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Race to the Raft – puzzles coopératifs sur l’île des chats !

Race to the raft

Race to the Raft – puzzles coopératifs sur l’île des chats !

J’aime beaucoup L’Île des chats, un jeu que je trouve fin dans son empilement assez organique et accessible de mécaniques pour aboutir à un système plutôt riche où l’on a l’impression d’une réelle agentivité malgré l’aléa inhérent au draft pourtant en son cœur. Notez d’ailleurs que je ne travaillais pas encore pour les Lucky Duck quand je lui ai consacré un article et qu’après avoir participé à la localisation de nombreuses extensions du jeu, je ne travaille plus pour eux, de sorte que je donne cet avant sans autre conflit d’intérêt que l’envoi d’un service presse de Race to the Raft par son éditeur anglophone – et j’ai déjà dit ici ce que je pense de l’envoi de services presse.

En effet, Race to the Raft se situe dans le même univers que L’Île des chats, ce qui est explicité dès la couverture, qui montre les fameux chats du jeu précédent plus gros que jamais, avec la même police pour le titre, le même fond blanc… La filiation est assumée, et d’autant plus intrigante que malgré la dizaine de modules et extensions parues pour L’Île des chats, y compris un dérivé en flip & write, Race to the Raft en est le premier spin-off explicite, complètement indépendant et pour le dire encore plus clairement, sans aucun lien mécanique avec L’Île des chats.

Plus précisément, Race to the raft est un jeu coopératif pour 1 à 4 personnes de placement de tuiles afin de construire des chemins à travers 81 scénarios. Prévu dès 8 ans, il propose ainsi des parties progressivement de plus en plus difficiles, n’ayant absolument pas vocation à limiter le jeu à un public enfantin/très familial mais pouvant satisfaire tout à fait amatrices et amateurs de puzzles initiés. Il est toujours conçu par Frank West, auto-édité par The City of Games, et désormais illustré par Miguel Mitchell Da Silva (sous la direction de West).

Notez que pour le moment, ni Lucky Duck ni aucun autre éditeur francophone n’a confirmé la localisation de Race to the Raft, et l’article sera mis à jour quand une telle annonce aura été faite (avec un titre traduit et plus joli j’espère).

(la photographie utilisée pour la bannière a été réalisée par Matt Elliott pour la campagne promotionnelle officielle de Race to the Raft)

Race to the raft

Premières courses

On commence une partie en choisissant le scénario dans lequel on se lance, même si généralement ce choix se limitera à regarder simplement le premier scénario que l’on n’a pas fait, puisque leur difficulté est progressive. C’est l’occasion de mentionner qu’outre les 81 scénarios contenus dans le jeu de base, plusieurs scénarios sont disponibles sur racetotheraft.com, et d’autres seront normalement ajoutés régulièrement, par exemple pour des événements saisonniers en s’inscrivant à une mailing list.

Le scénario choisi (dans un livret de campagne distinct du livret de règles, ou en ligne donc) indique les plateaux et cartes à prendre, et comment les disposer pour former l’île, puis où y placer les chats. Même si la forme générale de l’île reste identique quand on refait un scénario (par exemple il faudra un plateau avec une bande brûlée sur la droite en haut à droite de l’île), les détails peuvent en varier (il y a plusieurs plateaux avec une bande brûlée sur leur droite, avec une disposition des cases colorées différente), de sorte qu’un scénario pourra être rejoué sans problème – et je ne parle même pas encore de la variété fatalement apportée par les tirages.

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Malgré la douzaine d’éléments dont vous aurez besoin à chaque partie pour assembler l’île (presque toujours deux grands plateaux, deux petits plateaux et une dizaine de cartes placées par-dessus), cette mise en place est très rapide puisque les éléments sont clairement identifiés et triés (à moins que vous vous amusiez à mélanger les cartes portant une lettre ou un chiffre bien sûr).

À côté de l’île, vous placerez les quatre decks Sentier, distincts par la forme sur leur dos. Au début d’une manche, chacune et chacun pioche librement 3 cartes dans ces decks. C’est qu’outre le symbole rappelant à quel deck la carte appartient, son dos représente des paysages colorés y occupant plus ou moins de place : cela vous dit quelles couleurs et dans quelle proportion vous allez plus ou moins retrouver au recto. L’intérêt est évidemment de réduire le hasard sans que ce soit fiable à 100 %. Le dos de toutes les cartes X est par exemple composé d’un tiers de prairie, d’un tiers de mer, d’un sixième de forêt, d’un douzième de désert et d’un douzième de ruines, et j’ai sous les yeux le recto d’une carte X où la prairie n’apparaît pas du tout, un cas certes extrême, ce recto montrant sinon bien très majoritairement de l’eau sur plus de sa moitié (5 cases sur 9), de la forêt sur un tiers (3) et du désert sur un neuvième (1).

