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Splendor Marvel : thématisation opportuniste ou meilleure version d’un classique ?

Splendor Marvel, thématisation opportuniste ou meilleure version du jeu ? (Super-Games)

 

Après Gotham City ChroniclesL’Ascension de Thanos, Marvel Champions (avec ses extensions Captain America, Miss Marvel et Le Bouffon vert) et DC Comics Deck-Building (avec ses extensions Birds of Prey et Watchmen), la sortie ces jours-ci de Splendor Marvel offre une nouvelle occasion de se pencher sur le recours aux super-héros dans le jeu de société.

La question est d’autant plus brûlante ici que Splendor Marvel est bien entendu la thématisation du culte Splendor de Marc André (Running Quest: Soul Raiders), dont l’ambiance renaissante dissimulait mal la grande abstraction. Y coller le MCU pourrait donc prouver un simple opportunisme, vide de tout sens ludique, mais des jeux comme Star Wars Unlock!Le Gant d’Infinité ou Small World of Warcraft (tous trois en test bientôt), également parus ces jours-ci et également au sein d’Asmodee, manifestaient le désir de faire quelque chose de leurs univers populaires…

Or ces questions m’intéressent particulièrement. J’avais consacré un chapitre entier à les poser sur les jeux de société impliquant Batman dans mon livre Qui est le chevalier noir ?, et en tant que blogueur pour Comics have the Power et podcasteur pour Batman Legend, conférencier et chercheur universitaire sur les super-héros, j’ai, comme tout passionné, spontanément tendance à vouloir creuser un peu davantage les produits culturels impliquant cette passion, aussi légers qu’ils puissent sembler – on n’en attend bien sûr pas autant d’un Splendor Marvel que d’un Gotham City Chronicles.

Aussi suis-je très heureux d’accueillir en fin d’article l’avis de Thomas Savidan, nouvelle recrue de VonGuru et collègue de longue date de Comics have the Power, où ses articles fréquents et de qualité méritent votre lecture !

Habituellement, je nomme les illustrateurs ayant travaillé sur le jeu de société en introduction de mes critiques. Or, et comme c’est trop souvent le cas pour les produits à licence, Splendor Marvel recourt à des images tirées directement de comics… sans jamais nommer leurs auteurs. Je m’en étais scandalisé dans Marvel Champions, je continue de déplorer profondément qu’on ne crédite pas des personnes ayant largement contribué au jeu, même indirectement, et que la stimulante invitation à lire des comics que pourraient constituer les jeux de ce genre soit bloquée par l’incapacité du joueur à retrouver les comics dont il pourrait apprécier les dessins qui en sont extraits.

Ce petit coup de gueule poussé, je n’envisagerais pour autant pas de ne pas parler de Splendor Marvel, d’abord parce qu’il s’agit d’une critique adressée à l’industrie en général, dépassant le cas de ce seul Splendor Marvel, et ensuite… parce que Splendor Marvel est tout de même vraiment un bon jeu – à mon avis du moins, qui ne sera peut-être pas celui de Thomas ?

Vendu 32 eurosSplendor Marvel s’adresse à 2 à 4 super-héros de 8/10 ans et plus, en étant un peu meilleur à 2 (on expliquera plus tard pourquoi), mais tout à fait fluide et bon dans ses trois configurations dont dépendra la durée des parties, de 30 à 45 minutes.

 

Quand les joyaux de Splendor se font gemmes d’infinité

Splendor Marvel est impeccablement thermoformé : sont ainsi séparées les cartes Personnage de niveau 1, 2 et 3 (dont le dos et le nombre de points au dos sont distincts pour plus de lisibilité, y compris par les daltoniens), qu’il faut aligner au centre de la table en dévoilant les quatre premières cartes de chaque pile ; les différents types de jetons représentant les six gemmes de l’infini (Esprit, pouvoir, Réalité, Espace, Âme et Temps) et le SHIELD, que l’on met à disposition des joueurs dans une quantité dépendant de notre configuration ; les 4 lieux double-face dont on dispose à proximité autant d’exemplaires que de joueurs sur une face au hasard ; la tuile Avengers et la tuile Gant de l’Infini.

