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Gosu X – le duel épique et cosmique des 8 clans de Jalaanx

Gosu X – le duel épique et cosmique des 8 clans de Jalaanx

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de dire que Sorry we are French était mon éditeur francophone de jeux de société originaux favori. Il faut dire qu’IKI était mon jeu préféré de 2021, Galileo Project l’un de mes préférés de 2022, que Demeter et Varuna sont mes X and writes favoris, que je sors toujours avec très grand plaisir (bien que pas assez) Ganymede et Paris 1889… Quand ils annoncent la sortie d’un nouveau titre, il ne m’en faut donc pas beaucoup plus pour être très curieux, et savoir qu’ils l’ont développé pendant 4 ans en assumant certaines comparaison avec Magic poussait naturellement mon impatience d’en savoir plus à son maximum. Grand merci donc à eux pour m’avoir envoyé un exemplaire de Gosu X à présenter ici – voir ici mon article sur l’impact de ces « cadeaux ».

Gosu X est une refonte totale des Gosu et Gosu Tactics de Kim Sato (jouissant apparemment d’une certaine popularité, mais ne les connaissant pas, je vous épargnerai toute artificielle comparaison) dans l’univers d’Immortal 8, conçue par l’équipe de Sorry we are French et bien sûr illustrée par David Sitbon, leur formidable illustrateur maison, que j’avais eu la chance d’interviewer à l’occasion de la sortie de Paris 1889, mais dont on avait également pu admirer particulièrement le travail dans IKI (et dans une moindre mesure Galileo Project).

Ce jeu de duel pour les 10 ans et plus sera vendu 30 euros à partir de sa sortie cannoise, et il a bien l’intention de s’imposer dans l’événementiel socioludique par des tournois et du jeu organisé dont on entendra parler bien assez vite, déjà sur la page communautaire qui sera prochainement lancée sur Facebook.

Gosu X

 

Duel synergique et épique

Gosu X est un excellent exemple de jeu card-driven, dont les règles sont si élémentaires qu’on peut les enseigner en quelques minutes sans risque de devoir y revenir, parce qu’elles offrent surtout un cadre malin aux cartes qui en font la richesse et la variété.

Une partie commence par un draft de clans : un duelliste choisit l’un des 8 clans, son adversaire en choisit 2, il en choisit 2 autres, son adversaire en choisit 1, et les deux derniers sont retirés de la partie. Puis on mélange les 45 cartes de ses 3 clans pour former sa pioche tandis que… les 2 clans non choisis affecteront la partie par le biais de leur tuile Immortel. Par exemple, si personne n’a choisi le clan Narashima, la taille de main maximale des duellistes à la fin de leur tour sera de 5 au lieu de 7 ; ou le clan Phoenix augmente notre valeur militaire en fonction du nombre de cartes dans notre main.

C’est dire l’immense variété des parties, qui ne dépendra pas que de la pioche et du choix des cartes à jouer (ce qui est souvent déjà beaucoup), mais donc aussi des trois clans que l’on a sélectionnés, des trois clans que notre adversaire a sélectionnés, et de cet effet permanent des deux clans non sélectionnés, systématiquement déterminant – certains sont plus présents que d’autres, mais je n’ai pour le moment pas vu une seule partie où l’une des deux tuiles soit restée tout à fait inconséquente.

Les parties sont d’ailleurs si variées que je serais pour l’heure tout à fait incapable de dire quel clan je peux préférer à l’autre. Je ne doute pas que davantage de parties finiront par faire émerger des favoris, mais outre que les clans, malgré leurs spécificités, ne se résument pas à une seule idée qui faciliterait ce tri, leur synergie avec les autres clans d’un même deck peut en rendre les sensations très différentes.

