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Slay the Spire : et si le meilleur deckbuilding était un jeu vidéo ?

Slay the Spire couverture

Slay the Spire : et si le meilleur jeu de deckbuilding était un jeu vidéo ?

Le deckbuilding est cette mécanique socioludique consistant à commencer la partie avec un deck très faible (souvent identique à celui des autres joueuses et joueurs), et à l’améliorer et le personnaliser en cours de partie, par l’acquisition de nouvelles cartes toujours plus puissantes, ou créant des combinaisons toujours plus redoutables.

Si le modèle en est Dominion, on a déjà longuement évoqué dans ces pages ClankEminent DomainCowboy Bebop : Space SerenadeGod of WarDark SoulsAeon’s EndTea for 2Dinoblivion, DC Comics et même deux VG Awards, La Vallée des MarchandsMystic Vale, sans parler des dérivations du deckbuilding comme le bag-building (OrléansAltiplanoCharlatans de Belcastel, Champ d’honneur), le coin-building (Nidavellir), le mug-building (Gnomopolis) ou le dice-building (Era : Mediaval Age) voire le dice-crafting (Dice Forge), plus éloigné mais obéissant à plusieurs logiques similaires. Bref la mécanique est répandue, et si vous me suivez un peu, vous savez que je la définis régulièrement comme ma préférée, même si bien des exploitations en sont moins convaincantes que d’autres.

Or, quelle n’a pas été ma curiosité quand on m’a parlé de Slay the Spire, développé par MegaCrit et publié en janvier 2019, comme du meilleur jeu de deckbuilding… alors même qu’il s’agit d’un jeu vidéo, solo de surcroît. Et à force d’entendre des personnes de confiance me le dire encore et encore, j’ai fatalement fini par l’acquérir sur Nintendo Switch – mais il est aussi disponible sur PC, Mac et PS4 pour un prix allant de 20,99 à 24,99 euros.

Il faut dire que non content d’être un jeu de deckbuilding, Slay the Spire est aussi un roguelite, simulant l’exploration d’un donjon généré procéduralement et exploitant l’idée de mort permanente, précisément un genre que j’explore beaucoup depuis mon coup de cœur pour Hades afin de trouver des titres comparables – mais de même que j’avais hésité à me lancer dans Hades après avoir été peu convaincu par The Binding of Isaac, j’ai beaucoup hésité à tenter d’autres roguelites après Hades de peur que rien pour l’instant ne fasse aussi bien…

 

Slay the Spire est déjà un bon jeu de deckbuilding, au sens où il est attentif à en respecter les meilleurs codes : après avoir choisi son héroïne ou héros parmi quatre (que l’on débloque assez rapidement pour les deux premiers), et avoir reçu son deck unique, mais identique pour chaque partie que l’on mènera avec cet avatar, on affronte des monstres, et chaque victoire nous donne le choix d’une nouvelle carte parmi trois. En outre, des feux de camp nous permettent de regagner des vies ou d’améliorer l’une de nos cartes (chacune étant améliorable une seule fois), et des marchands permettent d’en acheter de nouvelles ou d’en retirer définitivement, sans parler des rencontres aléatoires aux effets les plus divers (jusqu’à la transformation ou l’amélioration de toutes les cartes de base). Toute la panoplie du bon deckbuilding.

Notons d’ailleurs que le deck de départ et l’ensemble des cartes sur lesquelles on pourra tomber dépendent du personnage choisi, chacun ayant sa spécialité et proposant des synergies, plusieurs tactiques que l’on tentera de mêler ou entre lesquelles on choisira. La variété des cartes, très correcte, est volontairement limitée : à chaque fin de run (une victoire à la fin du troisième monde ou une mort plus tôt), une jauge augmente, débloquant de nouvelles cartes sur lesquelles on pourra tomber, ce qui n’aurait eu aucun sens sans l’impression d’avoir fait le tour des cartes disponibles et le désir d’en voir d’autres. Un équilibre qui ne fonctionne pas toujours si bien, parce qu’à plusieurs seuils je haussais les épaules devant de nouvelles cartes pas si impressionnantes, et à un stade où j’étais loin de maîtriser tout le set actuel, enfin une idée intéressante pour progresser quelque part malgré la mort.

Slay the Spire début

Mais… Slay The Spire est un jeu gouverné par la génération aléatoire. On a beau choisir plus ou moins un sentier et savoir si l’on va vers un ennemi banal, un ennemi d’élite, un boss, un coffre, un feu de camp ou une rencontre aléatoire, certaines confrontations s’avéreront bien plus punitives ou frustrantes que d’autres, et bien sûr la victoire dépendra beaucoup des cartes sur lesquelles on tombe.

Surtout, Slay the Spire repose sur un système de reliques qui s’accumulent au long du run (et disparaissent ensuite) pour constituer une véritable usine, à la manière des bienfaits dans Hades. Or ces reliques sont si différentes que deux parties ne se ressembleront jamais… mais que l’on saura aussi assez vite que l’on n’ira pas bien loin parce que nos reliques sont décidément moyennes. Au point que vous vous reprocherez rarement une mort, et que vous pourrez très aisément accuser le tirage des reliques au long du run plutôt que le choix des cartes du deck puis leur pioche, bref ce qui ne dépend pas de vous plutôt que ce qui dépend de vous, plutôt embêtant.

