The Voices : à cheval entre la comédie, le thriller et le drame.
The Voices est un film de la réalisatrice franco-israélienne Marjane Satrapi, dessinatrice de bandes dessinées reconnue dont vous avez certainement déjà entendu parler pour Persepolis, sorti en 2007.
Bande-annonce pour les retardataires…
[divider]Scénario[/divider]
Ryan Reynolds interprète Jerry, un homme célibataire qui vit avec son chien et son chat dans la petite ville de Milton, et qui souffre apparemment de troubles mentaux assez sérieux. Il consulte régulièrement sa psychiatre et doit suivre un traitement pour le maintenir dans le « monde réel ». Il tombe un jour sous le charme de la belle Fiona, qui travaille au service comptabilité de l’usine de baignoires où il travaille, et tente d’entamer avec ses pairs des relations sociales « normales », du moins tant qu’il prend ses médicaments…
Jerry entend des voix, et pas n’importe lesquelles. Il est capable de communiquer avec les animaux et plus particulièrement son chien Bosco et son chat Monsieur Moustache. Jerry vit donc heureux avec ses deux amis, chez lui, mais se rend vite compte après que sa psy lui ait ordonné de continuer à suivre son traitement que ses cachets l’empêchent de parler à ses animaux.
Partagé entre Bosco, la voix de la raison (s’il y en a bien une…), et Monsieur Moustache, le démon sur son épaule, Jerry se retrouve presque malgré lui tueur en série, au dépend de la plupart des femmes qui l’entourent et à qui il ne voulait (du moins au départ) aucun mal.
[divider]Un film coloré et sombre à la fois[/divider]
[alert type=red ]Spoiler Alert : Nous vous recommandons de ne pas continuer si vous ne voulez pas connaître certains éléments de l’histoire[/alert]
La réalisatrice vient bel et bien de l’univers de la BD et cela se sent : très vite, on est frappé par les couleurs aussi vives que nombreuses à l’écran. Le rose pastel omniprésent sur le lieu de travail de Jerry, le bleu de sa voiture, les rouges profonds des lèvres des protagonistes féminins… On remarque également des papillons de temps à autre autour de Jerry, jeu aussi évident que touchant pour signaler qu’il est « dans son monde ». Malheureusement, lorsque Jerry prend ses médicaments ou que le point de vue est celui d’un autre personnage, l’image se ternit, les papillons ne sont plus là, on laisse place à du sang noir, des teints pâles, des salles presque sans lumière. Dans sa bulle, Jerry ne voit pas le sang, l’horreur et la saleté dans laquelle il vit, et discute même avec les têtes de ses victimes, elles aussi pourvues de conscience (toujours une partie de la sienne). Dès qu’on en sort, on réalise la boucherie et le lieu insalubre qui lui sert d’appartement. Le spectateur a donc un bon indicateur visuel de quand il est dans « la tête » de Jerry et quand il n’y est pas.
À se fier à la bande-annonce, on pourrait penser que le film est une comédie à propos d’un homme poussé à devenir un serial killer par son chat. Il y a un peu de cela, mais The Voices n’est en rien une comédie. Les scènes ensanglantées et les larmes de certains personnages nous font clairement comprendre que classer ce film est beaucoup plus complexe que de le mettre dans la simple case de la comédie ou du thriller, tant on est propulsés du rire à la douleur, de la tristesse à la joie.
On ressent de l’empathie pour Jerry tout au long du film. Lorsque Fiona (Gemma Arterton) se joue de lui et lui pose un lapin ; après la mort de Fiona, où il trouve réconfort dans les bras de sa collègue Lisa (Anna Kendrick) avant de devoir la tuer puisqu’elle découvre les causes de la disparition de cette première ; lorsqu’on découvre son passé, avec sa mère, folle, qu’il a aidée à se suicider pour qu’elle échappe à l’asile… On plonge alors dans la complexité d’un personnage qui n’est pas une personne déficiente mentalement qui agit sans avoir conscience de ses actes, mais plutôt qui agit parce qu’il se sent forcé de le faire, tout en le regrettant.
The Voices est un film très intéressant pour son regard sur la folie et sur la difficulté pour les personnes « malades » à s’intégrer dans la société. On comprend également pourquoi Jerry ne prend pas ses médicaments, contre les ordres de sa psychiatre, au vu du monde de solitude et d’horreur dans lequel il se trouve quand il est sous leur emprise. À l’inverse d’un junkie qui aurait besoin de sa drogue pour planer, Jerry a besoin de s’en passer.
[divider]Conclusion[/divider]
Un quatrième film réussi pour Marjane Satrapi, qui ouvre les yeux sur des sujets peu abordés tout en nous faisant rire. Ryan Reynolds est au point et joue à merveille ce personnage entier qu’est Jerry, dans la folie, dans le sang et les larmes.
On retiendra surtout que les chats sont des créatures démoniaques et manipulatrices alors que les chiens agissent pour le bien de tous.