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Vous jouerez une manche dans un ordre décidé collectivement, et pouvez très bien décider qu’une même personne jouera trois fois d’affilée par exemple. Comme beaucoup de jeux coopératifs, la communication dans Race to the Raft est encadrée, même si ses règles peuvent se résumer à celle-là : vous n’avez pas le droit d’être trop précis. Vous pouvez dire qu’une carte comporte du vert, qu’elle peut aider le chat violet, mais pas qu’elle comporte 4 cases bleues, un sentier droit, un dragon ou dire quel chemin elle permet à un chat de faire. Si cela peut sembler tarabiscoté à la seule lecture de ces lignes, pendant une partie ce sera en fait extrêmement clair, puisque vous verrez assez intuitivement quelle information il serait tout de même abusif de partager. De même, il vous semblera assez logique de ne pas pouvoir discuter avec la personne active du placement de sa carte une fois qu’iel l’aura dévoilée.

La première action consistera à placer une carte de votre main sur l’île. Elle pourra d’ailleurs recouvrir totalement ou partiellement recouvrir une carte déjà placée, mais pas recouvrir du feu, un radeau ou un chat, ni se placer sous une carte ou tuile déjà présente. Seulement des règles de bon sens en somme. Aussitôt la carte placée, on pioche cependant aussitôt un polyomino Feu dans le sac pour le placer sur l’île, où l’on veut mais adjacent à des flammes déjà présentes.

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L’autre action consiste à déplacer un chat en défaussant une carte de sa main dans la pile Désastre. Déplacez alors le chat de votre choix autant que vous le souhaitez sur un sentier de sa couleur (le chat bleu uniquement sur l’eau, etc.), puis couchez-le pour indiquer qu’il est fatigué. Si quelqu’un d’autre souhaite le mouvoir ce tour-ci, iel devra défausser 2 cartes à la place. Et quand la pile Désastre comporte 4 cartes ou plus, on les retire du jeu et on ajoute à l’île un polyomino Feu. C’est la principale mécanique permettant d’adapter le jeu au nombre de personnes y participant.

Toutes les cartes de tout le monde doivent être jouées. Quand c’est le cas, les chats se reposent et une nouvelle manche démarre.Race to the raft

Vous remportez la partie quand tous les chats sont montés sur le radeau (ont suivi un chemin les menant à côté de la carte Radeau de l’île). Vous perdez cependant si vous devez placer un polyomino Feu et ne le pouvez pas (parce que le sac est vide ou que le placement est impossible), qu’un chat ne peut plus atteindre le radeau ou que vous ne pouvez pas piochez 3 cartes par personne au début d’une manche. Comme tout ce qui caractérise Race to the Raft, ces règles sont à nouveau tout à fait intuitives.

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Selon que vous ayez remporté ou perdu le scénario, accordez-vous 5 ou 0 points en les notant dans le livret de campagne avant de passer au scénario suivant… supposément. Dans les faits, ce système est d’autant moins pratique que vous avez le droit de refaire un scénario pour améliorer votre score, de sorte qu’il sera plus commode de le faire sur une feuille de papier séparée – de toute manière, j’imagine que comme moi vous aurez du mal à écrire sur le papier glacé du livret, si vous décidez réellement de noter quoi que ce soit.

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Les flammes approchent

J’ai décrit pour le moment… les règles de la première partie du tutoriel. Quelques règles vont s’y ajouter rapidement mais progressivement.

Ainsi, dès la deuxième partie, vous recevrez initialement des jetons de communication : l’un vous permettra de parler à la personne active après qu’elle aura dévoilé sa carte Sentier ou décidé de mouvoir un chat afin que vous la conseilliez tant sur son action que sur le placement du polyomino Feu, tandis que l’autre vous permettra… de dire « Miaou », sur le ton que vous voulez, mais rien d’autre, afin de le/la guider d’une manière plus féline. Je trouve un peu dommage qu’un jeton soit juste la version inférieure de l’autre, peut-être parce que l’auteur avait initialement imaginé de se contenter des jetons Miaou et que ça ne suffisait en fait pas. Les règles recommandent de répartir les jetons entre vous lors de la mise en place, chaque personne n’ayant qu’un jeton (soit Miaou soit « normal ») – je vous conseillerais plutôt d’en faire une réserve commune, avec la limite d’une communication par personne et par partie, pour éviter la frustration arbitraire de n’avoir droit qu’à un Miaou quand quelqu’un d’autre peut communiquer tout à fait ordinairement. Et puis cela ajoute le choix intéressant du jeton normal ou Miaou selon que vous vous sentiez capable de vous contenter pour le moment du Miaou afin d’économiser l’autre ! En outre, à partir de cette deuxième partie, il ne suffira plus pour les chats d’être adjacents au radeau pour y monter, mais il faudra qu’ils se placent sur une case spécifique à leur couleur, ce qui demandera parfois de s’enquiquiner à tourner autour.

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Les jetons de communication

À partir de la troisième, vous aurez des objectifs sur l’ordre d’arrivée des chats, par exemple « le chat rouge et le chat bleu doivent arriver en deuxième et troisième », Race to the Raft ayant l’habile idée de proposer des jetons afin de matérialiser cette règle sur le plateau, donc sans devoir se reporter à chaque fois au livret de campagne.  En outre, vous disposerez désormais de 3 jetons Eau pour toute l’équipe, défausser 1 jeton permettant de retirer 1 polyomino Feu, mais retirant 1 point du score final. Cela donne un peu plus de relief au système de score, même s’il reste évident qu’il est juste un prétexte destiné à intensifier le sentiment de progresser dans la campagne sans réel intérêt dans l’absolu – généralement, si l’on échoue une partie, on la refait sans passer au scénario suivant, j’imagine que cela vous paraît aussi évident qu’à moi.

