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Dixit – le plein de beauté pour les dix ans du jeu culte !

Dixit – le plein de beauté pour les dix ans du jeu culte !

 

Dixit fête ses dix ans, à ma grande surprise : cela doit bien faire dix ans que je pratique le jeu de Jean-Louis Roubira édité par Libellud, et il était alors déjà culte. En 2010, il avait été le premier jeu français lauréat de la plus importante récompense décernée dans le monde du jeu de société, le Spiel des Jahres (comme KingdominoLes Aventuriers du railSherlock HolmesDétective conseil), en plus de l’As d’or  (comme Unlock!MysteriumConcept7 Wonders, Les Aventuriers du rail) et du Tric Trac de bronze, et le jeu n’avait eu de cesse de s’améliorer matériellement et de s’étendre graphiquement.

Après une première boîte illustrée par Marie Cardouat, chaque extension était confiée à un artiste différent afin de multiplier les univers graphiques, tout en proposant dans chaque boîte une patte distincte. Ainsi, en 2011, dans Dixit : Odyssey, sans doute la boîte la plus populaire de Dixit, c’était par exemple Pierô qui s’était chargé des illustrations, avec les couleurs de Marie Cardouat.

Pour le dixième anniversaire de son jeu phare, l’éditeur de ShadowsAmsterdam et Mysterium a la grande idée de proposer une extension de 84 cartes illustrées par l’ensemble des artistes ayant contribué aux boîtes précédentes, Marie Cardouat, Pierô, Xavier Collette, Clément Lefèvre, Franck Dion, Carine Hinder, Jérôme Pélissier, Marina Coudray et Paul Echegoyen. Une belle occasion de revenir sur l’un des jeux de société les plus populaires… et les meilleurs.

Pour rappel, Dixit se pratique de trois à douze joueurs (idéalement entre quatre et huit), avec une variante « party » et « équipe » pour six à douze ; sa boîte de base peut être acquise pour environ 32 euros et l’extension Anniversary pour 17 euros 90.

 

Dixit Anniversary boite

Un jeu d’ambiance lexical

Les règles de Dixit tiennent en une page. Tous les joueurs piochent six cartes. À chaque tour, l’un d’entre eux est désigné comme étant « le conteur » (au hasard pour le premier tour, par exemple le premier à être prêt à conter, dans le sens des aiguilles d’une montre ensuite). Le conteur choisit l’une des cartes qu’il a en main sans la révéler et donne aux autres un mot, une onomatopée, une phrase, une expression, un titre, bref un mot ou un groupe de mots à son entière discrétion.

Ces autres joueurs choisissent alors dans leur main l’image la plus proche de l’idée énoncée par le conteur, et lui donnent cette image face cachée. Le conteur mélange sa carte à celles des autres joueurs et les pose au centre de la table, chaque carte étant associée à un nombre. Les joueurs (hors conteur) n’ont plus qu’à voter sur leur petite tablette pour l’image dont ils pensent qu’elle était celle du conteur, puis révèlent en même temps leur vote.

Si des joueurs ont trouvé l’image du conteur, ils gagnent trois points, comme le conteur qui a réussi à faire deviner son image. Facile en ce cas, n’est-ce pas ? Il n’a qu’à la décrire précisément ! Sauf que si tous les joueurs votent pour son image, ils gagnent deux points et le conteur zéro. Idem d’ailleurs si le conteur a été trop cryptique et que personne ne vote pour son image. Enfin, les joueurs gagnent un point par vote sur leur image, s’ils ont réussi à bluffer ou à trouver une image correspondant mieux encore (dans l’esprit de certains) au « conte » que l’image du conteur. Avec l’interdiction pour un joueur de voter pour sa propre image, quand même !

 

 

On avance ainsi les pions sur la piste de score, tout le monde pioche une nouvelle carte, et le joueur suivant devient conteur, jusqu’à ce que l’un des joueurs atteigne trente points, auquel cas il est sacré vainqueur et la partie prend fin.

Simplissime et redoutable. Ce n’est pas pour rien que Dixit a reçu tant de prix prestigieux : ses règles sont d’une remarquable efficacité, joliesse et élégance.  Le jeu ne fait ainsi pas que stimuler l’imagination et la verbalisation, à la manière d’un Concept, il réussit là où Concept échoue, en transformant la capacité à associer poétiquement mots et images en un système de points parfaitement fonctionnel, sans complications ni fioritures.