Il n’y a ainsi qu’à sortir les différentes piles de cartes et de jetons de l’insert, à retirer assez intuitivement ce qui ne correspond pas au nombre de joueurs autour de la table, à disposer les personnages, et la partie peut déjà commencer. Splendor était un modèle du jeu-passerelle, initiant les néophytes aux subtilités du jeu de société moderne, Splendor Marvel conserve cette philosophie rassurante.

 

Les tours sont eux-mêmes très simples : dans le sens horaire, chacun n’accomplit qu’une action parmi quatre.

La première action consiste à prendre 3 jetons de couleurs différentes.

La deuxième action consiste à prendre 2 jetons de la même couleur, à condition qu’il reste au moins 4 jetons de cette couleur avant que l’on en prenne. Pas forcément très intuitif au début, on finit vite par l’intégrer… et par concevoir les possibilités de blocage que cela implique, puisque prendre deux gemmes d’un même type empêchera généralement les autres de faire de même.

De quelque manière que l’on récupère les jetons, on ne peut en posséder plus de 10 – il faut à la fin du tour défausser tous les surnuméraires, donc on peut continuer d’en récupérer pour faire du tri ensuite – et l’on ne peut pas prendre de gemmes du Temps et de jetons SHIELD. L’occasion de déplorer que les règles parlent de « jetons verts et gris » là où « gemmes du Temps et jetons SHIELD » leur aurait ajouté une indéniable cohérence thématique plutôt que ce curieux effort d’abstraction.

 

 

La troisième action consiste à recruter un personnage. Pour cela, on défausse les gemmes correspondant à son coût et on le place devant nous, en le remplaçant au centre de la table par la première carte de la pioche. Les personnages sont des cinq couleurs des gemmes « usuelles » (jaune, bleu, orange, rouge, violet, mais pas vert). Posséder un personnage d’une couleur diminuera ensuite d’une gemme de cette couleur le coût de tous les personnages l’exigeant pour être recrutés. C’est que Splendor est un jeu épuré d’engine-building (de construction de moteur), où nos actions facilitent les actions futures. On imagine bien qu’à un certain stade, on pourra ainsi recruter des personnages sans dépenser aucune gemme !

Si l’on recrute un personnage de niveau 3, on récupère en outre une gemme du Temps, seulement là pour rappeler que l’on possède au moins un personnage de niveau 3.

La quatrième action consiste à « réserver » un personnage, c’est-à-dire à prendre une carte de notre choix parmi celles face visible – on peut aussi piocher la première carte d’une pile, mais cela n’a pas grand intérêt. On ne peut pas ainsi réserver plus de trois personnages, mais on sera seul à pouvoir les recruter, une jolie manière de mettre de côté un personnage intéressant beaucoup un adversaire, ou au contraire un personnage nous intéressant beaucoup mais que l’on n’aurait pas encore les moyens de recruter et donc on craindrait que l’adversaire nous la prenne.

Il va de soi que l’on ne recourra à cette possibilité de bloquer un peu un adversaire qu’à deux joueurs, très très rarement à trois. Cette action n’est pas en soi « rentable » par rapport à un véritable recrutement ou au gain de gemmes, mais elle ajoutera une petite tension délicieuse en duel surtout. Pour compenser la « perte » qu’elle représente, on gagne un jeton SHIELD en plus de la carte réservée. Ce jeton SHIELD pourra servir de Joker, et remplacer lors d’un recrutement n’importe quelle autre gemme, très pratique aussi pour débloquer une situation où nos adversaires monopoliseraient un type de gemme.

C’est la principale raison pour laquelle je préfère Splendor Marvel à deux qu’à trois ou quatre (comme le Splendor classique d’ailleurs). L’interaction n’est pas assez présente pour que l’on s’intéresse à ce qui se passe pendant le tour des autres, de sorte qu’à deux le jeu est juste un peu plus tendu et dynamique sans aucun des inconvénients que l’on peut retrouver à plus. Il n’en est pas plus ennuyeux à trois ou quatre attention, Splendor Marvel a été bien pensé pour s’avérer très dynamique, il l’est seulement moins qu’à deux.