Vous savez tout… pour les quatre premières campagnes. Débutent alors les campagnes avancées, nettement plus techniques ! Désormais, un chat avancera au maximum de 5 cases en une action, et au lieu de piocher un polyomino Feu pour un désastre, vous piocherez une carte Désastre exigeant de déplacer des chats, d’ajouter ou déplacer des polyominos Feu, de défausser des cartes Sentier… Une nouveauté pourra paraître positive au premier regard : quand un chat arrive au radeau, vous pouvez soit piocher 1 carte Sentier soit déplacer 1 chat de 5 cases au maximum. Pourquoi « paraître positive » ? C’est que ce bonus permet un objectif qui élève la difficulté des parties de Race to the Raft de plusieurs crans : vous devrez régulièrement amener deux chats au radeau… en une seule action. Bon courage…

Vous allez aussi faire la rencontre des Oshax, des chats blancs qui peuvent passer par tous les environnements… mais seulement sur des lignes blanches. On pourra également vous demander de sauver des chats (un chat rouge devra se positionner sur une case précise pour aider un autre chat rouge à éviter les flammes), donc toujours plus de chats à mouvoir, ou requérir que deux chats amis restent constamment à 5 cases ou moins l’un de l’autre ! Dois-je préciser que cela vous paraîtra parfois absurdement difficile ou est-ce déjà évident ? Vous comprenez d’autant mieux l’importance de ne pas sauter trop de scénarios, à moins bien sûr qu’une série vous paraisse vraiment trop facile, parce que passer trop rapidement d’une des premières campagnes à l’une des dernières risquerait d’engendrer une inutile frustration.

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Les chats de l’équipe éditoriale

 

Race to the Raft : sur le radeau ou au feu ?

Race to the Raft est un jeu coopératif de puzzle solide et judicieusement progressif. Un peu comme dans The Crew, au fur et à mesure des 81 scénarios (en plus des scénarios additionnels en ligne), vous pourrez avoir l’impression qu’un auteur diabolique se triture les méninges pour vous faire vivre un enfer toujours plus brûlant, malgré des règles plutôt élémentaires et globalement intuitives – celles du mode avancé le sont à peine moins, et seront assez rapidement assimilées.

Du moins cela permet-il de se lancer dans l’aventure même assez jeune et/ou avec une expérience ludique limitée tout en s’avérant satisfaisant pour des ludistes plus confirmé.e.s, Frank West trouvant un bel équilibre entre une nécessaire part d’aléa pour générer tension et variété et une réelle part de choix – par exemple dans le fait que vous déciderez de laquelle des quatre pioches vous tirez vos cartes, le dos de chaque pioche donnant quelques indices sur ce que vous pourriez retrouver sur le devant. Ainsi, entre le choix de la pioche, le choix de la carte à jouer, le choix de l’emplacement où la jouer, le choix du timing (vaut-il mieux faire avancer un chat, par exemple pour remodeler le sentier derrière lui, vaut-il mieux déjà se focaliser sur les sentiers ?), le choix de plus en plus limité des zones à brûler, vous ne pesterez que très rarement contre le hasard, et en cas d’échec n’aurez aucune raison de ne pas vouloir retenter un scénario tant la partie pourra être différente.

Paradoxalement, le thème pourrait en refroidir : il s’agit après tout de créer des sentiers pour déplacer des chats vers un radeau, dans un jeu nettement moins thématique que L’ïle des chats. J’oserais même regretter qu’il n’y a pas assez chats, et que pour un premier spin-off, renoncer à ce point à l’omniprésence féline pour une poignée de meeples chats et d’illustrations félines pourra être un peu triste – Race to the Raft ne sera ainsi pas un « jeu de minous ultime » comme peut l’être sa grande sœur ou Calico, aussi excellent soit-il. Et soyez conscientes et conscients que la progression des chats fuyant les flammes vers un radeau peut être plus anxiogène que l’arrivée du démoniaque Vesh dans L’Île des chats, où l’on pouvait assez aisément oublier ce qui arriverait aux chats restant sur l’île. Ici, c’est vous qui posez les flammes, dans un thème qui s’impose pendant les parties.

Néanmoins, on retrouve bien l’univers et la patte de Frank West, et si vous pouvez appréhender le côté casse-tête du jeu (ce qui était mon cas avant de m’y lancer), sa matérialité (consistant à constamment poser des cartes et tuiles sur une île commune, et à y déplacer des pions) s’appuyant sur des éléments très colorés et intuitifs suscite un indubitable et recommandable agrément.

Race to the raft
Les figurines en plastique sont issus de la campagne Kickstarter, dans la version boutiques on a affaire à des meeples en bois (plus jolis, non ?)

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