Même si la pioche est épuisée, rien n’empêche de mélanger les cartes de la défausse et de les réutiliser, les chances pour qu’une carte ayant fait l’objet d’un conte soit à nouveau choisie par un conteur étant minime, et l’obligeant par ailleurs à une association de mots différente ; en somme Dixit est parfaitement jouable et rejouable. Les extensions n’ont ainsi pas de réel intérêt mécanique, elles enchantent simplement par la variété onirique qu’elles apportent – et c’est énorme.

 

Dixit et son onirisme séminal

L’un des grands plaisirs de Dixit vient en effet de la découverte des images, de l’exploration des détails. Combien de fois un joueur n’a-t-il pas compris un conte parce qu’il avait manqué la forme de cœur créée par les deux buissons, n’avait pas fait attention à l’instrument joué ou à la nature des aiguilles ! L’addition d’images neuves une fois qu’on estime avoir fait le tour des anciennes participe ainsi pleinement à l’expérience Dixit.

Il faut dire que le jeu est plus léger qu’un Mysterium, et que d’un autre côté, le deck s’épuise plus vite que dans un When I Dream, bref, Dixit associe à merveille modèle économique et désir des joueurs.

Cette fascination pour les images vient généralement de leur polysémie, qui appelle autant de contes. Comme dans Shadows – Amsterdam, on peut se baser sur les couleurs, la tonalité générale, les objets, la situation au premier plan, les détails à l’arrière-plan, les symboles… Les cartes sont généreuses et assez inépuisables dans le nombre de contes qu’elles peuvent faire naître. La subjectivité influe du coup beaucoup sur leur appréciation, une même image n’évoquant pas la même chose à deux joueurs, surtout quand il faut essayer d’être assez clair pour que certains joueurs trouvent la carte, et assez cryptique pour que tout le monde ne la trouve pas.

 

 

On n’essaye plus alors seulement de comprendre à quelle carte le conte correspond le mieux, on essaye de déterminer par la connaissance que l’on a de la personnalité du conteur quelle image a pu lui faire naître ces mots, en faisant abstraction de ce que l’on aurait soi-même dit. Après tout, il est très probable que plusieurs images collent dans un sens ou dans l’autre au conte, mais la plus évidente est rarement la plus juste, et certains conteurs seront vite connus pour leur esprit torve et leurs contes incompréhensibles.

On le voit, l’image est très loin d’être accessoire, contrairement à When I Dream, où les superbes double-images (également réalisées par une équipe créative de qualité, dont le même Pierô) pourraient ne pas exister que cela n’aurait aucune incidence sur le jeu. Elle n’est pas un élément de design graphique mais se trouve au cœur du game design par sa capacité à interpeller l’individu.

 

Dixit Party et en équipes : des modes de jeu plaisants

On peut jouer à Dixit de 6 à 12 dans le mode « Party ». Première originalité, le conteur énonce le conte avant même de regarder les cartes de sa main. Ensuite seulement il choisit, en même temps que les autres joueurs, la carte correspondant le mieux au conte, les mélange et les dispose. Il ne s’agit plus alors au moment du vote de retrouver la carte du conteur, mais seulement la meilleure carte, de sorte que le conteur vote comme les autres.

Les joueurs gagnent autant de points que de votes qu’ils auront obtenus. Or le conteur a également un vote rouge en plus de son vote vert : l’image désignée par le jeton rouge ne rapportera aucun point à personne. Si on a le droit de voter pour son image, on ne marque aucun point si l’on est seul sur une image : on a donc tout intérêt à s’appuyer sur ce que l’on sait de la manière de raisonner des autres plutôt que de chercher platement les points !

La partie s’arrêtant quand chaque joueur a été une fois conteur, la partie est assez courte, et loin d’être désagréable, seulement moins précise, et donc moins enchanteresse, que le mode de jeu principal. Cela constitue cependant une excellente solution pour les groupes excédant six personnes, et ne trahit par trop l’esprit de Dixit.

 

 

Le mode en équipes de deux joueurs est plus curieux encore. Le conteur regarde sa main et énonce le conte. Son coéquipier lui remet une carte, et chaque équipe se met d’accord, par des gestes ou en discutant publiquement, de l’image qu’elle va donner, deux alliés n’ayant cependant pas le droit de se montrer leurs cartes.