 

 

Les auteurs ont alors eu une idée judicieuse afin de créer un peu plus de tension. Certaines cartes Personnage portent 1 ou 2 symboles Avengers. À partir du moment où un joueur cumule sur ses cartes 3 symboles Avengers ou plus, il récupère la tuile Avengers rassemblement, qui vaut 3 points. Mais à chaque fois qu’un joueur réunit un nombre strictement supérieur de symboles, il prend la tuile pour lui. Comme les symboles ne sont pas si courants, les cartes qui les portent s’avèrent soudain plus désirables que les autres, et Splendor Marvel y gagne en tension et en interactivité – d’autant que l’on aura désormais bien plus intérêt à réserver une carte portant un ou deux symboles par exemple.

Comme dans Splendor, à la fin de son tour, si l’on cumule le nombre de cartes représenté sur une tuile Lieu sur la table, on la récupère. Elle vaudra également 3 points, et seul le premier à en remplir l’objectif commun y aura cette fois droit.

 

La partie s’achève quand un joueur a rempli les conditions de la tuile Gant de l’Infini, qui n’a ainsi pas d’autre utilité que de rappeler constamment les règles pour la victoire et d’ajouter un peu au thème de Splendor Marvel (puisqu’on gagne quand même le gant pour lequel on s’est tant battu, même pour quelques secondes avant le rangement du matériel).

Au lieu de se contenter de 15 points comme dans Splendor, une règle qui intensifiait la course mais pouvait s’avérer un peu frustrante, il faut désormais cumuler 16 points sur ses cartes (qui en valent entre 0 et 5), ses tuiles Lieu et sa tuile Avengers Rassemblent, en plus de posséder au moins une carte de chaque couleur et une carte de niveau 3 (c’est-à-dire une gemme de chaque type). Quand un joueur réunit ces conditions, on termine tout de même le tour de table afin que chacun ait joué autant que les autres (sans quoi on accentuerait dramatiquement le très léger avantage du premier joueur) afin que tous aient une ultime chance de cumuler plus de points. En cas d’égalité aux points, il faut posséder la tuile Avengers Rassemblement.

 

Splendor Marvel est-il vraiment un jeu Marvel ?

Thématiquement, les problèmes sont évidents avant même de regarder les cartes. Qu’est-ce que cela signifie 1. de collecter plusieurs gemmes d’un même type (alors que par définition il n’existe qu’une gemme de l’infini de chaque) 2. que l’on dépense 3. pour recruter des personnages 4. représentant eux-mêmes des gemmes de l’Infini pour réduire les recrutements suivants, la gemme sur laquelle s’opère la réduction ne figurant souvent même pas dans le coût de la carte permettant la réduction ?

Quand on regarde les cartes elles-mêmes, l’incohérence du tout est plus flagrante encore. Pourquoi recrute-t-on si indifféremment des super-vilains (Kraven, Bullseye, le Vautour, Dr. Octopus, le Caïd…) et des super-héros dans la même équipe ? S’allient-ils pour récupérer le Gant de l’Infini avant Thanos ? Ma foi pourquoi pas, mais dans ce cas, formuler une seule phrase de synopsis pour expliquer cette situation incongrue aurait été assez bienvenu non ? Au contraire, la bizarrerie est accentuée par le fait que la boîte ne parle que de recruter des « héros »…

Et alors ceux qui aiment polémiquer sur « X est plus fort que Y » vont verdir en constatant la curieuse gestion des puissances proposée par Splendor Marvel. Franchement, voir Black Widow ou Gamora en héros de niveau 3 alors que M.O.D.O.K., le Grandmaster (bon, admettons qu’il s’agit de sa version des films, même si l’illustration évoque plutôt l’entité très puissante des comics) ou Valkyrie sont classés en niveau 1 ? On me rétorquera peut-être qu’il s’agissait de mettre les Avengers principaux en niveau 3, une jolie manière d’accentuer leur importance dramatique, enfin Hawkeye est en niveau 1 avec Rocket  alors que Black Bolt ou le Bouffon vert sont en niveau 3, où l’on trouve même Nova, seul héros de niveau 3 à n’être jamais apparu dans un film ou une série Marvel !

