d’ambiance

La première force de ARGH, c’est son côté cartoony, très agréablement thématisé. « Obtenir des cartes positives » devient « Recruter des alliés », « tomber sur des cartes négatives » « tomber sur les humains et leurs sbires », « inverser le signe d’une carte » « rencontrer des moustiques qui nous rendent fou » etc. C’est tout bête, mais on se prend vite au jeu en parlant de « meilleure équipe » plutôt que de « score le plus élevé » par exemple. Et le fait que chaque couleur ait ses spécificités et sa carte logiquement unique (il n’y a de moustiques que dans le jardin, de scientifiques fous que dans le laboratoire, de hamsters que dans la maison, la pire menace pour les petits animaux est le débonnaire jardinier…) renforce une intuitivité presque immersive. Sa deuxième force, qui s’aide bien entendu de la première, c’est son insistance sur l’ambiance. Là où Port Royal ou Santo Domingo sont quand même laids (merci Klemens Franz…), où Matryoshka est très joli mais peut sembler un peu sec ou un peu long, ARGH assume sa modernité, son ouverture à un public large, le choix d’un plaisir immédiat, lié autant au jeu lui-même qu’aux gens avec qui on joue. Une très agréable découverte.

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