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Critique à 4 mains – The Fall of the House of Usher

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Que vaut The Fall of the of House Usher, la nouvelle série signée Mike Flanagan ? 

Lucile « Macky » Deloume : cette série tu binge watcheras

Il y a des séries qu’on attend beaucoup et des séries dont on attend beaucoup. Si j’ai découvert le réalisateur Mike Flanagan en 2017 avec le film Gerald’s Game, qui m’avait alors un peu perturbée mais marquée, c’est en 2018 que le réalisateur m’a conquise avec la série The Haunting of Hill House. J’ai depuis scrupuleusement attendu ses nouveautés. Après Bly Manor, The Midnight Club ou encore Midnight Mass, j’avais hâte de découvrir en ce mois d’octobre The Fall of The House of Usher. 

Commençons d’ailleurs par un constat simple : aucune de ces séries n’arrive à la cheville de The Haunting of Hill House. Aucune. Je ne lui trouve aucun défaut, même après plusieurs visionnages. Après une première série parfaite, il a donc été difficile de suivre un tel niveau de perfection. Cependant The Fall of The House of Usher se place facilement dans mon top 3 Flanagan.

Composé de 8 épisodes d’une heure environ, je n’ai pas vu le temps passer et j’ai binge watché TFOHU en 3 jours seulement. Mais avant de commencer notre critique, place au trailer.

Si vous avez fait quelques recherches sur le sujet, vous savez peut-être que cette série a été inspirée de la nouvelle homonyme de Edgar Allan Poe. Inspirée seulement car tout n’est pas similaire. Cette nouvelle sombre et inquiétante raconte la descente tragique de la famille Usher, qui souffre de maux mentaux et physiques, dans une maison sinistre et délabrée. Le narrateur sans nom de l’histoire est un ami d’enfance de Roderick Usher, l’un des derniers membres de la famille Usher. Le récit commence par l’arrivée du narrateur à la maison décrépite des Usher après avoir reçu une lettre inquiétante de Roderick.

L’ambiance est sinistre, que ce soit dans l’œuvre originale ou bien dans la série, avec des éléments de folie, de malédiction et de morts mystérieuses qui se déploient au fur et à mesure que le narrateur découvre les secrets de la famille Usher. Pour être un peu plus d’actualité, on suivra ici une famille qui a fait fortune dans les drogues « légales », à savoir les anti-douleurs, réel fléau aux USA depuis quelques décennies maintenant. Petite info, mais les Usher m’ont rappelé la famille Sackler, vraie famille à l’origine de l’OxyContin, et donc de la crise des opiacés, qu’on a pu découvrir sous l’angle de la fiction également dans Dopesick ou encore Painkiller. Un parallèle, j’en suis sûre, loin d’être innocent.

Si bien sûr, j’adore l’ambiance, le suspense et les acteurs (qui tournent toujours d’une série à l’autre, avec quasi le même casting), ce sont bien les messages, transmis via de longs monologues que j’affectionne particulièrement. Cette fois, il faudra attendre celui de Madeline et du dernier épisode, pour un monologue féministe puissant et criant de vérité. Flanagan nous propose aussi ici une série qui hurle sa colère contre les ultrariches, intouchables, déconnectés, névrosés. Il veut la tête du capitalisme, et ça se voit (et j’aime ça) et pointe également du doigt le système américain, lui aussi bancal, névrosé et addict. Dans The Fall of the House of Usher, l’heure du karma a sonné, et c’est jouissif.

En clair, si vous avez envie de vous mettre dans l’ambiance spooky d’Halloween, cette série est faite pour vous. Et si vous êtes passés à côté des précédentes dont nous avons parlé également, n’hésitez plus et foncez !

 

L’avis de Siegfried « Moyocoyani » Würtz : la chute de la maison Flanagan

Après avoir adapté Stephen King (Jessie et Doctor Sleep), Shirley Jackson (The Haunting of Hill House) et plus évasivement encore Henry James (The Haunting of Bly Manor), Mike Flanagan pense avoir la maturité suffisante pour revenir à la source en s’attaquant à Poe avec le projet séduisant d’en reprendre de nombreux textes (donnant souvent leur titre aux épisodes) mais dans une intrigue unique (plutôt qu’en anthologie) rappelant la nouvelle homonyme La Chute de la Maison Usher. Et il faudrait être de bien mauvaise foi pour ne pas admettre que la promesse est excitante et portée par la bonne personne pour en livrer une version modernisée, libre mais respectueuse.

Cet homme idéal me paraît pourtant échouer dans les grandes largeurs.

La Chute de la maison Usher

Déjà par la forme-même de la série, peu évidente, j’en conviens. Plutôt qu’une méga-adaptation de Poe, on se retrouve bien plutôt face à un pot-pourri curieux, balançant à foison des corbeaux un peu partout et des références à Lenore et Annabel Lee, utilisant plutôt littéralement Le Masque de la mort rouge ou Le Cœur révélateur dans les épisodes homonymes, un peu plus librement Le Chat noir, ne nous montrant des singes dans Le Double Assassinat de la rue Morgue que parce que c’est le titre, oubliant complètement pourquoi un épisode s’intitule Le Scarabée d’or, et exploitant bien curieusement un mystérieux personnage appelé Pym, exécuteur des basses œuvres de la famille Usher, dont le passionné de Poe se doute qu’il fait référence à Arthur Gordon Pym (héros éponyme d’un curieux roman ayant fasciné Lovecraft) mais attendant bien longtemps qu’on nous explique cet emprunt dans des scènes qui sont peut-être les plus frustrantes de la série parce qu’elles témoignent d’une grandeur hors de la série et donnent à ce Pym une ampleur impressionnante qui ne peut pas être exploitée parce que c’est des Usher que l’on parle, pas de lui. Frustration d’autant plus grande que Mark Hamill campe ce rôle étonnamment secondaire avec une perfection qui en fait pour moi la seule interprétation notable de l’ensemble du casting (on y reviendra). En somme Poe est utilisé tantôt comme plat easter egg, tantôt dans une adaptation si programmatique qu’elle empêche toute surprise et tout génie.