À son tour, on joue ordinairement une carte de sa main sur son tableau de 5 cartes par 3, en commençant par une troupe (une carte de niveau 1) en bas à gauche du tableau (sur la ligne des troupes). Si l’on joue une autre troupe, elle sera gratuite en appartenant au même clan, ou imposera la défausse de 2 cartes de sa main en appartenant à un autre des 3 clans de son deck. Au lieu de cela, on peut jouer un héros (une carte de niveau 2) sur la deuxième ligne, à condition qu’il y ait une troupe juste en dessous, et que l’une de ses troupes appartienne au même clan. De même, on pourra jouer un Immortel (une carte de niveau 3) au-dessus d’un héros, et à condition de posséder au moins 1 troupe et 1 héros du même clan. Et chaque carte jouée possède un effet. Basique.

Enfin basique… comme expliqué plus haut, la variété des cartes vous permettra par cette simple action de pose de déclencher un effet presque toujours intéressant, qui va de la pioche au tour de jeu supplémentaire en passant par la capture (le fait de retourner une carte face cachée, de sorte qu’elle n’a plus de valeur, d’effet ni de clan), la libération, la destruction… L’effet est toujours assez simple et direct pour que l’on ne se perde pas en lectures, mais assez varié pour que l’on comprenne l’impossibilité d’opter pour de simples symboles, et pour que l’on revienne quand même de temps à autre au glossaire pendant la première partie.

J’en profiterais pour pinailler sur la seule véritable imprécision lexicale du jeu, d’importance modérée je dirais, autour de la notion de « liberté », puisqu’une carte libre est une carte n’ayant d’autre carte ni à sa droite ni au-dessus d’elle… tandis que libérer une carte désigne son retournement face visible (si elle avait été « capturée », donc retournée face cachée). De sorte que la même notion recouvre deux réalités qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Heureusement, on identifie assez vite le « souci » pour qu’il n’ait pas trop d’impact sur les parties, mais on ne m’ôtera pas de l’idée que trouver un autre mot, y compris dans le même champ lexical, aurait favorisé la clarté du tout, et garanti qu’on ne détruirait pas n’importe quelle carte face visible avec un effet permettant de détruire une carte libre.

Notons que les auteurs semblent avoir vaguement identifié ledit souci, en tâchant de toujours écrire « carte LIBRE » (en majuscules) pour distinguer les deux réalités, mais la solution reste modérément satisfaisante, et aboutit très curieusement à placer la définition de ce mot-clef… à la lettre C du glossaire (pour « carte ») plutôt que L (pour « LIBRE »). De sorte que si vous vous interrogez sur le mot « LIBRE » pour la première fois et allez assez logiquement le chercher à L, vous tomberez sur « Libérer » qui, comme on l’a vu, n’a en fait rien à voir. C’est dommage, quand tout le reste est parfaitement limpide, mais comme dit, au moins n’y a-t-il rapidement plus de problème une fois l’imprécision repérée.

Allez, pour achever de pinailler, on pourrait remarquer qu’écrire les mots-clefs dans des couleurs différentes est habile, mais que l’intention est ternie par l’oubli d’appliquer la même règle à « Force de Volonté » et « Vétéran », tous deux typographiés en lettres gothiques rouges – même si la présentation est différente sur les cartes elles-mêmes, puisque les cartes disposant de « Force de volonté l’écrivent dans la même typographie que le reste de la carte, sans respecter la police gothique. J’assume le pinaillage complètement dérisoire, parce que ce texte reflète aussi ce qui a pu me surprendre pendant mes premières parties – et que la nécessité de parler de ce genre de détails souligne assurément l’excellence du reste.

Au lieu de jouer une carte, on peut effectuer une relève : remplacer une carte de son tableau par une carte de sa main en défaussant le nombre de cartes correspondant à son coût de relève.

Troisième action possible, l’utilisation de ses jetons d’activation pour piocher une carte (contre 1 jeton) ou trois (contre 2 jetons), ou encore, non moins essentiel, pour activer l’effet d’une carte possédant le symbole de jeton d’activation. Vous voyez l’intérêt des cartes permettant de récupérer des jetons déjà utilisés, d’autant qu’on n’en a que 2 au début de la partie, et qu’il faut une manipulation bien particulière pour gagner le troisième, voire le quatrième (en remplissant la condition d’une carte Immortel spécifique).