Slay the Spire gains

Or, à part faire progresser sur cette jauge de déblocage de nouvelles cartes et reliques, une mort n’avance à rien. Et je n’aime pas les roguelites sans aucun sentiment de progression, où l’on joue encore et encore en espérant simplement que notre skill va s’améliorer miraculeusement ou que les astres vont s’aligner. C’est d’ailleurs pourquoi je continue d’admirer Hades comme l’un de mes jeux de 2020 et un modèle du genre : la progression entre les runs est évidente en plus d’être très bien pensée, de sorte qu’une mort incite naturellement à retenter l’aventure, vécue comme une étape plutôt que comme un échec – la prévisibilité des salles aide, bien sûr. Désolé Rogue Legacy ou Dead Cells, vous avez trouvé un maître.

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Néanmoins, Slay the Spire m’a régulièrement inspiré un désir grisant de toute-puissance, particulièrement avec le troisième avatar (le Défectueux), celui avec lequel j’ai pour la première fois achevé le deuxième acte, puis le troisième, quand le premier (le Soldat) m’a demandé le plus de tentatives, et de loin. Parfois vous accumulez tant de reliques que vous ne comprenez plus ce qu’il se passe, mais que cela n’importe pas, vous êtes un dieu.

Slay the Spire combat

Pour quelques runs grisants, j’ai été souvent découragé par l’absurde répétitivité du jeu, comme un cycle d’échecs sans fin. Inutile de dire que j’ai arrêté peu après avoir découvert les ascensions, l’augmentation de la difficulté sans contrepartie (encore une fois, difficile de passer après Hades, que je relance avec plaisir même après avoir atteint avec chaque arme une température de 5 à 15).

J’ai tout de même tenu à arriver jusqu’à la fin avec les quatre héroïnes et héros afin de ressentir un modeste sentiment d’accomplissement plutôt que d’abandon, et de conférer un quelconque sentiment de légitimité à cet avis – on n’est jamais à l’abri d’une révélation, comme le déblocage d’un cinquième avatar, d’un nouveau type de salles, la constitution initiale de son deck à partir des cartes des différents personnages, que sais-je.

Notez encore une fois que, quand je parle de répétitivité, je ne veux pas dire manque de variété : entre la place laissée au hasard, et donc au renouvellement, dans chaque partie, un mode défi quotidien fixant une héroïne ou un héros et un set de reliques pour opposer la performance de toutes les joueuses et joueurs s’y attaquant, et un mode personnalisé… vraiment personnalisé, avec une quarantaine de modificateurs de toutes natures (et la possibilité d’enregistrer cette combinaison sous un code numérique, que l’on peut donc réutiliser ou communiquer à quelqu’un sans avoir à lister chaque modificateur), on devrait théoriquement bénéficier d’une source de plaisir pratiquement infinie.

Aussi bien pensée soit-elle, elle ne m’a pas suffisamment inspiré le désir de rejouer (qui définit au moins autant la rejouabilité que la variété) : je relance de temps à autre le mode personnalisé pour m’amuser un run, mais il ne débloque rien et cela reste de l’ordre d’une satisfaction courte et gratuite, tandis que je n’ai pas assez l’esprit de compétition ni assez de compétences pour me sentir apte à détrôner qui que ce soit du leaderboard. Ces modes alternatifs auraient constitué des bonus conséquents si le jeu de base Slay the Spire avait été plus percutant, alors qu’ils témoignent en l’état d’une conception soignée, mais insuffisante pour mon expérience de joueur personnelle.

 

Slay the Spire reliques

Enfin la moralité restait évidente : j’aimais infiniment mieux Hades, pas seulement meilleur mais aussi plus mûr à bien des points de vue – tous pratiquement, si l’on excepte ce sentiment d’omnipotence plus puissant dans les meilleures collections de reliques de Slay the Spire qu’avec les meilleurs builds d’Hades, toujours avec cette réserve que dans Hades, on choisit un peu les bienfaits dont on profite, on sait exactement lesquels sont appliqués sur notre personnage, et on essaye donc d’en optimiser l’usage.

J’attends alors avec la plus grande impatience Griftlands, sur Switch en été normalement et déjà accessible sur Steam en bêta (où il est doté d’une prometteuse et généreuse démo gratuite), un deckbuilding…  cette fois pleinement narratif (alors que Slay the Spire ne propose rien qui ressemble à une histoire) et assez malin pour ce que j’en ai vu ! Attention, son prix augmentera cet été, quand les développeurs (Klei Entertainment, derrière pas moins que Don’t Starve) estimeront les additions assez substantielles, donc si vous le souhaitez sur Steam, ne tardez pas.

Cela ne m’empêchera d’ailleurs pas de regarder de très près la campagne de financement participatif pour le… jeu de société Slay the Spire de Contention Games, au printemps !

 

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2 Commentaires

  1. Merci pour cet avis !
    En effet je me retrouve complètement dedans à l’exception notable que je n’ai pas essayé Hadès. En revanche, j’adore les deck buildings et notamment Dominion au point que j’en ai 4-5 boites et que j’y ai joué en ligne.
    Et maigres cet amour pour les jeux de deck-buildings je n’arrive pas à accrocher à « Slay the spire » que je trouve effectivement très frustrant. Pour moi cette phrase « Pour quelques runs grisants, j’ai été souvent découragé par l’absurde répétitivité du jeu, comme un cycle d’échecs sans fin.  » est un parfait résumé de Slay the Spire que j’aurais aimé aimer.

    • Merci pour l’appréciation de l’article, même si j’aurais préféré vous voir en complet désaccord et plus fan de Slay que je ne l’ai été… Vous pourriez du coup bien mieux vous retrouver dans Monster Train (que l’on m’a beaucoup recommandé, mais pas essayé encore) ou Griftlands (dont la démo est disponible gratuitement sur Steam), deux autres deckbuildings digitaux bien plus performants que Slay ! 🙂