On pourra enfin pinailler en signalant l’absence complète des X-Men ou des 4 Fantastiques. La raison n’en est évidemment pas qu’on ne pouvait faire figurer tout le monde sur les cartes : on aurait aisément pu se passer de Lizard, Triton ou Prowler (le Rôdeur), voire de tous les super-vilains, pour les remplacer par ces personnages plus qu’emblématiques. Splendor Marvel cherche clairement à se resserrer autour d’un MCU au sens large, avec quelques ouvertures ciblées. On peut y trouver trois explications :

  • soit la difficulté connue de Marvel à sur-représenter des personnages dont la Maison des idées ne possède pas les droits cinématographiques. On sait par exemple à quel point les 4 Fantastiques ont pu être occultés des comics. La récupération de Spider-Man est actée, mais celle des X-Men est trop récente et n’est pas encore présente dans l’imaginaire collectif puisqu’ils n’ont jamais encore partagé l’écran avec les Avengers.
  • soit le ciblage d’un grand public nourri par le Marvel du cinéma et des séries.
  • soit la prévision d’extensions, qui auraient ainsi plus de sens en intégrant carrément de nouvelles équipes que si elles se contentaient d’ajouter arbitrairement une liste de personnages absents de la première boîte.

J’aurais bien sûr tendance à miser plutôt sur le second point en espérant que le troisième se vérifiera également…

 

Il ne s’agirait cependant pas de reprocher trop bêtement à Splendor Marvel de ne pas être ce qu’il n’a jamais prétendu être. En attendre autant d’immersion que d’un Marvel Champions serait ridicule, et si en tant que fan ou même que connaisseur on pourra être surpris par quelques choix, presque bloqué par l’impression d’un plaquage artificiel et mercantile, on n’en appréciera pas moins quelques jolies touches.

En particulier cette idée des symboles Avengers, qui invite à réunir autant de Vengeurs canoniques que possible. Manifestement, les auteurs ont parfois fait entendre leur fibre bankable (en misant sur le MCU) et parfois leur fibre plutôt comics, de sorte que Spider-Man ou les Gardiens ne portent aucun symbole quand Quake, Wasp, Spider-Woman, Okoye, Beta Ray Bill, Quicksilver ou Ms. Marvel en sont bien dotés. Du moins a-t-on autant de plaisir que d’intérêt à viser la tuile Avengers, rassemblement !

En outre, les huit lieux sont une jolie sélection des plus emblématiques de l’univers Marvel, et l’on appréciera les emprunts aux dimensions parallèles (avec une jolie collection de Spider-Man alternatifs par exemple, jusqu’à Spider-Ham) ainsi que l’utilisation de personnages bien plus obscurs que les seuls Avengers du MCU, même si l’absence de toute traduction des quatre ou cinq noms différents en français et anglais est tout de même vraiment dommage.

En acceptant que l’univers Marvel ne soit pas parfaitement malléable à un jeu aussi abstrait ou rigoureusement simple que Splendor, et que cela aboutit à bien des étrangetés thématiques, on ne peut qu’apprécier l’invitation au voyage représentée par ces 90 personnages uniques, pris dans les comics (même sans savoir où malheureusement) et illustrant donc autant de styles divers, du plus cartoon au plus pictural.

 

 

Splendor Marvel, gemme infinie du jeu de société ?

Splendor Marvel est une rethématisation du culte Splendor, un jeu de base alternatif profitant des plus grandes qualités de son aîné (les jetons de Poker pour les pierres précieuses, l’excitante dimension de construction de moteur, l’accessibilité) et tentant de corriger ses éventuelles limites en y injectant plus d’interaction, plus de tension pour des cartes à la désirabilité plus variable, et des conditions de victoire plus satisfaisantes, offrant aux joueurs une progression plus harmonieuse sans être moins satisfaisante.

Si le thème Marvel ne fait globalement aucun sens, ce Splendor Marvel n’est pour autant pas que le plaquage opportuniste d’un thème bankable sur un titre abstrait. D’abord parce que Splendor Marvel n’est pas Splendor avec des personnages Marvel, mais un Splendor puisant quelques nouvelles idées dans ses extensions pour un jeu de base assez évidemment meilleur que l’ancien. Ensuite parce que certaines de ces nouvelles idées mécaniques viennent directement du nouveau thème, comme l’importance de réunir les Vengeurs ou de réunir les six gemmes.

Enfin parce qu’avec toute son abstraction, Splendor Marvel a l’avantage graphique de composer avec des cartes fortement individualisées, dont vous finirez spontanément par retenir que tel vilain ou héros est de niveau X, associé à telle gemme, rapportant tant de points et de symboles Avengers… Vous aurez sans doute même tendance parfois à acquérir une carte pour ce qu’elle représente plus que pour son apport mécanique, belle preuve que quelque chose fonctionne !