Quand on n’a plus de jeton d’activation, et qu’on ne souhaite plus ou ne peut plus jouer de cartes, on passe son tour : son adversaire peut alors jouer jusqu’à trois tours supplémentaires avant que l’on passe à la Grande Bataille, où chacun additionne simplement la valeur de toutes les cartes de son tableau, avec les modificateurs qui vont bien.

Le vainqueur obtient un jeton Suprématie, puis toutes les cartes sur leur face cachée sont retournées face visible, et chacun (en commençant par le vainqueur, logique mais intéressant) sacrifie la moitié de ses cartes en jeu, complète sa main, reprend ses jetons d’activation, avant que le perdant commence une nouvelle manche.

La victoire est obtenue quand un duelliste obtient un deuxième jeton Suprématie… mais également aussitôt qu’il contrôle 15 cartes face visible, qu’il devrait débloquer un cinquième jeton d’activation, ou remplit la condition de victoire de cartes spécifiques. Si cela n’arrivera pas par surprise, inutile de dire qu’une attention de tous les instants sera nécessaire pour éviter de se faire damer le pion en pleine partie, attention qui sera évidemment d’autant plus intéressante que l’on maîtrisera Gosu X, et que l’on connaîtra à la fois les possibilités de son deck et des cartes de son adversaire.

On appréciera également que cette multiplicité de conditions de victoire empêche une partie de s’éterniser, en plus de lui conférer bien sûr une dynamique toute particulière, qu’elle n’aurait pas eue si la victoire ne se jouait que lors de la Grande Bataille. Pour autant, la quasi-totalité des parties s’achèvera par la suprématie, l’addition des autres conditions créant essentiellement un élément de tension hypothétique et un garde-fou contre les duellistes imprudents.

 

 

Gosu X, grandes batailles pour un grand jeu ?

Gosu X paraît dans une difficile période de vague de jeux pour deux, y compris de jeux de cartes initiés pour deux, et a donc grandement besoin d’une identité graphique et mécanique forte pour surnager face à une concurrence redoutable.

Éditorialement, c’est déjà une réussite qu’il me paraîtrait difficile de contester. Si le sac en tissu… ne sert simplement à rien, on apprécie qu’un plateau dont on aurait pu se passer apporte une aide visuelle à la partie, les pions en bois jolis et lisibles, la qualité des tuiles et l’idée astucieuse de faire de leur verso une aide de jeu au cours de la partie (leur recto représentant l’effet qu’elles ont pendant la partie si leur clan n’est pas choisi), et bien sûr le formidable travail de David Sitbon, qui a livré énormément d’illustrations uniques et magnifiques dans huit univers distincts pour faire sentir la diversité et la richesse de la mythologie de Gosu X. Difficile à mon avis de ne pas y être sensible, et de ne pas trouver le prix de 30 euros tout à fait honnête pour un tel produit.

Quant au jeu Gosu X lui-même… il est à l’image de son édition, ergonomique et raffiné. La seule idée du draft de clans séduit déjà, chaque duelliste sélectionnant 3 des 8 clans pour bâtir son deck, avec tout ce que l’on peut imaginer de synergies originales à explorer, et cette impeccable idée que les clans non choisis influencent la partie par un effet propre. Ce genre d’idées malines infuse tout le système mécanique, des effets directs mais malicieux des cartes à leur pose… ou leur sacrifice, avec une forte tension que l’on n’imagine pas d’abord autour de la pioche ou du retournement au bon moment des cartes adverses par exemple. Sans parler des différentes conclusions possibles à la partie, jolis garde-fous contre le duelliste imprudent.

Cette richesse des cartes permet de continuer de découvrir des combinaisons après de nombreuses parties, renversant presque constamment les habitudes qu’on aurait pu commencer à prendre sur Gosu X – garantissant un jeu dont j’aurais du mal à croire qu’il quitte la ludothèque des personnes en ayant fait l’acquisition tant il ressemble en tous points à l’image qu’on peut s’en faire a priori, en termes d’univers, de cible, d’édition, de règles et donc de qualité mécanique.

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