Si l’idée d’exploiter La Chute de la maison Usher comme récit-cadre est maline, puisque la nouvelle introduit en effet un narrateur découvrant les mystères du manoir au contact de son hôte, elle est aussi fastidieuse en ce qu’à chaque épisode, l’avocat et ami invité par Roderick Usher lui demande pourquoi ce dernier l’a convié, et subit comme nous presque 7 heures d’histoire avant que Roderick arrive réellement à l’objet de sa confession, histoire pendant laquelle il raconte bien des choses auxquelles il n’a pas pu assister, ce que l’on justifie par une pirouette un peu facile quand déjà on s’est trop interrogé.e sur cette « erreur ». Et je trouve (mais là j’admets que c’est, plus encore que pour le reste, un ressenti personnel dont je peux entendre qu’il soit moins partagé) que la sœur Madeline de Roderick est tout au long de la série un personnage-fonction un peu fade, ce qui est un problème quand on connaît son importance immense dans la nouvelle homonyme de Poe, et que l’on pouvait donc s’attendre à ce que toute la série s’articule autour d’une relation presque mystique entre frère et sœur.

Et bien sûr, vous l’aurez compris, il ne s’agirait surtout pas de regarder la série comme une adaptation de la nouvelle homonyme (là où les précédentes créations de Flanagan pouvaient bien être considérées comme des réappropriations des œuvres qu’elles prétendaient adapter), nouvelle plus prétexte que centrale, et s’éloignant à chaque minute davantage de la pureté du récit de Poe, précisément impressionnant par sa concision et son efficacité tant rythmique que poétique. Même le très beau film d’Epstein et Buñuel (visionnage gratuitement sur YouTube) m’avait paru sur-étoffer une matière qui ne peut que perdre en beauté à être autant prolongée, alors ce bric-à-brac…

Enfin, la structure de la série se veut justifiée par la mort successive des enfants de Roderick, chacun.e décédant d’une manière particulière et étonnante à la conclusion d’un épisode. On a alors vite le sentiment que si la série avait voulu durer trois épisodes de plus, elle pouvait ajouter trois enfants, comme elle pouvait en durer trois de moins en en retranchant trois, le nombre d’enfants n’ayant strictement aucune incidence dramatique sinon celle d’une liste de victimes à la Descent – et franchement, n’importe quel Descent ou Vendredi 13 innove davantage dans les morts que cette longue Chute de la Maison Usher. Et bien sûr, cette liste de victimes ne permet pas aux personnages de briller, après tout ils ne sont là que pour mourir, de sorte que la série est pour moi de très loin la plus désincarnée de Flanagan, même son casting habituel échouant à dégager quoi que ce soit (et oui, y compris l’habituellement si chouette Rahul Kohli).

En somme, qu’est-ce que cette Chute de la maison Usher ? C’est du Succession sans les personnages, avec une prétention fantastique sur laquelle on a quand même le bon goût de faire peser le soupçon jusqu’au bout mais lourdingue à force de visions surnaturelles en jump scares qui deviennent décidément un procédé répétitif et de plus en plus fade chez Flanagan (étonnant quand on pense qu’il s’en moquait au début de Midnight Club) et beaucoup d’autres choses vues et revues sans réel sens (par exemple multiplication de références à Shining, le dîner familial mouvementé sur la 7ème…), avec une espèce d’affichage politique ou du moins de pied dans l’actualité tombant complètement à plat – le fait que la famille Usher soit une retranscription des Sackler en traitant l’OxyContin étrangement par-dessus la jambe (a fortiori après DopesickPainkiller et Toute la beauté et le sang versé), promettant dans le premier épisode un film familial et de procès… alors qu’on reverra à peine la famille réunie (et on passe je trouve à côté du meilleur, le deuil, les tensions, la place de l’individu dans le groupe) et juste plus du tout le tribunal. Et tout ça en essayant à la fois de faire une anthologie moderne de Poe et une histoire originale connectant les nouvelles, sans effroi, sans mystère, sans amour et sans âme, misant tout sur un ultime épisode un peu plus ciselé (mais aux twists horriblement sans surprise) pour faire oublier l’ennui du reste, assurément le plus grand échec de Flanagan et le plus surprenant.

Retourner plutôt explorer le manoir de Hill House ou allez découvrir les Sermons de minuit, souvent injustement négligés, si ce n’est pas fait, et relisez tout Poe, cela vous prendra bien moins de temps que le visionnage de la série et vous enrichira tellement davantage. Et si vous voulez une galerie de morts spectaculaires, franchement, n’importe quel Descent ou Griffes de la nuit (oui, n’importe lequel) fera mieux l’affaire…

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