Une grande question demeure : s’il est établi que Splendor Marvel est un jeu meilleur que Splendor, et à moins d’une allergie patente à l’univers Marvel un choix évident au détriment de son aîné, est-il intéressant de l’acquérir quand on possède déjà le premier Splendor ? Il y a à mon avis trois cas de figure :

  • Si vous possédez Splendor avec ses extensions, et savez les moduler avec aisance pour en tirer le meilleur, vous bénéficierez bien sûr d’une expérience ludique plus riche que le seul jeu de base Splendor Marvel. Il faudra alors reposer cette question si des extensions (par exemple X-Men et Quatre Fantastiques) voient le jour…
  • Si au contraire vous possédez quelques extensions, mais pas toutes, peut-être pas les meilleures, sans les manier avec beaucoup d’aisance, et peinez à les sortir, Splendor Marvel a cet avantage d’y puiser, pour une unique boîte cohérente et accessible, donc aisée à sortir avec des néophytes et satisfaisante même avec des habitués.
  • Si vous êtes très sensibles à l’univers Marvel, Splendor Marvel pourra aisément supplanter Splendor et paraît même assez incontournable tant le produit dérivé est de qualité.

 

L’avis de Thomas Savidan : Un joueur néophyte resté bloqué à Monopoly et Cluedo ressentira-t-il les mêmes sensations devant Splendor Marvel ?

Attiré par ce dérivé de ses personnages préférés de comics, il sera sans doute d’abord conquis par la qualité des illustrations. On retrouve des héros plus connus aux assistants plus obscurs. Mais pourquoi avoir inclus des criminels alors que le but est de recruter une équipe de héros ? Le design soigné de chaque carte et la qualité des pièces faisant penser à des jetons de poker est aussi à souligner. La hiérarchie est dans l’ensemble fidèle aux comics – Thor, très puissant, exigera une dépense importante alors que Spider-Man est plus facile à recruter. Mais, en toute mauvaise foi, il se demandera pourquoi mettre la Sorcière rouge si bas ?

Le naïf joueur débutera par la lecture de la notice courte mais intense. Si le premières lignes peuvent le perdre, on comprend très vite les ressorts principaux du jeu tout en saisissant les subtilités. Une fois les cartes et les pièces positionnées, la partie démarre relativement lentement. Les joueurs débutants sont en effet un peu perdus entre les multiples zones à guetter (les pièces restantes, les personnages à choisir, les lieux et les jeux de ses adversaires). Cela commence même mal car, en oubliant de trier les personnages, on ne sort que des personnages bleus… Un des joueurs réussira-t-il à récupérer les gemmes de l’infini avant la nuit ? Rien n’est moins sûr.

Comme tous les participants sont perdus, on échange et on discute des choix possibles. Ce n’est certes pas forcément le but mais Splendor réussit à créer une ambiance joyeuse. Loin de la compétition pour sauver l’univers, un ami daltonien s’inquiète des couleurs des pièces très proches mais un autre le rassure car chaque jeton a des pierres d’une forme différente. Un troisième l’informe qu’il a même gagné s’il prend une carte de lieu.

Au fil des tours et des parties, le groupe prend ses marques et le rythme s’accélère. Le plaisir monte à suivre les différents choix possibles pour soi-même et pour les autres : faut-il prendre la dernière pièce bleue ou se réserver Thor avant un concurrent ? Cruel dilemme qu’Hamlet n’a jamais eu à trancher. À chaque fin de partie, les derniers tours décisifs sont prenants, et la fin parfois différée par le « vol » de la carte Avengers est une totale réussite. On n’est jamais sûr de gagner jusqu’à ce que la dernière carte soit posée.

Exténués par tant d’effort pour éviter que Thanos ne réalise son objectif, on ne s’ennuie jamais entre les tours grâce aux multiples zones à suivre. Enfin le choix de l’univers des comics Marvel fonctionne très bien avec la logique du jeu. La mise en place d’une équipe de héros ou de criminels pour empêcher la fin imminente du monde est complexe dans les premiers tours puis de plus en plus stratégique alors que la bataille finale s’annonce.

 

 

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