Une fois les cartes disposées, seuls les joueurs n’ayant donné aucune carte ont le droit de voter. Puis on compte normalement les scores, l’équipe gagnant donc des points si le membre votant a trouvé la carte du conteur, si les équipes adverses ont choisi la carte de son coéquipier, ou s’il est lui-même tombé sur ladite carte. Un mode qui vaut surtout par la phase de communication avec le coéquipier, et qui n’est en dehors de cela pas assez notable pour réellement rivaliser avec le Dixit Party ou les règles traditionnelles.

 

Un anniversaire à célébrer

Qu’un éditeur fête le dixième anniversaire de son jeu pourrait paraître prétentieux et bassement commercial ; dans le cas de Dixit cela se justifie entièrement, d’abord pour la perfection qu’incarne Dixit dans le monde des jeux d’ambiance, souvent bien plus légers ou chaotiques, ensuite grâce à la réunion de talents motivée par une nouvelle boîte événement. Un peu à la Smash Bros. Ultimate, on retrouve tous les artistes déjà connus des amateurs de Dixit (mais avec des cartes inédites), avant que Dixit ne se dirige, suppose-t-on, vers de nouveaux talents, et il suffit de regarder les quelques images divulguées dans cet article pour se rendre compte que les illustrateurs n’ont pas fouillé leurs fonds de tiroir pour dégoter ces images ; qu’au contraire, ils ont profité de l’importance d’un tel anniversaire pour livrer des illustrations plus denses et belles que jamais, sur le thème commun des contes, récits, poèmes, comptines

Une boîte méta si l’on veut, dont l’ambition est à la hauteur du jeu qu’elle célèbre, un Dixit déjà classique du haut de ses dix ans, et encore incontestablement l’un des meilleurs jeux d’ambiance en son genre avec le récent Décrypto (qui n’aurait probablement jamais existé non plus sans Dixit).

 

 

L’avis de Marine « Reanoo » Wauquier

Face à la houle de gameplay et de règles auxquelles on doit faire face en tant que novice lorsque l’on plonge pour la première fois dans l’océan des jeux de société, il y a de ces jeux qui nous servent de phare dans la tempête. Dixit en fait indubitablement partie.

Dixit semble avoir été gâté par la nature (ou du moins ses créateurs) : simplicité des règles mais complexité ludique, parties relativement courtes mais néanmoins extensibles à l’infini, minimalisme du matériel mais beauté onirique… Bien évidemment, l’avis que je donne ici est particulièrement subjectif. Un jeu comme Dixit ne plaira pas à tout le monde, du fait de son principe même, et l’intérêt qu’on lui portera dépendra aussi selon moi des personne avec qui l’on joue. La verbalisation et l’association d’images, et donc la complexité du jeu, deviendra d’autant plus élaborée que l’on sera familier de la personnalité et de la sensibilité de ceux qui nous accompagnent dans la partie. Je ne parle volontairement pas d’adversaires ou de partenaires, car un aspect intéressant du jeu réside justement dans le fait que l’on endosse les deux rôles. On a besoin de l’aval des autres joueurs pour gagner des points, mais impossible d’oublier dans le même temps que l’on joue pour soi.

Difficile de parler de Dixit, enfin, sans s’attarder un peu plus longuement sur ses illustrations. Chaque carte a son propre style, et pourtant l’esthétique globale est cohérente. Douces dans les couleurs et dans les traits, les cartes n’en sont parfois pas moins violentes qu’oniriques dans le contenu que l’un ou l’autre des participants y lira. Car les lectures sont multiples, et l’on se surprendra souvent à se dire qu’on aurait pu utiliser une carte déjà défaussée à plusieurs autres reprises, pour répondre à la verbalisation d’un autre joueur, sans que l’association semble farfelue ou artificielle. On se perdrait presque à simplement faire défiler les cartes pour le plaisir des yeux, en oubliant l’enjeu compétitif, et l’on apprécie autant la découverte des illustrations que les débats post-votes autour des choix des cartes, et de ce que chacun y lit.

Dixit est sans aucun doute un petit jeu parmi les plus grands, un incontournable que je ne peux que recommander, dont il serait dommage de passer à côté, et l’on ne peut qu’accueillir avec plaisir et impatience cette nouvelle extension.

 

 

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